Grosses délivrées
REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
15ème Chambre - Section B
ARRET DU 15 SEPTEMBRE 2006
(no 06/ , 05 pages) Numéro d'inscription au répertoire général :
05/02172 Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Novembre 2004 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 03/8357 APPELANTES Madame Brigitte, Edith X... épouse Y... ... Madame Béryl, Huguette X... divorcée Z... A... ... Madame Martine, Barbara, Colette X... épouse B... DE LA C... ... représentées par Me François TEYTAUD, avoué à la Cour assistées de Me Alexandra JOUCLARD, avocat au barreau de PARIS, toque R119, plaidant pour le cabinet FLENKEL- LIZAMBARD INTIMEES S.A. CAISSE DE CENTRALE DE REESCOMPTE, prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 44 rue de Washington 75008 PARIS S.A. CCR CHEVRILLON-PHILIPPE prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 4/6 Rond-Point des Champs Elysées 75008 PARIS représentées par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour assistées de Me Marie-Laure ROUQUET, avocat au barreau de NANTERRE, toque : NAN 7O1 COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 09 Juin 2006, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Claire DAVID, Conseiller faisant fonction de président
Madame Evelyne DELBES, Conseiller
Monsieur Louis DABOSVILLE, Conseiller
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du nouveau Code de procédure civile Greffier, lors des débats : Mlle Céline SANCHEZ ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par Madame Claire DAVID, Conseiller faisant fonction de président
- signé par Madame Claire DAVID et par Melle Céline SANCHEZ, greffier présent lors du prononcé.
Par acte du 7 octobre 1999, M. X... a confié à la société CCR Patrimoine, devenue CCR Chevrillon Philippe, un mandat de gestion d'un portefeuille de valeurs mobilières, à orientation dynamique. La gestion de ce portefeuille a été confiée plus particulièrement à M. D..., directeur général de la société CCR Chevrillon-Philippe.
La société CCR Caisse Centrale de Réescompte a été désignée comme établissement dépositaire des titres.
M. X... est décédé le 13 janvier 2002, ce qui a entraîné la fin du mandat de gestion et l'ouverture de sa succession.
Ses deux testaments du 18 mars 1998 et du 10 juin 1999, laissaient comme héritières les trois filles de M. X... et désignaient M. D... comme exécuteur testamentaire.
En présence du notaire en charge de la succession, les héritières ont demandé, par courrier du 14 janvier 2002 adressé à M. D..., de procéder à la vente de la totalité des titres non monétaires de la
succession et au réemploi du produit de la vente en Sicav monétaires. Le notaire a confirmé à M. D... par courrier du même jour les instructions reçues des héritières de M. X....
Le 14 janvier 2002, M. D... a procédé à la vente de certains titres et décidait de procéder à la vente progressive du reste des titres en raison de la baisse enregistrée par certains titres.
Par LRAR du 24 juin 2002 et fax du 25 juin 2002, les consorts X... ont demandé à M. D... et à la société CCR Chevrillon de leur rendre compte de l'exécution des instructions du 14 janvier 2002.
Le 8 novembre 2002, les consorts X... ont procédé au partage de la succession.
Par LRAR du 30 décembre 2002, elles ont mis en demeure les sociétés Caisse Centrale de Réescompte et CCR Chevrillon Philippe de leur payer la somme de 1.417.573,16 ç en réparation du préjudice subi du fait de la vente tardive des titres.
Par acte du 14 mai 2003, les consorts X... ont assigné les sociétés Caisse Centrale de Réescompte et CCR Chevrillon Philippe devant le tribunal de grande instance de Paris afin d'obtenir la réparation de leur préjudice.
Par jugement du 24 novembre 2004, le tribunal les a déboutés de l'ensemble de leurs demandes, les a condamnés solidairement à payer la somme de 9.000 ç à chacune des sociétés au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et a prononcé l'exécution provisoire de sa décision.
La déclaration d'appel des consorts X... a été déposée auprès du greffe de la Cour le 28 janvier 2005.
Dans leurs dernières écritures, au sens de l'article 954 du nouveau Code de procédure civile, déposées le 5 avril 2006, les consorts X... demandent à la Cour :
- d'infirmer le jugement,
- de dire qu'elles sont les clientes des sociétés CCR Chevrillon-Philippe et CCR Caisse Centrale de Réescompte,
- de dire qu'elles ont donné des instructions le 14 janvier 2002,
- de dire que M. D... ne disposait d'aucun mandat personnel, et qu'il a agi en qualité de préposé et mandataire social en transmettant les instructions du 14 janvier 2002,
- de dire que les sociétés ont failli dans leurs obligations d'assistance, de conseil, de filtrage et d'information à leur égard, En conséquence,
- de déclarer les sociétés Caisse Centrale de Réescompte et CCR Chevrillon Philippe responsables in solidum du préjudice né du non respect des instructions données par eux le 14 janvier 2002,
- de condamner in solidum les sociétés Caisse Centrale de Réescompte et CCR Chevrillon Philippe à leur payer la somme de 40.116,26 ç au titre des moins-value générées par la vente tardive de certaines valeurs avec intérêts de droit à compter du prononcé de l'arrêt,
- de condamner in solidum les sociétés Caisse Centrale de Réescompte et CCR Chevrillon Philippe à leur payer la somme de 1.448.172,62 ç avec intérêts de droit à compter du prononcé de l'arrêt, au titre du préjudice subi,
- de les condamner in solidum au paiement de la somme de 30.000 ç au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Dans leurs dernières écritures, au sens de l'article 954 du nouveau Code de procédure civile, déposées le 17 février 2006, la Caisse Centrale de Réescompte et la société CCR Chevrillon Philippe demandent à la Cour :
- de confirmer le jugement,
- de condamner solidairement les consorts X... à payer à chacune d'entre elles la somme de 7 500 ç au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par conclusions de procédure du 23 mai 2006, les appelantes demandent à la Cour d'écarter des débats les conclusions déposées par les intimées le 18 mai 2006 et les pièces no 22 à 30 communiquées le 16 mai 2006 et, à défaut, de fixer de nouvelles dates de clôture et de plaidoiries.
En réponse, le 7 juin 2006, les sociétés intimées demandent à la Cour de ne pas faire droit à cette demande de rejet et, à défaut, de révoquer l'ordonnance de clôture et de fixer un nouveau calendrier de procédure. CELA ÉTANT EXPOSÉ,LA COUR Sur la procédure
Considérant que les conclusions des intimées ont été signifiées la veille de l'ordonnance de clôture signée le 19 mai 2006, les pièces nouvelles ayant été communiquées le 18 mai 2006 ;
Considérant que ces conclusions développent des éléments nouveaux en pages 19, 20, 28 et 30, auxquelles les appelantes n'ont pas pu répondre ; qu'elles n'ont pas plus pu prendre connaissance de toutes les pièces nouvelles signifiées l'avant-veille de la clôture ;
Qu'en respect du principe du contradictoire, il convient d'écarter des débats ces conclusions et pièces ;Sur le fond
Considérant que M. X... avait rédigé un testament, non remis en cause, désignant M. Dominique D... en qualité d'exécuteur testamentaire ; qu'il n'est pas contesté que M. D... exerçait à l'époque les fonctions de Directeur Général de la société CCR Chevrillon-Philippe ;
Considérant que le 14 janvier 2002, les héritières de M. X... ont écrit une lettre au notaire chargé de la succession en ces termes : "Nous vous confirmons notre désir de procéder à la vente de tous les titres non monétaires dépendant de la succession de Georges X..., notre père. En conséquence, vous voudrez bien transmettre à M. D... afin que ce dernier donne les ordres de vente aux établissements détenteurs de ces titres. Par ailleurs, le remploi du produit de ces
ventes devra être investi en SICAV monétaires." ;
Considérant qu'à réception de ce courrier précis des héritières de M. X..., le notaire a, le même jour, envoyé une lettre à M. D..., à son domicile ..., pour l'informer que M. X... l'avait désigné en qualité d'exécuteur testamentaire et pour lui transmettre la photocopie des instructions qui lui ont été remises par les héritières afin de procéder à la vente de tous les titres non monétaires et procéder au réemploi du produit de ces ventes en SICAV monétaires ;
Considérant qu'en exécution de ces ordres, M. D... s'est adressé à la Société Générale le 28 janvier 2002 par un courrier manuscrit rédigé en ces termes :
"Je soussigné, Dominique D..., agissant en qualité d'exécuteur testamentaire de M. X..., et conformément aux souhaits de ses héritières, vous prie de ne pas renouveler le compte à terme ouvert dans vos livres et d'investir les fonds relatifs à cette opération en une SICAV monétaire de votre choix." ; que cette lettre indiquait en bas de page l'adresse personnelle de M. D... ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que M. D... a ensuite sursis aux ventes des titres, en raison de la baisse brutale du cours de la bourse ;
Considérant que, pour mettre en cause la responsabilité des sociétés Caisse Centrale de Réescompte et CCR Philippe Chevrillon, les héritières de M. X... soutiennent que les instructions qu'elles ont données à M. D... ont été adressées à lui en sa qualité de préposé de la société CCR Chevrillon-Philippe ;
Mais considérant que, d'une part, il n'est pas contesté par les parties que le mandat de gestion qui avait été confié à la société CCR Chevrillon-Philippe n'a plus existé à partir du décès de son client, M. X... privant ainsi M. D..., en sa qualité de préposé de la société CCR Chevrillon Philippe, de la possibilité d'effectuer
des opérations sur le compte de son client décédé ; que, d'autre part, le déroulement des faits, tel qu'il est relaté plus haut, démontre que M. D... a été saisi officiellement par le notaire en sa qualité d'exécuteur testamentaire ; qu'il a donné ses instructions en portant son adresse personnelle au bas du courrier adressé à la Société Générale ; que le fait que l'envoi de cette lettre manuscrite ait été fait par l'intermédiaire du fax de la société CCR Chevrillon-Philippe ne fait pas présumer qu'il agissait dans l'exercice de ses fonctions de préposé de cette société ;
Considérant que les appelantes exposent qu'il est interdit aux collaborateurs d'une société prestataire de service d'investissement de transmettre sur le marché des ordres pour compte propre ;
Mais considérant que les établissements bancaires peuvent exécuter des ordres passés par un mandataire apparent, surtout lorsqu'il justifie d'instructions écrites données sous contrôle d'un officier ministériel ; qu'il appartenait à la Société Générale, en cas de doute, de demander des précisions à M. D... qui n'aurait alors pas manqué de lui adresser copie de la lettre du notaire par laquelle il avait reçu la mission de vendre les titres ; que le fait que les banques aient connu M. D... en sa qualité de préposé de la société CCR Chevrillon Philippe n'a pas pour conséquence de modifier la qualité en laquelle il agissait ;
Considérant que la demande dirigée à l'encontre des deux intimées ne peut donc pas prospérer ; que le jugement doit être confirmé ;
Considérant qu'il apparaît équitable d'allouer à chacune des intimées la somme de 2 500 ç au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;PAR CES MOTIFS,
Ecarte des débats les conclusions signifiées le 18 mai 2006 par les intimées et les pièces communiquées sous les no 22 à 30,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne solidairement Brigitte X... épouse Y..., Béryl X... et Martine X... épouse B... de la C... à payer respectivement à la société Caisse Centrale de Réescompte et à la société CCR Chevrillon Philippe une somme de 2 500 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, au titre de la procédure d'appel,
Rejette les autres demandes,
Condamne les appelantes aux dépens avec distraction au profit de l'avoué concerné dans les conditions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile. LE GREFFIER,
LE PRÉSIDENT,