Grosses délivrées
REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
15ème Chambre - Section B
ARRET DU 15 SEPTEMBRE 2006
(no 06/ , 05 pages) Numéro d'inscription au répertoire général :
05/04227 Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Janvier 2005 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 03/05544
APPELANT Monsieur Marc X... ... représenté par la SCP BERNABE - CHARDIN - CHEVILLER, avoués à la Cour assisté de Me Amélie BLANC, avocat au barreau de PARIS, toque : R132, plaidant pour le cabinet GAUSSEN INTIMEES Société CENTRALE DE CREDIT MARITIME MUTUEL Prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 24 rue du Rocher 75008 PARISreprésentée par la SCP AUTIER, avoués à la Cour assistée de Me Magalie ROUGIER avocat au barreau de LA ROCHELLE, plaidant pour la SCP GLAIRAND ROUGIER SA CREDIT COOPERATIF venant aux droits de la CAISSE CENTRALE DE CREDIT COOPERATIF, Prise en la personne de ses représentants légaux ayant so siège 33 rue des trois Fontanot 92000 NANTERRE représentée par la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU, avoués à la Cour assistée de Me Michel BACHELOT, avocat au barreau de PARIS, toque : E 955, plaidant pour le cabinet DE GRANVILLIERS BERGHEIMER CAISSE REGIONALE DE CREDIT MARITIME MUTUEL DU MORBIHAN ET DE LA LOIRE ATLANTIQUE Prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 25 rue François Gruhur 56400 AURAY représentée par la SCP CALARN-DELAUNAY, avoués à la Cour assisté
de Me Alexandra BERGHEIMER, avocat au barreau de PARIS, toque : P 181 COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 09 Juin 2006, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Claire DAVID, Conseiller faisant fonction de président
Madame Evelyne DELBES, Conseiller
Monsieur Louis DABOSVILLE, Conseiller
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du nouveau Code de procédure civile Greffier, lors des débats : Mlle Céline SANCHEZ ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par Madame Claire DAVID, Conseiller faisant fonction de président
- signé par Madame Claire DAVID et par Mlle Céline SANCHEZ, greffier présent lors du prononcé.
Au mois de juillet 1998, M. Marc X... a versé sur deux comptes ouverts dans les livres de la Caisse Régionale de Crédit Maritime Mutuel du Morbihan et de la Loire Atlantique une somme de 30 489,80 euros qui a été investie sur le MONEP.
Ses comptes accusant un important débit, M. X... a déposé le 5 octobre 1999 auprès du Procureur de la République une plainte simple pour escroquerie et prestation de services d'investissement à des tiers sans agrément. Il a, par ailleurs, saisi la Commission des Opérations de Bourse. Le rapport d'enquête de police établi le 12 juillet 2001 a conclu que les délits n'étaient pas constitués.
Par acte du 4 mars 2003, M. X... a alors assigné la société Centrale
de Crédit Maritime Mutuel, la Caisse Centrale de Crédit Coopératif, aux droits de laquelle vient la société Crédit Coopératif, et la Caisse Régionale de Crédit Maritime Mutuel du Morbihan et de la Loire Atlantique devant le tribunal de grande instance de Paris en responsabilité et paiement de dommages et intérêts.
Par jugement contradictoire du 17 janvier 2005, le tribunal de grande instance de Paris a :- débouté M. X... de ses demandes,- rejeté la demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par la société Centrale de Crédit Maritime Mutuel,- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par déclaration du 23 février 2005, M. X... a interjeté appel de cette décision.
Les dernières écritures des parties, prises en compte par la Cour au titre de l'article 954 du nouveau Code de procédure civile, ont été déposées :- le 18 mai 2006 pour M. X...,- le 22 mai 2006 pour la Caisse Régionale de Crédit Maritime Mutuel du Morbihan et de la Loire Atlantique,- le 28 avril 2006 pour la société Centrale de Crédit Maritime Mutuel,- le 1er février 2006 pour la société Crédit Coopératif.
M. X... demande à la Cour de :- infirmer le jugement entrepris,- statuant à nouveau,- constater que l'agence de Lorient de la Caisse Régionale de Crédit Maritime Mutuel du Morbihan et de la Loire Atlantique n'a pas respecté son obligation de conseil et d'information ni les règles imposées pour les investissements sur le MONEP,- constater que la Caisse Régionale de Crédit Maritime Mutuel du Morbihan et de la Loire Atlantique et ses "organismes de tutelle", la société Centrale de Crédit Maritime Mutuel et le Crédit Coopératif, ont engagé leur responsabilité et devront réparer les
conséquences dommageables de ce défaut de conseil et d'information et de sa mise en relation avec une société non agréée,- dire que la Caisse Régionale de Crédit Maritime Mutuel du Morbihan et de la Loire Atlantique, la société Centrale de Crédit Maritime Mutuel et le Crédit Coopératif devront assumer la charges des situations débitrices des deux comptes par lui ouverts à l'agence de Lorient,- les condamner solidairement à lui payer la somme de 30 489,80 euros en réparation de son préjudice matériel, celle de 7 622,45 euros "à titre de dommages et intérêts toute cause de préjudice confondu" et celle de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La Caisse Régionale de Crédit Maritime Mutuel du Morbihan et de la Loire Atlantique demande à la Cour de confirmer le jugement déféré et de condamner M. X... à lui payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société Centrale de Crédit Maritime Mutuel demande à la Cour de :- confirmer la décision entreprise,- condamner M. X... à lui payer la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif et celle de 2 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Le Crédit Coopératif conclut également à la confirmation du jugement entrepris et réclame paiement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
CELA ÉTANT EXPOSÉ
LA COUR :
Considérant que des pièces versées aux débats, il ressort qu'au mois de juillet 1998, M. X... a versé la somme de 30 489,80 euros sur deux comptes ouverts dans les livres de la Caisse Régionale de Crédit Maritime Mutuel du Morbihan et de la Loire Atlantique ; que le 16 juillet 1998, il a signé au profit de M. Armel Y..., directeur financier de la société Infi Ouest devenue SNGIO, une procuration pour effectuer en son nom sur son compte à la Caisse Régionale les opérations suivantes :
"passer des ordres d'achat et de vente d'options sur le MONEP" ;
Considérant que M. X... expose que tous ses avoirs ont été investis sur ce marché, extrêmement spéculatif, sur la nature et les risques duquel il n'avait reçu aucune information alors qu'il était un investisseur profane, et où ont été effectuées des ventes à découvert, opérations des plus risquées à une époque où les cours étaient à la hausse et dont le résultat a été catastrophique ; qu'il a perdu l'intégralité de son investissement et doit faire face à la situation débitrice de ses comptes dans les livres de la Caisse Régionale de Crédit Maritime Mutuel du Morbihan et de la Loire Atlantique ;
Considérant qu'aucune convention n'a été établie entre M. X... et la Caisse Régionale de Crédit Maritime Mutuel du Morbihan et de la Loire Atlantique ;
Considérant qu'aucun ordre de bourse émanant de M. X... n'est versé
aux débats ;
Considérant que page 3 de ses dernières écritures, la Caisse Régionale de Crédit Maritime Mutuel du Morbihan et de la Loire Atlantique indique : "courant juillet 1998, Monsieur X... a versé la somme de 30 489,80 euros (soit 200 000 FF) sur des comptes ouverts auprès de la Caisse Régionale du Morbihan, à qui il en laissait la gestion" ; qu'en page 8 des mêmes écritures l'intimée ajoute que M. X... a refusé de signer une convention d'assistance et "a laissé la Caisse Régionale du Morbihan et M. Y... passer des ordres sur le MONEP" ;
Considérant qu'il s'ensuit que la Caisse Régionale de Crédit Maritime Mutuel du Morbihan et de la Loire Atlantique a assumé, pour une part, le rôle de transmetteur des ordres passés par M. Y... muni d'une procuration de son client, d'autre part, celui de gestionnaire des comptes de celui-ci en vertu d'un mandat tacite ;
Considérant qu'il convient de rechercher si dans ces deux rôles, la banque a remplis l'obligation d'information et de conseil qu'elle avait à l'égard de M. X... ;
Considérant qu'il n'est pas établi que celui-ci ait confié procuration à M Y... à la demande de la Caisse Régionale de Crédit Maritime Mutuel du Morbihan et de la Loire Atlantique ; que l'appelant ne rapporte pas, non plus, la preuve que la société Infi Ouest - SNGIO, dont l'enquête de police menée sur sa plainte révèle qu'elle a pour objet la prise de participation dans différentes sociétés de meubles et dans une carrosserie, ou M. Y..., qu'au cours de la même enquête M. X... a indiqué avoir rencontré au fond d'un magasin de meubles, auraient entretenu des "relations privilégiées" avec la banque ;
Considérant qu'il ne peut être fait grief à celle-ci du défaut d'habilitation de M. Y..., circonstance au demeurant sans
incidence dès lors que l'intéressé agissait comme donneur d'ordres au nom de M. X... qui lui avait donné procuration, et non comme transmetteur d'ordres, rôle assumé par la banque, ou comme gestionnaire du compte de M. X... ;
Considérant que la Caisse Régionale de Crédit Maritime Mutuel du Morbihan et de la Loire Atlantique reconnaît ne pas avoir respecté la réglementation imposant à l'intermédiaire financier de remettre à son client une note d'information sur le MONEP et de n'exécuter aucune opération sur ce marché avant l'expiration d'un délai de sept jours à compter de la remise de cette note ;
Considérant qu'il est toutefois établi que M. X... avait spéculé par l'intermédiaire de la société FIMATEX, filiale de la Société Générale, sur le marché à règlement mensuel et le MONEP un an avant de prendre contact avec la Caisse Régionale de Crédit Maritime Mutuel du Morbihan et de la Loire Atlantique ; que lors de son audition par les services de police, il a déclaré que le 16 juillet 1998, il avait indiqué au préposé de cette banque, qui le recevait, qu'il avait perdu en 1997 une somme de l'ordre de 150 000 francs sur des placements sur le règlement mensuel et le MONEP ;
Considérant que M. X... avait donc connaissance du fonctionnement du MONEP et conscience des risques encourus par l'investisseur opérant sur ce marché, dont il avait déjà fait l'expérience à ses dépens, et il en avait fait part à la banque dès leur première prise de contact ;
Considérant que les opérations à découvert sont le propre du MONEP sur lequel M. X... avait déjà opéré ;
Considérant que la banque était donc dispensée de son obligation d'information à l'égard du client averti qu'était M. X... ;
Considérant que la volonté d'investir sur le MONEP de M. X... résulte clairement des termes de la procuration qu'il a signée en
faveur de M. Y... et qu'il avait remise à la banque ; que l'appelant n'a contesté aucun des relevés d'opéré et de comptes qui lui donnaient régulièrement connaissance des opérations effectuées en son nom et pour son compte sur ce marché ;
Considérant que M. X... ne peut donc reprocher à la banque d'avoir exécuter les ordres donnés par son mandataire pour des opérations sur le MONEP ni d'avoir, en sa qualité de gestionnaire, effectué elle-même des opérations sur ce marché;
Considérant que M. X... qui prétend encore que les ventes à découvert auraient été effectuées à une époque où le marché était à la hausse et tout à fait défavorable à ce type d'opérations, ne verse aux débats aucune pièce permettant à la Cour de vérifier la pertinence de ses dires à cet égard ni de déterminer si les opérations critiquées auraient été initiées par la banque ou par son propre mandataire, M. Y... ; qu'il ne rapporte, dans ses conditions, pas la preuve d'une faute pouvant être imputée à la banque de ce chef ;
Considérant que M. X... n'établit pas quelles opérations parmi celles initiées par la banque ou par son mandataire auraient engendré un dépassement de couverture ; qu'il convient d'observer que l'obligation de couverture est édictée dans le seul intérêt des intermédiaires et de la sécurité du marché de sorte que le client ne peut se prévaloir de son non respect pour les opérations qu'il a effectuées lui-même ou par procuration ;
Considérant que la responsabilité de la Caisse Régionale de Crédit Maritime Mutuel du Morbihan et de la Loire Atlantique est donc recherchée aussi en vain de ce chef ;
Considérant que les demandes dirigées contre les autres intimés par M. X..., qui ne démontre de leur part aucune faute spécifique et distincte de celles qu'il impute à tort à la Caisse Régionale,
doivent être rejetées ;
Considérant qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en toute ses dispositions ;
Considérant que la société Centrale de Crédit Mutuel ne démontre pas que M X... a fait de son droit d'interjeter appel un usage fautif ; que sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif doit être rejetée
Considérant que l'équité ne commande pas de faire application, en cause d'appel, des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne M. X... aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
LE GREFFIER
LE PRESIDENT