Grosses délivrées
REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
4ème Chambre - Section A
X... DU 29 MARS 2006
(no , 7 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 05/02283 Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Novembre 2004 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 03/09514 APPELANTE SA LA SOCIETE TRADER CLASSIFIED MEDIA FRANCE ayant son siège 11 avenue Dubonnet - Immeuble le Doublon 92407 COURBEVOIE agissant poursuites et diligences de son Président du Conseil d'administration représentée par Me Dominique OLIVIER, avoué à la Cour assistée de Me Marianne GABRIEL (K177) plaidant pour SELAS CASALONGA, INTIMEES SAS SOCIETE ATEMI ayant son siège 10 avenue de Messine 75008 PARIS prise en la personne de ses représentants légaux représentée par la SCP BOMMART-FORSTER, avoués à la Cour assistée de Me Marie-Claire MIGNOT, avocat au barreau de PARIS, toque : P454 plaidant pour la SCP VERSINI CAMPINCHI et associés S.A.S. SOCIETE LIINS ayant son siège 10 avenue de Messine 75008 PARIS prise en la personne de ses représentants légaux représentée par la SCP BOMMART-FORSTER, avoués à la Cour assistée de Me Marie-Claire MIGNOT, avocat au barreau de PARIS, toque : P454 plaidant pour la SCP VERSINI CAMPINCHI et associés COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 21 Février 2006, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Alain CARRE-PIERRAT, Président
Madame Marie-Gabrielle MAGUEUR, Conseiller
Madame Dominique ROSENTHAL-ROLLAND, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Mme Jacqueline VIGNAL X... : CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par Monsieur Alain CARRE-PIERRAT, Président
- signé par Monsieur Alain CARRE-PIERRAT, président et par Mme Jacqueline VIGNAL, greffier présent lors du prononcé.
Vu l'appel interjeté le 9 novembre 2004, par la société TRADER CLASSIFIED MEDIA FRANCE d'un jugement rendu le 9 novembre 2004 par le tribunal de grande instance de Paris qui l'a déboutée de ses demandes et l'a condamnée à payer aux sociétés ATEMI et LIINS la somme globale de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Vu les dernières écritures en date du 13 février 2006, par lesquelles la société TRADER CLASSIFIED MEDIA FRANCE, poursuivant l'infirmation de la décision entreprise, demande à la Cour de : * dire que le dépôt de la marque LA CENTRALE DES INVESTISSEURS par la société ATEMI et son exploitation par la société LIINS constituent des actes de contrefaçon des marques LA CENTRALE DES PARTICULIERS et LA CENTRALE, * condamner in solidum les sociétés ATEMI et LIINS au paiement de la somme de 100.000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon, ô
à titre subsidiaire : * dire que le dépôt de la marque LA CENTRALE DES INVESTISSEURS par la société ATEMI et son exploitation par la société LIINS constituent une exploitation injustifiée et
préjudiciable des marques LA CENTRALE DES PARTICULIERS et LA CENTRALE, [* condamner in solidum les sociétés ATEMI et LIINS au paiement de la somme de 100.000 euros en réparation du préjudice subi, ô
à titre très subsidiaire : *] dire que le dépôt de la marque LA CENTRALE DES INVESTISSEURS par la société ATEMI et son exploitation par la société LIINS constituent des actes d'imitation fautive des marques LA CENTRALE DES PARTICULIERS et LA CENTRALE constitutifs de concurrence déloyale, ô
en tout état de cause : interdire à la société ATEMI et à la société LIINS de faire usage du signe LA CENTRALE DES INVESTISSEURS à quelque titre que ce soit et sous quelque forme que ce soit sous astreinte de 1.500 euros par infraction constatée à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, la Cour se réservant la liquidation de l'astreinte, condamner en conséquence les sociétés intimées au paiement de la somme de 100.000 euros en réparation du préjudice subi, condamner in solidum les sociétés ATEMI et LIINS au versement de la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Vu les dernières écritures en date du 20 janvier 2006, aux termes
desquelles les sociétés ATEMI et LIINS prient la Cour de confirmer le jugement déféré et y ajoutant, de condamner la société TRADER CLASSIFIED MEDIA FRANCE au paiement de la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
SUR CE, LA COUR,
Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu'il suffit de rappeler que : cette société a constaté que la société ATEMI a déposé, le 26 février 2002, une demande d'enregistrement de la marque "LA CENTRALE DES INVESTISSEURS" en classes 35, 36 et 38, indépendamment de ce recours administratif, la société TRADER CLASSIFIED MEDIA FRANCE a constaté que la société LIINS, domiciliée à la même adresse que la société TRADER CLASSIFIED MEDIA FRANCE, exploitait la marque "LA CENTRALE DES INVESTISSEURS" sur un site Internet à l'adresse "www.liins.com" pour
proposer des services ayant trait aux transactions immobilières, à l'assurance, * estimant que le dépôt de cette marque et son exploitation constituent des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale, la société TRADER CLASSIFIED MEDIA FRANCE a assigné les sociétés ATEMI et LIINS devant le tribunal de grande instance de Paris ; Sur la contrefaçon de marques :
Considérant peu important qu'il n'ait pas été formé de recours contre la décision du directeur de l'Institut National de la Propriété Industrielle, la société TRADER CLASSIFIED MEDIA FRANCE est recevable à poursuivre les actes de contrefaçon reprochés à la société ATEMI et à la société LIINS ;
Considérant que ces sociétés ne critiquent pas les dispositions du jugement déféré en ce qu'elles ont retenu que les services visés au dépôt de la marque "LA CENTRALE DES INVESTISSEURS" (publicité, gestion des affaires commerciales, conseils en administration, direction des affaires, reproduction de documents, gestion de fichiers informatiques, affaires financières, affaires immobilières, estimations immobilières, gérance d'immeubles, télécommunications) sont identiques ou à tout le moins similaires à ceux visés aux dépôts des marques "LA CENTRALE DES PARTICULIERS" et "LA CENTRALE" ;
Qu'elles ne contestent pas davantage devant la Cour la similarité, non reconnue par le tribunal, des services d'"assurance" visés au dépôt de la marque "LA CENTRALE DES INVESTISSEURS" à ceux des marques antérieures opposées, à savoir les "transactions immobilières", le "courtage", la "gérance de portefeuille", et les "renseignements d'affaires" ;
Considérant en revanche, que pour s'opposer au grief de contrefaçon, les sociétés ATEMI et LIINS prétendent que les marques "LA CENTRALE DES PARTICULIERS" et "LA CENTRALE" seraient dépourvues de caractère distinctif, en ce qu'elles comportent la dénomination "LA CENTRALE"
d'un usage courant ;
Mais considérant que ces sociétés ne démontrent nullement que l'expression "LA CENTRALE" faisait partie du langage usuel à la date du dépôt des marques pour désigner les produits et services visés dans l'enregistrement, les marques qu'elles invoquent et les résultats obtenus sur Internet à l'aide du moteur de recherche GOOGLE étant postérieurs aux signes opposés ;
Que le terme "CENTRALE" précédé de l'article défini "LA" exerce à lui seul un pouvoir attractif, le vocable "PARTICULIER" de la marque première précisant le public concerné, de sorte que les marques "LA CENTRALE DES PARTICULIERS" et "LA CENTRALE" sont intrinsèquement distinctives ;
Qu'à cette distinctivité propre de ces signes, s'ajoute la notoriété que leur titulaire leur a fait acquérir, auprès d'un public le plus large, par une exploitation continue et massive depuis de nombreuses années sur l'ensemble du territoire national, ce qui n'est d'ailleurs pas démenti par les sociétés intimées ;
Qu'en effet, d'une part, ces marques ont été amplement utilisées par la société TRADER CLASSIFIED MEDIA FRANCE pour désigner un journal d'annonces, connu sous la dénomination "LA CENTRALE DES PARTICULIERS" ou "LA CENTRALE" diffusant des annonces automobiles ou immobilières ; Que d'autre part, il ressort d'un sondage réalisé par la société TRADER CLASSIFIED MEDIA FRANCE au mois d'octobre 1999 que pour 82% des personnes interrogées l'expression "LA CENTRALE" évoque la "LA CENTRALE DES PARTICULIERS" marque de référence, vecteur principal de communication de cette société ;
Considérant que les marques "LA CENTRALE DES PARTICULIERS" et LA CENTRALE" n'étant pas reproduites à l'identique, faute de reproduction, sans modification ni ajout, de tous leurs éléments, il
convient de rechercher s'il existe entre les signes en présence un risque de confusion qui doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce, l'appréciation des similitudes visuelle ou conceptuelle entre les marques en présence devant être fondée sur l'impression d'ensemble produite, en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants; que cette comparaison doit, au surplus, s'effectuer entre les signes tels qu'ils sont déposés, indépendamment de l'exploitation qui en est faite ;
Que visuellement et phonétiquement, les signes "LA CENTRALE DES PARTICULIERS" et "LA CENTRALE DES INVESTISSEURS" sont composés de quatre mots agencés dans le même ordre, de sorte qu'ils présentent une structure identique ;
Que la dénomination critiquée reprend l'expression "LA CENTRALE" amplement connue d'un large public pour désigner des services d'annonces, ainsi qu'il est démontré par le sondage précité ;
Qu'intellectuellement, si le mot "INVESTISSEURS" diffère du vocable "PARTICULIERS", il n'en demeure pas moins que la qualité d'investisseur n'est pas conceptuellement exclusive de celle de particulier ;
Qu'il résulte en effet du site Internet de la société LIINS que cette dernière propose un investissement locatif régi par la loi BESSON laquelle "encourage l'investissement locatif des particuliers par des déductions fiscales avantageuses" ;
Considérant ainsi que la reprise de l'élément "LA CENTRALE" dominant et essentiel composant les marques "LA CENTRALE DES PARTICULIERS" et "LA CENTRALE" est de nature à laisser accroire au consommateur moyennement attentif que la dénomination "LA CENTRALE DES INVESTISSEURS" constitue une déclinaison des marques antérieures ou que les produits ou services offerts sous ces dénominations
proviennent d'entreprises liées économiquement ;
Que le risque de confusion au sens de l'article L.713-3 du Code de la propriété intellectuelle est ainsi avéré ;
Considérant que, réformant la décision entreprise, les actes de contrefaçon reprochés aux sociétés ATEMI et LIINS sont caractérisés ; Sur les actes de concurrence déloyale :
Considérant que la société LIINS, en faisant usage de la marque incriminée sur son site Internet offrant des services, ayant trait
Considérant que la société LIINS, en faisant usage de la marque incriminée sur son site Internet offrant des services, ayant trait aux transactions immobilières, similaires à ceux proposés par la société TRADER CLASSIFIED MEDIA FRANCE sur propre site Internet, a cherché à se placer dans son sillage afin de tirer profit de la renommée des marques "LA CENTRALE DES PARTICULIERS" et "LA CENTRALE" ;
Que ces agissements caractérisent des faits de concurrence déloyale et parasitaire, distincts de l'atteinte portée aux marques par les actes de contrefaçon ; Sur les mesures réparatrices :
Considérant que, pour faire cesser le comportement illicite des sociétés ATEMI et LIINS, il convient de : - prononcer la nullité de la marque "LA CENTRALE DES INVESTISSEURS", le présent arrêt devant être transmis à l'Institut National de la Propriété Industrielle aux fins d'inscription au Registre national des marques, suivant les modalités prévues au présent dispositif, - interdire aux sociétés ATEMI et LIINS de poursuivre leurs agissements à quelque titre que ce soit, sous astreinte de 300 euros par infraction constatée, passé le délai d'un mois suivant la signification du présent arrêt, - autoriser une mesure de publication selon les modalités précisées au dispositif ;
Considérant que les actes de contrefaçon ont porté préjudice à la
société TRADER CLASSIFIED MEDIA FRANCE en banalisant les marques dont elle est titulaire ;
Que l'atteinte portée à la valeur patrimoniale de ces marques doit être réparée par l'allocation d'une indemnité de 50.000 euros, mise à la charge in solidum des sociétés ATEMI et LIINS ;
Considérant que les faits de concurrence déloyale et parasitaire ont nécessairement causé à la société TRADER CLASSIFIED MEDIA FRANCE un préjudice résultant d'un trouble commercial ;
Que ce préjudice sera indemnisé par l'allocation de la somme de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Sur les autres demandes :
Considérant que les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile doivent bénéficier à la société TRADER CLASSIFIED MEDIA FRANCE ; qu'il lui sera alloué à ce titre la somme de 15.000 euros ; que les sociétés ATEMI et LIINS qui succombent en leurs prétentions doivent être déboutées de leurs demandes formées sur ce même fondement ;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau :
Dit que le dépôt de la marque "LA CENTRALE DES INVESTISSEURS" par la société ATEMI et son exploitation par la société LIINS constituent des actes de contrefaçon des marques "LA CENTRALE DES PARTICULIERS" et "LA CENTRALE",
Prononce la nullité de la marque "LA CENTRALE DES INVESTISSEURS" no 023151005 déposée le 26 février 2002, pour l'ensemble des produits et services visés au dépôt,
Dit que le présent arrêt sera transmis à l'Institut National de la Propriété Industrielle, aux fins d'inscription au Registre national
des marques, par le greffe sur la réquisition qui lui en sera faite, ou par la société TRADER CLASSIFIED MEDIA FRANCE,
Dit qu'en exploitant sur Internet la marque "LA CENTRALE DES INVESTISSEURS", la société LIINS s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme,
Interdit à la société ATEMI et à la société LIINS de faire usage de la dénomination "LA CENTRALE DES INVESTISSEURS" à quelque titre que ce soit et sous quelque forme que ce soit et ce, sous astreinte de 300 euros par infraction constatée, passé un délai d'un mois suivant la signification de l'arrêt à intervenir, la Cour se réservant la liquidation de l'astreinte,
Condamne in solidum les sociétés ATEMI et LIINS à payer à la société TRADER CLASSIFIED MEDIA FRANCE la somme de 50.000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon,
Condamne la société LIINS à payer à la société TRADER CLASSIFIED MEDIA FRANCE la somme de 40.000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale,
Autorise la société TRADER CLASSIFIED MEDIA FRANCE à publier le présent arrêt dans deux journaux ou périodiques de son choix, aux frais in solidum des sociétés ATEMI et LIINS , sans que ceux-ci n'excèdent à leur charge la somme de 4.000 euros HT par insertion,
Condamne in solidum les sociétés ATEMI et LIINS à payer à la société TRADER CLASSIFIED MEDIA FRANCE la somme de 15.000 euros au titre des frais irrépétibles,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne in solidum les sociétés ATEMI et LIINS aux dépens et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT