Grosses délivrées
REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
14ème Chambre - Section B
ARRET DU 17 FEVRIER 2006
(no , 5 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 05/16376 Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 07 Juillet 2005 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 05/55842 APPELANTE Madame Eliane Estelle Micheline X... veuve Y... 14 Avenue Ledru Rollin 75012 PARIS représentée par la SCP VARIN-PETIT, avoué à la Cour assistée de Maître TOUSSAINT, avocat au Barreau de RENNES (SELARL D. TOUSSAINT) INTIMES Monsieur Gilles Georges Jacques Y... 139 rue de Vaugirard 75015 PARIS représenté par la SCP AUTIER, avoué à la Cour assisté de Maître HOZÉ, D. 1008, avocat au Barreau de PARIS Maître Geoffroy ANDRE pris en sa qualité d'Administrateur judiciaire de la succession de Monsieur Jacques Y... 8 rue de l'Arrivée 75015 PARIS représenté par Me Rémi PAMART, avoué à la Cour
* COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 12 janvier 2006, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme FEYDEAU, président
Mme PROVOST-LOPIN, conseiller
Mme DARBOIS, conseiller, qui en ont délibéré. Greffier : lors des débats, Mme DRELIN. ARRÊT : CONTRADICTOIRE, prononcé publiquement par Mme FEYDEAU, président, laquelle a signé la minute de l'arrêt avec Mme DRELIN, greffier présent lors du prononcé.
* Vu l'appel formé par Mme Eliane X... veuve Y... de l'ordonnance de référé rendue le 7 juillet 2005 par le président du tribunal de grande instance de Paris qui a dit n'y avoir lieu à référé sur sa demande tendant à voir condamner Me Geoffroy ANDRE, en sa qualités d'administrateur provisoire de la succession de M. Jacques Y..., à lui payer une provision à valoir sur ses droits d'usufruit et qui l'a condamnée aux dépens ; Vu les dernières conclusions du 6 janvier 2006 par lesquelles l'appelante demande à la cour d'infirmer l'ordonnance et de condamner Me ANDRE, ès qualité, à lui verser une provision de 60.000 ç à valoir sur ses droits d'usufruit et de condamner M.Gilles Y... à lui payer 4.000 ç en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à supporter les entiers dépens ; Vu les conclusions du 14 décembre 2005 de M. Gilles Y... qui demande à la cour: - de confirmer l'ordonnance, - de dire que les sommes perçues et à percevoir par Me ANDRE au titre des dividendes des sociétés anonymes à vocation immobilière de droit suisse seront consignées tant qu'il n'aura pas été statué par une décision exécutoire au fond sur les droits respectifs des parties conformément à l'ordonnance rendue le 3 juillet 2003 par le tribunal de grande instance de Paris ; - de condamner Mme Eliane X... à lui payer 5.000 ç en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Vu les conclusions de M. Gilles Y... signifiées le 11 janvier 2006, veille de la clôture, auxquelles sont annexées cinq nouvelles pièces (no123 à 127) et qui comportent en page 43 de nouveaux développements sur les libéralités que M. Jacques Y... aurait consenties aux enfants de Mme Eliane X... ; Vu les conclusions de Mme Eliane X... qui sollicite le rejet des débats de ces conclusions et pièces, n'ayant pas été en mesure d'en prendre connaissance et d'y répondre ; Vu les dernières conclusions de Me Geoffroy ANDRE du 11
janvier 2006 qui demande à la cour : - de débouter M . Gilles Y... de sa demande tendant à ce qu'il consigne toutes les sommes perçues ou à percevoir pour le compte de la succession au titre des dividendes de société anonymes à vocation immobilière de droit suisse, l'ordonnance de référé du 3 juillet 2003 ayant statué sur cette question ; - de lui donner acte de ce qu'il s'en rapporte à justice pour le surplus et notamment sur le mérite de l'appel formé par Mme Eliane X...; Vu la note en délibéré du 18 janvier 2006 que Mme Eliane X... a été autorisée à déposer;
LA COUR Considérant que par conclusions signifiées le jour de la clôture, Me Geoffroy ANDRE a répondu aux écritures signifiées par M. Gilles Y... le 11 janvier 2006 ; Que Mme Eliane X... a indiqué dans sa note en délibéré que l'argumentation ponctuelle ajoutée p.43 aux précédentes conclusions étaient hors sujet et n'a formulé aucune observation sur les cinq pièces annexées à ces conclusions ; Que la contradiction ayant été ainsi respectée, ces conclusions et pièces n'ont pas lieu d'être écartées des débats ;
Considérant que Mme Eliane X..., veuve de M. Jacques Y... décédé en France le 14 août 2000, est donataire de l'usufruit de l'universalité des biens composant la succession et légataire de la quotité disponible sur l'ensemble des biens situés en France ; qu'à la requête de M. Gilles Y..., fils unique du défunt né d'un premier mariage, Me ANDRE a été désigné en qualité d'administrateur provisoire de la succession, décision confirmée par ordonnance de référé du 5 juillet 2001; Que différentes procédures diligentées en France et en Suisse, pour le détail desquelles la cour se rapporte expressément aux écritures des parties, ont fait obstacle au règlement de la succession ; Que n'ayant perçu aucun fruit sur les biens constituant l'actif de la succession et composé selon elle, outre des biens immobiliers situés en France, de différents biens
mobiliers comprenant essentiellement des actions de deux sociétés immobilières suisses qui produisent des dividendes, Mme Eliane X... veuve Y... a saisi le juge des référés d'une demande de provision à valoir sur ses droits d'usufruit ;
Que pour dire n'y avoir lieu à référé, le premier juge a estimé que les droits invoqués se heurtaient à une difficulté sérieuse et que la demande de paiement provisionnel n'était pas suffisamment justifiée ; Considérant qu'au soutien de son appel, Mme Eliane X... veuve Y... fait valoir qu'elle bénéficie de l'usufruit sur l'universalité de la succession et que les fruits générés par les actifs depuis le décès de son époux lui reviennent incontestablement ; que l'administrateur détient les fonds suffisants pour satisfaire sa demande et que les difficultés soulevées par M. Gilles Y... sont sans portée sur ses droits à usufruit et témoignent de sa volonté de la priver par tous moyens des revenus qui lui reviennent ; Considérant que M. Gilles Y... soutient en premier lieu que, tant qu'il n'a pas été statué au fond sur les droits respectifs des parties dans le cadre des opérations de compte, liquidation et partage dont le tribunal de grande instance de Paris est saisi, la situation doit demeurer en l'état et l'ordonnance de référé du 3 juillet 2003 aux termes de laquelle "les sommes perçues par Me ANDRE, administrateur provisoire seront consignées entre ses mains tant qu'il n'aura pas été statué au fond par une décision exécutoire au fond sur les droits des parties", doit continuer à s'appliquer et ne permet pas d'allouer à Mme Eliane X... veuve Y... la provision qu'elle sollicite ; Mais considérant qu'il résulte des pièces produites que cette décision est intervenue à une époque où, sous la pression de M. Gilles Y..., l'administrateur des sociétés suisses refusait de convoquer les assemblées générales pour procéder au vote de la distribution des dividendes ; Que depuis lors est
intervenue, le 28 août 2003, une décision du tribunal de Genève ordonnant la réunion de ces assemblées, lesquelles se sont tenues le 20 octobre 2003 pour les années 2000 et 2001 et le 17 mai 2004 pour les années 2002 et 2003 et qui ont permis à Me ANDRE de recevoir des fonds ; Qu'à l'époque encore, la procédure de liquidation partage était bloquée par la plainte avec constitution de partie civile déposée par M. Gilles Y... contre Mme Eliane X... veuve Y..., ses enfants issus d'un premier mariage et son notaire ; Que, depuis, la dite plainte a fait l'objet d'une ordonnance de non-lieu confirmée par arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes à l'encontre duquel M.Gilles Y... a formé un pourvoi ; Qu'à l'époque, toujours, l'application de la loi suisse à la succession était revendiquée par M. Gilles Y... ; Que, le 19 mai 2005, la 2ème chambre de cette cour a jugé que la loi française devait s'appliquer ; Qu'en raison de ces faits nouveaux et conformément à l'article 488 du nouveau Code de procédure civile, l'ordonnance du 3 juillet 2003 ne constitue pas un obstacle à la demande de Mme Eliane X... veuve Y... ; Considérant que M. Gilles Y... fait valoir encore que la donation consentie par M . Jacques Y... à son épouse ne peut pas être reconnue et déclarée exécutoire en Suisse comme étant incompatible en la forme avec la loi suisse relative à la donation au dernier vivant en présence d'époux remariés, et prétend que cet acte ne concerne que les immeubles situés en France ; Que ce moyen, outre qu'il contredit l'autorité de la chose jugée par l'arrêt du 19 mai 2005, est dénué de toute apparence de sérieux, au regard des dispositions de droit international privé invoquées par l'appelante (article 124 de la loi du 18 décembre 1987) qui reconnaît la validité d'un contrat quant à la forme s'il satisfait aux conditions fixées par le droit applicable au contrat ou par le droit du lieu de conclusion, et de la règle de
conflit suisse (alinéa 1er de l'article 90 et article 91 de la loi fédérale) qui, tout comme la règle en droit français, considère que la loi successorale est celle du dernier domicile du défunt ; que rien ne permet donc, a priori, d'exclure de l'actif successoral la valeur des actions et les fruits qu'elles génèrent ; Considérant que M. Gilles Y... prétend enfin que Mme Eliane X... veuve Y... occulte volontairement les donations préciputaires dont elle a fait l'objet à titre personnel ou dont ses enfants ou petits-enfants ont bénéficié et soutient qu'elle serait redevable à ce titre d'une indemnité de réduction de 496.542,18 ç donnant lieu à réévaluation au jour du partage ; Que ce moyen est dépourvu de portée dès lors que la demande de provision ne porte que sur les fruits de la succession et non sur une répartition anticipée des biens à partager ; Considérant qu'il n'est pas sérieusement contestable que Mme Eliane X... veuve Y... est usufruitière de l'universalité des biens dépendant de la succession ; qu'à ce titre, elle a le droit de percevoir les fruits générés par les actifs de la succession, quelle que soit la détermination des droits respectifs des parties sur ces actifs ; Considérant que Me ANDRE qui ne formule aucune objection à remettre les fonds dont il dispose à qui de droit une fois payées les charges de la succession, verse aux débats un relevé de compte duquel il résulte qu'à la date du 11 janvier 2006, il a perçu 171.969,14 ç et dépensé 74.330,54 ç ; qu'il est ainsi démontré qu'après règlement des charges successorales, il lui reste un bonus sur lequel, les droits de Mme Eliane X... veuve Y... ne sont pas sérieusement discutables ; Qu'il y a lieu, en conséquence, d'infirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions, de faire droit à la demande de l'appelante et de débouter M. Gilles Y... de ses prétentions ; Considérant que l'équité conduit à allouer à l'appelante et à Me ANDRE une indemnité en application de l'article
700 du nouveau Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS Rejette les conclusions tendant à voir écarter des débats les écritures et les pièces signifiées par M .Gilles Y... le 11 janvier 2006 ; Infirme l'ordonnance en toutes ses dispositions ; Ordonne à Me ANDRE en sa qualité d'administrateur de la succession de M.Jacques Y... de verser à Mme Eliane X... veuve Y... une provision de 60.000 ç à valoir sur ses droits d'usufruit ; Déboute M . Gilles Y... de ses demandes ; Condamne M . Gilles Y... à payer à Mme Eliane X... veuve Y... la somme de 3.000 euros et à Me ANDRE la somme de 1.000 ç en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Le condamne aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile .
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT