Grosses délivrées
REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
14ème Chambre - Section B
ARRET DU 13 JANVIER 2006
(no , 5 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 05/07125 Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 17 Mars 2005 -Tribunal de Commerce de BOBIGNY - RG no 2005/00010 APPELANTE Société GRANULATS RHONE ALPES, agissant en la personne de son Président en exercice Mr Alain X.... ... 38080 L ISLE-DABEAU représentée par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour assistée de Maître Z..., P. 321, avocat au Barreau de PARIS (SCP HUGLO, LEPAGE etamp; Associés conseil) INTIMEES Société EIFFAGE TP, prise en la personne de son représentant légal. ... Société CONDOTTE D'ACQUA S.P.A., prise en la personne de son représentant légal. 1039 Via Salaria 00138 ROME représentées par la SCP DUBOSCQ-PELLERIN, avoué à la Cour ayant pour avocat Maître Y..., A. 609, avocat au Barreau de PARIS
* COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 3 novembre 2005, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme FEYDEAU, président
M. SELTENSPERGER, conseiller
Mme DARBOIS, conseiller, qui en ont délibéré. Greffier : lors des débats, Mme DRELIN. ARRÊT : CONTRADICTOIRE, prononcé publiquement par Mme FEYDEAU, président, laquelle a signé la minute de l'arrêt avec
Mme DRELIN, greffier présent lors du prononcé.
* Statuant sur l'appel relevé par la société par actions simplifiée GRANULATS RHÈNE-ALPES (SAS GRA) à l'encontre d'une ordonnance de référé rendue le 17 mars 2005 par le président du tribunal de commerce de Bobigny qui, saisi par la société par actions simplifiée EIFFAGE TP et la société CONDOTTE d'ACQUA SPA, lui a ordonné de remettre à ces dernières " une copie certifiée conforme de la ou des conventions transactionnelles qu'elle a passées avec LTF, postérieurement à la réalisation du marché du 29 mars 2002, et ce, dans les huit jours de la signification de l'ordonnance, sous astreinte de 1.500 ç par jour de retard", qui l'a condamnée à payer à chacune des deux intimées une somme de 1.500 ç et qui l'a condamnée aux dépens ; Aux termes de son arrêt du 17 juin 2005, cette chambre de la cour, statuant uniquement sur l'exception d'incompétence soulevée par la société appelante ayant soutenu que ce litige devait être soumis à la juridiction administrative, a confirmé l'ordonnance déférée en ce que le premier juge avait retenu sa compétence et a renvoyé la cause et les parties à la conférence du président du 13 octobre 2005 et à l'audience de plaidoiries du 3 novembre 2005 ; La SAS GRA, appelante, demande à la cour d'annuler ou, à tout le moins, d'infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle n'a pas déclaré nulle l'assignation délivrée à son encontre en première instance, faute de détermination du fondement juridique et de motivation en droit des demandes de la SAS EIFFAGE et de la société CONDOTTE D'ACQUA, en ce qu'elle n'a pas déclaré ces dernières irrecevables pour défaut d'intérêt à agir, en ce que le principe du contradictoire a été violé, en ce que le premier juge a statué infra petita "faute de réponse à conclusions", en ce que l'ordonnance entreprise ne contient pas de motivation mais contient en revanche une dénaturation et une qualification erronée des faits ; elle sollicite l'infirmation de
cette ordonnance, admettant cependant, "à titre infiniment subsidiaire", que les sociétés intimées peuvent être autorisées à prendre connaissance de la teneur du protocole transactionnel conclu le 6 août 2004 à son siège social sans possibilité de le copier ni d'en divulguer le contenu ; La SAS EIFFAGE TP et la société CONDOTTE D'ACQUA, intimées, sollicitent la confirmation de l'ordonnance critiquée en toutes ses dispositions et la condamnation de la société appelante au paiement d'une somme de 3.000 ç en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; à titre subsidiaire, pour le cas où la cour annulerait cette ordonnance, elles lui demandent, constatant l'effet dévolutif de l'appel, de débouter la société appelante de toutes ses demandes, de la condamner à remettre à la SAS EIFFAGE TP une copie certifiée conforme de la ou des convention(s) transactionnelle(s) qu'elle a passée(s) avec la société LTF postérieurement à la résiliation du marché du 29 mars 2002, sous astreinte de 1.500 ç par jour de retard ; elles concluent à l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile à hauteur d'une somme de 3.000 ç ;
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs moyens respectifs ; SUR CE, LA COUR, Considérant que la France et l'Italie ont conclu le 29 janvier 2001 un accord international tendant à la réalisation d'une ligne ferroviaire à grande vitesse reliant LYON à TURIN, la société par actions simplifiée LYON TURIN FERROVIAIRE (LTF), de droit français, étant chargée de la maîtrise d'ouvrage des travaux de reconnaissance nécessaire à la phase préliminaire de l'opération ; Que, le 29 mars 2002, la SAS LTF a chargé, dans le cadre d'un groupement d'entreprises, la SAS EIFFAGE TP, la société CONDOTTE D'ACQUA, de droit italien, et la SAS GRA des travaux du lot no 1 relatifs à la construction d'une "descenderie" de 4.000 mètres sur les communes de MODANE et de VILLADORIN (Savoie),
les deux premières assurant le génie civil et la troisième la valorisation des déblais en vue de leur réutilisation en granulats béton ; Que, à la suite de difficultés auxquelles a été confronté le groupement des trois entreprises au cours du chantier entamé le 22 avril 2002, la SAS LTF a résilié le marché le 7 juin 2004 ; Que, pendant le cours d'une procédure de référé diligentée à la requête des trois entreprises, tendant à la désignation d'un expert aux fins de recueil de son avis sur les conditions d'exécution des travaux et sur les comptes entre les parties, la SAS GRA à l'encontre de laquelle la SAS LTF n'avait exprimé aucun reproche lors de la résiliation du marché s'est rapprochée de cette dernière avec laquelle elle a conclu un protocole transactionnel le 6 août 2004 de sorte qu'elle s'est désistée de sa demande, se désolidarisant des sociétés EIFFAGE et CONDOTTE d'ACQUA ; Considérant que ces dernières, exigeant que leur soit communiqué une copie certifiée conforme de cette ou de ces conventions(s) transactionnelle(s), ont initié cette procédure de référé ; Que le président du tribunal de commerce de BOBIGNY, qui a accueilli leur demande, a estimé que la transaction signée entre la SAS LTF et la SAS GRA pouvait être susceptible de porter atteinte aux droits des autres membres du groupement, actuellement intimés ; Que, par arrêt du 17 juin 2005, cette chambre de la cour a confirmé cette ordonnance en ce que le premier juge a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la SAS GRA en faveur de la juridiction administrative ; Considérant que la SAS GRA invoque la violation du principe de la contradiction en première instance mais que l'examen du déroulement de la procédure, la longueur des conclusions déposées, la réouverture des débats montrent suffisamment que ce grief ne peut être retenu ; Considérant en outre qu'il ne suffit pas à la SAS GRA de critiquer la motivation du premier juge pour prétendre à son inexistence ; Considérant que, en conséquence,
il n'y a pas lieu d'annuler l'ordonnance déférée; Considérant que par l'effet dévolutif de l'appel, la cour se trouve saisie de l'entier litige, de sorte que le moyen de nullité tiré de l'omission de statuer sur les exceptions autres que l'exception d'incompétence et les fins de non-recevoir doit être écarté ; Considérant que, contrairement à ce que fait valoir la SAS GRA, l'assignation lui ayant été délivrée par la SAS EIFFAGE et la société CONDOTTE d'ACQUA contient l'indication du fondement de leurs demandes, s'agissant des articles 145 et 872 du nouveau code de procédure civile ; Qu'il n'était pas interdit aux demanderesses d'invoquer ces deux dispositions simultanément ; Que la critique, par la SAS GRA, des moyens des sociétés EIFFAGE et CONDOTTE d'ACQUA ne peut la conduire à prétendre que la demande n'était pas motivée ; Considérant, dans ces conditions, qu'il n'y a pas lieu d'annuler l'assignation ; Considérant que la SAS GRA soulève une fin de non recevoir, les intimées étant, selon elle, dépourvues d'intérêt à agir ; Considérant cependant que le contentieux les opposant en référé et celui qui pourra les opposer au fond est né de la conclusion d'un protocole transactionnel entre la SAS GRA d'une part, et la SAS LTF d'autre part, alors que les trois entreprises avaient contracté conjointement avec la dite SAS LTF et que ce protocole a été signé pendant le cours d'une procédure de référé que, toutes trois, avaient entamée contre la SAS LTF ; Que les sociétés EIFFAGE et CONDOTTE d'ACQUA justifient donc d'un intérêt à agir dont la légitimité et la pertinence au sens des articles 145 et 872 du nouveau Code de procédure civile relèvent de l'appréciation du juge des référés ; Que la fin de non recevoir ne peut être accueillie ; Considérant que les sociétés intimées font valoir que la transaction du 6 août 2004 n'a pu se faire qu'à leur détriment "puisqu'elle a eu mécaniquement pour effet de décharger la SAS GRA des conséquences de la résiliation" ; Qu'elles ajoutent
notamment que, le jour même de la transaction, la SAS GRA s'est vu confier par la SAS LTF un marché de travaux de la même nature de ceux qu'elle effectuait dans le cadre du groupement pour une valeur totale estimée à 10.596.635,91 ç de sorte que le lien entre ladite transaction et la conclusion de ce marché est, selon elles, évident ; Considérant que les sociétés EIFFAGE et CONDOTTE d'ACQUA rappellent que la SAS GRA s'était totalement associée au processus judiciaire engagé par le groupement d'entreprises conjoint sinon solidaire à la suite de la résiliation du marché portant sur un lot unique par la SAS LTF et qu'elle a transigé, seule, à leur insu au point de conclure un nouveau marché ; Considérant, cela étant, que le protocole signé par la SAS GRA dont les sociétés EIFFAGE et CONDOTTE d'ACQUA demandent la copie certifiée conforme a été conclu avec la SAS LTF ; Considérant qu'il ne peut être envisagé d'ordonner la communication de ce protocole transactionnel confidentiel sans que la SAS LTF, co-signataire, n'ait été invitée à exprimer son point de vue à ce titre ; Que la SAS LTF n'a pas été appelée à participer à cette procédure et qu'il ne résulte d'aucune pièce qu'elle en ait été avisée ; Considérant que, en conséquence, la cour infirmera l'ordonnance déférée en ses dispositions sur la demande principale des sociétés EIFFAGE et CONDOTTE d'ACQUA ; Considérant que le sens de cet arrêt entraîne le rejet des demandes présentées par les sociétés intimées sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et qu'aucune considération d'équité ne commande l'application de cette disposition au profit de la SAS GRA ; PAR CES MOTIFS Vu l'arrêt rendu le 17 juin 2005 par cette chambre de la cour sur la compétence, Dit n'y avoir lieu à annulation de l'ordonnance entreprise ; Rejette l'exception de nullité de l'assignation ; Rejette la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir ; Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses autres dispositions ;
Statuant à nouveau, Déboute les sociétés EIFFAGE et CONDOTTE d'ACQUA de toutes leurs demandes ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne la SAS EIFFAGE et la société CONDOTTE d'ACQUA aux dépens de première instance et d'appel et admet Maître HUYGHE, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. LE GREFFIER
LE PRESIDENT