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18/11/2003 | FRANCE | N°JURITEXT000006943378

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0091, 18 novembre 2003, JURITEXT000006943378


COUR D'APPEL DE PARIS 1ère chambre, section H ARRET DU 18 NOVEMBRE 2003

(N , 6 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 2003/04154 Décision déférée à la Cour : décision no 03-D-07 rendue le 04/02/2003 par le Conseil de la concurrence DEMANDERESSES AU RECOURS : - la S.A.S. SIGNAUX LAPORTE prise en la personne de son président du conseil d'administration ayant son siège 132, avenue Franklin Roosevelt, 69120 VAULX-EN-VELIN - la S.A.S. ETS CRAPIE prise en la personne de son président du conseil d'administration ayant son siège 2, rue Yves Toudic, 69200 VENISSIEUX

représentées par la SCP TAZE-BERNARD-BELFAYOL-BROQUET, avoués à la C...

COUR D'APPEL DE PARIS 1ère chambre, section H ARRET DU 18 NOVEMBRE 2003

(N , 6 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 2003/04154 Décision déférée à la Cour : décision no 03-D-07 rendue le 04/02/2003 par le Conseil de la concurrence DEMANDERESSES AU RECOURS : - la S.A.S. SIGNAUX LAPORTE prise en la personne de son président du conseil d'administration ayant son siège 132, avenue Franklin Roosevelt, 69120 VAULX-EN-VELIN - la S.A.S. ETS CRAPIE prise en la personne de son président du conseil d'administration ayant son siège 2, rue Yves Toudic, 69200 VENISSIEUX représentées par la SCP TAZE-BERNARD-BELFAYOL-BROQUET, avoués à la Cour d'appel de Paris assistées de Me J.-P. VIENNOIS, avocat au bareau de Lyon, 91, cours Lafayette, 69006 LYON EN PRESENCE : du Ministre de l'Economie, des Finances et du Budget, Représenté aux débats par Monsieur X..., muni d'un mandat régulier. COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 Septembre 2003, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur ALBERTINI, président

Monsieur CARRE-PIERRAT, président

Monsieur SAVATIER, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame JAGODZINSKI, greffier Ministère public :

représenté lors des débats par Monsieur Y..., substitut général, qui a fait connaître son avis ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Monsieur ALBERTINI, président

- signé par Monsieur ALBERTINI, président et par Madame Z...,

greffier présent lors du prononcé.

[*

*] [*

Après avoir, à l'audience publique du 23 septembre 2003, entendu le conseil des requérantes, les observations de Monsieur le représentant du Ministre chargé de l'Economie et celles du Ministère public, le conseil des requérantes ayant eu la parole en dernier.

*]

[*

*]

Les sociétés Signaux Laporte et Etablissements Crapie ont formé un recours en annulation contre la décision no 03-D-07 du 4 février 2003, relative à des pratiques relevées lors de la passation de marchés d'achat de panneaux de signalisation routière verticale par des collectivités locales, par laquelle le Conseil de la concurrence,

statuant dans les conditions prévues à l'article L. 463-3 du Code de commerce, à décidé qu'il est établi que huit entreprises, parmi lesquelles les requérantes, ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce, et a infligé des sanctions pécuniaires à celles-ci, et, notamment, 15 000 euros à la société Signaux Laporte et 10 000 euros à la société Crapie, et a ordonné que la décision sera publiée aux frais commun de l'ensemble des sociétés concernées.

Pour statuer ainsi le Conseil s'est fondé sur les faits tels qu'ils peuvent être résumés comme il va suivre.

Les entreprises présentes sur le secteur d'activité des panneaux de signalisation routière verticale fabriquent et vendent des panneaux qui doivent répondre à un cahier des charges défini par le ministère français de l'équipement et être homologués pour être installés sur le réseau routier français.

Le marché national est concentré entre six opérateurs principaux, dont les quatre premiers détenaient pendant la période des faits examinés, chacun autour de 20 % du marché, les deux suivants, dont les Etablissements Laporte, représentant autour de 7 % du marché, le reliquat étant partagé entre trois autres entreprises.

Pour l'année 1998, les chiffres d'affaires consolidés étaient de 410 MF pour le principal opérateur, de 87 MF, pour les Etablissements Laporte, venant en 6o rang, suivis par les trois derniers qui réalisaient respectivement 22 MF, 15 MF et 1 MF.

Les Etablissements Laporte, propriété, à l'époque des faits, de la famille portant ce nom, contrôlent deux sociétés, SA Signaux Laporte à Vaulx-en-Velin et SA Crapie à Venissieux.

Les services du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie ont effectué une enquête portant sur 17 marchés publics d'achat de panneaux de signalisation routière lancés entre 1994 et

1999 par huit conseils généraux (Ardèche, Cantal, Loire, Haute-Loire, Puy-de-Dôme, Saône-et-Loire, Haute-Savoie et Vienne), les communes de Chambéry et de Brazey, et la société des Autoroutes du Sud de la France (ASF). A la suite de celle-ci, le ministre a, par lettre enregistrée le 12 mai 2000, saisi le Conseil de la concurrence de pratiques de concertation et d'entente concernant plusieurs de ces marchés.

Selon la décision attaquée, étaient relevées les pratiques suivantes concernant les sociétés Signaux Laporte et Crapie : "a) le marché de signalisation temporaire du conseil général de Saône-et-Loire du 21 février 1997 :

Le conseil général a reçu dix réponses, dont celle de Crapie, mieux disante avec une offre de 777 641 F, qui a obtenu le marché, et celle de Signaux Laporte, avec une proposition de 985 810 F arrivant en 6o position.

Il résulte des déclarations de M. Garin, président du conseil d'administration de Signaux Laporte et de Crapie, que les deux sociétés connaissaient leurs offres respectives. Il résulte également des déclarations de M. A..., directeur des ventes au conseil général de Saône-et-Loire, que la présentation des offres ne permettait pas de déceler les liens qui existaient entre elles. b) le marché ASF pour des panneaux d'animation destinés à l'A7-A8 district de Salon en juillet 1999 :

ASF a reçu une réponse de Signaux Laporte pour 421 487 F et une de Crapie pour 429 008 F. Il résulte également des déclarations de M. Garin, que les études de prix pour ce marché ont été effectuées par la même personne pour les deux sociétés. Les pièces afférentes à ce marché attestent que la société Crapie s'est bornée à reprendre les chiffres que lui avaient transmis la société Laporte. Enfin, le directeur régional d'exploitation d'ASF a reconnu qu'il ignorait les

relations existantes entre les sociétés Crapie et Laporte".

Le 17 juin 2002 étaient notifiés aux sociétés Signaux Laporte et Crapie les griefs suivants : "avoir organisé des concertations préalables et trompé l'acheteur public en remettant des offres faussement indépendantes pour les appels d'offres lancés par le conseil général de Saône-et-Loire (21/02/97) et la société ASF (juin 99)".

Pour fixer les sanctions prononcées, le Conseil a retenu que ces deux sociétés avaient, lors du dernier exercice clos le 30 juin 2002, réalisé un chiffre d'affaires respectif de 9 456 917 euros et de 6 589 678 euros.

LA COUR :

Vu le mémoire déposé le 9 avril 2003 par les sociétés Signaux Laporte et Crapie ;

Vu les observations écrites du ministre déposées le 10 juin 2003 par lesquelles celui-ci conclut au rejet du recours ;

Vu les observations du Conseil déposées le 12 juin 2003 ;

Vu les observations du ministère public tendant au rejet du recours ; Sur ce :

Considérant que les requérantes ne contestent pas avoir remis chacune une offre pour les deux marchés concernés alors qu'elles s'étaient concertées sur le montant de leurs propositions respectives, mais prétendent que, filiales communes de la société Etablissements Laporte, devenue SFP, dépourvues de toute autonomie, elles constituent une entreprise unique pratiquant une unité de gestion, comme l'a reconnu le Conseil, ce qui exclut l'application à leur encontre des dispositions de l'article L. 420-1, du Code de commerce qui prohibe les ententes ;

Considérant qu'au soutien de sa décision le Conseil a, d'abord,

énoncé, à bon droit, qu'en matière de marchés publics ou privés, il est établi que des entreprises ont conclu une entente anticoncurrentielle dés lors que la preuve est rapportée de concertations pour coordonner leurs offres ou d'échanges d'informations antérieurement à la date où le résultat de l'appel d'offres est connu ou peut l'être portant notamment sur les prix qu'elles envisagent de proposer ;

Que le Conseil a, ensuite, exactement retenu que "selon une jurisprudence constante, tant communautaire que nationale, les dispositions prohibant les ententes illicites ne s'appliquent pas, en principe, aux accords conclus entre des entreprises ayant entre elles des liens juridiques et financiers, comme une société mère et ses filiales, ou les filiales d'une même société mère entre elles, ou comme les sociétés mères d'une filiale commune, si elles ne disposent pas d'une autonomie commerciale et financière, à défaut de volonté propre des parties à l'accord ; qu'en effet, en l'absence d'autonomie commerciale et financière, les différentes sociétés du groupe forment alors une unité économique au sein de laquelle les décisions et accords ne peuvent relever du droit des ententes" ;

Qu'il a, enfin, justement relevé que "en revanche, si de telles entreprises celles ayant entre elles des liens juridiques et financiers déposent plusieurs offres, la pluralité de ces offres manifeste l'autonomie commerciale des entreprises qui les présentent et l'indépendance de ces offres, mais si ces offres multiples ont été établies en concertation ou après que les entreprises ont communiqué entre elles, lesdites offres ne sont plus indépendantes. Dés lors les présenter comme telles, trompe le responsable du marché sur la nature, la portée, l'étendue ou l'intensité de la concurrence. Cette pratique a, en conséquence, un objet ou potentiellement, un effet anticoncurrentiel ; il est par ailleurs sans incidence sur la

qualification des pratiques que le maître d'ouvrage ait connu les liens juridiques unissant les sociétés concernées dès lors que l'existence de tels liens n'implique pas nécessairement la concertation ou l'échange d'informations" ;

Considérant qu'en l'espèce, pour retenir que les sociétés Signaux Laporte et Crapie ont contrevenu aux dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce, le Conseil a relevé, à bon droit, que les éléments avancés par ces sociétés quant à l'existence d'une entreprise unique, ne sauraient conduire à écarter la qualification d'entente anticoncurrentielle, dés lors que "l'entreprise unique Laporte-Crapie a délibérément remis aux acheteurs publics deux offres faussement indépendantes et résultant d'une concertation préalable pour accroître ses chances d'emporter les marchés, leur présentant ainsi une situation biaisée de la concurrence" ;

Considérant qu'il ressort de la décision que le Conseil, qui n'était pas saisi des pratiques de la société Etablissements Laporte, mais, séparément, de celles des sociétés Signaux Laporte et Crapie contre lesquelles il a prononcé des sanctions individualisées, a, malgré une maladresse d'expression, exactement considéré que les requérantes, personnes morales distinctes, avaient, en déposant des offres séparées, manifesté leur autonomie commerciale et, ainsi, choisi de se présenter lors des appels d'offres comme des entreprises concurrentes ;

Considérant que, dès lors, quelque soit les liens pouvant exister entre elles, les sociétés Signaux Laporte et Crapie étaient tenues de respecter les règles de la concurrence auxquelles elles s'étaient soumises, ce qui excluait qu'elles puissent présenter des offres dont l'indépendance n'était qu'apparente ;

Que le moyen tiré de ce que les dossiers déposés avec leurs offres révélaient que les sociétés avaient les mêmes dirigeants est donc

inopérant ;

Considérant qu'alors qu'il n'est pas soutenu qu'elles avaient expressément indiqué que ces offres avaient été établies de concert, les deux requérantes ont, en présentant volontairement des offres séparées, fait naître chez les opérateurs extérieurs, en l'espèce le conseil général de Saône-et-Loire et ASF, une légitime croyance dans leur indépendance et dans la réalité et l'étendue de la concurrence lors de la soumission aux appels d'offres qu'ils organisaient ;

Que le conseil en a exactement déduit que cette pratique, en ce qu'elle réalise une tromperie de nature à fausser la perception du maître d'ouvrage sur l'intensité réelle de la concurrence et le nombre d'offres déposées, a un objet ou potentiellement un effet anticoncurrentiel ce qui caractérise un dommage à l'économie ; qu'attentatoire aux principes gouvernant la passation des marchés publics, la pratique considérée revêt un caractère de gravité certain ; qu'au regard des positions des deux sociétés en cause sur le marché, telles qu'elles ont été rappelées ci-dessus, se trouvent justifiées les sanctions prononcées ;

Considérant qu'il y a donc lieu de rejeter le recours ;

PAR CES MOTIFS :

Rejette le recours,

Mets les dépens à la charge des sociétés Signaux Laporte et Crapie.

LE GREFFIER

LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0091
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006943378
Date de la décision : 18/11/2003

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2003-11-18;juritext000006943378 ?
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