N° 215
GR
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Copie exécutoire
délivrée à :
- Me Feuillet,
le 09.08.2024.
Copie authentique
délivrée à :
- Me Kintzler,
le 09.08.2024.
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D'APPEL DE PAPEETE
Chambre Civile
Audience du 8 août 2024
RG 23/00077 ;
Décision déférée à la Cour : jugement n° 22/466, rg n° 21/00274 du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete du 12 septembre 2022 ;
Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 15 mars 2023 ;
Appelants :
Mme [L] [B], née le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 3], de nationalité française, et
M. [O] [V], né le [Date naissance 2] 1979 à [Localité 3], de nationalité française, demeurant à [Adresse 5] ;
Ayant pour avocat la Selarl Kintzler & Associés, représentée par Me Linda KINTZLER, avocat au barreau de Papeete ;
Intimée :
La Sa Banque de Polynésie, société anonyme, immatriculée au Rcs de [Localité 3] sous le n° 72 44 B et au répertoire des entreprises sous le n° 037366 dont le siège social est sis à [Adresse 4] ;
Représentée par Me Guillaume FEUILLET, avocat au barreau de Papeete ;
Ordonnance de clôture du 26 janvier 2024 ;
Composition de la Cour :
La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 14 mars 2024, devant M. RIPOLL, conseiller faisant fonction de président, M. SEKKAKI et Mme MARTINEZ, conseillers, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt contradictoire ;
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par M. RIPOLL, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. A R R E T,
FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES :
La cour se réfère à la décision dont appel pour l'exposé du litige et de la procédure antérieure. Il suffit de rappeler que :
La BANQUE DE POLYNÉSIE a assigné le 14 mai 2018 [O] [V] et [L] [B] en paiement des sommes restant dues au titre de trois prêts déchus du terme au 30 juin 2015 :
-prêt bonifié PAP n° 235868 du 11/02/2013 ;
-prêt personnel immobilier n° 236800 du 11/02/2013 ;
-prêt personnel immobilier n° 238020 du 23/09/2013.
La BANQUE DE POLYNÉSIE avait également notifié la résiliation d'une convention de compte joint n° 06730-300001686994-62.
Elle a motivé la déchéance du terme des prêts, qui étaient destinés à financer des travaux de construction d'une maison individuelle, par le non-respect par les emprunteurs des conditions générales des offres de prêt du fait de l'emploi des fonds versés à un autre objet que celui prévu, de l'inexécution de leurs engagements et de l'inexactitude de leurs déclarations.
[L] [B] était salariée de la BANQUE DE POLYNÉSIE. Celle-ci lui a notifié son licenciement le 12 mars 2015 au motif du détournement des fonds empruntés de leur objet, du non-respect des clauses des contrats de prêt et de la production de fausses situations de travaux et de fausses factures.
Par courrier du 19 août 2015, [O] [V] a contesté la dénonciation des concours de la BANQUE DE POLYNÉSIE.
Par jugement rendu le 2 octobre 2017, le tribunal du travail a dit le licenciement de [L] [B] fondé sur une cause réelle et sérieuse caractérisant la faute grave, mais abusif, et a condamné la BANQUE DE POLYNÉSIE à lui verser des indemnités compensatrices de préavis et de congés payés et des dommages et intérêts.
Ce jugement a été confirmé, sauf en ce qu'il a dit le licenciement abusif et a alloué des dommages et intérêts, par arrêt de cette cour du 28 mars 2019. Un pourvoi contre cet arrêt a été rejeté le 23 juin 2021.
Par jugement rendu le 12 septembre 2022, le tribunal civil de première instance de Papeete a :
Constaté la validité de la résiliation anticipée le 7 juillet 2015 des trois prêts souscrits par Mme [L] [B] et Monsieur [O] [V] auprès de la S.A BANQUE DE POLYNÉSIE les 29 janvier et 9 septembre 2013 ;
Condamné solidairement Mme [L] [B] et Monsieur [O] [V] à payer à la S.A BANQUE DE POLYNÉSIE les sommes de :
-au titre du prêt bonifié PAP n°235868 :
en principal la somme de 29.236.022 FCFP, outre intérêts au taux contractuel de 4, 75 % l'an à compter du 7/07/2015 ;
au titre de l'indemnité de 7% la somme de 2.046.522 FCFP, avec intérêts au taux légal à compter du 7/07/2015 ;
-au titre du prêt personnel immobilier n°236800 :
en principal la somme de 5.594.025 FCFP, outre intérêts au taux contractuel de 3, 05% l'an à compter du 7/07/2015 ;
au titre de l'indemnité de 7% la somme de 391.582 FCFP, outre intérêts au taux légal à compter du 7/07/2015 ;
-au titre du prêt personnel immobilier n°238020 :
en principal la somme de 3.631.333 FCFP, outre intérêts au taux contractuel de 2,50 % l'an à compter du 7/07/2015 ;
au titre de l'indemnité de 7% la somme de 254.193 FCFP, outre intérêts au taux légal à compter du 7/07/2015 ;
Ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du Code civil ;
Débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
Dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire ;
Condamné solidairement Mme [L] [B] et Monsieur [O] [V] à payer à la S.A BANQUE DE POLYNÉSIE la somme de 120.000 FCFP au titre de l'article 407 du Code de procédure civile de la Polynésie française ;
Condamné solidairement Mme [L] [B] et Monsieur [O] [V] aux dépens.
[O] [V] et [L] [B] ont relevé appel par requête enregistrée au greffe le 15 mars 2023.
Il est demandé :
1° par [O] [V] et [L] [B], dans leurs conclusions récapitulatives visées le 25 octobre 2023, de :
Infirmer en toutes ses dispositions le jugement n° RG 21/00274 rendu entre les parties le 12 septembre 2022 par le tribunal civil de première instance de Papeete ;
Statuant à nouveau,
Dire que c'est de façon abusive que la Banque a résilié les contrats de prêt ;
Dire en conséquence que sa responsabilité est engagée ;
Condamner la Banque de Polynésie à payer à Madame [L] [B] et Monsieur [O] [V] à titre de dommages et intérêts une somme équivalente au solde des prêts ;
Ordonner la compensation des sommes dues de part et d'autre ;
En conséquence, débouter la Banque de Polynésie de l'ensemble de ses demandes, fins et moyens ;
La condamner à payer à Madame [L] [B] et Monsieur [O] [V] une somme de 456 000 F par application de l'article 407 du Code de procédure civile de Polynésie française ;
La condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction ;
2° par la BANQUE DE POLYNÉSIE, dans ses conclusions visées le 24 août 2023, de :
Déclarer l'appel irrecevable ;
Débouter les appelants ;
Confirmer le jugement entrepris ;
Condamner solidairement les appelants à lui payer la somme de 145 000 FCFP au titre des frais irrépétibles d'appel ainsi qu'aux dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 janvier 2024.
Il est répondu dans les motifs aux moyens et arguments des parties, aux écritures desquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la recevabilité de l'appel :
La BANQUE DE POLYNÉSIE ne présente aucun moyen au soutien de sa fin de non-recevoir. L'appel a été interjeté dans les formes et délais légaux. Il est recevable.
Sur la responsabilité de la BANQUE DE POLYNÉSIE pour résiliation abusive des contrats de prêt :
Le jugement dont appel a retenu que :
-Sur la résiliation anticipée des prêts :
-Par contrats en date des 29 janvier et 9 septembre 2013, Mme [L] [B] et Monsieur [O] [V] ont souscrit trois prêts auprès de la S.A BANQUE DE POLYNÉSIE pour un montant total de 39.900.000 FCFP. Ces trois prêts avaient un caractère immobilier puisque leur destination était l'acquisition et la construction d'une maison d'habitation, la réalisation d'un garage, d'une clôture et d'un rangement souterrain.
-Par courrier signifié à Mme [L] [B] et Monsieur [O] [V] le 7 juillet 2015, la S.A BANQUE DE POLYNÉSIE a prononcé l'exigibilité anticipée des trois prêts susvisés et a mis en demeure les emprunteurs de rembourser la somme totale de 39.116.306 FCFP.
-Aux termes de l'article XI des conditions générales, les sommes dues au titre du prêt deviennent exigibles de plein droit par anticipation en cas d'emploi des fonds versés à un objet autre que celui défini dans la présente offre.
-Pour débloquer, les premiers fonds, Mme [L] [B] et Monsieur [O] [V] ont produit un devis de l'entreprise CIANA CONSTRUCTION chiffrant les travaux de construction de la maison à 17.092.223 FCFP.
-Les emprunteurs contestent les reproches faits. Pour autant, force est de constater que contrairement aux demandes de déblocage qui ont permis le versement des fonds, la construction n'était pas terminée début 2015. Il n'est d'ailleurs toujours pas justifié que les travaux de la maison seraient achevés, ni ceux du garage, de la clôture et du rangement souterrain. En outre, il est reconnu que l'entreprise CIANO CONSTRUCTION a reversé sur le compte bancaire de Mme [L] [B] et/ou de Monsieur [O] [V] les sommes de 46.855, 03 dollars US et 11.201.317 FCFP, ce qui représente approximativement la totalité du devis de construction.
-Les pièces produites et déclarations des parties démontrent qu'en réalité les factures, même celles établies au nom de CIANO CONSTRUCTION, étaient réglées directement par les emprunteurs.
-Par conséquent, l'entreprise CIANO CONSTRUCTIONS, qui a été créée par le père de Monsieur [O] [V], quelques jours après l'octroi des prêts, a manifestement été constituée pour permettre plus facilement l'octroi des prêts et le déblocage des fonds.
-Enfin, au total, les emprunteurs justifient de l'utilisation des fonds à hauteur de :
achat terrain et frais de notaire : 18.850.000 FCFP ;
factures matériaux à Tahiti : environ 5.100.000 FCFP (factures au nom de CIANO CONSTRUCTION comprises) ;
facture Chine : 46.844, 03 dollars US (env. 5.600.000 FCFP) ;
transport/dédouanement : 1.295.519 +121.000 FCFP ;
Soit au total 30.976.675 FCFP.
-Par conséquent, même si l'on considère que toutes les factures produites l'ont été au bénéfice de la construction de la maison des emprunteurs, il reste un différentiel d'environ 9.000.000 FCFP dont l'utilisation n'a pas été justifiée.
-Sur les sommes dues :
-Au titre du prêt bonifié PAP n°235868 :
Au vu du contrat et tableau d'amortissement, le capital restant dû était de 29.236.022 FCFP au 7 juillet 2015, somme à laquelle Mme [L] [B] et Monsieur [O] [V] seront solidairement condamnés, avec intérêts au taux contractuel de 4,75 % l'an à compter du 7/07/2015 ; les emprunteurs ne pouvant se prévaloir du fait de la résiliation anticipée du prêt, de la prise en charge des intérêts par la Polynésie française. Ils seront également condamnés solidairement, conformément aux stipulations contractuelles, d'une indemnité de 7% du capital dû, soit 2.046.522 FCFP, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du 7/07/2015. Par application de l'article 1154 du Code civil, les intérêts dus pour une année entière seront capitalisés.
-Au titre du prêt personnel immobilier n°236800 :
Au vu du contrat et tableau d'amortissement, le capital restant dû était de 5.594.025 FCFP au 7 juillet 2015, somme à laquelle Mme [L] [B] et Monsieur [O] [V] seront solidairement condamnés, avec intérêts au taux contractuel de 3,05% l'an à compter du 7/07/2015. Ils seront également condamnés solidairement, conformément aux stipulations contractuelles, d'une indemnité de 7% du capital dû, soit 391.582 FCFP, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du 7/07/2015. Par application de l'article 1154 du Code civil, les intérêts dus pour une année entière seront capitalisés.
-Au titre du prêt personnel immobilier n°238020 :
Au vu du contrat et tableau d'amortissement, le capital restant dû était de 3.631.333 FCFP au 7 juillet 2015, somme à laquelle Mme [L] [B] et Monsieur [O] [V] seront solidairement condamnés, avec intérêts au taux contractuel de 2,50 % l'an à compter du 7/07/2015. Ils seront également condamnés solidairement, conformément aux stipulations contractuelles, d'une indemnité de 7% du capital dû, soit 254.193 FCFP, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du 7/07/2015. Par application de l'article 1154 du Code civil, les intérêts dus pour une année entière seront capitalisés.
Les moyens d'appel sont : les appelants ont justifié avoir dépensé pour la construction de leur maison le coût d'achat du terrain et la totalité du devis accepté de l'entreprise CIANO CONSTRUCTION, dans lequel il faut inclure le coût de la main-d''uvre dont le premier juge n'a pas tenu compte ; les deux premiers prêts ont été intégralement affectés à leur objet ; le troisième concernait des constructions supplémentaires ; la banque a résilié de manière abusive simultanément ces trois prêts ; les emprunteurs ont dû saisir la commission de surendettement ; la banque a engagé sa responsabilité et doit être condamnée à payer des dommages et intérêts au moins équivalents au solde des prêts ; elle n'est pas bien fondée à demander à percevoir à la fois les intérêts à taux plein et la bonification versée par la Polynésie française dont il n'est pas établi qu'elle ait été supprimée.
La BANQUE DE POLYNÉSIE conclut que : à son insu, l'entreprise CIANO CONSTRUCTION a été créée par le beau-père de Mme [B] uniquement pour servir le projet de construction objet du litige ; un audit a été nécessaire pour le déceler ; les prêts n'auraient pas été accordés en connaissance de cette situation ; les travaux n'ont vraisemblablement pas été réalisés par le beau-père, âgé de 73 ans ; la construction n'a pas été achevée dans les délais ; les contrôles ont permis de constater qu'une partie des fonds versés sur le compte bancaire de CIANO CONSTRUCTION ont été reversés en espèces sur un compte joint [J] ; ce procédé a permis de faire transiter les fonds de l'entrepreneur supposé directement sur le compte de ceux-ci, qui l'ont reconnu ; la juridiction du travail a caractérisé ces fraudes au sujet du licenciement de [L] [B] ; la responsabilité de la banque n'est pas engagée ; le jugement entrepris a exactement condamné les emprunteurs au paiement d'intérêts de retard au taux contractuel de 4,75 % l'an ; la bonification des intérêts par la Polynésie française ne bénéficiait plus aux emprunteurs à compter du 1er juillet 2015, date de la déchéance du terme : c'est donc le taux d'intérêt contractuel qui doit s'appliquer ; le contrôle administratif de la conformité d'un prêt bonifié est sans incidence sur les effets de la déchéance du terme.
Sur quoi :
La BANQUE DE POLYNÉSIE a notifié la déchéance des trois prêts en cause au visa de l'article 11 de leurs conditions générales jointes aux offres acceptées par les emprunteurs. Il y est stipulé que :
ARTICLE XI - EXIGIBILITÉ ANTICIPÉE - DÉFAILLANCE DE L'EMPRUNTEUR :
A - Toutes les sommes dues au titre du présent prêt, tant en principal qu'en intérêts, primes et surprimes d'assurance-groupe et accessoires deviennent exigibles par anticipation dans l'un des cas suivants :
-liquidation judiciaire, déconfiture, cessation d'exploitation ou cession de l'entreprise dans le cadre d'une procédure collective, de l'emprunteur ou de la (les) cautions s'il en existe ;
-dès l'effet de la résiliation par l'assureur, pour quelque motif que ce soit, de l'adhésion au contrat d'assurance-groupe visé à l'art VIII de l'un quelconque des assurés au titre du prêt (emprunteur, co-emprunteur, cautions) ;
-décès de l'emprunteur, sauf effet de l'assurance-groupe ; décès de l'assuré unique, assuré à hauteur du montant total du prêt ; au cas de pluralité d'assurés, chacun à concurrence d'une fraction du montant total du prêt les sommes dues au titre de celui-ci seraient exigibles par anticipation à hauteur du montant de l'assurance- groupe souscrite sur la tête du défunt ;
-emploi des fonds versés à un objet autre que celui défini dans la présente offre ;
-non-paiement à son échéance, d'une mensualité ou de toute somme dues à la BANQUE DE POLYNÉSIE, à un titre quelconque en venu des présentes ;
-mutation et notamment apport en société, constitution de droits réels, expropriation ou saisie visant les biens donnés en garantie ;
-défaut d'assurance des biens financés et/ou donnés en garantie, pour leur valeur de reconstruction ou au moins pour leur valeur de remplacement ;
-destruction totale ou partielle de ces biens ;
-si les privilèges, sûretés ou droits immobiliers dont la BANQUE DE POLYNÉSIE doit bénéficier à la garantie des sommes prêtées ne venaient pas au rang promis si les biens finances n'étaient plus destinés à l'habitation ou s'ils n'étaient plus occupés conformément aux déclarations effectuées par l'emprunteur ;
-absence de réception des rémunérations ou revenus lorsque la domiciliation de ceux-ci a été exigée ;
-non-production, non-conformité, ou remise hors des délais des pièces et documents prévus à l'article III ;
-utilisation du prêt au remboursement de prêts déjà consentis pour le financement de l'opération ;
-et d'une manière générale, inexécution par l'emprunteur de l'un des engagements par lui contractés ou inexactitude de l'une des déclarations par lui effectuées.
L'exigibilité anticipée, dans l'un des cas ci-dessus prévus, aurait lieu immédiatement et de plein droit sauf décision contraire écrite de la BANQUE DE POLYNÉSIE. La BANQUE DE POLYNÉSIE n'aurait pas à faire prononcer en justice la déchéance du terme qui lui demeurerait acquise nonobstant tous paiements ou régularisations postérieurs à l'exigibilité obtenue de plein droit.
B - Indemnités - Intérêts de retard :
Toutes sommes dues au titre du prêt, y compris au cas d'exigibilité anticipée, porteront du jour de leur exigibilité normale ou anticipée et jusqu'à complet paiement, intérêts, sans mise en demeure préalable, au taux stipulé dans les Conditions Particulières.
Si le prêteur n'exige pas le remboursement immédiat des dites sommes, le taux ci-dessus pourra être majoré de trois points jusqu'à ce que l'emprunteur ait repris le cours normal des échéances contractuelles. Cette stipulation ne pourra nuire à l'exigibilité survenue et par suite valoir accord de délai de règlement.
-Par contre, si le préteur exige le remboursement immédiat des sommes dues, il peut demander une indemnité qui ne peut dépasser 7% desdites sommes.
Les intérêts seront capitalisés, s'ils sont dus pour une année entière, conformément à l'article 1154 du Code Civil.
Dans son arrêt du 28 mars 2019, qui est définitif, la chambre sociale de cette cour, au sujet de la contestation du licenciement de [L] [B] par la BANQUE DE POLYNÉSIE, a retenu, notamment, que :
-[L] [B] ne rapporte pas la preuve de ce que la SA Banque de Polynésie a été informée que l'entrepreneur ayant succédé à celui ayant commencé le chantier était son beau-père, le devis de construction et les factures étant à l'en-tête de CIANO Construction, alors que [Z] [V] exerçait en nom propre.
-Si elle indiquait des versements d'argent sur son compte les 23 mai, 12 juin et 29 août 2013 provenant son beau-père, elle ne mentionnait pas l'entreprise Ciano Construction qui percevait les fonds décaissés par la SA Banque de Polynésie.
-Elle reconnaît avoir reçu de l'entreprise les sommes de 46 855,03 Dollars et de 11 201 317 FCP.
-Elle ne pouvait ignorer, compte tenu de sa fonction et de son niveau professionnel, ni les règles strictes en matière de prêt immobilier, ni plus particulièrement l'obligation de verser les fonds décaissés à l'entreprise chargée de la construction, ni celle du déblocage des fonds en fonction de l'état d'avancement des travaux.
-Or, elle a personnellement fait des commandes et réglé des factures et a obtenu un déblocage de fonds en produisant des factures correspondant à un état d'avancement des travaux erroné.
-Il doit être ajouté que : les 2 premiers prêts ont été conclus avant les congés sans solde pris par le compagnon de l'appelante, [O] [V], qui percevait alors un salaire de chauffeur-livreur ; alors que celui-ci avait, le 28 février 2013, sollicité un congé sans solde d'une durée de 4 mois à compter du 13 mai 2013, puis une prolongation de ce congé d'une durée de 7 semaines jusqu'au 31 octobre 2013, [L] [B] ne démontre pas avoir informé son employeur de l'intention de [O] [V] ni de la prise du congé ; les fonds accordés et débloqués par la banque sur la base de deux salaires ont donc servi en partie à verser une rémunération à l'un des emprunteurs dont le contrat de travail, désormais suspendu qui lui avait fait obtenir un prêt important, ne lui permettait plus de rembourser les fonds versés en sa faveur, situation qui peut être qualifiée de frauduleuse et que [L] [B] a acceptée sinon organisée.
-Celle-ci n'a jamais informé son employeur des incidents de chantier et du retard affectant la construction de la maison d'habitation.
-Dans ces conditions, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte purement et simplement que le tribunal du travail a considéré que : le litige ne relève pas de la vie personnelle de [L] [B] ; le détournement de procédure de licenciement n'est pas démontré ; le comportement de [L] [B], compte tenu de ses responsabilités, démontre un manque de loyauté et de professionnalisme ; il constitue une faute grave rendant impossible la poursuite de l'activité de la salariée au sein de l'entreprise.
-Sur la rupture abusive du contrat de travail :
-L'article Lp. 1225-5 du code du travail de la Polynésie française dispose que : «La rupture d'un contrat de travail à durée indéterminée par le salarié ou par l'employeur ouvre droit à des dommages et intérêts si elle est abusive.. ».
-[L] [B] ne conteste pas que le compte ressources humaines est automatiquement clôturé lorsque le contrat de travail est rompu. Par ailleurs, elle ne saurait reprocher à l'employeur les nombreux courriers dont elle et son compagnon ont été les destinataires dans la mesure où ils sont automatiquement envoyés en cas d'incident de paiement.
-Enfin, elle a été licenciée pour des faits gravement fautifs consistant en un défaut de respect de ses engagements contractuels, en un détournement à son profit de fonds décaissés qui ne lui étaient pas destinés et en des omissions ou actes déloyaux.
-Elle ne peut donc faire grief à son employeur de craindre la poursuite de toute relation avec elle.
-Et elle n'établit pas que la décision de la SA Banque de Polynésie de clôturer des comptes et de rendre exigible les prêts ait été dictée par d'autres raisons que professionnelles et notamment par une intention vexatoire.
Cette décision rendue en matière prud'homale, tout comme le jugement déféré, ont caractérisé que les crédits consentis par la BANQUE DE POLYNÉSIE aux consorts [J] ont été accordés sur la foi de fausses déclarations des emprunteurs et que les fonds ont été utilisés à des fins autres que celles stipulées dans les offres des trois prêts.
En présence de cette fraude, les moyens d'appel tenant à la justification de l'emploi de la totalité des deux premiers prêts à leur objet en y incorporant le coût supposé de la main-d''uvre sont inopérants, puisqu'il a été créé intentionnellement une confusion entre le maître d'ouvrage emprunteur et l'entrepreneur, par l'occultation d'un lien de parenté avec ce dernier, et par la création de flux financiers entre eux sur les fonds débloqués par la banque. En effet, la fraude corrompt tout.
Le caractère fictif de l'opération de crédit résulte au demeurant d'un courrier des consorts [J] du 3 septembre 2014 demandant l'annulation du permis de construire qui leur avait été délivré le 2 avril 2013, puisque cette annulation rendrait les prêts sans objet. Les consorts [J] n'ont pas justifié de la réception des constructions et de la délivrance d'un certificat de conformité.
Par des motifs exacts en fait et bien fondés en droit, que ne remettent pas en cause les moyens d'appel et que la cour adopte, la décision entreprise a justement constaté la validité de la résiliation anticipée des trois prêts souscrits par les appelants.
Dès lors, aucune faute engageant la responsabilité de la BANQUE DE POLYNÉSIE n'est démontrée par les appelants.
Le jugement déféré a exactement appliqué aux sommes restant dues les intérêts contractuels convenus en cas de déchéance du terme. En effet, l'annexe relative aux conditions particulières et générales du prêt bonifié PAP n° 235868 du 11/02/2013 stipule qu'en cas de déchéance du terme, la Polynésie française cessera la prise en charge de la bonification à compter du jour de celle-ci. Il s'agit d'un effet contractuel de la déchéance du terme par la banque qui n'est pas conditionné par une décision de l'administration.
Le jugement entrepris sera donc confirmé.
Il sera fait application des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française au bénéfice de l'intimée. La partie qui succombe est condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort ;
En la forme, déclare l'appel recevable ;
Au fond, confirme le jugement entrepris ;
Condamne solidairement [O] [V] et [L] [B] à payer à la SA BANQUE DE POLYNÉSIE la somme supplémentaire de 145 000 FCFP en application des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française devant la cour ;
Rejette toute autre demande ;
Met à la charge de [O] [V] et [L] [B] pris solidairement les dépens de première instance et d'appel, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 409 du Code de procédure civile de la Polynésie française.
Prononcé à Papeete, le 8 août 2024.
Le Greffier, Le Président,
signé : M. SUHAS-TEVERO signé : G. RIPOLL