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08/08/2024 | FRANCE | N°23/00012

France | France, Cour d'appel de Papeete, Cabinet d, 08 août 2024, 23/00012


N° 214



GR

--------------



Copie exécutoire

délivrée à :

- Me Mikou,

le 08.08.2024.





Copie authentique

délivrée à :

- Me Piriou,

le 08.08.2024.

REPUBLIQUE FRANCAISE



COUR D'APPEL DE PAPEETE



Chambre Civile





Audience du 8 août 2024





RG 23/00012 ;



Décision déférée à la Cour : jugement n° 61, rg n° 22/00001 du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, section détachée d'Uturoa Rai

ate, du 9 novembre 2022 ;



Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 10 janvier 2023 ;



Appelant :



M. [J] [A], né le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 3], de nationalité français...

N° 214

GR

--------------

Copie exécutoire

délivrée à :

- Me Mikou,

le 08.08.2024.

Copie authentique

délivrée à :

- Me Piriou,

le 08.08.2024.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D'APPEL DE PAPEETE

Chambre Civile

Audience du 8 août 2024

RG 23/00012 ;

Décision déférée à la Cour : jugement n° 61, rg n° 22/00001 du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, section détachée d'Uturoa Raiate, du 9 novembre 2022 ;

Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 10 janvier 2023 ;

Appelant :

M. [J] [A], né le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 3], de nationalité française, [Adresse 5] ;

Ayant pour avocat la Selarl Mikou, représentée par Me Mourad MIKOU, avocat au barreau de Papeete ;

Intimés :

M. [E] [K], né le [Date naissance 2] 1964, de nationalité française, demeurant à [Adresse 7] ;

La Société Lvm [Localité 4] , société civile immbilière, au capital de 200 000 FCP, immatriculée au Rcs de Papeete sous le n° Tpi 156 27 C, n° Tahiti 48897 ayant son siège social sis à [Adresse 8] à [Localité 4], prise en la personne de son représentant légal : [E] [K] ;

Ayant pour avocat la Selarl Jurispol, représentée par Me Yves PIRIOU, avocat au barreau de Papeete ;

Ordonnance de clôture du 26 janvier 2024 ;

Composition de la Cour :

La cause ait été débattue et plaidée en audience publique du 14 mars 2024, devant M. RIPOLL, conseiller faisant fonction de président, M. SEKKAKI et Mme MARTINEZ, conseillers, qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;

Arrêt contradictoire ;

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Signé par M. RIPOLL, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A R R E T,

FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES :

La cour se réfère à la décision dont appel pour l'exposé du litige et de la procédure antérieure. Au vu des pièces produites, la chronologie du litige est la suivante :

La société civile immobilière LVM BORA-BORA a été immatriculée le 4 mai 2015. Elle a été constituée, selon ses statuts du 27 mars 2015, entre [J] [A], restaurateur (99 parts, gérant), et [D] [U], maître d'hôtel (1 part).

La SCI LVM BORA-BORA a acquis le 9 juillet 2015 une propriété bâtie située à Nunue (Bora Bora) dont le prix a été payé au moyen d'un crédit accordé par la BANQUE DE POLYNÉSIE, bénéficiaire d'une inscription hypothécaire pour 97,5 MF CFP.

La SCI LVM BORA-BORA a passé en août 2016 avec la société BOYER un marché de travaux de gros-'uvre d'un bâtiment d'un montant de 62 992 856 F CFP. Elle a obtenu en octobre 2016 un permis de construire pour la réalisation de deux extensions à usage de restaurant.

La valeur de l'immeuble a été estimée en avril 2018 par le cabinet BARTHÉLEMY au montant de 460 545 000 F CFP, sans possibilité actuelle de location du fait de son état futur d'achèvement et des risques de sécurité.

La société BOYER a saisi le 8 octobre 2018 le tribunal mixte de commerce d'une demande en paiement de la somme de 55 292 856 F CFP restant due sur le prix des travaux réalisés.

Par acte authentique du 25 juillet 2019, [E] [K] s'est porté cessionnaire de 49 parts de la SCI LVM BORA-BORA ainsi que de la part de [D] [L].

L'acte de cession a exposé, notamment, que :

- «La construction actuellement inachevée, n'a donc pas encore fait l'objet de la délivrance du certificat de conformité, compte tenu des travaux restant à exécuter, dont le cessionnaire est informé et dont il a pu estimer le coût à sa charge».

-La BANQUE DE POLYNÉSIE a autorisé la cession et a renoncé à demander l'exigibilité anticipée du remboursement du prêt, sous réserve de la reprise par [E] [K] de l'engagement de caution à hauteur des parts acquises, ce que ce dernier s'est engagé à faire.

-[J] [A] s'est engagé à obtenir la mainlevée d'une hypothèque judiciaire provisoire prise au profit de la société BOYER.

-L'actif de la SCI est constitué par son immeuble.

-Son passif comprend un emprunt à [W] [O] [I] (32,6 MF CFP), l'encours de la BANQUE DE POLYNÉSIE (117 194 573 F CFP), le solde dû à l'entreprise BOYER (54 MF CFP).

-Les comptes courants d'associés sont des montants de 123 961 591 F CFP ([J] [A], qui mentionne aussi une avance de trésorerie de 7 MF CFP non encore comptabilisée) et 1 MF CFP ([D] [L]).

Ont été joints à l'acte de cession une attestation du gérant confirmant les comptes courants et un bilan établi par le cédant.

La cession a été faite notamment aux conditions suivantes :

-Cession des parts 1 à 49 et de 64 MF CFP en compte courant par [J] [A] ; cession de la part 100 et de 1 MF CFP en compte courant par [D] [L].

-Prix de cession total : 90 MF CFP acquitté comptant par M. [K] au moyen d'un emprunt auprès de la BANQUE DE TAHITI garanti notamment par un cautionnement hypothécaire donné par la SCI LVM BORA-BORA.

L'acte de cession comprend une clause de garantie de passif.

En suite de la cession, les statuts sont modifiés quant à la composition du capital social de la SCI (200 000 F CFP) :

-[E] [K] : 50 parts.

-[J] [A] : 50 parts. Tous deux sont nommés gérants.

Selon jugement du 23 août 2019, la société BOYER s'est désistée de son instance contre la SCI LVM BORA-BORA au motif que la dette a été intégralement payée.

Une assemblée générale de la SCI LVM BORA-BORA du 20 avril 2020 a acté la démission de [J] [A] de ses fonctions de gérant.

Une assemblée générale du 11 juin 2020 a autorisé le gérant à mettre en vente l'immeuble appartenant à la SCI ([Adresse 6]) avec mandats de recherche d'acquéreur donné à des agences immobilières pour le prix minimum de 350 MF CFP.

La société d'experts-comptables AUDIT PACIFIQUE a établi en date du 23 février 2021 les états financiers de la SCI LVM BORA-BORA au 31 décembre 2020. Le résultat net est de ' 7 583 382 F CFP sur un total de bilan de 303 105 683 F CFP. Il n'y a pas de produits d'exploitation.

Par courrier réceptionné le 1er août 2021, [J] [A] a mis en demeure [E] [K] d'accepter une offre d'achat reçue avec paiement comptant de ce prix expirant le jour même. Selon un SMS du 2 août, [E] [K] aurait indiqué qu'il n'était pas vendeur et qu'il allait faire un emprunt pour racheter les parts de [J] [A].

Par lettre recommandée réceptionnée le 26 août 2021, [J] [A] a mis en demeure [E] [K] de convoquer une assemblée générale ayant pour objet de délibérer sur la situation financière de la SCI LVM BORA-BORA et sur sa gestion depuis le 20 avril 2020.

Une assemblée générale de la SCI LVM BORA-BORA a été convoquée le 3 septembre 2021 pour le 20 septembre 2021. Ont été mis à l'ordre du jour l'approbation des comptes de l'exercice 2020, la nomination de [J] [A] comme cogérant, le point sur la situation de la [Adresse 6] et l'offre d'achat reçue, le rachat des parts sociales de [J] [A] à hauteur de cette offre d'achat. Un rapport de gestion a été joint.

[J] [A] a demandé par courrier du 13 septembre 2021 la communication des justificatifs des données comptables et le maintien de ses propositions d'ordre du jour.

Le procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire du 20 septembre 2021 mentionne que :

-Les comptes annuels n'ont pas été approuvés, les deux associés votant contre, dans l'attente d'un audit en ce qui concerne M. [K] et des justificatifs demandés en ce qui concerne [J] [A].

-Les deux associés ont voté contre l'affectation en report à nouveau de la perte de l'exercice (7 583 382 F CFP).

-La nomination de [J] [A] comme cogérant n'est pas adoptée, M. [K] votant contre.

-La désignation de [J] [A] pour rechercher un acquéreur de l'immeuble aux conditions déjà définies n'est pas adoptée, M. [K] votant contre.

-L'offre de rachat des parts de [J] [A] n'est pas adoptée, les deux associés votant contre.

[E] [K] a fait notifier le 30 septembre 2021 par son conseil ses réponses à la mise en demeure de [J] [A].

[J] [A] a fait dresser constat le 25 octobre 2021 de l'état des lieux de la [Adresse 6].

[J] [A] a introduit la présente instance devant la section détachée de Uturoa Raiatea du tribunal civil de première instance de Papeete le 5 janvier 2022 aux fins de voir déclarer [E] [K] responsable de fautes de gestion et de le voir condamner à réparer les préjudices qu'il lui a causé de ce fait (utilisation privative de l'immeuble, perte de chance d'améliorer la rentabilité de la SCI, bénéfice manqué du fait du refus de l'offre d'achat, préjudice financier constitué par les encours de la SCI restant dus, préjudice moral). Il a demandé de prononcer la révocation judiciaire de [E] [K] et la désignation d'un mandataire ad hoc pour convoquer une assemblée générale. [E] [K] a conclu au débouté de ces demandes.

Par jugement rendu le 9 novembre 2022, le juge de la section détachée de Uturoa Raiatea du tribunal de première instance de Papeete a :

dit qu'aucune faute ne peut être retenue à l'encontre de M. [E] [K] ;

rejeté toute demande d'indemnisation de M. [J] [A] ;

rejeté toute autre demande ;

condamné M. [J] [A] aux dépens.

[J] [A] a relevé appel par requête enregistrée au greffe le 10 janvier 2023.

Il est demandé :

1° par [J] [A], dans ses conclusions récapitulatives visées le 23 janvier 2024, de :

Déclarer la requête d'appel recevable ;

Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 9 novembre 2022 par le Tribunal de première instance de Papeete, section détachée d'Uturoa, sauf en ce qu'il a débouté M. [K] de ses demandes ;

Statuant à nouveau :

Débouter M. [E] [K] de toutes ses demandes, fins et prétentions ;

Dire et juger que les agissements de M. [E] [K] sont constitutifs d'une faute de gestion ;

Sur l'indemnisation du préjudice de la SCI LVM [Localité 4] :

Condamner M. [E] [K] à verser à la SCI LVM [Localité 4] les sommes suivantes :

au titre du préjudice économique :

25.610.000 F CFP en réparation du préjudice résultant de l'utilisation privative du bien immobilier de la SCI LVM [Localité 4] ;

4.500.000 F CFP au titre de la perte de chance d'améliorer la rentabilité de la SCI LVM [Localité 4] au titre des années 2020, 2021, 2022 et 2023, outre la somme de 1.250.000 F CFP par an à compter du 1er janvier 2024;

10.000.000 F CFP au titre du bénéfice manqué par suite du refus de M. [K] d'accepter l'offre d'achat présentée à la SCI LVM [Localité 4] pour un montant de 350.000.000 F CFP ;

138.074.708 F CFP au titre du préjudice financier subi par la SCI LVM [Localité 4] correspondant aux encours restants dus à la date de novembre 2021 ;

7.332.000 F CFP au titre de la charge des intérêts de retard supportés par la SCI LVM [Localité 4] pour une période de 6 mois (de janvier 2024 à juin 2024 inclus) ;

14.530.410 F CFP au titre des pertes enregistrées par la SCI LVM [Localité 4] depuis le 2 août 2021 au 31 décembre 2022 ;

5.000.000 F CFP au titre du préjudice moral ;

Condamner M. [E] [K] à supporter personnellement les intérêts de retard dus par la SCI LVM [Localité 4] à compter du 1er juillet 2024 au titre du remboursement du compte courant d'associé de M. [A] ;

Condamner M. [E] [K] à supporter personnellement le montant des pertes enregistrées par la SCI LVM [Localité 4] au titre de l'exercice 2023 ;

Sur la révocation judiciaire de M. [K] :

Prononcer la révocation judiciaire de M. [E] [K] ;

Et en conséquence, désigner tel mandataire ad hoc qu'il plaira aux fins de convoquer l'assemblée générale des associés en vue de procéder à la désignation d'un nouveau gérant ;

À défaut de prononcer la révocation judiciaire de M. [K], lui enjoindre :

D'assurer la SCI LVM [Localité 4] contre les risques classiques dont l'incendie, outre la responsabilité civile ;

De tenir à la disposition de son associé les documents comptables de la SCI LVM [Localité 4] ;

Dire et juger que chacune de ces injonctions sera assortie d'une astreinte journalière de 30.000 F CFP passé un délai de 15 jours suivant la décision à intervenir ;

Sur l'indemnisation du préjudice de M. [A] :

Condamner M. [E] [K] à verser à M. [J] [A] :

la somme de 20.000.000 F CFP au titre de son préjudice moral ;

la somme de 112.757.712 F CFP au titre de son préjudice économique ;

Ordonner la publication du dispositif de la décision à intervenir ;

Dire et juger que cette publication sera effectuée aux frais de M. [E] [K], dans deux journaux locaux, au choix de M. [A], sur une période continue de 3 jours consécutifs ;

Condamner M. [E] [K] à verser à M. [J] [A] la somme de 500.000 F CFP au titre des frais irrépétibles de lre instance, ainsi qu'aux dépens dont distraction d'usage au profit de la SELARL TIKI LEGAL;

Condamner M. [E] [K] à verser à M. [J] [A] la somme de 1.500.000 F CFP au titre des frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux dépens dont distraction ;

2° par [E] [K] et par la SCI LVM BORA-BORA représentée par son gérant [E] [K], dans leurs conclusions récapitulatives visées le 25 janvier 2024, de :

Statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel ;

Le dire mal fondé ;

En conséquence,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [J] [A] de l'intégralité de ses fins, moyens et conclusions ;

Recevoir M. [E] [K] en son appel incident ;

Dire et juger l'action abusive ;

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle de M. [K] ;

Vu l'article 1382 du Code Civil,

Condamner M. [J] [A] à payer à M. [E] [K] la somme de 5 000 000 F CFP à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Condamner M. [J] [A] à payer à M. [E] [K] la somme de 1 000 000 CFP au titre des dispositions de l'article 407 du Code de Procédure Civile de la Polynésie française ;

Condamner M. [J] [A] aux entiers dépens dont distraction d'usage.

D'autre part, par jugement rendu le 21 décembre 2023, le juge de la section détachée de Raiatea du tribunal de première instance de Papeete a condamné la SCI LVM [Localité 4] à payer à [J] [A] au titre du remboursement du solde créditeur de son compte courant d'associé la somme de 112 677 712 F CFP. Ce jugement a été frappé d'appel et d'une demande d'arrêt de l'exécution provisoire.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 janvier 2024.

Il est répondu dans les motifs aux moyens et arguments des parties, aux écritures desquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

L'appel a été interjeté dans les formes et délais légaux. Sa recevabilité n'est pas discutée.

Sur les actions exercées par [J] [A] :

Le jugement dont appel a retenu que :

-Sur une ou des fautes de gestion de M. [E] [K] :

-Vu l'article 1850 du Code civil, dans sa version applicable à la Polynésie française.

-Chaque gérant est responsable individuellement envers la société et envers les tiers des fautes commises dans sa gestion. Il est constant que la notion de faute de gestion ne fait l'objet d'aucune définition précise par la loi. La jurisprudence définit traditionnellement la faute de gestion comme un comportement du dirigeant contraire à l'intérêt social, que ce comportement résulte d'une prise de décision ou d'une simple abstention.

-Une faute de gestion peut notamment être un acte de négligence, d'imprudence ou des man'uvres frauduleuses, étant rappelé que les dirigeants doivent se comporter, dans la gestion des affaires sociales, de manière prudente, diligente et active.

-À l'inverse, il n'y a pas de faute de gestion lorsque le dirigeant agit globalement de manière correcte, de bonne foi et en respectant les usages de sa profession.

[J] [A] expose que du fait de sa qualité d'associé de la SCI LVM BORA-BORA, il a intérêt et qualité à engager une action sociale (dite ut singuli) afin d'obtenir la réparation du préjudice social causé à la société par les agissements fautifs de son gérant (C. civ., art. 1843-2).

Il fonde ses demandes de réparation d'un préjudice personnel sur la responsabilité civile pour faute du gérant (C. civ. en vigueur en Polynésie française, art. 1382).

[J] [A] est recevable à exercer chacune de ces deux actions.

Aux termes de l'article 1850 du code civil, chaque gérant est responsable individuellement envers la société et envers les tiers, soit des infractions aux lois et règlements, soit de la violation des statuts, soit des fautes commises dans sa gestion.

Une faute de gestion, qu'elle soit d'imprudence ou négligence ou frauduleuse, s'apprécie au regard de l'intérêt social et par référence à ce qui est attendu d'un dirigeant normalement diligent et exempt de déloyauté. Elle ne donne lieu à réparation que s'il est prouvé qu'elle a directement causé un préjudice.

Sur les fautes de gestion reprochées à [E] [K] :

[J] [A] a été gérant unique de la SCI LVM BORA-BORA du 27 mars 2015 au 25 juillet 2019.

[J] [A] et [E] [K] ont été cogérants du 25 juillet 2019 au 20 avril 2020, date de la démission du premier.

[E] [K] est gérant unique depuis le 20 avril 2020.

1-Le défaut réitéré de convocation de l'assemblée générale annuelle dans les délais légaux :

Le jugement dont appel a retenu que :

- Sur le retard dans la convocation de l'assemblée générale ordinaire pour l'approbation des comptes au 31 décembre 2020 :

-Il ressort des pièces produites par les parties que l'assemblée générale ordinaire de la S.C.I. LVM [Localité 4] s'est tenue le 20 septembre 2021.

-À l'occasion de cette assemblée générale ordinaire, une résolution d'approbation des comptes de l'année 2020 a été soumise au vote.

-Aucun élément au dossier ne permet de conclure qu'il a existé dans la convocation de l'assemblée générale ordinaire en vue de l'approbation des comptes au 31 décembre 2020 un retard tel qu'il soit constitutif d'une faute de gestion.

[J] [A] conclut que :

-L'assemblée générale devant approuver les comptes de l'exercice clos le 31/12/2020 aurait dû se tenir au plus tard le 30/06/2021. [E] [K] ne l'a convoquée que le 03/09/2021 pour le 20/09/2021. Il s'agit d'une négligence que rien ne justifie sinon la volonté de tenir à l'écart son associé.

-Aucune assemblée générale n'a été convoquée en 2022 pour approuver les comptes de l'exercice 2021.

-[E] [K] l'a convoqué le 14/09/2023 pour le 09/10/2023 à une assemblée générale devant statuer sur les comptes des exercices 2021 et 2022.

-Le retard pour convoquer l'assemblée générale d'approbation des comptes a été de 16 mois au titre de l'exercice 2021 et de 4 mois au titre de l'exercice 2022.

-Aucune difficulté n'explique ces retards. Il s'agit d'une cause légitime de révocation du gérant. La gestion de la société s'en est trouvée indûment perturbée.

[E] [K] conclut que ce retard résulte du retard de la transmission des comptes par le nouvel expert-comptable.

Sur quoi :

Le défaut de convocation de l'assemblée annuelle ou l'absence de rapport écrit sur l'activité de la société constitue une faute de gestion du gérant au sens de l'article 1850 du code civil. Il n'est pas justifié d'une cause étrangère qui exonérerait [E] [K] de sa responsabilité, alors que le retard à convoquer l'assemblée générale annuelle n'a fait que s'amplifier en dépit des demandes de [J] [A].

Le jugement sera donc infirmé de ce chef.

2-Le défaut de mise à disposition des documents sociaux au profit de [J] [A] constituant une entrave au droit de consultation de l'associé :

Le jugement dont appel a retenu que :

-Sur l'obstacle à la consultation des documents au siège social de la société :

-Il ressort des pièces produites que M. [J] [A] s'est vu refuser un temps (août 2020) l'accès au siège social de la société, rendant impossible la consultation des documents de la société. M. [E] [K] évoque à ce sujet la nécessité de clôturer les lieux par mesure de sécurité pour éviter les vols et les rôdeurs.

-Il ne ressort pas des pièces produites par les parties que M. [E] [K] ait interdit plus longtemps à M. [J] [A] de venir consulter les documents au siège social de la société.

-Ainsi, le refus momentané opposé par M. [E] [K] à M. [J] [A] de l'autoriser à se rendre au siège social de l'entreprise, refus motivé par la mise en place de mesures de sécurité, n'est pas constitutif d'une faute de gestion.

-Il sera observé, de manière superfétatoire, que M. [J] [A] ne se prévaut d'aucun préjudice (perte de chance) du fait de l'absence momentanée de consultation des documents de la société.

[J] [A] conclut que :

-Au refus constaté par le premier juge ont fait suite plusieurs vaines mises en demeure de sa part adressées au gérant jusqu'à la convocation à l'assemblée générale du 09/10/2023.

-Il s'est rendu au siège social accompagné d'un huissier et aucun document social ne s'y trouvait.

-Le défaut de mise à disposition des documents l'a privé d'être pleinement informé de la gestion de la société avant la tenue de l'assemblée générale. Il s'agit d'une obstruction volontaire et réitérée du fait de [E] [K].

-Il n'a disposé que des bilans comptables sans les pièces justificatives.

[E] [K] conclut que [J] [A] n'a pas été interdit de consulter les documents au siège social mais avait été invité à prendre rendez-vous ce qu'il a refusé.

Sur quoi :

L'article 1855 du Code civil dispose que : 'Les associés ont le droit d'obtenir, au moins une fois par an, communication des livres et des documents sociaux, et de poser par écrit des questions sur la gestion sociale, auxquelles il devra être répondu par écrit dans le délai d'un mois'.

La communication doit avoir lieu au siège social. Les documents visés sont tous ceux qui intéressent la société.

Il résulte du constat d'huissier dressé le 9 octobre 2023 à la demande de [J] [A] que la [Adresse 6], siège social de la SCI LVM [Localité 4], est en état de semi-abandon et ne contient pas les archives de la société.

Les associés doivent recevoir, préalablement à l'assemblée annuelle, tous les documents nécessaires à leur information ( [J] n° 78-704, art. 41). Mais la convocation de [J] [A] à l'assemblée générale du 14 septembre 2023, si elle décrit l'ordre du jour ne fait mention d'aucun document joint.

Le gérant [E] [K] a par conséquent engagé sa responsabilité civile de ce chef à l'égard de [J] [A].

Le jugement sera donc infirmé de ce chef.

3-Le défaut de souscription d'une assurance depuis août 2020 :

Le jugement dont appel a retenu que :

-Sur le défaut de souscription d'une assurance depuis 2020 :

-Il est de principe que le propriétaire n'est pas tenu d'assurer son immeuble, une telle obligation ne pesant que sur le locataire.

-Ainsi, ni la S.C.I. LVM [Localité 4], ni ses associés ne sont tenus de souscrire un contrat d'assurance relatif au bien immobilier de la société, même si le bon sens y incite.

-Il ressort des pièces produites par les parties que M. [E] [K] n'avait pas fait, à la date du 03 août 2020, assurer le bien immobilier de la S.C.I. LVM [Localité 4].

Il est certainement imprudent de ne pas assurer une villa de haut standing comme «[Adresse 6]».

-Cependant, il est constant qu'en 2021 la villa n'était pas achevée et n'était pas donnée en location à des tiers. Il est également constant que M. [E] [K] a effectué en août 2021 des démarches auprès de la société d'assurance Generali pour la faire assurer.

-Ainsi, si M, [E] [K] a pu sembler quelque peu négligent dans les diligences effectuées afin de faire assurer «[Adresse 6]», cette négligence qui n'enfreint pas la loi ne peut pas constituer en soi une faute de gestion susceptible d'engager sa responsabilité.

[J] [A] conclut que la maison a été assurée tant qu'il a été gérant, que [E] [K] a négligé de renouveler l'assurance après 2020, que l'assurance était d'autant plus nécessaire que le bien a été mis à la location en 2021, que sa délégation était d'ailleurs stipulée dans l'emprunt bancaire, et que la responsabilité personnelle des associés est engagée.

[E] [K] conclut que l'assurance n'est pas obligatoire et qu'aucun assureur n'a accepté d'assurer l'immeuble.

Sur quoi :

L'immeuble a été assuré auprès de la compagnie AXA du 02/07/2015 au 01/07/2019 selon les quittances produites par [J] [A].

[E] [K] produit des courriels de la compagnie GENERALI mentionnant des refus de couverture.

L'assurance auprès d'AXA se renouvelait annuellement par tacite reconduction. Les difficultés à trouver un autre assureur de même niveau de garanties ont pour origine la résiliation du contrat AXA sous la gérance de [E] [K].

L'intérêt social de la SCI LVM BORA-BORA comprend la garantie de l'intégrité de l'unique immeuble qui constitue son actif au moyen de la souscription d'une assurance, quand bien même celle-ci ne serait pas requise par la réglementation. Cette assurance a été souscrite auprès de la compagnie AXA. L'interruption de cette couverture sans être assuré qu'elle puisse être remplacée par une autre constitue une faute de gestion imputable à [E] [K].

Le jugement sera donc infirmé de ce chef.

4-L'utilisation à des fins privatives et gratuites de l'actif social depuis 2020 :

Le jugement dont appel a retenu que :

-Sur l'utilisation à des fins privatives de «[Adresse 6]» :

-Il est constant que M. [E] [K] a utilisé à titre personnel à plusieurs reprises «[Adresse 6]» de la S.C.I. LVM [Localité 4], notamment pour l'organisation de repas ou de courts séjours.

-L'utilisation de ce bien immobilier à des fins privatives n'est pas en soi fautive, M. [E] [K], en sa qualité d'associé, ayant le droit de jouir de l'actif social de la société.

[J] [A] conclut que ces usages privatifs (réceptions privées en 2020 et 2021) non autorisés par les statuts constituent des abus de biens sociaux, et qu'ils ont contrevenu à l'intérêt social en ne procurant aucun revenu d'exploitation.

[E] [K] conclut à la confirmation du jugement de ce chef.

Sur quoi :

L'objet social de la SCI LVM BORA-BORA est constitué par la mise en valeur de son patrimoine immobilier. Les utilisations privatives imputées à [E] [K] ne permettent pas de caractériser qu'elles ont été la cause de la non-mise de la villa (inachevée) sur le marché immobilier, ni qu'elles ont constitué des fautes de gestion ayant déprécié le bien ou minoré ses produits d'exploitation.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

5-Le défaut de valorisation et d'entretien de l'actif social rendant impossible son exploitation :

Le jugement dont appel a retenu que :

-Sur le défaut de valorisation de « [Adresse 6] » par la réalisation des travaux promis rendant impossible son exploitation initialement envisagée :

-Il ressort des pièces produites par les parties, et notamment du rapport établi par l'huissier de justice (Maître [R]) le 25 octobre 2021, décrivant l'état du bien immobilier de la S.C.I. LVM [Localité 4], que si les travaux de construction et finalisation de ce bien étaient bien entamés, ceux-ci n'étaient pas, à la date du rapport, achevés.

-Il ne ressort d'aucun document produit qu'en tant qu'associé de la S.C.I. LVM [Localité 4], M. [E] [K] s'était engagé à financer les travaux restant à réaliser.

-En sa qualité de gérant, il lui appartenait de veiller à ce que les intérêts de la société soient préservés et donc à ce que les travaux soient réalisés mais il n'était pas tenu non plus à l'obligation de financer leur réalisation.

-Ainsi, le défaut allégué de valorisation de « [Adresse 6] », tenant à ce que les travaux de finalisation n'aient pas été entrepris, ne constitue pas une faute de gestion.

[J] [A] le conteste. Il impute à [E] [K] de laisser le bien se dégrader sans pour autant le vendre. Il fait valoir que celui-ci s'était engagé à faire des travaux de rénovation à hauteur de 30 MF CFP.

[E] [K] conclut à la confirmation du jugement de ce chef.

Sur quoi :

La cession de parts sociales du 25 juillet 2019 en suite de laquelle les parties sont devenues associés par moitié dans la SCI LVM BORA-BORA a été assortie de l'apurement du passif existant (créances BOYER et [O] [I]) et de la poursuite du remboursement du prêt BANQUE DE POLYNÉSIE. Il s'est agi de consolider l'existant.

Dans ces conditions, la poursuite de l'activité de la société, dont les pertes au 31/12/2019 (9 917 641 F CFP) excédaient plus de la moitié du capital social (200 000 F CFP), s'est faite aux risques des associés. La démission

de [J] [A] de ses fonctions de cogérant en avril 2020 ne suffit pas à permettre d'imputer à titre de faute de gestion la poursuite de cet état de choses sous la gérance de [E] [K]. La capacité contributive personnelle de ce dernier d'assurer éventuellement la fin des travaux est en tout cas distincte de l'exercice de ses fonctions de gérant.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

6-Le défaut de sincérité dans l'établissement du rapport de gestion au titre de l'exercice 2020 :

Le jugement dont appel a retenu que :

- Sur l'établissement d'un rapport de gestion non sincère et fidèle :

-Aucune pièce produite par les parties ne permet de considérer que le rapport de gestion établi était non sincère et fidèle.

-Aucune faute de gestion ne peut être imputée à M. [E] [K] à ce titre.

[J] [A] conclut que le rapport de gestion est mensonger en ce qu'il mentionne que la société n'a réalisé aucun chiffre d'affaires en 2020, alors qu'elle a été occupée à au moins trois reprises pour des événements festifs ; et qu'il omet de mentionner un changement d'expert-comptable et les offres d'achat de l'immeuble.

[E] [K] conclut que le changement d'expert-comptable est une prérogative du gérant et que les autres griefs sont infondés.

Sur quoi :

Une information incomplète contenue dans le rapport de gestion annuel n'est pas cause de nullité de celui-ci, et ne constitue pas non plus une faute de gestion, lorsque les associés ont, en dépit de ces irrégularités, bénéficié d'une information suffisante (Civ. 1re, 31 oct. 1989, Bull. civ. I, n° 339). C'est le cas en l'espèce. [J] [A] justifie par les pièces qu'il produit (courriers, mises en demeure du gérant) qu'après avoir démissionné de ses fonctions de gérant en avril 2020, il a continué à suivre étroitement l'activité de la société sans avoir besoin de fonder son information sur le contenu du rapport de gestion.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

7-Le refus d'exécuter la résolution du 11 juin 2020 mandatant le gérant pour vendre le bien immobilier au prix net vendeur de 350 MF CFP :

Le jugement dont appel a retenu que :

-Sur le refus de l'offre d'achat de la propriété au prix de 350.000.000 F CFP :

-L'assemblée générale ordinaire de la S.C.I. LVM [Localité 4] qui s'est tenue le 11 juin 2020 a décidé la mise en vente de l'actif immobilier, pour un montant minimum de 350.000.000 F CFP.

-M. [J] [A] soutient que M. [E] [K] n'a pas respecté cette décision, en refusant de vendre cet actif immobilier lorsqu'un acheteur potentiel s'est manifesté.

-En l'espèce, une offre d'achat portant sur le bien immobilier de la S.C.I. LVM [Localité 4] au prix de 350.000.000 F CFP formulée par M. [H] [F] a été présentée le 30 juillet 2021, offre valable jusqu'au 1er août 2021.

-Il est constant que M. [J] [A] souhaitait accepter cette offre formulée, selon lui, par une personne ayant séjourné dans les lieux et qui serait un riche homme d'affaires américain, mais que M. [E] [K] n'y était pas favorable.

-M. [E] [K] soutient que le délai imposé par l'acheteur potentiel et l'imprécision quant aux informations sur l'identité de cet acheteur ne permettaient pas une réflexion suffisante et les consultations et vérifications nécessaires.

-Il est vrai que le délai très contraint imposé par l'offre pour ce type d'acquisition immobilière la rendait nécessairement suspecte. Et ce d'autant plus que l'offre d'achat présentée ne contenait aucun élément précis quant à l'identité de son auteur : hormis le nom «[H] [F]», aucun élément relatif à sa date de naissance, son lieu de naissance, sa situation matrimoniale, son adresse, son numéro de téléphone, et son email n'y figuraient. Il n'est donc pas illogique que M. [E] [K] ait souhaité un délai supplémentaire de réflexion avant de prendre sa décision.

-Le refus par M. [E] [K] de donner son accord à l'offre d'achat proposée ne peut donc pas être qualifié de faute de gestion.

[J] [A] conclut que l'offre était suffisamment précise pour devoir être acceptée par le gérant. Il ajoute que [E] [K] n'a pas cherché d'autre acquéreur et qu'il n'a pas donné suite à une offre équivalente faite par la commune de [Localité 4] le 5 septembre 2023 et renouvelée le 2 novembre 2023. Il indique que l'objectif poursuivi par le gérant est de mettre son associé en faillite en le privant de la possibilité de se faire rembourser son compte courant d'associé et ainsi le forcer à céder ses parts sociales.

[E] [K] conclut à la confirmation du jugement quant à l'offre d'achat de 2021. Il expose que [J] [A] s'était lancé dans cet investissement sans disposer des financements nécessaires, qu'il a cru que son associé pourrait les assumer à sa place, que lui-même paye seul et intégralement toutes les dettes liées au fonctionnement de la société qui n'a aucune activité et notamment les échéances des prêts, son propre compte courant d'associé étant créditeur de 143 874 069 F CFP contre 112 677 712 F CFP pour celui de [J] [A]. [E] [K] expose que c'est à l'initiative de ce dernier que la commune de [Localité 4] a fait son offre. Il conteste toute faute de gestion.

Sur quoi :

Par des motifs exacts en fait et bien fondés en droit, que ne remettent pas en cause les moyens d'appel, et que la cour adopte, la décision entreprise a justement caractérisé que l'offre du 30 juillet 2021 ne présentait pas un caractère suffisamment ferme et précis pour que la SCI LVM [Localité 4] cède sous 24 heures son unique actif.

La délibération de l'assemblée générale du 11 juin 2020 se borne à autoriser le gérant à signer avec des agences immobilières des mandats de vente non exclusifs au prix de vente minimum de 350 MF CFP. L'examen de l'offre ultérieure de la commune de [Localité 4] doit être apprécié, quant à la responsabilité du gérant, au regard de l'intérêt social, qui ne se confond pas avec celui des associés ou de l'un d'eux. Il est constant que la SCI LVM [Localité 4] est in bonis tant que les associés, ou au moins l'un d'eux, assument le paiement des charges d'exploitation et de remboursement d'emprunt. L'immeuble peut être mis en exploitation si des travaux d'achèvement et de mise en conformité sont finalisés dès lors que des financements sont trouvés.

Au demeurant, les statuts de la SCI LVM [Localité 4] ne prévoient, dans la définition de l'objet social, que la vente ou l'attribution aux associés des biens meubles ou immeubles devenus inutiles à la société, inutilité dont il n'est pas justifié en l'espèce puisque la [Adresse 6] est l'unique actif de la SCI. Dans ces conditions, la décision d'aliéner un immeuble social n'entre pas dans les pouvoirs du gérant et ne peut être prise qu'avec l'accord des associés délibérant à la majorité requise pour la modification des statuts (Civ. 3e, 6 sept. 2011).

Le refus du gérant de vendre l'immeuble ne constitue donc pas une faute de gestion au regard de la délibération du 11 juin 2020 ni de l'intérêt social. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur les demandes de dommages et intérêts au profit de la SCI LVM BORA-BORA :

[J] [A] demande la réparation des préjudices sociaux suivants :

Perte de chiffre d'affaires : 25 610 000 F CFP.

Perte de chance d'améliorer la rentabilité du bien immobilier : 4 500 000 F CFP.

Perte de valorisation : 10 000 000 F CFP.

Augmentation du passif : 14 530 410 F CFP.

Préjudice moral : 5 000 000 F CFP.

[E] [K] conclut que les préjudices allégués n'ont pas de lien de causalité avec les fautes de gestion qui lui sont imputées et qu'il conteste.

Sur quoi :

Les fautes de gestion qui sont en définitive caractérisées à l'égard de [E] [K] sont le défaut réitéré de convocation de l'assemblée générale annuelle dans les délais légaux, le défaut de mise à disposition des documents sociaux au profit de [J] [A] constituant une entrave au droit de consultation de l'associé, et le défaut de souscription d'une assurance depuis août 2020.

Les deux premiers griefs constituent un préjudice pour l'associé et non pour la société. Le dernier cause à la société un préjudice constitué par la mise en péril de son unique actif immobilier en cas de sinistre. Le montant annuel de la prime précédemment versée à la compagnie AXA était de 38 445 F CFP. L'immeuble n'est plus assuré depuis quatre ans. Le montant des dommages et intérêts dus par [E] [K] à la SCI LVM [Localité 4] sera fixé à la somme de 152 000 F CFP.

Sur la demande de révocation du gérant :

Le jugement dont appel a retenu que :

-Sur la révocation judiciaire de M. [E] [K] :

-Les conditions statutaires ou légales ne sont pas réunies pour que puisse être ordonnée la révocation de M. [E] [K] à qui aucune faute de gestion ne peut être reprochée.

-La demande à ce titre sera donc rejetée.

[J] [A] fonde sa demande de révocation sur les fautes de gestion qu'il impute à [E] [K], que conteste ce dernier.

Sur quoi :

Les statuts de la SCI LVM [Localité 4] stipulent que le gérant est révocable par les tribunaux pour cause légitime à la demande de tout associé.

Les fautes de gestion qui sont retenues en définitive contre [E] [K] sont le défaut réitéré de convocation de l'assemblée générale annuelle dans les délais légaux, le défaut de mise à disposition des documents sociaux au profit de [J] [A] constituant une entrave au droit de consultation de l'associé, et le défaut de souscription d'une assurance depuis août 2020. Il n'en résulte ni un délaissement de la gestion de la société, dont les charges sont réglées, ni une altération du fonctionnement de la société, dont les difficultés résultent du conflit qui oppose ses deux associés à parts égales. Au demeurant, il ne tenait qu'à [J] [A] de demeurer cogérant plutôt que de démissionner.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur la demande subsidiaire d'injonctions au gérant :

Le jugement dont appel a retenu que :

-Sur l'obligation d'assurance :

-M. [J] [A] demande au tribunal d'enjoindre à la S.C.I. LVM [Localité 4] d'assurer son bien immobilier contre les risques classiques, dont l'incendie, outre la responsabilité civile.

-En l'espèce, ni M. [E] [K], ni la S.C.I. LVM [Localité 4] ne justifient dans le cadre de la présente procédure de ce que «[Adresse 6]» soit assurée.

-L'ampleur des constructions réalisées, leur valeur vénale (estimée à 450.000.000 F CFP par le cabinet d'expertise BARTHÉLEMY en 2018), l'état d'avancement de ces constructions et le fait qu'elles soient ponctuellement occupées et visitées rendent préférable de faire assurer «[Adresse 6]» et le bon sens l'y incite également.

-Cependant, il n'appartient pas au tribunal, en dehors de toute obligation légale, réglementaire ou statutaire quant à l'assurance d'un bien immobilier appartenant à une société, d'enjoindre à ladite société d'effectuer des diligences, s'agissant d'une décision à prendre qui relève du pouvoir d'appréciation du gérant de la société.

-La demande de M. [J] [A] sur ce point sera donc rejetée.

-Sur la remise de documents comptables :

-[J] [A] ne prouve pas que M. [E] [K] refuse de lui communiquer les documents comptables de la S.C.I LVM [Localité 4].

-Il sera au demeurant observé que tant les conclusions que les documents produits dans la présente procédure par [J] [A] établissent que ce dernier semble bien informé de la situation financière et comptable de la société.

-Sa demande d'injonction de remise de documents comptables sera donc rejetée.

[J] [A] maintient ses demandes de ce chef, que [E] [K] conteste.

Sur quoi :

L'engagement de la responsabilité civile du gérant à l'égard de la société et des associés est suffisant pour permettre de garantir le fonctionnement régulier de la SCI. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur les demandes de dommages et intérêts au profit de [J] [A] :

Le jugement dont appel a retenu que :

-Sur les fautes de M. [E] [K] à l'égard de M. [J] [A] :

-M. [J] [A] soutient que les fautes de M. [E] [K] lui ont causé un préjudice personnel, tant économique que moral, qu'il convient de réparer.

-En l'espèce, une offre d'achat de la S.C.I. LVM [Localité 4] a été proposée par M. [H] [F], qui aurait séjourné dans les lieux et serait un riche homme d'affaires américain. Il a proposé de racheter la S.C.I. LVM [Localité 4] pour un montant de 350.000.000 F CFP, montant que M. [J] [A] souhaitait accepter mais que M. [E] [K] a refusé.

-M. [J] [A] fait valoir qu'il comptait sur cette vente pour rembourser ses dettes.

-Cependant, les prêts contractés par M. [J] [A] ont été conclus à sa propre demande et non à celle de M. [E] [K].

-Le refus de M. [E] [K] de vendre la S.C.I. LVM [Localité 4], en sa qualité d'associé et de gérant, ne constitue pas une faute de ce dernier.

-Il y a donc lieu de débouter M. [J] [A] de ses demandes d'indemnisation à ce titre.

[J] [A] évalue comme suit son préjudice personnel au montant de 112 757 712 F CFP constitué par le défaut de liquidité de son compte courant d'associé par suite du refus de vendre le bien immobilier au prix de 350 MF CFP alors que ce prix aurait permis à la SCI LVM [Localité 4] de rembourser son compte courant ainsi que ses propres dettes d'exploitation.

[E] [K], qui conteste toute faute de gestion, conclut que les préjudices allégués ont pour cause exclusive l'impéritie du demandeur.

Sur quoi :

Les fautes de gestion qui sont retenues en définitive contre [E] [K] sont le défaut réitéré de convocation de l'assemblée générale annuelle dans les délais légaux, le défaut de mise à disposition des documents sociaux au profit de [J] [A] constituant une entrave au droit de consultation de l'associé, et le défaut de souscription d'une assurance depuis août 2020. Seuls les deux premiers de ces griefs sont de nature à avoir créé un préjudice pour [J] [A]. Ce préjudice consiste dans la nécessité d'avoir dû recourir à des diligences (mises en demeure, demandes en justice) pour faire valoir ses droits d'associé. Il sera complètement réparé par l'attribution de dommages et intérêts d'un montant de 150 000 F CFP.

Sur la demande de publication du dispositif de l'arrêt :

Le jugement dont appel a retenu que :

-Sur la demande de publication de la présente décision :

-La publication dans la presse de la présente décision n'est pas opportune, particulièrement s'agissant d'un litige privé sans dimension d'intérêt général.

-La demande faite à ce titre sera donc rejetée.

Aucun moyen d'appel ne permet de revenir sur cette solution qui doit être confirmée.

Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts :

Le jugement dont appel a retenu que :

-Sur la demande reconventionnelle :

-La procédure engagée par M. [J] [A] ne présente pas les caractéristiques d'une procédure abusive.

-La demande de M. [E] [K] à ce titre sera donc rejetée.

[E] [K] maintient cette demande au motif d'une instrumentalisation des procédures judiciaires par [J] [A], qui le conteste.

Sur quoi :

Le jugement entrepris a exactement et à bon droit caractérisé que le litige qui oppose les parties ne peut que susciter la saisine des juridictions. Ils sont en effet associés à parts égales dans une société de personnes. Par conséquent, ni l'action en justice, ni l'usage des voies de recours ne peuvent être qualifiés en soi d'abusifs, les demandes, moyens et arguments présentés étant à l'appréciation de la juridiction au regard des nombreuses pièces et des arguments circonstanciés qui ont été mis aux débats.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

L'équité ne commande pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française. La partie qui succombe est condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort ;

En la forme, déclare l'appel recevable ;

Au fond, infirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit qu'aucune faute ne peut être retenue à l'encontre de [E] [K] et qu'il a rejeté toute demande d'indemnisation de [J] [A] ;

Statuant à nouveau de ce chef :

Dit et juge que [E] [K] gérant de la SCI LVM [Localité 4] a engagé sa responsabilité civile à l'égard de celle-ci en s'abstenant de renouveler l'assurance de l'immeuble social depuis 2020 ;

Condamne [E] [K] à payer à la SCI LVM [Localité 4] en réparation du préjudice causé par cette faute de gestion la somme de 152 000 F CFP à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2021, date de l'assignation ;

Dit et juge que [E] [K] gérant de la SCI LVM [Localité 4] a engagé sa responsabilité civile à l'égard de [J] [A] en s'abstenant de manière réitérée de convoquer l'assemblée générale annuelle dans les délais légaux et par le défaut de mise à disposition des documents sociaux au profit de [J] [A] constituant une entrave au droit de consultation de l'associé ;

Condamne [E] [K] à payer à [J] [A] en réparation du préjudice causé par cette faute de gestion la somme de 150 000 F CFP à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2021, date de l'assignation ;

Confirme pour le surplus ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française devant le tribunal ni devant la cour ;

Rejette toute autre demande ;

Met à la charge de [E] [K] les dépens de première instance et d'appel, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 409 du Code de procédure civile de la Polynésie française.

Prononcé à Papeete, le 8 août 2024.

Le Greffier, Le Président,

signé : M. SUHAS-TEVERO signé : G. RIPOLL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Papeete
Formation : Cabinet d
Numéro d'arrêt : 23/00012
Date de la décision : 08/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-08;23.00012 ?
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