N° 209
GR
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Copies authentiques délivrées à :
- Me Quinquis,
- Me Lollichon,
- Me Kintzler,
- Me Usang,
le 08.08.2024.
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D'APPEL DE PAPEETE
Chambre Civile
Audience du 8 août 2024
RG 19/00463 ;
Décision déférée à la Cour : ordonnance n° 243, rg n° 19/00111 du Juge des Référés du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete du 28 octobre 2019 ;
Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 6 décembre 2019 ;
Appelante :
La Polynésie française, [Adresse 44], représentée par son Président en exercice ;
Intervenant volontaire :
M. Le Secrétaire Général du gouvernement de la Polynésie française, M. [BN] [UG] ;
Ayant pour avocat la Selarl Jurispol, représentée par Me François QUINQUIS, avocat au barreau de Papeete ;
Intimés :
1 - M. [OO] [CH] [EW], né le [Date naissance 19] 1952 à [Localité 67], de nationalité française, demeurant [Adresse 5] Usa ;
2 - M. [EM] [HM] [EW], né le [Date naissance 38] 1955 à [Localité 68], de nationalité française, demeurant [Adresse 36] Usa ;
3 - M. [F] [VO] [JZ], né le [Date naissance 22] 1930 à [Localité 66] (Vietnam), de nationalité française,demeurant à [Localité 65] Usa ;
4 - Mme [IT] [HW] [BX] [R], née le [Date naissance 20] 1959 à [Localité 72], de nationalité française, demeurant à [Localité 72], héritière de son défunt époux [J] [NU] ;
5 - Mme [W] [HW] [DE] [NU], née le [Date naissance 37] 1988 à [Localité 72], de nationalité française, demeurant à [Localité 72], fille et héritière de feu [J] [NU] ;
6 - M. [HK] [N], né le [Date naissance 16] 1938 à [Localité 54], de nationalité française, [Adresse 45] ;
7 - Mme [AT] [RS] [WA], née le [Date naissance 23] 1951 à [Localité 46] (Sénégal), de nationalité française, demeurant [Adresse 25] - France, les n° 6 et 7 fils et fille de feue [US] [NU] ;
8 - M. [GN] [SO] [K] [WV], né le [Date naissance 3] 1947 à [Localité 54], de nationalité française, demeurant à [Adresse 53], fils et héritier de feue [O] [NU] ;
9 - Mme [YY] [DE] [OF] [OR], née le [Date naissance 40] 1949 à [Localité 54], de nationalité française, demeurant à [Localité 72], fille et héritière de feue [FT] [NU] et de son frère feu [ML] [OR] ;
10 - M. [LT] [OR], né le [Date naissance 7] 1979 à [Localité 54], de nationalité française, demeurant à [Localité 72], héritier de son frère décédé feu [ML] [OR] ;
11 - M. [KW] [JE] [C], né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 54], de nationalité française, demeurant à [Adresse 51] ;
12 - Mme [BM] [AD] [Y] [AS] [C], née le [Date naissance 15] 1966 à [Localité 54], de nationalité française, demeurant à [Localité 72] ;
13 -Mme [B] [WL] [C], née le [Date naissance 11] 1977 à [Localité 72], de nationalité française, demeurant à [Adresse 47] ;
14 - Mme [I] [BW] [DP] [C], née le [Date naissance 2] 1978 à [Localité 72], de nationalité française, demeurant à [Adresse 71] ;
15 - M. [XP] [TX] [SD] [YD] [C], né le [Date naissance 21] 1990 à [Localité 54], de nationalité française, demeurant à [Adresse 47], ces trois derniers héritiers de feu [YB] [C] ;
Les n° 11 à 15 héritiers de feu [GN] [CK] [C] ;
16 - Mme [JN] [JC] [WX] épouse [TV], née le [Date naissance 20] 1953 à [Localité 54], de nationalité française, demeurant à [Localité 70], fille et héritière de feu [Z] [WX] ;
17 - M. [Z] [UI] [YO] [WX], né le [Date naissance 13] 1955 à [Localité 52] ([Localité 64]), de nationalité française, demeurant à [Localité 58] ;
18 - M. [HB] [EK] [WX], né le [Date naissance 7] 1956 à [Localité 52] ([Localité 64]), de nationalité française, demeurant à [Localité 58] ;
19 - M. [CV] [E] [PL] [WX], né le [Date naissance 14] 1959 à [Localité 52] ([Localité 64]), de nationalité française, demeurant à [Adresse 55], les n° 17 à 19 fils et héritiers de [Z] [WX] ;
20 - M. [V] [DZ] dit [G] [T], né le [Date naissance 26] 1971 à [Localité 54], de nationalité française, demeurant à [Localité 58], héritier à la succession de feu [Z] [WX] ;
21 - M. [GE] [H] [KI] [A] [EY], né le [Date naissance 29] 1936 à [Localité 54], de nationalité française, demeurant à [Adresse 63] ;
22 M. [P] [TL], né le [Date naissance 6] 1970 à [Localité 54], de nationalité française, demeurant à [Adresse 62], fils et héritier de feue [MN] [EY] veuve [TL] ;
23 - Mme [LF] [S] [SF] [EY], née le [Date naissance 33] 1940 à [Localité 54], de nationalité française, demeurant à [Localité 42] ;
Représentés par Me Jean-Claude LOLLICHON, avocat au barreau de Papeete ;
Les ayants-droit de M. [XG] [VM] [WX], né à [Localité 56] ([Localité 58]) le [Date naissance 31] 1944 et décédé à [Localité 58] le [Date décès 41] 2006 :
Mme [IH] [NI] [IR] épouse [WX], née le [Date naissance 24] 1943 à [Localité 43], de nationalité française, retraitée, demeurant à [Adresse 59] ;
Mme [LR] [WX] épouse [VY], née le [Date naissance 4] 1964 à [Localité 54], demeurant à [Adresse 59] ;
Mme [L] [WX], née le [Date naissance 30] 1966 à [Localité 54], demeurant à [Adresse 57] ;
Mme [WJ] [WX], née le [Date naissance 39] 1967 à [Localité 54], demeurant à [Adresse 59] ;
M. [XG] [VM] [MA] [WX], né le [Date naissance 10] 1974 à [Localité 54], de nationalité française, demeurant à [Adresse 59] ;
Mme [NK] [GP] [WX], née le [Date naissance 8] 1978 à [Localité 54], de nationalité française, demeurant à [Adresse 59] ;
Ayant pour avocat la Selarl Kintzler & Associés, représentée par Me Linda KINTZLER, avocat au barreau de Papeete ;
1 - Mme [FH] [MZ] [LH] [WX] veuve [EB], née le [Date naissance 18] 1928 à [Localité 54] et décédée le [Date décès 9] 2018, représentée par ses ayants-droit :
Mme [TA] [XS] [AS] [DG] [EB] épouse [SR], née le [Date naissance 28] 1950 à [Localité 54], de nationalité française, retraitée, demeurant à [Adresse 60] ;
Mme [M] [PA] [MC] [EB], née le [Date naissance 27] 1951 à [Localité 54], de nationalité française, demeurant à [Adresse 60] ;
Mme [FH] [WX], née le [Date naissance 18] 1928 à [Localité 54], de nationalité française, demeurant à [Adresse 61] ;
Mme [JX] [FJ] [GC] [EB] ;
M. [MC] [GN] [U], né le [Date naissance 17] 1972 à [Localité 54], de nationalité française, demeurant à [Adresse 60] ;
2 - M. [D] [JP] [WX], né le [Date naissance 34] 1942 à [Localité 54], de nationalité française, demeurant à [Localité 49] ;
Représentés par Me Arcus USANG, avocat au barreau de Papeete ;
M. [RI] [WX], né le [Date naissance 32] 1936 à [Localité 54], de nationalité française, demeurant à [Localité 58] ;
Non comparant, assigné à personne le 8 janvier 2020 ;
M. [ZJ] [BI] [WX], né le [Date naissance 32] 1936 à [Localité 54], de nationalité française, demeurant à [Localité 69] ;
Non comparant, assigné à personne le 13 décembre 2019 ;
Mme [AO] [WX] épouse [IF], née le [Date naissance 35] 1930 à [Localité 48], de nationalité française, demeurant à [Localité 48] ;
Non comparante, assigné à domicile le 13 janvier 2020 ;
M. [RU] [YM] [VD] [WX], né le [Date naissance 12] 1960 à [Localité 54], de nationalité française, demeurant à [Localité 58] ;
Non comparant, assigné à domicile le 7 janvier 2020 ;
Ordonnance de clôture du 26 janvier 2024 ;
Composition de la Cour :
Après communication de la procédure au ministère public conformément aux articles 249 et suivants du code de procédure civile de la Polynésie française et après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique du 14 mars 2024, devant M. RIPOLL, conseiller faisant fonction de président, M. SEKKAKI et Mme MARTINEZ, conseillers, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt défaut ;
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par M. RIPOLL, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A R R E T,
FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES :
La cour se réfère à la décision dont appel et à son arrêt avant dire droit du 9 juin 2022 pour l'exposé du litige et de la procédure antérieure. Il suffit de rappeler que :
Par requête en référé du 2 mai 2019, la POLYNÉSIE FRANÇAISE représentée par son président a demandé la condamnation solidaire de 34 personnes à la restitution de la somme de 100 000 000 F CFP à elles accordée par la cour d'appel de Papeete par un arrêt du 7 janvier 2016, qui a été cassé et annulé par arrêt de la Cour de cassation du 1er juin 2017, et ce en exécution d'un arrêt de la cour d'appel de Nouméa du 28 février 2019 ayant statué comme cour de renvoi après cassation.
La POLYNÉSIE FRANÇAISE a exposé que l'arrêt du 7 janvier 2016 avait prononcé sur une demande de dommages et intérêts faite par des bénéficiaires d'un protocole d'accord du 28 octobre 1991, prévoyant une cession de terrains en paiement de droits d'enregistrement avec un engagement de reloger les occupants, au motif d'un non-respect de cet engagement par la collectivité ; qu'elle a versé aux personnes assignées le montant de la condamnation, que ceux-ci refusent de restituer après l'annulation de celle-ci ; qu'il s'agit d'une difficulté d'exécution d'un titre exécutoire qui peut donner lieu à des mesures ordonnées en référé.
Par ordonnance rendue le 28 octobre 2019, le juge des référés du tribunal de première instance de Papeete a :
Déclaré irrecevable la requête de la POLYNÉSIE FRANÇAISE ;
Déclaré consécutivement irrecevables les demandes incidentes ;
Condamné la POLYNÉSIE FRANÇAISE aux dépens ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile.
La POLYNÉSIE FRANÇAISE représentée par son président en exercice a relevé appel par requête enregistrée au greffe le 6 décembre 2019.
La cour d'appel de Nouméa, statuant comme cour de renvoi après cassation, a, par arrêt du 28 février 2019, rejeté les demandes de dommages et intérêts faites contre la POLYNÉSIE FRANÇAISE. Les consorts [NU] ont formé un pourvoi qui a été rejeté par arrêt de la Cour de cassation, 1re chambre civile, rendu le 12 novembre 2020.
[BN] [UG] ès qualités de secrétaire général du gouvernement de la POLYNÉSIE FRANÇAISE est intervenu volontairement par conclusions visées le 8 octobre 2021.
Par arrêt avant dire droit rendu le 9 juin 2022, cette cour a :
Ordonné la communication de la procédure au ministère public pour avis sur la recevabilité de l'action de la POLYNÉSIE FRANÇAISE et sur toute question sur laquelle il souhaitera conclure ;
Enjoint aux consorts [EW]-[NU] de produire le relevé du compte Carpap relatif à l'affaire n° LJ01136 [NU] mentionnant les débits effectués le cas échéant après le versement par la POLYNÉSIE FRANÇAISE de la somme de 100 681 000 F CFP avec l'indication du ou des bénéficiaires de ceux-ci.
Il est demandé :
1° par la POLYNÉSIE FRANÇAISE et par [BN] [UG] ès qualités de secrétaire général du gouvernement de la POLYNÉSIE FRANÇAISE, dans leurs conclusions récapitulatives visées le 3 avril 2023, de :
Vu l'arrêt de la Cour d'appel de Papeete du 07 janvier 2016, vu les arrêts de la Cour de cassation des 1er juin 2017 et 12 novembre 2020, vu l'arrêt de la Cour d'appel de Nouméa du 28 février 2019,
Juger que les intimés ont conjointement perçu de la Polynésie française la somme de 100.000.000 de francs en exécution d'un arrêt de la Cour d'appel de Papeete du 07 janvier 2016 ;
Juger que cet arrêt a fait l'objet d'une cassation par arrêt du 1er juin 2017 ;
Juger que par arrêt définitif (la Cour de cassation ayant rejeté le pourvoi par arrêt du 12 novembre 2020) en date du 28 février 2019, la Cour d'appel de Nouméa, Cour de renvoi, a débouté les consorts [NU] et autres de toutes leurs demandes ;
Sur l'exception d'incompétence :
Rejeter l'exception d'incompétence du juge des référés comme étant non fondée et condamner les intimés au versement de la somme de 100.000.000 de francs pacifiques sur le fondement de l'article 434 du Code de Procédure Civile de la Polynésie française ;
Subsidiairement, sur ce point, et y additant,
Condamner les intimés au versement à titre provisionnel de la somme de 100.000.000 de francs pacifiques et ce, au titre de la répétition de l'indu sur le fondement de l'article 433 du Code de Procédure Civile ;
Sur l'exception de nullité :
Débouter les intimés de toutes demandes de ce chef, faute pour eux de justifier d'un quelconque grief d'une part, et au regard de la régularisation intervenue d'autre part ;
Sur la qualité pour agir :
Débouter les intimés de toutes prétentions de ce chef, la Polynésie française étant parfaitement représentée dans cette action en justice par son Président, Monsieur [PX] [CU], et ce, en vertu des articles 91-25 de la Loi 2004 -192 du 27 février 2004 et de l'arrêté n°750 CM du 23 mai 2013 ;
En tant que de besoin, déclarer recevable et bien fondée l'intervention volontaire de Monsieur [BN] [UG], secrétaire général du gouvernement de la Polynésie française ;
En toutes hypothèses
Vu les articles 1222 et 1376 du Code civil dans leur rédaction applicable en Polynésie française, vu le caractère indivisible de la dette des intimés à l'égard de la Polynésie française,
Condamner les intimés, par l'effet des arrêts précités de la Cour de cassation et de l'arrêt de la Cour d'appel de Nouméa, chacun étant tenu pour le tout, au paiement de la somme de 100.000.000 de francs pacifiques à titre de remboursement des sommes à eux versées en exécution de l'arrêt de la Cour d'appel de Papeete du 07 janvier 2016 ;
Débouter les intimés de leurs demandes reconventionnelles et de toutes prétentions contraires ;
Condamner les intimés au versement d'une somme de 1.000.000 de francs pacifiques au titre des frais irrépétibles ;
Statuer ce que de droit sur une éventuelle amende civile ;
Condamner les intimés aux dépens, dont distraction ;
2° par [OO] [EW], [EM] [EW], [F] [JZ], [IT] [R] Vve [J] [NU], [W] [NU] ès qualités d'ayant-droit de feu [J] [NU], [HK] [N] ès qualités d'ayant droit de feue [AT] [NU], [AT] [WA] ès qualités d'ayant droit de feue [AT] [NU], [GN] [WV] ès qualités de feue [O] [NU], [YY] [OR] ès qualités d'ayant droit de feux [FT] [NU] et [ML] [OR], [LT] [OR] ès qualités d'ayant droit de feu [ML] [OR], [KW] [C] et [BM] [C] ép. [GZ] ès qualités d'ayants droits de feu [GN] [C], [B] [C] et [I] [C] et [XP] [C] ès qualités d'ayants droits de feu [YB] [C], [JN] dite [PC] [WX] épouse [TV] ès qualités d'ayant droit de feu [Z] [WX], [Z] dit [UI] [WX] ès qualités d'ayant droit de feu [Z] [WX], [HB] dit [MX] [WX] ès qualités d'ayant droit de feu [Z] [WX], [CV] dit [E] [WX] ès qualités d'ayant droit de feu [Z] [WX], [V] dit [G] [T] ès qualités d'ayant droit de feu [Z] [WX], [GE] [EY], [P] [TL] ès qualités d'ayant droit de feue [MN] [EY] Vve [TL] et [LF] [EY] (les consorts [EW]-[NU]-[OR]-[C]-[WX]-[EY]), dans leurs conclusions récapitulatives visées le 27 septembre 2023, de :
In limine litis :
Se déclarer incompétent au profit du Tribunal civil de Première Instance de Papeete ;
subsidiairement, confirmer l'ordonnance entreprise et dire et juger le Président de la Polynésie française sans qualité pour agir et dire et juger en conséquence irrecevable sa requête ;
très subsidiairement,
Se déclarer incompétent, et à défaut de pouvoir de les trancher, pour cause de contestations sérieuses, en ce que la cassation partielle intervenue sur le pourvoi des concluants, ne peut leur nuire ; en ce qu'aucune décision de justice ne peut être mise à exécution sans avoir été préalablement signifiée ; en ce que la solidarité alléguée n'existe pas ; en ce que la division de l'obligation, qui serait conjointe, n'est pas demandée, et en ce que les droits et obligations des défendeurs sont inégaux, notamment s'agissant des héritiers à la cause après le décès de leurs auteurs, en ce que [X] [NU]-[C] [KU] a payé une somme de 240 000 000 XPF indue et en toute hypothèse compensable, par dation d'un domaine de 28 hectares, restituable en valeur ;
Autre demande infiniment subsidiaire :
accorder aux concluants et en fait aux Consorts [EW] un délai de deux ans pour procéder aux paiements ;
Et sur les demandes reconventionnelles des frères [EW], condamner la Polynésie française à leur payer la somme de 300 000 000 XPF à titre de provision et condamner la même Polynésie française à exécuter l'obligation de relogement des occupants relevés au constat de Maître [KK] et au plan de M. [ZV] du 26 avril 2018, dans un délai de trois (3) mois à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir, et sous une astreinte de 20 000 000 XPF par mois ;
Condamner en outre la Polynésie française à leur payer la somme de 200 000 000 XPF à titre de provision à valoir sur le remboursement de la somme payée par dation du domaine de 28 hectares sis à [Localité 50] ;
Condamner la Polynésie française au paiement d'une somme de 300 000 FCFP au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens ;
3° par [NI] [IR] Vve [WX], [LR] [WX] ép. [VY], [L] [WX], [WJ] [WX], [XG] [WX] [BY] et [GP] [WX] (les consorts [WX]), dans leurs conclusions récapitulatives visées le 23 mars 2023, de :
Débouter la Polynésie française de l'ensemble de ses demandes en ce qu'elles sont dirigées contre les ayants droit de M. [XG] [VM] [WX] : Mmes [IH] [NI] [IR], [LR] [WX] épouse [VY], [L] [WX], [WJ] [WX], [NK] [GP] [WX], et M. [XG] [VM] [MA] [WX] [BY] ;
Prononcer la mise hors de cause les ayants droits de M. [XG] [VM] [WX], à savoir: Mmes [IH] [NI] [IR], [LR] [WX] épouse [VY], [L] [WX], [WJ] [WX], [NK] [GP] [WX], et M. [XG] [VM] [MA] [WX] [BY] ;
Condamner la Polynésie française à payer à Mmes [IH] [NI] [IR], [LR] [WX] épouse [VY], [L] [WX], [WJ] [WX], [NK] [GP] [WX], et M. [XG] [VM] [MA] [WX] [BY] la somme de 226 000 F CFP, au titre de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
La condamner aux dépens.
La procédure a été communiquée au ministère public.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 janvier 2024.
Il est répondu dans les motifs aux moyens et arguments des parties, aux écritures desquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
L'appel a été interjeté dans les formes et délais légaux. Sa recevabilité n'est pas discutée.
Il est donné acte à [BN] [UG] ès qualités de secrétaire général du gouvernement de la POLYNÉSIE FRANÇAISE de son intervention volontaire.
L'ordonnance dont appel a retenu que :
-Sur la qualité à agir :
-Attendu que l'article 91-25° de la loi 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française dispose que le conseil des ministres "décide d'intenter les actions ou de défendre devant les juridictions au nom de la Polynésie française" ; que l'article 92 de cette loi autorise le conseil des ministres à déléguer ce pouvoir au président de la Polynésie française ;
-Attendu que de manière surprenante et alors même que la recevabilité de la requête est en jeu, la Polynésie française s'est abstenue de toute réponse sur ce point, se bornant à faire intervenir le secrétaire général en représentation supplémentaire de la Polynésie française ; qu'ainsi, il n'a été justifié ni d'une décision du conseil des ministres d'engagement de la présente instance, ni d'une délégation de pouvoir au président de la Polynésie française ; que le fait que le secrétaire général du gouvernement ou ses services puisse représenter la Polynésie française devant les juridictions n'implique pas qu'il ait le pouvoir d'engager seul une action en justice au nom de la Polynésie française ;
-Attendu que la requête ne pourra donc qu'être déclarée irrecevable pour défaut de qualité à agir ;
-Attendu que cette irrecevabilité entraîne l'irrecevabilité de la demande reconventionnelle des défendeurs et des autres demandes incidentes.
Les moyens d'appel de la POLYNÉSIE FRANÇAISE sont résumés dans le dispositif précité de ses conclusions.
Sur la nullité des actes introductifs d'instance :
C'est vainement que les consorts [EW]-[NU]-[OR]-[C]-[WX]-[EY] exceptent de la nullité de la requête d'appel et des assignations pour n'indiquer qu'une boîte postale comme étant l'adresse du secrétaire général de la POLYNÉSIE FRANÇAISE.
En effet, la POLYNÉSIE FRANÇAISE conclut exactement et à bon droit qu'il n'en est résulté aucune atteinte certaine portée à leurs intérêts puisque cette personne publique est identifiable et localisable par tout un chacun. Elle conclut aussi avoir régularisé ses écritures en y mentionnant l'adresse du président de la POLYNÉSIE FRANÇAISE.
Sur la recevabilité de l'action de la POLYNÉSIE FRANÇAISE :
Les actions en justice de la POLYNÉSIE FRANÇAISE sont exercées sur la décision du conseil des ministres de cette collectivité d'outre-mer (LO n° 2004-192 du 27/02/2004, art. 91-25).
Le conseil des ministres peut déléguer à son président ou au ministre détenant les attributions correspondantes le pouvoir d'intenter ou soutenir des actions en justice au nom de la POLYNÉSIE FRANÇAISE (LO, art. 92).
Le présent référé a été introduit par requête de la POLYNÉSIE FRANÇAISE représentée par son président [PX] [CU] enregistrée au greffe le 2 mai 2019.
Par arrêté n° 750 CM du 23 mai 2013, le conseil des ministres a délégué en matière de procédure contentieuse au président de la POLYNÉSIE FRANÇAISE le pouvoir d'intenter ou de soutenir toute action au nom de la POLYNÉSIE FRANÇAISE devant les juridictions de l'ordre administratif et judiciaire et le tribunal des conflits, à l'exception des actions mentionnées dans les délégations données par ailleurs aux ministres en charge de la fonction publique, du domaine et de l'économie (art. 3).
La POLYNÉSIE FRANÇAISE conclut qu'il est de jurisprudence constante que le pouvoir de représentation en justice n'a pas à être renouvelé jusqu'à une éventuelle révocation de la délégation, et qu'il est de principe que le secrétaire général du gouvernement a compétence pour engager une action en justice.
Les consorts [EW]-[NU]-[OR]-[C]-[WX]-[EY] concluent qu'il n'est pas justifié que le président de la POLYNÉSIE FRANCAISE ait reçu délégation du conseil des ministres pour engager la présente instance, et que le secrétaire général du gouvernement, qui n'est que délégataire de la signature du président, n'a pas qualité à agir personnellement au nom de la collectivité.
Sur quoi :
Dans sa requête introductive d'instance, la POLYNÉSIE FRANÇAISE a fondé son action sur les dispositions suivantes :
Article 434 du code de procédure civile de la Polynésie française :
Il peut également en être référé au président du tribunal pour statuer sur les difficultés d'exécution d'un jugement ou d'un autre titre exécutoire.
Article 361 du code de procédure civile de la Polynésie française :
Les règles du pourvoi en cassation sont déterminées par la législation métropolitaine.
Article 625 du code de procédure civile métropolitain :
Sur les points qu'elle atteint, la cassation replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le jugement cassé.
Elle entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
Si elle en est requise, la Cour peut dans le dispositif de l'arrêt de cassation prononcer la mise hors de cause des parties dont la présence devant la cour de renvoi n'est plus nécessaire à la solution du litige.
La demande de la POLYNÉSIE FRANÇAISE a pour objet le remboursement de sommes versées par elle aux intimés que ces derniers sont, selon elle, devenus sans droit à conserver en exécution de décisions de justice qui sont définitives :
Arrêt de la Cour de cassation du 1er juin 2017 :
Cet arrêt a cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il fixe la condamnation du gouvernement de la POLYNÉSIE FRANÇAISE à la somme de 100 000 000 F CFP, l'arrêt rendu le 7 janvier 2016 par la cour d'appel de Papeete, et a renvoyé les parties devant la cour d'appel de Nouméa.
Arrêt de la cour d'appel de Nouméa du 28 février 2019 :
Statuant comme cour de renvoi après cassation, cet arrêt a notamment débouté les consorts [EW], [JZ], [R], [NU], [N], [WA], [WV], [OR] de leurs demandes de dommages et intérêts.
Arrêt de la Cour de cassation du 12 novembre 2020 :
Cet arrêt a rejeté le pourvoi formé contre l'arrêt du 28 février 2019.
Il s'évince de ces décisions que l'objet du litige était le suivant :
Les consorts [NU] ou leurs auteurs ont signé avec le président du gouvernement de la POLYNÉSIE FRANÇAISE un protocole d'accord prévoyant le paiement de droits d'enregistrement dus par eux, par dation de différentes parcelles de terre, le gouvernement de la POLYNÉSIE FRANÇAISE s'engageant en contrepartie à reloger dans un délai de six mois, sur ces immeubles, les occupants des terrains restant appartenir aux consorts [NU].
Soutenant que le gouvernement de la POLYNÉSIE FRANÇAISE n'avait pas respecté cet engagement, les consorts [NU] l'ont assignée pour obtenir sa condamnation à leur verser des dommages-intérêts et le respect sous astreinte à ce titre la somme de 100 000 000 F CFP.
Par arrêt du 7 janvier 2016, la cour d'appel de Papeete a condamné le gouvernement de la POLYNÉSIE FRANÇAISE à leur payer à ce titre la somme de 100 000 000 F CFP.
Prononçant en suite de la cassation partielle de cet arrêt, la cour d'appel de Nouméa, dans son arrêt du 28 février 2019 devenu définitif, a retenu notamment que :
-La demande de dommages et intérêts des consorts [EW] était fondée sur les articles 1149 à 1151 du code civil.
-Les consorts [EW] revendiquaient la réparation d'un préjudice résultant de l'indisponibilité de leurs terres en conséquence de l'inexécution de l'obligation de relogement des personnes occupant leurs terres, obligation contractée à leur égard par la POLYNÉSIE FRANÇAISE dans le cadre du protocole d'accord du 28 octobre 1991.
-Il apparaît toutefois que les terres des consorts [EW] et autres, objet de l'engagement de relogement litigieux, étaient déjà indisponibles avant la signature dudit protocole. En effet, un procès-verbal de constat d'avril 2018 établit qu'il existe un grand nombre de propriétés toutes bâties et entretenues pour la plupart exploitées et habitées de longue date par des occupants des droits desquels les consorts [EW] et autres ne donnent aucune justification. Par conséquent, l'indisponibilité des terres n'est pas la conséquence immédiate et directe de l'inexécution de l'obligation de relogement contractée par la POLYNÉSIE FRANÇAISE.
Le protocole d'accord du 28 octobre 1991 a stipulé notamment que :
-Par transaction fiscale du 6 décembre 1990, les consorts [NU]-[C]-[WX] ont accepté transactionnellement d'abandonner à la POLYNÉSIE FRANÇAISE diverses terres.
-Ces dernières ont été définies à dire d'expert.
-La POLYNÉSIE FRANÇAISE s'est engagée à reloger dans un délai de six mois les occupants de ces terrains.
Par arrêté n° 651 CM du 17 juin 1991, les consorts [NU], [WX], [EY] et autres ont été autorisés à abandonner à la POLYNÉSIE FRANÇAISE en paiement d'une créance fiscale de 214 000 000 F CFP correspondant à des droits d'enregistrement et de transcription rappelés sur une convention transactionnelle en date du 26 novembre 1988, diverses terres sises à [Localité 49]. Cet arrêté a été signé par le président du gouvernement, par le ministre des finances et des réformes administratives, et par le ministre de la mer, du développement des archipels et des affaires de terres. Ces ministres ont été chargés de son exécution chacun en ce qui le concerne.
Dans le présent référé, la POLYNÉSIE FRANÇAISE représentée par son président fonde sa demande de remboursement sur une difficulté d'exécution de jugements. Il ne s'agit pas d'une demande de provision fondée sur l'article 433 du code de procédure civile de la Polynésie française.
Mais cette demande entre dans le champ des exceptions à la délégation générale de pouvoir d'agir en matière de procédure contentieuse qui a été donnée par le conseil des ministres au président de la POLYNÉSIE FRANÇAISE par l'arrêté n° 750 CM du 23 mai 2013.
L'article 3 de cet arrêté réserve en effet expressément au ministre en charge du domaine le pouvoir d'intenter ou de soutenir toute action relative aux litiges fonciers intéressant le domaine de la POLYNÉSIE FRANÇAISE devant les juridictions de l'ordre judiciaire.
C'est le cas en l'espèce, puisque l'arrêté du 17 juin 1991 a eu pour effet d'incorporer dans le domaine de la POLYNÉSIE FRANÇAISE, à titre de dation en paiement de droits d'enregistrement et de transcription, des terrains situés à [Localité 49], énumérés dans le protocole d'accord du 28 octobre 1991, à charge pour la POLYNÉSIE FRANÇAISE d'en reloger les occupants, ce pourquoi le ministre chargé des affaires de terres a été chargé de l'exécution dudit arrêté.
La demande de remboursement formée par la POLYNÉSIE FRANÇAISE a bien pour cause le rejet définitif de la demande de dommages et intérêts faite par les consorts [NU] et autres sur le fondement de l'inexécution par la POLYNÉSIE FRANÇAISE de cette obligation de relogement.
Même si, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, il ne résulte d'aucun texte que la délégation permanente de pouvoir donnée par le conseil des ministres en matière d'actions en justice doive être renouvelée pour engager chaque instance particulière, l'action de la POLYNÉSIE FRANÇAISE n'en est pas moins irrecevable, en l'espèce, pour avoir été engagée par le président de la POLYNÉSIE FRANÇAISE, et non par le ministre en charge du domaine comme prescrit par l'article 3 de l'arrêté n° 750 CM du 23 mai 2013 portant délégation de pouvoir du conseil des ministres, puisqu'il s'agissait d'intenter une action relative aux litiges fonciers intéressant le domaine de la POLYNÉSIE FRANÇAISE devant une juridiction de l'ordre judiciaire.
L'intervention volontaire du secrétaire général du gouvernement de la POLYNÉSIE FRANÇAISE ne régularise pas la procédure, puisque l'arrêté n° 651 PR du 23 mai 2018 ne lui a donné délégation de signature qu'à l'égard du président de la POLYNÉSIE FRANÇAISE, lequel n'a pas qualité pour exercer le présent référé comme il vient d'être dit.
L'ordonnance entreprise sera donc confirmée par substitution de motifs. Elle a exactement retenu que l'irrecevabilité de la requête introductive d'instance entraîne l'irrecevabilité de la demande reconventionnelle des défendeurs et des autres demandes incidentes.
L'équité ne commande pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française. La demande d'amende civile est sans objet. La partie qui succombe est condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant non contradictoirement et en dernier ressort ;
Vu l'arrêt avant dire droit du 9 juin 2022,
En la forme, déclare l'appel recevable ;
Donne acte à [BN] [UG] ès qualités de secrétaire général du gouvernement de la POLYNÉSIE FRANÇAISE de son intervention volontaire ;
Au fond, confirme l'ordonnance entreprise ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ni à amende civile ;
Met à la charge de la POLYNÉSIE FRANÇAISE les dépens de première instance et d'appel, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 409 du Code de procédure civile de la Polynésie française.
Prononcé à Papeete, le 8 août 2024.
Le Greffier, Le Président,
signé : M. SUHAS-TEVERO signé : G. RIPOLL