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27/06/2024 | FRANCE | N°23/00130

France | France, Cour d'appel de Papeete, Cabinet d, 27 juin 2024, 23/00130


N° 198



GR

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Copie exécutoire

délivrée à :

- Me Peytavit,

le 01.07.2024.





Copie authentique délivrée à :

- Me Dumas,

le 01.07.2024.

REPUBLIQUE FRANCAISE



COUR D'APPEL DE PAPEETE



Chambre Civile



Audience du 27 juin 2024



RG 23/00130 ;



Décision déférée à la Cour : ordonnance n° 23/00081, rg n° 22/256 du Juge des Référés du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete du 27 mars 2023 ;

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Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 25 avril 2023 ;



Appelant :



M. [Y] [I], né le 6 septembre 1983 à [Localité 3], de nationalité française, demeurant à [Adresse 6]...

N° 198

GR

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Copie exécutoire

délivrée à :

- Me Peytavit,

le 01.07.2024.

Copie authentique délivrée à :

- Me Dumas,

le 01.07.2024.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D'APPEL DE PAPEETE

Chambre Civile

Audience du 27 juin 2024

RG 23/00130 ;

Décision déférée à la Cour : ordonnance n° 23/00081, rg n° 22/256 du Juge des Référés du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete du 27 mars 2023 ;

Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 25 avril 2023 ;

Appelant :

M. [Y] [I], né le 6 septembre 1983 à [Localité 3], de nationalité française, demeurant à [Adresse 6] ;

Représenté par Me Brice DUMAS, avocat au barreau de Papeete ;

Intimés :

Mme [V] [I], veuve [J], née le 28 juillet 1960 à [Localité 3], de nationalité française, demeurant à [Adresse 5] ;

Mme [G] [F] [U] [I], (anciennement [Z] [I]) né le 17 juillet 1970 à [Localité 3], de nationalité française, demeurant à [Adresse 5] ;

Mme [W] [I], née le 22 avril 1956 à [Localité 3], de nationalité française, [Adresse 2]a ;

Représentés par Me Loris PEYTAVIT, avocat au barreau de Papeete ;

Ordonnance de clôture du 26 février 2024 ;

Composition de la Cour :

La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 13 juin 2024, devant M. RIPOLL, conseiller désigné par l'ordonnance n° 64/ ORD/PP.CA/23 du premier président de la Cour d'Appel de Papeete en date du 25 août 2023 pour faire fonction de président dans le présent dossier, Mme GUENGARD et Mme MARTINEZ, conseillers, qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;

Arrêt contradictoire ;

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Signé par M. RIPOLL, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A R R E T,

FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES :

La cour se réfère à la décision dont appel pour l'exposé du litige et de la procédure antérieure. Il suffit de rappeler que :

Les consorts [I] ont assigné en référé leur neveu [Y] [I] aux fins de voir ordonner son expulsion d'une maison faisant partie de l'indivision successorale de leurs parents et sa condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation. Le défendeur a invoqué un droit d'occupation du chef de son père.

Par ordonnance rendue le 27 mars 2023, le juge des référés du tribunal de première instance de Papeete a :

ordonné l'expulsion de monsieur [Y] [I] ainsi que celle de tout occupant de son chef de la parcelle de la maison d'habitation sise à [Localité 4] et édifiée sur la parcelle de terre formant la parcelle E de la terre [Localité 7], cadastrée section AL n°[Cadastre 1] et d'une superficie de 987 m2, en tant que de besoin avec le concours de la force publique ;

assorti la mesure d'expulsion d'une astreinte de 10.000 XPF par jour de retard à compter d'un délai de CINQ JOURS suivant la signification de l'ordonnance, l'astreinte courant pendant DEUX MOIS ;

débouté madame [W] [I], madame [V] [I] et monsieur [H] [I] de leur demande d'indemnité d'occupation ;

condamné monsieur [Y] [I] à payer à l'indivision successorale la somme provisionnelle de 42.000 XPF au titre des charges communales ;

débouté madame [W] [I], madame [V] [I] et monsieur [H] [I] du surplus de leur demande provisionnelle ;

rappelé que la présente ordonnance est exécutoire par provision ;

condamné monsieur [Y] [I] à payer à madame [W] [I], madame [V] [I] et monsieur [H] [I] la somme de 150.000 XPF en application de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;

condamné monsieur [Y] [I] aux entiers dépens de l'instance.

[Y] [I] a relevé appel par requête enregistrée au greffe le 25 avril 2023.

Il est demandé :

1° par [Y] [I], dans ses conclusions récapitulatives visées le 24 novembre 2023, de :

Vu l'absence de toute attestation immobilière réalisée par les demandeurs à l'expulsion, vu l'absence de toute acceptation de la succession des demandeurs à l'expulsion, vu le droit d'occupation de Monsieur [Y] [I] qui justifie être propriétaire indivis du bien immobilier en cause, vu l'absence de toute ventilation des charges que l'on tente de lui attribuer,

Infirmer l'ordonnance du 27 mars 2023 en toutes ses dispositions,

Puis,

Juger irrecevables les demandes formées à l'encontre de Monsieur [Y] [I] ;

Ou, à tout le moins,

Juger mal fondées toutes les demandes formées à son encontre ;

Et,

Condamner Mesdames [V] [I], [B] [I] et [W] [I] à payer à Monsieur [Y] [I] une somme de 339 000 francs XPF au titre des frais irrépétibles d'appel ainsi qu'aux entiers dépens d'appel ;

Et dans ses conclusions d'incident visées le 25 janvier 2024, de :

Vu la procédure en partage enrôlée sous le numéro 23/140 au tribunal foncier de Polynésie française,

Faire droit à l'exception de litispendance et renvoyer la présente procédure devant le tribunal foncier ;

Ou si par extraordinaire il venait à ne pas être fait droit à la litispendance,

Ordonner le sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure en partage audiencée sous le numéro 23/140 et qu'une décision définitive soit rendue ;

2° par [V] [I] Vve [J], [G] [I] et [W] [I], dans leurs conclusions visées le 22 septembre 2023, de :

Confirmer l'ordonnance entreprise ;

Condamner l'appelant à leur payer une somme de 500 000 F CFP à titre de dommages et intérêts pour appel abusif ;

Le condamner à leur payer une somme de 500 000 F CFP pour frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 février 2024.

Il est répondu dans les motifs aux moyens et arguments des parties, aux écritures desquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

L'appel a été interjeté dans les formes et délais légaux. Sa recevabilité n'est pas discutée.

L'ordonnance dont appel a retenu que :

-Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir des requérants :

-En vertu du deuxième alinéa du premier article du code de procédure civile de la Polynésie française, «l'action n'est ouverte qu'à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention et sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé.» Il est à cet égard constant qu'aucune décision d'expulsion ne peut être prononcée sans que le demandeur à l'expulsion ne soit titulaire de droits de propriété sur l'immeuble en litige.

-En l'espèce, en même temps qu'il prétend tenir son droit originel d'occupation d'une autorisation qu'il aurait obtenue de son propre père - détenteur d'un quart des droits indivis -, monsieur [Y] [I] considère qu'en l'absence de titre, les demandes ses oncle et tantes - pourtant détenteurs des trois quarts des droits indivis - ne sont pas recevables. Il convient néanmoins de constater que les requérants produisent au débat les notoriétés après décès de leurs parents, lesquels étaient propriétaires de la parcelle AL-59 litigieuse, ainsi que cela est communément admis par l'ensemble des parties. Il en résulte qu'en dépit de l'absence d'attestation immobilière, telle qu'elle leur est reprochée par monsieur [Y] [I] - non sans déloyauté et contradiction évidente -, la qualité d'indivisaires de madame [W] [I], madame [V] [I] et monsieur [H] [I] est suffisamment démontrée. C'est enfin à tort et de manière tout aussi inefficace que monsieur [Y] [I] soutient que la loi n°2006-728 du 23 juin 2006 ayant notamment modifié les articles 815 et suivants du code civil n'aurait pas été rendue applicable sur le territoire de la Polynésie française, ladite loi comportant de fait une mention expresse d'applicabilité en son article 40.

-Ainsi, selon le premier alinéa de l'article 815-2 du code civil, «Tout indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis même si elles ne présentent pas un caractère d'urgence.» Au visa de l'article 815-3 du même code, «Le ou les indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis peuvent à cette majorité : 1° Effectuer les actes d'administration relatifs aux biens indivis ; 2°Donner à l'un ou plusieurs des indivisaires ou à un tiers un mandat général d'administration ; [...] Toutefois, le consentement de tous les indivisaires est requis pour effectuer tout acte qui ne ressortit pas à l'exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition autre que ceux visés au 3°.»

-En l'occurrence, il résulte des circonstances rapportées du litige que l'action en justice présentement intentée par madame [W] [I], madame [V] [I] et monsieur [H] [I] a précisément pour objet la conservation des droits des indivisaires de la parcelle AL-59 au sens de l'article 815-2. Aussi, peu important que monsieur [Y] [I] ait désormais la qualité de coindivisaires, les requérants demeurent fondés à agir dès lors qu'ils détiennent également à eux seuls trois quarts des droits indivis et remplissent ainsi les conditions exigées par l'article 815-3. Il n'y a donc pas lieu de les déclarer irrecevables en leurs demandes.

Sur le trouble manifestement illicite :

-Aux termes de l'article 432 du code de procédure civile de la Polynésie française, «Le président peut toujours prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.» Le trouble manifestement illicite s'entend ici de toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. Il est acquis que l'occupation sans droit ni titre d'un immeuble constitue un trouble manifestement illicite qui justifie, pour y mettre fin, que soit ordonnée une mesure d'expulsion.

-En l'espèce, il est constant que dans le courant de l'année 2018, monsieur [Y] [I] a été autorisé à occuper la maison familiale édifiée sur la parcelle AL-59 dépendant de la succession de monsieur [Z] [I] et madame [H] [X] veuve [I]. Aussi, et peu important que cette occupation ait été permise en vertu d'un titre précaire et révocable qui aurait été accordée temporairement par l'ensemble de l'indivision successorale ou en vertu d'une autorisation donnée par monsieur [O] [I], seul, comme cela est soutenu par monsieur [Y] [I], il est constant que ce dernier s'est maintenu dans les lieux jusqu'à ce jour malgré les demandes de libération réitérées de ses oncle et tantes, notamment à compter de 2021.

-Aussi, si le défendeur a dans un premier temps - et à bon droit - été attrait devant le présent tribunal en qualité d'occupant sans droit ni titre de la parcelle AL-59, l'intéressé justifie désormais de sa qualité de coindivisaire au même titre que les requérants, pour s'être en effet vu céder en cours d'instance les droits de son père sur cette même parcelle, ainsi qu'en témoigne l'attestation immobilière du 3 février 2023 constatant la donation en avancement sur part successorale de monsieur [O] [I] au profit de monsieur [Y] [I].

-Dans pareille circonstance, il convient de faire application du premier alinéa de l'article 815-9 du code civil, lequel prévoit que « Chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l'effet des actes régulièrement passés au cours de l'indivision. À défaut d'accord entre les intéressés, l'exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal. » Sans que ne soit remis en cause le droit de propriété, il est admis que le juge des référés puisse ordonner l'expulsion d'un indivisaire occupant privativement un immeuble indivis sur le fondement de l'article 432 susvisé, s'il est établi que son maintien dans les lieux est incompatible avec les droits concurrents des autres coindivisaires au point de constituer un trouble manifestement illicite et s'il est avéré que la mesure demandée est proportionnée au regard de son droit de propriété.

-En l'espèce, il convient de retenir que les requérants sollicitent l'expulsion de monsieur [Y] [I] en invoquant notamment le comportement fautif de ce dernier qui, dès 2019, s'est engagé dans des man'uvres d'intimidations pour évincer ses oncle et tante de la propriété et se maintenir de force dans les lieux. Outre qu'ils ne soient pas contredits par le défendeur, ces éléments sont attestés par des justificatifs probants tels que des récépissés de dépôts de plaintes de madame [V] [I] en date des 9 juin 2021 et 8 mars 2022.

-Par ailleurs, au vu des circonstances, il apparaît que la situation et le captage de l'immeuble n'ont été rendus possibles que par l'entente déloyale opérée entre monsieur [Y] [I] et son père, monsieur [O] [I]. Il est de fait établi que chacun des deux hommes occupe à titre privatif les deux maisons édifiées sur la parcelle litigieuse et qu'au moyen d'une donation passée en cours d'instance, ils ont mené l'ouvrage à son terme en faisant du premier un coindivisaire au même titre que les demandeurs à l'expulsion, quitte à placer le second dans la situation de l'occupant sans droit ni titre.

-Il en résulte, dans ces conditions, que l'occupation privative par monsieur [Y] [I] de la maison familiale sise sur la parcelle AL-59 constitue incontestablement un trouble manifestement illicite, ce d'autant plus qu'il est rapporté que l'intéressé - qui ne le conteste toujours pas - ne verse à l'indivision aucune indemnité d'occupation et ne s'acquitte pas même des charges afférentes au logement.

-Il sera fait droit à la demande d'expulsion dans les conditions précisées au dispositif, la mesure n'apparaissant guère disproportionnée au regard du droit de propriété qu'est désormais celui de monsieur [Y] [I] compte tenu en effet des man'uvres employées et du fort conflit opposant les parties.

-Sur l'indemnité d'occupation due à l'indivision successorale :

-Aux termes de l'article 433 du code de procédure civile de la Polynésie française, «Dans le cas où l'existence d'une obligation n'est pas sérieusement contestable, le président peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l 'obligation, même s'il s'agit d'une obligation de faire.» Selon le deuxième alinéa de l'article 815-9 du code civil, «L'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité.»

-En l'espèce, si l'obligation de monsieur [Y] [I] de s'acquitter d'une indemnité d'occupation n'apparaît pas sérieusement contestable au vu de son occupation privative de la maison familiale sise parcelle AL-59, il n'en est pas de même du montant sollicité à ce titre par les requérants, sans aucune référence à la valeur locative de ladite habitation et sans aucun élément d'information permettant d'évaluer provisoirement cette valeur. Il convient, dans ces circonstances, de débouter madame [W] [I], madame [V] [I] et monsieur [H] [I] de leurs demandes en ce sens.

-Sur la provision à valoir sur les charges :

-Monsieur [Y] [I], qui reconnaît ne pas s'être acquitté des charges communales afférentes à l'habitation qu'il occupe pourtant privativement, sera condamné à rembourser à l'indivision successorale la somme de 42.000 XPF correspondant à la moitié des charges communales des années 2020 et 2021.

-Les requérants seront en revanche déboutés de leur demande de provision au titre des deux factures EDT produits, lesdits documents ne permettant pas, à eux seuls, de savoir si le contrat d'abonnement est bien rattaché à la maison familiale litigieuse.

Les moyens d'appel sont : le droit de propriété qu'invoquent les consorts [I] est contesté en l'absence de signature des attestations immobilières requises par la délibération 92-233 AT du 22/12/1992 ; il n'est pas non plus justifié de leur acceptation de la succession ; au contraire, le père de [Y] [I] a quant à lui fait les démarches nécessaires pour l'établissement des actes notariés ; les demandeurs sont irrecevables en leur action ; [D] [I] a justifié en cours d'instance de sa qualité de propriétaire indivis de la terre en cause par donation de son père, il n'est pas occupant sans droit ni titre ; un trouble manifestement illicite ne peut pas être constitué par l'exercice de ses droits, et il n'est pas justifié des voies de fait alléguées ; la demande de provision sur charges n'est pas justifiée faute de ventilation de celles-ci entre les deux maisons érigées sur la parcelle.

Les intimées concluent à la confirmation de l'ordonnance pour ses motifs.

Au soutien de sa demande de sursis à statuer, [Y] [I] expose que les intimées ont saisi le tribunal foncier d'une demande en partage et qu'il s'agit du même litige.

Sur quoi :

Le référé a été formé le 7 octobre 2022. La demande en partage a été faite le 17 août 2023. L'objet du référé est un litige entre coindivisaires qui ne peut être confondu avec une demande de partage successoral, pour laquelle au demeurant [Y] [I] n'a pas été assigné, seul l'ayant été son père [O] [I]. La juridiction des référés saisie en premier lieu demeure compétente en application de l'article 57 du code de procédure civile de la Polynésie française.

L'indivision successorale se compose des quatre enfants de feus [Z] [I] et [G] [X] : [W], [O], [V] et [Z]. [Y] [I] est le fils de [O] dont il détient les droits indivis du quart suivant un acte authentique de donation dressé le 3 février 2023.

Nonobstant, [W], [V] et [G] [I] ont assigné devant le tribunal foncier [O], et non [Y] [I], pour demander le partage en deux lots d'égale valeur.

Par des motifs exacts en fait et bien fondés en droit, que ne remettent pas en cause les moyens d'appel, et que la cour adopte, l'ordonnance entreprise a justement rejeté les fins de non-recevoir élevées par [Y] [I]. Les consorts [I] réunissent en effet les trois quarts des droits indivis alors que la majorité requise pour exercer les actes d'administration relatifs aux biens indivis est des deux tiers (C. civ., art. 815-3). A hauteur de référé, leur acceptation de la succession s'évince de l'introduction par eux de cette instance ainsi que de leur demande de partage au fond.

Ainsi que l'a rappelé le premier juge, en l'absence de convention, l'exercice des droits des coindivisaires est réglé à titre provisoire par le président du tribunal. Mais ce n'est pas l'objet du référé, dont le fondement invoqué est le trouble manifestement illicite du fait de [Y] [I], et son défaut de contribution aux charges de l'indivision.

Au jour où la cour statue, il y a apparence et évidence que [Y] [I] est devenu personnellement un coindivisaire par donation des droits de son père. Son usage des biens indivis ne constitue donc pas en soi un trouble manifestement illicite (C. civ., art. 815-9).

Reste donc à apprécier si son usage et sa jouissance des biens indivis conformément à leur destination sont incompatibles avec les droits des autres indivisaires (art. 815-9), et ce dans une mesure telle qu'elle caractérise l'existence d'un trouble manifestement illicite ou d'un dommage imminent (C.P.C.P.F., art 432).

C'est bien le cas en l'espèce. Par des motifs exacts en fait et bien fondés en droit, que ne remettent pas en cause les moyens d'appel, et que la cour adopte, l'ordonnance entreprise a justement caractérisé l'existence d'un tel trouble en raison, non d'une occupation sans droit ni titre par [Y] [I], mais de l'abus de son droit par celui-ci, qui est exprimé, d'une part, par des voies de fait pour s'accaparer une des deux maisons ayant donné lieu à des plaintes dont il est justifié (dépôts de plainte de [V] [I] du 09/06/2021 et du 08/03/2022 relatant des coups et blessures et des menaces avec arme blanche, au sujet desquelles [Y] n'apporte aucun élément de preuve contraire), et d'autre part par le non-paiement de toute indemnité à l'indivision et de toute contribution aux charges de propriété nonobstant son usage et sa jouissance privatifs de cette habitation (C. civ., art. 815-9 al. 2). L'ensemble constitue aussi un dommage toujours imminent causé à l'indivision puisque l'occupant de la moitié des lieux ne représente que le quart des droits indivis et ne s'acquitte d'aucune indemnité.

La mesure d'expulsion qui a été ordonnée est la seule qui permette de faire cesser ce trouble et de prévenir ce dommage. L'intention de [Y] [I] de se maintenir coûte que coûte dans les lieux résulte de son acceptation, en refusant néanmoins d'assumer ses obligations de coindivisaire, de la donation des droits indivis de son père [O] [I], par laquelle ce dernier encourt maintenant, comme l'a justement relevé le premier juge, d'être déclaré occupant sans droit ni titre, alors même qu'il est partie à l'instance en partage qui a été engagée. Celle-ci ne suffira pas à régler le litige puisque [Y] [I] n'y est pas partie. Aucun des coindivisaires n'a exprimé l'intention de demander un règlement conventionnel ou judiciaire de l'indivision.

Cette mesure est proportionnée à l'atteinte qu'elle porte au droit de propriété indivis de [Y] [I] puisqu'il est apparent et évident qu'il n'a acquis celui-ci que pour pouvoir continuer à résister à la demande d'expulsion dont il faisait l'objet, sans pour autant remplir ses obligations de coindivisaire à l'égard de l'indivision, et qu'il évince ainsi celle-ci de la moitié de son assiette.

Il n'est pas davantage justifié devant la cour que devant le premier juge de la valeur locative du bien. L'ordonnance doit donc être confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande d'indemnité d'occupation.

Quant à la condamnation de [Y] [I] à payer à l'indivision une provision d'un montant de 42 000 F CFP représentant, selon justificatifs, la moitié des charges communales de 2020 et 2021, elle doit aussi être confirmée, puisque l'appelant ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de s'être libéré de sa quote-part par des paiements qu'il a effectués.

Le litige ayant pour enjeu la jouissance d'un logement familial, il n'est pas établi que [Y] [I] ait fait dégénérer en abus son droit d'user des voies de recours. Il sera fait application des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française au bénéfice des intimées. La partie qui succombe est condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort ;

En la forme, déclare l'appel recevable ;

Déboute [Y] [I] de ses demandes sur incident ;

Confirme l'ordonnance entreprise ;

Déboute [V] [I] Vve [J], [G] [I] et [W] [I] de leur demande de dommages et intérêts pour appel abusif ;

Condamne [Y] [I] à payer à [V] [I] Vve [J], [G] [I] et [W] [I] ensemble la somme supplémentaire de 350 000 F CFP en application des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française devant la cour ;

Rejette toute autre demande ;

Met à la charge de [Y] [I] les dépens de première instance et d'appel.

Prononcé à Papeete, le 27 juin 2024.

Le Greffier, Le Président,

signé : M. SUHAS-TEVERO signé : G. RIPOLL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Papeete
Formation : Cabinet d
Numéro d'arrêt : 23/00130
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;23.00130 ?
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