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27/06/2024 | FRANCE | N°22/00189

France | France, Cour d'appel de Papeete, Cabinet d, 27 juin 2024, 22/00189


N° 195



GR

-------------



Copie exécutoire

délivrée à :

- M. [V],

le 01.07.2024.





Copie authentique délivrée à :

- Me Dumas,

- Ministère Public,

- Greffier RC,

- Greffier TMC,

le 01.07.2024.



REPUBLIQUE FRANCAISE



COUR D'APPEL DE PAPEETE



Chambre Commerciale





Audience du 27 juin 2024





RG 22/00189 ;



Décision déférée à la Cour : jugement n° 2022/141, Rg n° 2021 001222

du Tribunal Mixte de Commerce de Papeete du 25 avril 2022 ;



Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 22 juin 2022 ;



Appelant :



M. [B] [O], né le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 4], de nati...

N° 195

GR

-------------

Copie exécutoire

délivrée à :

- M. [V],

le 01.07.2024.

Copie authentique délivrée à :

- Me Dumas,

- Ministère Public,

- Greffier RC,

- Greffier TMC,

le 01.07.2024.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D'APPEL DE PAPEETE

Chambre Commerciale

Audience du 27 juin 2024

RG 22/00189 ;

Décision déférée à la Cour : jugement n° 2022/141, Rg n° 2021 001222 du Tribunal Mixte de Commerce de Papeete du 25 avril 2022 ;

Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 22 juin 2022 ;

Appelant :

M. [B] [O], né le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 4], de nationalité française, demeurant à [Adresse 3] ;

Représenté par Me Brice DUMAS, avocat au barreau de Papeete ;

Intimés :

M. [G] [V], [Adresse 2], pris ès-qualitès de liquidateur de la Sarl Artisans du Bâtiment, Rcs Papeete 17 152 B, n° Tahiti 34-663 ;

Ayant conclu ;

Le Ministère Public, ayant conclu ;

Son avis ayant été régulièrement notifié aux parties ;

Ordonnance de clôture du 23 février 2024 ;

Composition de la Cour :

Après communication de la procédure au ministère public conformément aux articles 249 et suivants du code de procédure civile de la Polynésie française et après que la cause ait été débattue et plaidée en audience non publique du 14 mars 2024, devant M. RIPOLL, conseiller faisant fonction de président, M. SEKKAKI et Mme MARTINEZ, conseillers, qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;

Arrêt contradictoire ;

Prononcé par mise à disposition publiquement de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Signé par M. RIPOLL, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A R R E T,

FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES :

La cour se réfère à la décision dont appel pour l'exposé du litige et de la procédure antérieure. Il suffit de rappeler que :

La SARL ARTISANS DU BÂTIMENT a été immatriculée en 2017. Son gérant [B] [O] l'a déclarée en état de cessation des paiements le 5 novembre 2020. La période d'observation s'est terminée par un jugement de liquidation judiciaire rendu le 8 mars 2021.

Le liquidateur judiciaire, Me [G] [V], a présenté requête le 21 octobre 2021 aux fins de voir condamner [B] [O] à combler le passif social à concurrence de la somme de 35 000 000 F CFP et de voir prononcer sa faillite personnelle pendant cinq ans. Il a exposé que le gérant avait poursuivi abusivement une exploitation déficitaire et qu'il n'avait pas déclaré la cessation des paiements dans les quinze jours de son apparition. [B] [O] l'a contesté.

Par jugement rendu le 25 avril 2022, le tribunal mixte de commerce de Papeete a :

Fixé la date de cessation des paiements de la SARL ARTISANS DU BÂTIMENT au 1er juin 2019 ;

Condamné [B] [O] à combler le passif social de la SARL ARTISANS DU BÂTIMENT à hauteur de la somme de 35 000 000 francs CFP, somme à laquelle sera déduite la valeur nette dégagée par la vente des actifs par le commissaire-priseur ;

Condamné [B] [O] à une mesure de faillite personnelle d'une durée de 5 années ;

Condamné [B] [O] à payer à Me [G] [V] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL ARTISANS DU BÂTIMENT la somme de 300 000 francs CFP au titre de l'article 407 du code de procédure civile ;

Dit que la décision fait l'objet des notifications prévues aux articles 156 et suivants de la délibération du 15 février 1990 ;

Condamné [B] [O] aux dépens.

[B] [O] a relevé appel par requête enregistrée au greffe le 22 juin 2022.

Il est demandé :

1° par [B] [O], dans sa requête, de :

Infirmer le jugement entrepris ;

Vu le défaut de publicité, juger l'action de Me [G] [V] irrecevable ;

Subsidiairement :

Vu l'absence de créance certaine, vu les créances contestées,

Débouter Me [G] [V] de ses demandes ;

Juger n'y avoir lieu à condamnation en paiement de frais irrépétibles à son encontre ;

Et, dans ses conclusions visées le 21 novembre 2022, de surseoir à statuer dans l'attente de la décision définitive portant sur l'infirmation de l'ordonnance n° 85 du 28 mars 2022 portant arrêté des créances ;

2° par Me [G] [V] ès qualités de liquidateur de la SARL ARTISANS DU BÂTIMENT, dans ses conclusions visées le 30 septembre 2022, de :

Vu les dispositions des articles L. 621-7 du Code de commerce, L. 624-3 et suivants du Code de commerce, L. 625-3 et L.625-5 du Code de commerce,

Confirmer partiellement le jugement rendu en date du 25 avril 2022 par le tribunal mixte de commerce de Papeete en ce qu'il a :

Fixé la date de cessation des paiements de la SARL ARTISANS DU BÂTIMENT au 1 JUIN 2019 ;

Condamné Monsieur [B] [O] à une mesure de faillite personnelle d'une durée de 5 années ;

Condamné Monsieur [B] [O] à payer à Me [V] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL ARTISANS DU BÂTIMENT la somme de 300.000 FCFP au titre de l'article 407 du code de procédure civile ;

Condamné Monsieur [B] [O] aux dépens.

L'infirmer partiellement au titre du montant provisoirement fixé à 35.000.000 FCFP en ce qui concerne la mesure de comblement du passif prononcée à l'égard de Monsieur [B] [O] ;

Statuer de nouveau sur ce chef, et fixer à la somme de 34.349.278 FCFP l'insuffisance d'actif qui sera mise à la charge de Monsieur [B] [O] au titre d'une mesure de comblement de passif.

Par arrêt rendu le 22 juin 2023, la cour a déclaré irrecevable l'appel interjeté par [B] [O] à l'encontre de l'ordonnance n° 85 rendue le 28 mars 2022 par le juge-commissaire du tribunal mixte de commerce de Papeete.

En suite de quoi, par ordonnance rendue le 23 février 2024, le conseiller chargé de la mise en état a débouté [B] [O] de sa demande de sursis à statuer et a prononcé la clôture de l'instruction.

Le ministère public a conclu à la confirmation du jugement.

Il est répondu dans les motifs aux moyens et arguments des parties, aux écritures desquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

L'appel a été interjeté dans les formes et délais légaux. Sa recevabilité n'est pas discutée.

Le jugement dont appel a retenu que :

-Sur la demande en comblement de passif :

-L'article L. 624-3 du code de commerce dispose que «Lorsque le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif décider que les dettes de la personne morale seront supportées, en tout ou en partie, avec ou sans solidarité, par tous les dirigeants de droit ou de fait, rémunérés ou non, ou par certains d'entre eux». Il résulte de la loi que trois conditions doivent être remplies pour que le tribunal envisage une condamnation au comblement du passif : l'insuffisance d'actif au regard du montant du passif, une faute de gestion et un rapport de cause à effet entre la seconde et la première condition.

-En l'espèce, c'est à juste titre, au regard du montant de l'actif et des dettes dont il fait le compte précisément et objectivement, que Me [G] [V], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL ARTISANS DU BÂTIMENT, considère que la liquidation judiciaire de cette société fait apparaître une insuffisance d'actif d'un montant de 35 000 000 francs CFP. La première condition est donc remplie.

-Ensuite, c'est à juste titre que Me [G] [V] soutient que M. [B] [O] a commis des fautes de gestion dans sa gestion de la SARL ARTISANS DU BÂTIMENT. En premier lieu, M [B] [O] n'a déclaré que le 5 novembre 2020 son état de cessation des paiements, alors qu'il savait pertinemment que la SARL ARTISANS DU BÂTIMENT ne pouvait faire face à son passif exigible déjà depuis plus d'un an et demi. En effet, la créance de la CPS est établie le 1er juin 2019, date depuis laquelle il est constant que la SARL ARTISANS DU BÂTIMENT s'est révélée incapable de payer cette dette, laquelle n'a cessé de s'aggraver au point qu'en décembre 2020, elle s'élevait désormais à la somme de 8 072 158 francs CFP. D'autre part, cette dette n'est pas la seule que la SARL ARTISANS DU BÂTIMENT savait devoir être tenue de régler : le liquidateur judiciaire rapporte la preuve qu'entre juin 2019 et décembre 2020, les factures présentées par au moins sept créanciers sont demeurées impayées pour un montant de plus de 16 millions de francs CFP (RECETTE DES IMPÔTS, SODIRENT, POLYBAT, SOFIDEP, SOCIMAT, SORAM, RSP). Impuissant à maîtriser son endettement, M. [B] [O] s'est volontairement abstenu de procéder à la déclaration de cessation des paiements dans le délai que fixe la loi. L'explication est qu'il était tout occupé à poursuivre l'exploitation de sa société dont le caractère lourdement déficitaire ne lui échappait donc pas, mais qui lui permettait de continuer à bénéficier des ressources que lui procurait, via la SARL ARTISANS DU BÂTIMENT, ses créanciers et prêteurs de fonds. Qu'importe que, selon l'analyse de M. [B] [O], la situation de la SARL ARTISANS DU BÂTIMENT en 2019 n'était pas compromise et pouvait être parfaitement redressée en 2020. L'état de cessation de paiement, selon la loi, résulte de la confrontation mathématique du passif exigible avec l'actif disponible, notion qui ne laisse aucune place aux recettes éventuelles et futures, fondées sur des prévisions économiques - même réalistes - ou résultant de marchés signés et en cours d'exécution ou d'hypothétiques concours bancaires. Et d'ailleurs, les faits ont donné raison à la conception prudentielle de l'article L 621-1 du code de commerce, puisque l'année 2020 a infirmé les prévisions optimistes de M. [B] [O]. En outre, le caractère réaliste ou irréaliste du délai qu'impose la loi au chef d'entreprise pour déclarer sa cessation des paiements (15 jours), s'il peut à juste titre susciter des critiques quant à sa brièveté, n'est dans la présente affaire, nullement un sujet de discussion, et encore moins un argument de défense, dès lors qu'il n'est pas reproché à M. [B] [O] un dépassement de quelques jours, voire de quelques semaines, mais d'avoir tardé de plus d'un an et demi à déposer le bilan. C'est la raison pour laquelle, le tribunal n'hésite pas à accéder à la requête du liquidateur judiciaire de faire remonter la date de cessation des paiements qu'il avait

déterminée, dans un premier temps, provisoirement, et à la fixer dorénavant au 1er juin 2019, conformément à l'article L. 621-7 lequel dispose que «Le tribunal fixe, s'il y a lieu, la date de cessation des paiements. À défaut de détermination de cette date, la cessation des paiements est réputée être intervenue à la date du jugement qui la constate. Elle peut être reportée une ou plusieurs fois, sans pouvoir être antérieure de plus de dix-huit mois à la date du jugement d'ouverture.»

-Seconde faute de gestion, M. [B] [O] a utilisé la trésorerie de la SARL ARTISANS DU BÂTIMENT dans des conditions anormales, à son profit personnel comme au bénéfice de ses autres entreprises. C'est avec pertinence que Me [G] [V] verse aux débats la preuve que M. [B] [O] a effectué des virements en sa faveur en 2020 pour un montant de 6 165 000 francs CFP. Ces virements ne sont pas justifiés. Ils s'ajoutent à la rémunération mensuelle que l'intéressé percevait en qualité de gérant. S'agissant des relations entre sociétés, M. [B] [O] a parfaitement raison de faire valoir que la SARL ARTISANS DU BÂTIMENT et les autres entreprises citées par le liquidateur judiciaire peuvent entretenir des relations financières et ainsi retirer un avantage commun des charges exposées par certaines. Mais c'est à condition que ces relations soient clairement exposées, notamment dans des conventions, et surtout qu'elles puissent être in fine justifiées. Or, tel n'est pas le cas en l'espèce : c'est ainsi que Me [G] [V] verse aux débats avec pertinence la preuve que M. [B] [O] a effectué à partir de la trésorerie de la SARL ARTISANS DU BÂTIMENT des virements au profit des sociétés ARTISANS PLOMBIERS (923 150 francs CFP), BSEEN (1 860 207 francs CFP) et FACTORY'S TAHITI (1 561 143 francs CFP) sans que ces transferts puissent être justifiés. Dans ces conditions, il est établi que M. [B] [O] a commis des fautes de gestion au détriment de la SARL ARTISANS DU BÂTIMENT. La deuxième condition est donc remplie.

-Il est enfin évident que ces fautes ont causé la déconfiture de la SARL ARTISANS DU BÂTIMENT, matérialisée par un passif non négligeable s'élevant à 35 000 000 francs CFP et sans commune mesure avec un niveau d'actif presqu'inexistant.

-Il convient en conséquence de condamner M. [B] [O] à supporter l'intégralité du passif de la SARL ARTISANS DU BÂTIMENT.

-Sur la faillite personnelle :

-L'article L. 625-3 du code de commerce dispose que «À toute époque de la procédure, le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne physique commerçante, ... contre lequel a été relevé l'un des faits ci-après : 3° Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté son passif». L'article L. 625-5 prévoit également que la même mesure peut être prononcée contre le dirigeant qui a «omis de faire, dans le délai de quinze jours, la déclaration de l'état de cessation de paiements.»

-Il suit des motifs déjà relevés ci-dessus que M. [B] [O] s'est révélé coupable des faits pour lesquels les articles précités prévoient la sanction de faillite personnelle. C'est ainsi qu'il a omis sciemment de déclarer la cessation des paiements de la SARL ARTISANS DU BÂTIMENT alors que celle-ci était établie en juin 2019 ; c'est ainsi qu'il a poursuivi jusqu'en décembre 2020 l'exploitation de cette société, ce qui a concouru à une augmentation inévitable et insurmontable de son passif.

-Il convient en conséquence de condamner M. [B] [O] à une mesure de faillite personnelle d'une durée de 5 ans ; conformément à l'article L 625-10 du code de commerce, cette décision est assortie de l'exécution provisoire.

Les moyens d'appel sont : Me [V] n'a pas qualité pour agir faute pour lui d'avoir effectué les mesures de publicité entourant sa nomination ès qualités de liquidateur de la société au jour de l'introduction de l'action ; le tribunal s'est fondé, pour caractériser des fautes de gestion, sur des créances qui ont été déclarées non admises ; à défaut de créance certaine, il ne pouvait pas modifier la date de cessation des paiements ni constater une insuffisance d'actif par rapport à un passif qui est toujours indéterminé ; pour le même motif, la faillite personnelle ne peut pas être prononcée.

Le liquidateur judiciaire conclut que : le jugement de liquidation judiciaire a été publié au JOPF ; l'état des créances a été arrêté par ordonnance du 28/03/2022 ; le débiteur dûment convoqué n'a pas souhaité participer à la procédure de vérification des créances ; son appel contre l'ordonnance a été jugé irrecevable pour ce motif, et à défaut de les avoir contestées, il a accepté les créances produites ; le passif est d'un montant de 34 928 909 F CFP ; l'insuffisance d'actif est d'un montant de 34 349 278 F CFP ; la sanction de la faillite personnelle peut être prononcée à tout moment.

Sur quoi :

Sur la fin de non-recevoir :

Le liquidateur judiciaire a été nommé par le jugement du 8 mars 2021. Celui-ci a été rendu contradictoirement, la SARL ARTISANS DU BÂTIMENT étant représentée par son gérant [B] [O]. Le jugement a ordonné les notifications et mesures de publicité prévues par la loi. Il a fait l'objet d'une annonce légale parue au JOPF du 27/04/2021 mentionnant le nom et l'adresse du mandataire judiciaire désigné. Il n'est pas justifié que ce jugement ne soit pas définitif.

L'article 107-1 de la délibération n° 90-36 AT du 15/02/1990 dispose que le liquidateur désigné exerce et poursuit les fonctions dévolues au représentant des créanciers. Me [G] [V] a acquis cette qualité par l'effet immédiat de sa désignation. Les voies de recours qui étaient ouvertes au débiteur contre celle-ci n'étaient au demeurant pas conditionnées par l'accomplissement des mesures de publicité légale. La fin de non-recevoir n'est donc pas bien fondée.

Sur la demande en comblement de passif :

Le jugement déféré a rappelé les conditions auxquelles un dirigeant peut être condamné à supporter les dettes de la société.

Contrairement à ce que soutient l'appelant, il résulte d'une jurisprudence constante que l'action est recevable même si les opérations de vérification du passif et de réalisation des actifs ne sont pas terminées, dès lors qu'il apparaît avec évidence que l'actif sera insuffisant pour payer le passif (v. p. ex. Com. 6 juill. 1999 B. 189).

C'est le cas en l'espèce. Le jugement du 8 mars 2021 prononçant la liquidation judiciaire a constaté l'état de cessation des paiements, la cessation de l'activité et l'impossibilité de présenter un plan de continuation. Le liquidateur judiciaire a introduit cette instance le 21 octobre 2021 après un arrêté provisoire des créances déclarées faisant apparaître un passif d'un montant de 32 661 917 F CFP ainsi que des créances salariales fixées par le tribunal du travail. Il a exposé que l'inventaire des actifs avait été fait le 22 février 2021 en présence de [B] [O] lors duquel ont été prises des photographies d'objets hétéroclites entreposés dans un container qui ont permis de conclure que leur vente rapporterait très peu de fonds. La suite de la procédure a permis de vérifier ces indications. Le passif a été arrêté au montant de 33 028 547 F CFP. Le montant de 579 631 F CFP des actifs réalisés que déclare le liquidateur judiciaire n'est pas contesté. L'insuffisance d'actif est établie pour le montant de 34 349 278 F CFP.

Il échet seulement d'actualiser à ce montant la condamnation prononcée par le jugement entrepris pour ses motifs bien fondés en droit et exacts en fait, que ne remettent pas en cause les moyens d'appel, et que la cour adopte.

Sur la modification de la date de cessation des paiements :

Aux termes de l'article L621-7 du code de commerce (toujours en vigueur en Polynésie française) :

Le tribunal fixe, s'il y a lieu, la date de cessation des paiements. À défaut de détermination de cette date, la cessation des paiements est réputée être intervenue à la date du jugement qui la constate. Elle peut être reportée une ou plusieurs fois, sans pouvoir être antérieure de plus de dix-huit mois à la date du jugement d'ouverture.

Il se prononce d'office ou à la demande de l'administrateur, du représentant des créanciers, du liquidateur ou du procureur de la République. La demande de modification de date doit être présentée au tribunal avant l'expiration du délai de quinze jours qui suit le dépôt du rapport prévu à l'article L. 621-54 ou du projet de plan prévu à l'article L. 621-141 ou du dépôt de l'état des créances si la liquidation est prononcée.

En l'espèce, l'état des créances a été déposé le 4 mars 2022, soit après la date de l'introduction de la présente instance. La demande de ce chef est donc irrecevable.

Sur la faillite personnelle :

Aux termes de l'article L625-5 du code de commerce en vigueur en Polynésie française :

À toute époque de la procédure, le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l'article L. 625-1 contre laquelle a été relevé l'un des faits :

1° Avoir exercé une activité commerciale, artisanale ou agricole ou une fonction de direction ou d'administration d'une personne morale contrairement à une interdiction prévue par la loi ;

2° Avoir dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, fait des achats en vue d'une revente au-dessous du cours ou employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds ;

3° Avoir souscrit, pour le compte d'autrui, sans contrepartie, des engagements jugés trop importants au moment de leur conclusion, eu égard à la situation de l'entreprise ou de la personne morale ;

4° Avoir payé ou fait payer, après cessation des paiements et en connaissance de cause de celle-ci, un créancier au préjudice des autres créanciers ;

5° Avoir omis de faire, dans le délai de quinze jours, la déclaration de l'état de cessation de paiements.

Le jugement entrepris n'est pas critiqué en ce qu'il a fondé le prononcé de cette sanction sur l'omission par [B] [O], gérant de la SARL ARTISANS DU BÂTIMENT, d'avoir fait la déclaration de cessation des paiements. La cour adopte les motifs bien fondés en droit et exacts en fait du jugement sur ce point.

Aux termes de l'article L625-3 du code de commerce en vigueur en Polynésie française :

À toute époque de la procédure, le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne physique commerçante, de tout agriculteur ou de toute personne immatriculée au répertoire des métiers contre lequel a été relevé l'un des faits ci-après :

1° Avoir poursuivi abusivement une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements ;

2° Avoir omis de tenir une comptabilité conformément aux dispositions légales ou fait disparaître tout ou partie des documents comptables ;

3° Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté son passif.

Par des motifs bien fondés en droit et exacts en fait, que ne remettent pas en cause les moyens d'appel et que la cour adopte, le jugement entrepris a caractérisé que [B] [O] tombe sous le coup du 1° de l'article L625-3. La poursuite abusive d'une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements a été constatée dès le jugement d'ouverture et la période d'observation. Contrairement à ce que soutient l'appelant, il n'est donc pas nécessaire pour la caractériser d'attendre qu'il soit justifié d'un passif certain et exigible. La sanction peut être prononcée «à toute époque de la procédure».

Dans ces deux cas, la faillite personnelle sanctionne le comportement du dirigeant qui, au lieu de tirer immédiatement les conséquences de l'état de cessation des paiements, laisse fautivement s'accroître le passif et compromet toute chance de redressement. C'est, pour les motifs retenus par le jugement et adoptés par la cour, le cas dans lequel s'est mis [B] [O]. La sanction de la faillite personnelle d'une durée de cinq années est proportionnée aux fautes qu'il a commises et au préjudice qu'elles ont causé aux créanciers et aux salariés de la société ARTISANS DU BÂTIMENT, dont la brève durée d'exploitation a immédiatement généré un passif important.

Le jugement sera donc confirmé, sauf sur le montant de la condamnation au comblement du passif, qu'il y a lieu d'actualiser, et sur la demande de report de la date de cessation des paiements , qui n'était pas recevable.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort ;

En la forme, déclare l'appel recevable ;

Déboute [B] [O] de sa fin de non-recevoir ;

Au fond, confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a fixé la date de cessation des paiements de la SARL ARTISANS DU BÂTIMENT au 1er juin 2019, et en ce qu'il a fixé le montant de la condamnation de [B] [O] à combler le passif social de la SARL ARTISANS DU BÂTIMENT à hauteur de la somme de 35 000 000 francs CFP, somme à laquelle sera déduite la valeur nette dégagée par la vente des actifs par le commissaire-priseur ;

Statuant à nouveau de ces chefs :

Déclare irrecevable la demande de report de la date de cessation des paiements de la SARL ARTISANS DU BÂTIMENT ;

Condamne [B] [O] à payer à Me [G] [V] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL ARTISANS DU BÂTIMENT la somme de 34 349 278 F CFP en application des dispositions de l'article L624-3 du code de commerce en vigueur en Polynésie française au titre de l'insuffisance d'actif de ladite société ;

Rappelle que cette somme sera répartie comme il est dit à l'article L624-3 dernier alinéa du code de commerce ;

Rejette toute autre demande ;

Dit que l'arrêt fera l'objet des notifications prévues aux articles 156 et suivants de la délibération n° 90-36 AT du 15/02/1990 ;

Met à la charge de [B] [O] les dépens de première instance et d'appel.

Prononcé à Papeete, le 27 juin 2024.

Le Greffier, Le Président,

signé : M. SUHAS-TEVERO signé : G. RIPOLL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Papeete
Formation : Cabinet d
Numéro d'arrêt : 22/00189
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;22.00189 ?
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