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27/06/2024 | FRANCE | N°21/00240

France | France, Cour d'appel de Papeete, Cabinet d, 27 juin 2024, 21/00240


N° 191



GR

--------------



Copies exécutoires

délivrées à :

- Me [N],

- Me [J],

- Cps

le 27.06.2024.







REPUBLIQUE FRANCAISE



COUR D'APPEL DE PAPEETE



Chambre Civile





Audience du 27 juin 2024



RG 21/00240 ;



Décision déférée à la Cour : jugement n° 284, rg n° 20/00013 du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, du 9 juin 2021 ;



Sur appel formé par requête déposée et enregistrée a

u greffe de la Cour d'appel le 7 juillet 2021 ;



Appelante :



La Sarl [10], délégation de Polynésie française, immatriculée au Rcs de Papeete Tpi sous le n° 9365 B, n° Tahiti 034868 dont le siège social est sis [Adresse 6],...

N° 191

GR

--------------

Copies exécutoires

délivrées à :

- Me [N],

- Me [J],

- Cps

le 27.06.2024.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D'APPEL DE PAPEETE

Chambre Civile

Audience du 27 juin 2024

RG 21/00240 ;

Décision déférée à la Cour : jugement n° 284, rg n° 20/00013 du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, du 9 juin 2021 ;

Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 7 juillet 2021 ;

Appelante :

La Sarl [10], délégation de Polynésie française, immatriculée au Rcs de Papeete Tpi sous le n° 9365 B, n° Tahiti 034868 dont le siège social est sis [Adresse 6], agissant poursuites et diligences de son représentant légal y domicilié ès-qualitès audit siège ;

Représentée par Me Gilles GUEDIKIAN, avocat au barreau de Papeete ;

Intimés :

M. [W] [O], né le 16 août 1975 à [Localité 8], de nationalité française, demeurant à [Adresse 9] ;

Représenté par Me Myriam TOUDJI, avocat au barreau de Papeete ;

La Caisse de Prévoyance Sociale de la Polynésie française dont le siège social est [Adresse 11] ;

Ayant conclu ;

Ordonnance de clôture du 26 janvier 2024 ;

Composition de la Cour :

La cause ait été débattue et plaidée en audience publique du 14 mars 2024, devant M. RIPOLL, conseiller faisant fonction de président, M. SEKKAKI et Mme MARTINEZ, conseillers, qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;

Arrêt contradictoire ;

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Signé par M. RIPOLL, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A R R E T,

FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES :

La cour se réfère à la décision dont appel pour l'exposé du litige et de la procédure antérieure. Il suffit de rappeler que :

[W] [O] a assigné la compagnie d'assurance [10] afin d'être indemnisé du préjudice corporel qu'il a subi en suite d'un accident du travail dont l'assurée de celle-ci, la société [7], a été déclarée responsable.

Par jugement rendu le 9 juin 2021, le tribunal civil de première instance de Papeete a :

condamné la société [10] à payer :

A M. [W] [O], au titre de son préjudice résultant de l'accident du travail du 17 avril 2008 non réparé dans le cadre de la législation spécifique sur les accidents du travail, une somme de 17.347.647 F CFP, soit :

Au titre du déficit fonctionnel temporaire : 2 832 856 F CFP,

Au titre des frais d'assistance par une tierce personne : 1 145 076 F CFP,

Au titre de la perte de gains professionnels actuelle : 235 715 F CFP,

Au titre du déficit fonctionnel permanent : 8 834 000 F CFP,

Au titre des souffrances endurées : 3 200 000 F CFP,

Au titre du préjudice esthétique : 600 000 F CFP,

Au titre du préjudice d'agrément : 500 000 F CFP,

Total :17 347 647 F CFP ;

À la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française, une somme de 24.133.768 F CFP avec intérêts légaux à compter du 4 décembre 2019 soit :

Au titre des dépenses de santé : 10.204.867 F CFP,

Au titre des indemnités journalières : 4.973.234 F CFP,

Au titre des arrérages de rente du 01/02/16 au 30/09/19 : 1.837.792 F CFP,

Au titre de la rente capitalisée à compter de novembre 2019 : 7.117.875 F CFP,

Total : 24.133.768 F CFP ;

condamné la société [10] à payer à M. [W] [O], les frais relatifs à 10 consultations en psychologie, au fur et mesure de leur paiement, sur présentation d'un décompte ;

ordonné l'exécution provisoire des dispositions précitées du jugement ;

condamné la société [10] à payer à M. [W] [O], sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française une somme de 300.000 F CFP ;

condamné la société [10] à supporter les dépens ;

débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

La compagnie [10] a relevé appel par requête enregistrée au greffe le 7 juillet 2021 :

Il est demandé :

1° par la compagnie [10], dans ses conclusions récapitulatives visées le 22 novembre 2023, de :

Recevoir la Compagnie [10] en son appel et le déclarer bien fondé ;

Infirmer le jugement du 09 juin 2021 en ce qu'il n'a pas déduit le recours de la [4] des sommes réparant les préjudices patrimoniaux de Monsieur [O] ;

Statuant à nouveau,

Vu l'article 36 du décret n°57-245 du 24 février 1957,

Débouter Monsieur [O] de l'ensemble de ses demandes présentées au titre des préjudices patrimoniaux soumis au recours de la CPS ;

Subsidiairement sur ce point,

Dire que les préjudices patrimoniaux soumis à recours de la CPS pourront être indemnisés de la manière suivante :

Frais médicaux hors hospitalisation : 1 649 427,

Hospitalisation : 8 555 440,

DFTT : 840 000,

DFTP1 : 735 000,

DFTP2 : 1 073 000,

PG PA : 4 973 234,

perte revenus : 235 715,

Tierce personne : 1 145 076,

AIPP : 8 000 000,

À déduire créance CPS : -27 206 892,

Frais médicaux hors hospitalisation : 1 649 427,

Hospitalisation : 8 555 440,

IJ : 4 973 234,

Capital constitutif rente : 6 887 312,

Arrérages de rente - Du 01/02/16 au 30/09/19 : 1 837 792,

Arrérages de rente - De oct 19 à sept 21 : 1002 432,

Sous-total - créance CPS : 24 905 637,

Solde revenant à la victime : 2 301 255 ;

Débouter Monsieur [O] de sa demande formulée au titre de l'incidence professionnelle ;

Dire et juger que l'indemnisation des préjudices personnels non soumis à recours de M. [O] pourra s'effectuer dans les conditions suivantes :

Souffrances endurées : 3 000 000 F CFP,

Préjudice esthétique : 600 000 F CFP.

Débouter Monsieur [O] de ses demandes formulées au titre du préjudice d'agrément et de la prise en charge des frais de séances de psychologie ;

Débouter Monsieur [O] de toutes demandes tendant à obtenir une indemnisation supérieure à celle susvisée ;

Déduire de l'indemnisation de Monsieur [O], la somme provisionnelle de 2 000 000 F CFP déjà versée par la Compagnie [10] ;

Condamner Monsieur [O] à rembourser à la Compagnie [10] les sommes indûment reçues en exécution du Jugement du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete en date du 09 juin 2021, soit la somme de 9 446 392 F CFP ;

Condamner Monsieur [W] [O] au paiement d'une somme de 300 000 F CFP au titre des frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens ;

2° par [W] [O], dans ses conclusions récapitulatives visées le 23 octobre 2023, de :

Vu les dispositions de l'article 36 du décret n° 57-245 du 24 février 1957,

Statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel relevé par la société [10] à l'encontre du jugement du Tribunal de première Instance de PAPEETE en date du 09 juin 2021 ;

L'y dire infondée ;

Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, à l'exception de celles relatives à l'indemnisation du préjudice professionnel et des souffrances endurées ;

Statuant à nouveau de ces seuls chefs,

Fixer le montant de l'indemnisation due à Monsieur [O] au titre de l'incidence professionnelle à la somme de 53.036.400 XPF ;

Fixer le montant de l'indemnisation due à Monsieur [O] au titre des souffrances endurées à la somme de 6.500.000 XPF ;

Condamner la Compagnie [10] à verser à Monsieur [O] la somme de 44.076.548 XPF au titre du solde de l'indemnisation de son préjudice corporel après imputation du recours de la CPS et des provisions versées ;

Condamner la société [10] à payer à Monsieur [O] la somme de 600.000 XPF au titre des frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction ;

3° par la CAISSE DE PRÉVOYANCE SOCIALE DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE (CPS), dans ses conclusions visées le 19 octobre 2023, de :

Dire et juger la Caisse de prévoyance sociale recevable et bien fondée en son appel incident ;

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a omis d'intégrer dans l'évaluation du préjudice de Monsieur [W] [O] la somme de 4 973 234 XPF laquelle correspond aux indemnités journalières versées par la Caisse de prévoyance sociale ;

Confirmer le jugement en ce qu'il a fait droit au recours de la Caisse de prévoyance sociale et condamné la Compagnie [10] à lui payer la somme de 24 133 768 XPF au titre des prestations en nature et en espèces servies pour le compte de Monsieur [W] [O], ainsi que les arrérages et le capital constitutif de la rente ;

Y ajoutant,

Condamner la Compagnie [10] à payer à la Caisse de prévoyance sociale la somme de 1 904 149 XPF (26 037 917 - 24 133 768) correspondant à l'actualisation de ses débours.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 janvier 2024.

Il est répondu dans les motifs aux moyens et arguments des parties, aux écritures desquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

L'appel a été interjeté dans les formes et délais légaux. Sa recevabilité n'est pas discutée.

Sur la responsabilité :

Le jugement dont appel a retenu que :

-Aux termes de l'article 36 du décret n°57-245 du 24 février 1957 relatif à la réparation et à la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles dans les territoires d'outre-mer : «Si l'accident est causé par une personne autre que l'employeur ou ses préposés, la victime ou ses ayants droit conservent contre l'auteur de l'accident le droit de demander réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent décret».

-En l'espèce, il a définitivement été jugé, par décision du tribunal du travail du 18 septembre 2013 confirmée sur ce point par arrêt définitif de la cour d'appel de Papeete du 10 décembre 2015 que l'entière responsabilité de l'accident dont [W] [O] a été victime le 17 avril 2008, dans le cadre de son activité professionnelle n'incombe pas à son employeur, la société SA [3] mais à deux salariés d'autres entreprises intervenant sur les lieux de l'accident, dont [U] [G], que l'employeur de ce dernier, l'EURL [7] ([7]), est civilement responsable de son préposé, et que la compagnie [10], assureur de l'entreprise [7] est tenue à garantie.

-Par suite, en application des dispositions de l'article 36 du décret du 24 février 1957 précitées, [W] [O] est fondé à demander à l'entreprise [7] et son assureur la compagnie [10], de l'indemniser de ses préjudices non réparés dans le cadre de la législation sur les accidents du travail.

-Aux termes du 2ème alinéa de l'article 36 du 24 février 1957: «L'organisme assureur est tenu de servir à la victime ou à ses ayants droit les prestations et indemnités prévues par le présent décret. Il est admis de plein droit à intenter contre l'auteur de l'accident une action en remboursement des sommes payées par lui.»

-En application de ces dispositions, la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française, est fondée à exercer un recours à l'encontre de la compagnie d'assurance [10] afin d'obtenir remboursement des prestations qu'elle a servies à et pour le compte de [W] [O], affilié au régime des salariés, sous le numéro DN 2 561 551, à la suite de l'accident du travail dont il a été victime le 17 avril 2008.

La compagnie [10] soutient que le jugement a fait une mauvaise applica-tion de ces dispositions, d'une part, en indemnisant la victime de préjudices qui sont déjà pris en compte dans le cadre de la législation sur les accidents du travail (indemnités journalières, rente d'accident du travail), et, d'autre part, en la condamnant à payer à la fois la victime et l'organisme social.

[W] [O] conclut que la compagnie [10] présente néanmoins une proposition d'indemnisation du chef des préjudices ayant fait l'objet d'une indemnisation par l'organisme social et donc soumis au recours de ce dernier, reconnaissant ainsi que la victime dispose bien d'un droit à indemnisation selon les règles du droit commun. Il ajoute que la compagnie [10] n'a pas été doublement condamnée puisque les sommes versées par la [4] lui ont été remboursées au titre de son recours subrogatoire.

La CPS conclut que, l'accident du travail ayant été causé par un tiers, la victime dispose contre celui-ci d'une action en indemnisation sur la base du droit commun.

Sur quoi :

La présente instance doit être jugée en appliquant l'article 36 du décret n° 57-245 du 24 février 1957 sur la réparation et la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles dans les territoires d'outre-mer, qui dispose que :

Si l'accident est causé par une personne autre que l'employeur ou ses préposés, la victime ou ses ayants droit conservent contre l'auteur de l'accident le droit de demander réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent décret.

L'organisme assureur est tenu de servir à la victime ou à ses ayants droit les prestations et indemnités prévues par le présent décret. Il est admis de plein droit à intenter contre l'auteur de l'accident une action en remboursement des sommes payées par lui.

Il en résulte que deux actions sont exercées :

-[W] [O] exerce contre la compagnie [10], assureur de la société [7] reconnue tiers responsable de l'accident du travail dont il a été victime, une action en réparation de son préjudice corporel. Cette action est exercée conformément aux règles du droit commun, mais son objet est limité aux préjudices qui n'ont pas été réparés par application du décret.

-La CPS exerce contre la compagnie [10] ès qualités une action en remboursement de ses débours exposés en application du décret.

«La victime ou ses ayants droit peuvent réclamer au tiers responsable la réparation totale du préjudice causé, pour la partie de celui-ci non réparée par la sécurité sociale (frais supplémentaires, pretium doloris, préjudice moral, esthétique, etc.)» (G. Vachet, JurisClasseur Protection sociale Fasc. 314-15 § 127).

Le recours de l'organisme social s'exerce en l'espèce suivant les règles fixées en matière d'indemnisation des accidents de la circulation (loi du 5 juillet 1985 ; v. p. ex. Civ. 2, 12 juillet 2012, n° 11-20.123).

Sur l'indemnisation de la victime par la CPS en application du régime des accidents du travail :

Cette indemnisation comprend, d'une part, la prise en charge des soins et prestations, réadaptation fonctionnelle, rééducation professionnelle et reclassement (D. n° 57-245, art. 24), et, d'autre part, le versement d'indemnités journalières et d'une rente en cas d'incapacité permanente de travail (art. 25).

Sur les frais médicaux et assimilés :

Le jugement dont appel a retenu que :

-Il ressort des décomptes et factures non contestés produits par la CPS que les frais médicaux et assimilés consécutifs à l'accident du 17 avril 2008, exposés par cette caisse en faveur de [W] [O], s'établissent comme suit :

Frais médicaux : 1 238 265 F CFP,

Frais d'analyses : 89 940 F CFP,

Frais de prothèse et d'appareillage : 169 226 F CFP,

Frais de pharmacie : 151 996 F CFP,

Total: 1.649.427 F CFP.

-La CPS est en conséquence fondée à demander, à l'assureur du responsable de l'accident, remboursement de ces sommes.

Aucun élément ne permet de remettre en cause ces débours.

Sur les frais d'hospitalisation :

Le jugement dont appel a retenu que :

-Sur les frais d'hospitalisation au CHPF :

-S'il est à présent définitivement jugé que les tarifs hospitaliers sur lesquels la [4] fondait ses recours subrogatoires, ne sont pas applicables aux personnes relevant des trois régimes locaux de protection sociale, l'absence de publication des tarifs applicables aux ressortissants des régimes dont la CPS assure la gestion ne fait pas, par elle-même, obstacle à l'exercice de son recours subrogatoire et il appartient au juge saisi du litige de déterminer, en fonction des éléments qui lui sont soumis, le montant de la somme à allouer à la [4] au titre dudit recours.

-En l'espèce, il ressort des explications fournies par la [4] dans ses dernières écritures, et non contestées par les parties, qu'en 2019, sur la base de l'ensemble des dépenses de santé établies par le [2] au titre de la protection sociale généralisée, rapportée à la dotation globale de fonctionnement accordée pour cette même année, le tarif hospitalier journalier en chirurgie générale peut être évalué à 107.489 F CFP. Par suite, la créance de 3 537 200 F CFP dont se prévaut la [4] au titre des frais d'hospitalisation de M. [O] au CHPF en 2008, qui correspond à un tarif journalier de 97.300 F CFP pour le service de chirurgie générale et de 14.900 F CFP pour le service de médecine générale de jour, apparaît, en dehors de toute référence à un tarif réglementaire, en cohérence avec le nouveau mode de calcul, non contesté, utilisé à ce jour par la CPS pour déterminer les coûts d'hospitalisation.

-En conséquence, il y a lieu de fixer le montant de la créance de la [4] au titre des frais d'hospitalisation de M. [O] au [2] à 3.537.200 F CFP et de condamner la compagnie [10] à lui payer cette somme.

-Sur les frais d'hospitalisation au centre de rééducation fonctionnelle TE TIARE :

-Il ressort des 22 mandats de paiement produits par la CPS, qu'elle a réglé au centre de rééducation fonctionnelle TE TIARE, qui, contrairement au [2] n'est pas financé au moyen d'une dotation globale annuelle mais suivant la règle de la tarification à l'acte, un total de 5.018.240 F CFP au titre des frais de séjours de M. [O] dans cet établissement du 30 avril 2008 au 21 septembre 2008 puis à nouveau du 30 septembre 2008 au 16 octobre 2008.

-Par suite, il y a lieu de fixer la créance de la [4] au titre des frais d'hospitalisation du requérant au centre TE TIARE au montant demandé soit 5.018.240 F CFP.

-En conséquence, le total des dépenses de santé de la CPS en faveur de [W] [O] s'établit à 10.204.867 F CFP (1.649.427 F CFP + 3.537.200 F CFP + 5.018.240 F CFP ).

La [4] maintient ses demandes de ce chef. La compagnie [10] conclut que celle-ci a réactualisé ses demandes en expliquant notamment que les frais d'hospitalisation antérieurs ne posaient pas de difficulté et qu'il en sera pris acte. Ces débours ne sont pas discutés par [W] [O].

Sur les prestations en espèces :

Le jugement dont appel a retenu que :

-Il ressort des décomptes non contestés produits par la CPS qu'elle a versé à M. [O] les prestations en espèces suivantes :

- des indemnités journalières :

du 18/04/08 au 16/06/08 au taux de 100% du salaire : 494 648 F CFP,

du 17/06/08 au 03/01/10 au taux de 95% du salaire : 4 478 586 F CFP,

Total : 4.973.234 F CFP,

-une rente à compter de la date de consolidation le 22 mars 2012 :

les arrérages échus et non prescrits, représentent, du 01/02/16 au 30/09/19 la somme de 1.837.792 F CFP.

le capital constitutif de cette rente, à compter de novembre 2019, représente la somme de 7.117.875 F CFP et la compagnie d'assurance [10] ne s'oppose pas à cette capitalisation qu'il convient dès lors d'ordonner.

-Au titre des prestations en espèces servies à M. [O] la CPS est donc fondée à demander à la société [10] de lui payer la somme de 13.928.901 F CFP.

-En conséquence, il y a lieu de condamner la compagnie d'assurances [10] à payer à la [4] la somme de 24.133.768 F CFP ( 10.204.867 F CFP + 13.928.901 F CFP).

La [4] actualise ses débours comme suit :

-arrérages de rente du 01/02/16 au 30/09/21 : 2 840 224 F CFP,

-arrérages de rente du 01/10/21 au 30/09/23 : 1 022 430 F CFP,

-capital constitutif de rente accident du travail réévalué conformément à l'arrêté n° 2665 CM du 09/12/2022 : 6 997 162 F CFP.

Elle demande la condamnation de la compagnie [10] à lui payer la différence entre les sommes attribuées par le jugement (24 133 768 F CFP) et cette actualisation (26 037 917 F CFP) soit 1 904 149 F CFP.

Aucun élément ne permet de remettre en cause le montant des débours exposés par la [4] de ce chef et elle justifie de leur actualisation selon la réglementation.

Le montant des sommes payées par la [4] au titre de l'indemnisation légale de l'accident du travail dont a été victime [W] [O] est donc de :

Frais médicaux et assimilés : 1.649.427 F CFP,

Frais d'hospitalisation au CHPF : 3.537.200 F CFP,

Frais d'hospitalisation au centre TE TIARE : 5.018.240 F CFP,

Indemnités journalières du 18/04/08 au 16/06/08 au taux de 100 % : 494 648 F CFP,

Indemnités journalières du 17/06/08 au 03/01/10 au taux de 95 % : 4 478 586 F CFP,

Arrérages de rente du 01/02/2016 au 30/09/21 : 2 840 224 F CFP,

Arrérages de rente du 01/10/21 au 30/09/23 : 1 022 430 F CFP,

Capital constitutif de rente : 6 997 162 F CFP,

Total : 26 037 917 F CFP.

La compagnie [10] ès qualités doit rembourser ce montant à la [4] en application des dispositions précitées de l'article 36 alinéa 2 du décret n° 57-245 du 24 février 1957.

C'est la même somme de 26 037 917 F CFP que la CPS retient comme étant l'assiette de son recours.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la compagnie [10] à payer à la [4] la somme de 24 133 768 F CFP avec intérêts légaux à compter du 4 décembre 2019.

Y ajoutant, la compagnie [10] sera condamnée à payer à la [4] la somme supplémentaire de 1 904 149 F CFP avec intérêts légaux à compter du 4 décembre 2019.

Sur l'indemnisation par l'assureur du tiers responsable des préjudices de la victime non réparés par le régime des accidents du travail :

Il s'agit de la réparation intégrale des préjudices causés à [W] [O] par l'accident du travail dont il a été victime le 17 avril 2008 qui n'ont pas été indemnisés par la CPS en application des dispositions du décret n° 57-245 du 24 février 1957.

Le jugement dont appel a rappelé que :

-Il ressort des pièces communiquées aux débats, notamment du rapport d'expertise amiable réalisée par le docteur [E] [M] les 30 novembre 2017 et 14 décembre 2017 et des éléments médicaux consultés par cet expert dont le rapport d'expertise judiciaire du docteur [T] du 15 janvier 2012, que le 17 avril 2008, alors qu'il était en situation de travail sur la digue du port autonome de [Localité 8], M. [O], afin d'éviter d'être heurté par une charge mal man'uvrée par une grue, a été obligé de sauter d'un camion, d'une hauteur d'environ 3 mètres. Transporté aux urgences du [2] ([2]), il présentait, lors de son admission dans ce service, une fracture fermée, au niveau de l'extrémité inférieur du radius droit (avant-bras), et une fracture, ouverte, au niveau du quart inférieur de la jambe droite. Hospitalisé jusqu'au 28 avril 2008, il a ensuite été transféré au centre de rééducation fonctionnelle TE TIARE et s'est trouvé en situation d'arrêt de travail jusqu'au 5 janvier 2010.

-Entre le 17 avril 2008 et le 30 mars 2009 il a subi six interventions chirurgicales et son état a été consolidé le 22 mars 2012.

-Les séquelles retrouvées à l'examen par le docteur [M] en 2017 consistent en une raideur de la cheville droite, avec modification de l'appui plantaire (appui sur la face externe du pied) et une inégalité de longueur des membres inférieurs, une raideur du poignet droit (dominant) et une névrose traumatique.

-À la date de l'accident, [W] [O], né le 16 août 1975 était âgé de 32 ans et 8 mois, marié et père d'un enfant âgé de cinq ans. À la date de consolidation de ses blessures il avait 36 ans.

-Il ressort des conclusions non contestées du docteur [M] sur lesquels les parties fondent leurs prétentions, que du fait de l'accident du 17 avril 2018 M. [O] a subi les préjudices suivants :

une période de déficit fonctionnel temporaire total de 6 mois correspondant aux périodes d'hospitalisation ;

une période de déficit fonctionnel temporaire partielle de classe III (50%) de 10 mois et demi, pendant laquelle il avait besoin d'une aide technique pour déambuler ; une période de déficit fonctionnel temporaire partielle de classe II (25%) jusqu'à la consolidation le 22 mars 2012 soit 2 ans, 6 mois et 20 jours ;

un arrêt de l'activité professionnelle pendant 1 an, 8 mois et 18 jours des souffrances endurées notées 6/7 ;

un préjudice esthétique temporaire en raison du port d'un montage métallique ceinturant l'extrémité du membre inférieur droit pendant 5 mois ;

des frais liés à la nécessaire assistance d'une tierce personne 3 heures par jour pendant les 14 mois et 8 jours qui ont suivi son retour à domicile en octobre 2008 ;

une atteinte à son intégrité physique et psychique (ou déficit fonctionnel permanent) évaluée à 32% ;

un préjudice d'agrément du fait de l'impossibilité de continuer à pratiquer la pirogue, le Tai Kwon Do, le volley-ball et la course à pied une dévalorisation sur le marché du travail ;

un préjudice esthétique noté 3/7 en raison d'une cicatrice peu visible à la face antérieure du poignet droit et surtout de la déformation distale du membre inférieur droit avec une marche anormale caractérisée notamment par un appui sur le bord externe du pied et une discrète boiterie ;

des frais futurs à prévoir : un suivi psychologique avec un minimum de 30 séances, de façon viagère, au moins une consultation annuelle de podologie et le renouvellement annuel de chaussures orthopédiques sur-mesure ;

Sur la perte de gains professionnels actuelle :

Le jugement dont appel a retenu que :

-Dès lors qu'il ressort des décomptes produits et non contestés, que les indemnités journalières perçues par M. [O] sur la période du 17 juin 2008 au 3 janvier 2010, soit 4.478.586 F CFP, ne représentent que 95% de son salaire, il est fondé à demander, au titre de la perte de gains professionnels, le paiement de la différence chiffrée à la somme, non contestée, de 235.715 F CFP.

Il n'est pas contesté de ce chef.

Sur le déficit fonctionnel temporaire :

Le jugement dont appel a retenu que :

-Dès lors que ce poste est destiné à réparer le préjudice, consécutif, indépendamment de toute perte éventuelle de revenus, à la privation, totale ou partielle, des joies usuelles de la vie courante et des activités privées ou d'agrément, M. [O] est fondé à demander réparation à ce titre, nonobstant les indemnités journalières qu'il a par ailleurs perçues de la CPS, en remplacement de son salaire.

-Le DFTT d'une durée de 6 mois, correspondant aux périodes d'hospitalisations, sera réparé par l'octroi d'une indemnité calculée sur la base du SMIG mensuel en vigueur jusqu'au 1er septembre 2008 (fixé à 140.000 F CFP par arrêté 1800 CM du 21/12/2007) soit une somme de 840.000 F CFP.

-Au titre du [5] à 50% pendant 10,5 mois et sur la base du SMIG mensuel en vigueur à compter du 1er septembre 2008 (fixé à 145.306 F CFP par arrêté 1125 CM du 14/08/2008) il sera alloué à M. [O] une indemnité de 762.856 F CFP. Le DFTP de 25% subi pendant 2 ans, 6 mois et 20 jours (1er septembre 2009 au 22 mars 2012) sera réparé par l'octroi d'une somme calculée sur la base du SMIG mensuel moyen sur cette période soit 147.398 F CFP (145.306 F CFP jusqu'au 31 août 2011 et 149.491 F CFP à compter du 1er septembre 2011), soit une indemnité de 1.130.000 F CFP.

-Les divers déficits fonctionnels temporaires subis par M. [O] seront ainsi réparés par l'allocation d'une indemnité totale de 2.832.856 F CFP.

La compagnie [10] soutient que la preuve n'est pas rapportée que ce chef de préjudice n'a pas été intégralement réparé par les prestations servies par la [4] à la victime. Subsidiairement, elle fait valoir que le montant du salaire minimum garanti était moindre au moment des arrêts de travail. Elle propose l'indemnisation du DFTT pendant 6 mois à raison de 140 000 F CFP par mois, soit 840 000 F CFP.

[W] [O] inclut ce chef de préjudice dans l'assiette du recours de la CPS pour le montant retenu par le tribunal.

Aucun élément ne permet de remettre en cause la juste appréciation qu'a faite le tribunal de l'indemnisation intégrale de ce chef de préjudice, qui est de nature extra patrimoniale, au regard des données médico-légales qu'il a rappelées. Le service par l'organisme social d'indemnités journalières et d'une rente d'accident du travail ne constitue pas une indemnisation intégrale au regard de ces éléments (hospitalisations successives, rééducation longue). Au demeurant, cette rente n'a été servie qu'à compter du 01/02/2016.

Sur les frais d'assistance par une tierce personne :

Le jugement dont appel a retenu que :

-Au titre des frais d'assistance par une tierce personne jusqu'à la date de consolidation à raison de 3 heures par jour pendant 14 mois et 18 jours, les parties s'accordent sur la somme de 1.145.076 F CFP laquelle constitue une juste évaluation de ce chef de préjudice.

Il n'est pas contesté de ce chef.

Sur le déficit fonctionnel permanent :

Le jugement dont appel a retenu que :

-Ce poste tend à indemniser, pour la période postérieure à la consolidation, les conséquences extrapatrimoniales de la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel, et intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomophysiologique, y compris les phénomènes douloureux, les répercussions psychologiques, le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence personnelles, familiales et sociales de la victime.

-En l'espèce, né le 16 août 1975, [W] [O] était âgé de 36 ans à la date de consolidation de ses blessures le 22 mars 2012 et il subit une réduction de sa capacité fonctionnelle de 32 % par rapport à celle qui était la sienne antérieurement à l'accident. Dans la limite du montant sollicité il sera alloué à M. [O] une somme de 8.834.000 F CFP au titre de la réparation de ce poste de préjudice.

La compagnie [10], principalement, conteste que ce préjudice n'ait pas été intégralement réparé par les indemnisations au titre du régime des accidents du travail ; subsidiairement, elle propose l'indemnisation suivante :

DFTP 1 à 50 % sur 10,5 mois : 140 000 x 10,5 / 2 = 735 000 F CFP,

DFTP 2 à 25 % sur 2 ans 6 mois 20 jours : 1 073 000 F CFP.

[W] [O] ne conteste pas le jugement de ce chef.

Mais la rente accident du travail ou l'allocation temporaire d'invalidité ou une rente servie en exécution d'un régime complémentaire "répare nécessairement, en tout ou partie, l'atteinte objective à l'intégrité physique de la victime que représente le poste de préjudice personnel du déficit fonctionnel permanent" ( Cass. crim., 19 mai 2009, n° 08-82.666, 08-86.050 et 08-86.485).

Le jugement entrepris doit donc être infirmé en ce qu'il a accordé à [W] [O] une double indemnisation pour le montant de 8 834 000 F CFP.

Sur les pertes de gains professionnels futurs et l'incidence professionnelle :

Le jugement dont appel a retenu que :

-Ce poste de préjudice tend à réparer les conséquences patrimoniales de la réduction définitive des capacités fonctionnelles de la victime, pouvant notamment consister en une dévalorisation de celle-ci sur le marché du travail et/ou une perte de gains professionnels pour la période postérieure à la date de consolidation.

-A supposer, comme il le soutient, que sa démission, en octobre 2010, de son emploi au sein de la société [3], constitue un licenciement déguisé en raison des pressions que son employeur aurait exercées sur lui à partir du 5 janvier 2010, date de la fin de son arrêt de travail consécutif à l'accident, M. [O] ne justifie pas avoir, à cette époque, utilisé les voies de droit sont il disposait, notamment en saisissant le tribunal du travail, pour contester une telle situation et obtenir réparation de son préjudice, lequel, s'il était établi, serait, en tout état de cause, imputable au seul comportement fautif de son employeur. Par suite, la compagnie [10], assureur de l'EURL [7], ne saurait être tenue à garantir l'indemnisation d'un préjudice imputable à une autre société.

-De même, en l'absence de lien de causalité direct avec la faute imputable au préposé de l'EURL [7], la perte de gains professionnels à hauteur de 100.000 F CFP par mois, dont le requérant fait état suite à la rupture de son contrat de travail du fait, selon lui, de son employeur, ne saurait être mise à la charge de la compagnie d'assurance [10].

-Par ailleurs, s'il résulte des conclusions non contestées du docteur [M], qu'indépendamment du fait qu'il a retrouvé un emploi dès avril 2012, M. [O] subit une dévalorisation sur le marché du travail dès lors que, n'étant plus en capacité de porter des charges lourdes il ne peut plus exercer les fonctions de manutentionnaire qui étaient les siennes, il ne produit aucun élément de nature à établir que son préjudice à ce titre, ne serait pas entièrement réparé par la rente que lui sert la CPS et qui, selon un décompte non contesté de cet organisme du 26 mars 2018, représente un montant annuel de 501.223,52 F CFP.

-En conséquence, il n'y a pas lieu de condamner la compagnie d'assurance [10] à payer à M. [O] une indemnité au titre de l'incidence professionnelle, laquelle est entièrement réparée par la rente que lui sert la CPS.

Pour demander l'infirmation du jugement de ce chef, [W] [O] fait valoir que : ne pouvant plus assurer son emploi de chauffeur après l'accident, il a dû démissionner en octobre 2010 et n'a retrouvé un emploi qu'en avril 2012 ; l'expert a relevé l'existence d'une incidence professionnelle et une dévalorisation sur le marché du travail ; il a subi une perte de rémunération (250 000 F CFP au moment de l'accident vs 154 000 F CFP actuellement) ; par référence au prix du franc de rente viagère compte tenu de ce qu'il était âgé de 36 ans, son indemnisation de ce chef se calcule au montant de 53 036 400 F CFP (1 200 000 x 44,197) ; la rente d'accident du travail est d'un montant mensuel de 41 768 F CFP, elle ne répare pas intégralement cette incidence professionnelle.

La compagnie [10] conclut à la confirmation du jugement sur ce poste de préjudice.

Il appartient à la victime d'apporter la preuve du lien de causalité entre les lésions consécutives au fait dommageable et les pertes de gains professionnels futurs (Cass. crim., 21 mars 2017, n° 15-86.241).

Le rapport de l'expert [M] a conclu que les séquelles physiques dont souffre [W] [O] sont de façon certaine la cause de sa dévalorisation sur le marché du travail.

[W] [O] produit sa lettre de démission de l'emploi qu'il occupait à la société [3] après avoir repris le travail, ainsi qu'une attestation de sa compagne d'alors selon laquelle l'employeur l'a poussé à cette démission.

Il verse aussi des bulletins de salaire en 2018 et 2019.

Il ne justifie pas du revenu de référence, à savoir le montant de son salaire chez [3] au moment de l'accident. Néanmoins, il n'est pas contesté que la [4] a versé des indemnités journalières représentant 100 % du salaire du 18/04/08 au 16/06/08, ce qui permet de retenir que le salaire mensuel de [W] [O] avant sa démission de [3] était d'un montant de 494 648 / 2 = 247 324 F CFP.

Le salaire dont justifie [W] [O] est d'un montant mensuel de 160 000 F CFP, les jours travaillés étant entre 19 et 29. Mais il s'est écoulé plus de dix ans entre ces derniers salaires (07/2018-06/2019) et la période de référence, et il n'est justifié de rien entretemps. [W] [O] perçoit une rente mensuelle d'accident du travail de 41 768 F CFP qui porte son revenu mensuel à 200 000 F CFP au vu des justificatifs produits.

Les bulletins de salaire produits mentionnent que [W] [O] occupe chez son dernier employeur, la société [1], le même emploi de chauffeur-livreur qu'il avait dans la société [3].

Dans ces conditions, aucun élément ne permet de remettre en cause l'exacte appréciation que le jugement déféré a faite de la non-preuve de l'existence de pertes de gains professionnels futurs et d'une incidence professionnelle que ne répare pas la rente d'accident du travail perçue par [W] [O].

Sur les souffrances endurées :

Le jugement dont appel a retenu que :

-Les souffrances endurées par M. [O] jusqu'à la date de consolidation de ses blessures, dont la notation 6/7 par le docteur [M] n'est pas contestée et correspond à un préjudice important, justifient l'allocation, dans la limite des sommes demandées, d'une indemnité de 3.200.000 XPF.

Pour demander que cette indemnité soit portée au montant de 6 500 000 F CFP, [W] [O] fait valoir que ses conclusions de première instance étaient erronées et qu'un préjudice de cette importance est habituellement indemnisé de façon supérieure.

La compagnie [10] propose d'indemniser ce chef de préjudice pour le montant de 3 000 000 F CFP.

Le rapport d'expertise indique que le taux de 6/7 prend en compte une fracture du poignet droit qui a dû être ostéosynthésée, et surtout une fracture compliquée de l'extrémité distale des os de la jambe droite, qui a connu une évolution très péjorative, avec nécessité d'une hospitalisation prolongée et plusieurs reprises chirurgicales.

La cour dispose d'éléments d'appréciation suffisants pour fixer au montant de 6 000 000 F CFP l'indemnisation complète de chef de préjudice.

Sur le préjudice esthétique :

Le jugement dont appel a retenu que :

-Dès lors qu'elle correspond à une juste évaluation de son préjudice esthétique il y a lieu d'allouer à la victime l'indemnité de 600.000 F CFP, sur laquelle les parties s'accordent.

Il n'est pas critiqué de ce chef.

Sur le préjudice d'agrément :

Le jugement dont appel a retenu que :

-Dès lors que ce poste de préjudice tend à réparer l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs et qu'il ressort de l'expertise amiable, non contestée, du docteur [M], que M. [O], du fait des séquelles de l'accident, s'est trouvé dans l'impossibilité de continuer la pirogue, le Tai K won Do, le volley-ball et la course à pied, l'existence d'un préjudice d'agrément est suffisamment établie. Toutefois, en l'absence d'éléments justifiant le niveau d'implication de l'intéressé dans la pratique de ces activités, ce chef de préjudice, tel qu'il ressort des éléments du dossier, sera justement indemnisé à hauteur de 500.000 F CFP.

La compagnie [10] conclut au rejet de cette demande d'indemnisation faute de preuve des activités sportives et de loisirs qu'aurait pratiquées la victime.

Le rapport d'expertise a relaté celles-ci telle que la victime les a déclarées lors de ses examens.

S'il n'existe pas d'inaptitude fonctionnelle à la pratique des activités de loisirs, l'état psychologique de la victime à la suite de l'accident peut caractériser l'impossibilité pour cette dernière de continuer à pratiquer régulièrement cette activité sportive ou de loisirs (Civ. 2, 5 juillet 2018, n° 16-21.776).

L'expert a relaté sans les remettre en cause les déclarations de la victime et de son épouse lors de l'examen selon lesquelles sa vie a radicalement changé depuis l'accident, il ressent une perte d'élan vital, il était toujours en action, volontariste et sans problème, il est devenu casanier, il n'a plus d'envies, il ne fait plus rien en-dehors de son métier, il n'a plus de vie sociale et ne fait plus de sport ; cette sédentarité lui a fait prendre 20 kg sur les dernières années.

Ces constatations permettent de retenir que l'accident a directement causé une perte d'appétence pour les activités physiques et de loisirs qui sont courantes chez un homme de cet âge en Polynésie française. Le jugement déféré en a exactement apprécié le montant de la réparation intégrale.

Sur les frais de consultations en psychologie :

Le jugement dont appel a retenu que :

-Si le docteur [M] recommande un suivi psychologique de la victime, à raison d'une dizaine de séances, la certitude de ces dépenses n'étant pas acquise, il appartiendra à M. [O] d'en justifier et à la compagnie [10], de lui régler les sommes correspondantes sur présentation d'une facture acquittée.

La compagnie [10] conclut que [W] [O] doit justifier de ce que la somme de 300 000 F CFP qu'il demande correspond à ces consultations. Mais [W] [O] ne fait pas de demande supplémentaire à cet égard.

Le jugement a exactement prescrit les modalités d'indemnisation de ce chef de préjudice que l'expertise a caractérisé.

L'indemnisation des préjudices de la victime non réparés par le régime des accidents du travail doit donc être fixée comme suit :

Perte de gains professionnels actuelle : 235 715 F CFP,

Déficit fonctionnel temporaire : 2 832 856 F CFP,

Frais d'assistance par une tierce personne : 1 145 076 F CFP,

Déficit fonctionnel permanent : rejet,

Pertes de gains professionnels futurs et incidence professionnelle : rejet,

Souffrances endurées : 6 000 000 F CFP,

Préjudice esthétique : 600 000 F CFP,

Préjudice d'agrément : 500 000 F CFP,

Frais de consultation en psychologie : sur justificatifs,

Total : 11 313 647 F CFP.

Sur les sommes versées au titre d'une provision et de l'exécution provisoire :

Le montant de la condamnation de la compagnie [10] à l'égard de [W] [O] est de 11 313 647 F CFP.

Déduction faite de la provision de 2 000 000 F CFP déjà versée, il est de 9 313 647 F CFP.

Il n'est pas contesté que la compagnie [10] lui a versé 15 347 647 F CFP au titre de l'exécution provisoire du jugement.

[W] [O] doit donc être condamné à lui rembourser la somme de 15 347 647 ' 9 313 647 = 6 034 000 F CFP.

L'équité ne commande pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française devant la cour. La solution des appels motive que chaque partie conserve la charge de ses dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort ;

En la forme, déclare l'appel recevable ;

Au fond, infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société [10] à payer à [W] [O] au titre de son préjudice résultant de l'accident du travail du 17 avril 2008 non réparé dans le cadre de la législation spécifique sur les accidents du travail, une somme de 17 347 647 F CFP ;

Statuant à nouveau de ce chef :

condamne la société [10] à payer à [W] [O], au titre de son préjudice résultant de l'accident du travail du 17 avril 2008 non réparé dans le cadre de la législation spécifique sur les accidents du travail, une somme de 9 313 647 F CFP, soit :

au titre de la perte de gains professionnels actuelle : 235 715 F CFP,

au titre du déficit fonctionnel temporaire : 2 832 856 F CFP,

au titre des frais d'assistance par une tierce personne : 1 145 076 F CFP,

Au titre des souffrances endurées : 6 000 000 F CFP,

Au titre du préjudice esthétique : 600 000 F CFP,

Au titre du préjudice d'agrément : 500 000 F CFP,

Total : 11 313 647 F CFP,

À déduire : provision de 2 000 000 F CFP,

Reste : 9 313 647 F CFP ;

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société [10] à payer à [W] [O], les frais relatifs à 10 consultations en psychologie, au fur et mesure de leur paiement, sur présentation d'un décompte ;

Déboute [W] [O] de ses demandes d'indemnisation d'un déficit fonctionnel permanent et au titre des pertes de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle ;

Condamne [W] [O] à rembourser à la société [10] la somme de 6 034 000 F CFP à titre de trop-perçu en exécution provisoire du jugement entrepris ;

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société [10] à payer à la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française une somme de 24.133.768 F CFP avec intérêts légaux à compter du 4 décembre 2019 soit :

Au titre des dépenses de santé : 10.204.867 F CFP,

Au titre des indemnités journalières : 4.973.234 F CFP,

Au titre des arrérages de rente du 01/02/16 au 30/09/19 : 1.837.792 F CFP,

Au titre de la rente capitalisée à compter de novembre 2019 : 7.117.875 F CFP,

Total : 24.133.768 F CFP ;

Y ajoutant :

Condamne la société [10] à payer à la CAISSE DE PRÉVOYANCE SOCIALE DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE la somme supplémentaire de 1 904 149 F CFP avec intérêts légaux à compter du 4 décembre 2019 ;

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il condamné la société [10] à payer à M. [W] [O], sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française une somme de 300.000 F CFP, et a condamné la société [10] à supporter les dépens ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française devant la cour ;

Rejette toute autre demande ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens d'appel, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 409 du Code de procédure civile de la Polynésie française.

Prononcé à Papeete, le 27 juin 2024.

Le Greffier, Le Président,

signé : M. SUHAS-TEVERO signé : G. RIPOLL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Papeete
Formation : Cabinet d
Numéro d'arrêt : 21/00240
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;21.00240 ?
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