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27/06/2024 | FRANCE | N°21/00138

France | France, Cour d'appel de Papeete, Cabinet d, 27 juin 2024, 21/00138


N° 190/add



GR

--------------





Copies authentiques

délivrées à :

- Me Grattirola,

- Me Allain-Sacault,

- Me Algan,

- Me Jourdainne,

- Me Merceron,

- Ministère Public,

le 27.06.2024.

REPUBLIQUE FRANCAISE



COUR D'APPEL DE PAPEETE



Chambre Civile





Audience du 27 juin 2024





RG 21/00138 ;



Décision déférée à la Cour : jugement n° 21/22, rg n° 17/00324 du Tribunal Civil de Première Instance de Pap

eete ;



Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 19 avril 2021 ;



Appelant :



M. [U] [F], né le 8 août 1984 à [Localité 5], de nationalité française, demeurant à [Adresse 3] ...

N° 190/add

GR

--------------

Copies authentiques

délivrées à :

- Me Grattirola,

- Me Allain-Sacault,

- Me Algan,

- Me Jourdainne,

- Me Merceron,

- Ministère Public,

le 27.06.2024.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D'APPEL DE PAPEETE

Chambre Civile

Audience du 27 juin 2024

RG 21/00138 ;

Décision déférée à la Cour : jugement n° 21/22, rg n° 17/00324 du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete ;

Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 19 avril 2021 ;

Appelant :

M. [U] [F], né le 8 août 1984 à [Localité 5], de nationalité française, demeurant à [Adresse 3] ;

Représenté par Me Miguel GRATTIROLA, avocat au barreau de Papeete ;

Intimés :

M. [N] [B] [M] [V], né le 6 décembre 1948 à [Localité 11], de nationalité française, retraité, demeurant à [Adresse 2] ;

Représenté par Me Annick ALLAIN-SACAULT, avocat au barreau de Papeete ;

La Chambre des Notaires de Polynésie française, [Adresse 4], prise en la personne de son représentant légal ;

Ayant pour avocat la Selarl FMA Avocats, représentée par Me Vaitiare ALGAN, avocat au barreau de Papeete ;

Mme [Z] [L], né le 7 avril 1966 à [Localité 10], de nationalité française, demeurant à [Adresse 7] ;

Ayant pour avocat la Selarl Groupavocats, représentée par Me Gilles JOURDAINNE, avocat au barreau de Papeete ;

La Compagnie d'assurance Axa France Iard dont le siège social est sis à [Adresse 6] ;

Ayant pour avocat la Selarl M & H, représentée par Me Muriel MERCERON, avocat au barreau de Papeete ;

Le Ministère Public, ayant conclu ;

Son avis ayant été régulièrement notifié aux parties ;

Ordonnance de clôture du 23 juin 2023 ;

Composition de la Cour :

Après communication de la procédure au ministère public conformément aux articles 249 et suivants du code de procédure civile de la Polynésie française et après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique du 14 mars 2024, devant M. RIPOLL, conseiller faisant fonction de président, M. SEKKAKI et Mme MARTINEZ, conseillers, qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;

Arrêt contradictoire ;

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Signé par M. RIPOLL, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A R R E T,

FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES :

La cour se réfère à la décision dont appel pour l'exposé du litige et de la procédure antérieure. Il suffit de rappeler que :

[U] [F] a assigné [N] [V], qui a exercé les fonctions de notaire à [Localité 13] ([Localité 8], ISV), la CHAMBRE DES NOTAIRES DE POLYNÉSIE FRANÇAISE et l'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT aux fins d'être indemnisé du préjudice causé selon lui par la disparition d'un testament en sa faveur qui aurait été déposé dans l'étude de ce notaire. La compagnie AXA ASSURANCES est intervenue en qualité d'assureur de responsabilité d'[N] [V]. [U] [F] a appelé en cause [Z] [L] qui a administré l'étude du notaire après sa suspension.

[U] [F] agit en qualité de légataire de son grand-père [S] [I] décédé le 7 juin 1987. Il s'est réclamé d'un testament établi en 1986 et retrouvé en 2003 dans les affaires du défunt, l'instituant seul légataire d'un terrain situé sur l'île de Taha'a, qu'il aurait déposé en 2003 à l'étude de Me [V].

Ce dernier a été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire le 3 septembre 2003 avec interdiction d'exercer son activité. Le président du tribunal de première instance a désigné Me [Z] [L] pour assurer son remplacement par ordonnance du 10 septembre 2003. [N] [V] a été suspendu de ses fonctions par arrêté n° 190 CM du 21 janvier 2004.

L'office notarial a été supprimé par arrêté n° 630 CM du 3 juillet 2006. Un nouvel office a été créé par arrêté n° 1758 CM du 6 septembre 2018, auquel a été nommée Me [Y] [H].

Par jugement rendu le 29 janvier 2021, le tribunal civil de première instance de Papeete a :

reçu l'intervention volontaire de la compagnie AXA ASSURANCES ;

rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action de [U] [F] ;

déclaré irrecevable l'action de [U] [F] à l'encontre de l'Agent Judiciaire de l'Etat ;

débouté [U] [F] de son action en responsabilité ;

mis hors de cause la compagnie AXA ASSURANCES ;

débouté [U] [F] de sa demande de production de pièces à l'encontre de [Z] [L] ;

mis [Z] [L] hors de cause ;

déclaré irrecevable la demande de [U] [F] de 'dire et juger que feu [S] [I] a bien légué la terre [X] à son petit-fils [U] [F]' ;

mis hors de cause la Chambre des Notaires de la Polynésie française ;

débouté [N] [V] de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

débouté la Chambre des Notaires de la Polynésie française de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

condamné [U] [F] à verser :

à [N] [V] la somme de 300.000 F CFP,

à la Chambre des Notaires de la Polynésie française la somme de 300.000 F CFP,

à [Z] [L] la somme de 250.000 F CFP,

à la compagnie AXA ASSURANCE, la somme de 200.000 F CFP,

sur le fondement de l'article 407 du Code de Procédure Civile de la Polynésie française ;

condamné [U] [F] aux dépens de l'instance.

[U] [F] a relevé appel par requête enregistrée au greffe le 19 avril 2021 et par exploit portant signification de celle-ci délivré les 4 et 5 mai 2021 à [Z] [L], la SA AXA ASSURANCES et la CHAMBRE DES NOTAIRES DE POLYNÉSIE FRANÇAISE et le 10 mai 2021 à [N] [V].

Il a indiqué par un courrier du 21 octobre 2021 que l'actuel notaire à [Localité 8], Me [H], venait de lui adresser le procès-verbal de dépôt des testaments, lesquels ont été retrouvés dans les archives des pièces comptables de l'étude de Me [V]. Ces documents ont été produits en copie.

Il est demandé :

1° par [U] [F], dans ses conclusions récapitulatives visées le 20 mai 2022, de :

Vu le Code civil, vu l'arrêté n° 48 CM du 23 janvier 1987 portant nomination de Me [V] en qualité de notaire à [Localité 13], vu l'ordonnance rendue le 10 septembre 2003 par le président du TPI de Papeete, désignant Mme [Z] [T] épouse [L] pour assurer le remplace-ment de Me [V], vu l'arrêté n° ISO CM du 23 janvier 2004 portant suspension provisoire de Me [V] et ordonnant la fermeture provisoire de l'étude de [Localité 13], vu l'arrêté n° 1758 CM du 6 septembre 2018 portant nomination de Mme [Y] [C] [W] [H] épouse [A] en qualité de notaire titulaire d'un office notarial à [Localité 8],

Au contradictoire de la compagnie AXA, du courtier POEMA ASSURANCES et de la chambre des notaires en déclaration d'arrêt commun et à toutes fins,

Rejeter l'appel incident formé par la Chambre des notaires contre le jugement n° RG 17/00324 du 29 janvier 2021 et confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de M. [U] [F], et débouté [N] [V] et la Chambre des Notaires de la Polynésie française de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Recevoir l'appel de Monsieur [U] [F] et le déclarer fondé ;

Statuant à nouveau :

réformer le jugement entrepris n° RG 17/00324 du 29 janvier 2021 en ce qu'il a débouté M. [U] [F] de son action en responsabilité civile notariale ;

En conséquence,

à titre principal sur la responsabilité des professionnels du notariat :

dire et juger que la responsabilité personnelle et professionnelle de Me [V], de Me [L] et de la Chambre des Notaires de la Polynésie française est engagée à raison des fautes commises dans l'exercice de leur mission d'officiers ministériels, et la chambre des notaires en raison de ses fonctions de surveillance ;

condamner in solidum Me [V], Me [L] et la Chambre des Notaires de la Polynésie française à la réparation des préjudices soufferts par l'exposant et résultant de leurs fautes professionnelles ;

Dire la condamnation opposable à la compagnie d'assurance AXA et au courtier POEMA ASSURANCES ;

Formulation des demandes :

Vu l'évolution du litige, vu la découverte et la production du testament perdu,

Dire et juger que le testament retrouvé constitue une évolution importante du litige et autorise l'allocation des sommes suivantes au titre de la réparation des chefs de préjudices ci-dessous détaillés :

a - Sur la perte de chance :

En terme de préjudice, dire et juger que l'absence de suite donnée au dépôt du testament de M. [S] [I] depuis 2003, c'est à dire depuis 18 ans, constitue une perte de chance de s'être fait envoyé en possession 18 ans plus tôt ;

Au titre de ce préjudice, il sera alloué une somme 1.000.000 FCP par année de perte de chance, soit 18.000.000 FCP ;

Condamner in solidum Me [V], Me [L] et la Chambre des Notaires de la Polynésie française à payer l'exposant la somme de 18.000.000 FCP ;

b- Sur la perte de jouissance :

Ordonner la désignation d'un expert judiciaire afin d'estimer contradictoirement et judiciairement la valeur de la terre objet du legs et par conséquent d'estimer la valeur locative et la perte de jouissance sur la période litigieuse, de 2003 à 2021 ;

Réserver les demandes chiffrées contre les parties adverses après lecture du rapport d'expertise à intervenir ;

Dire la désignation de l'expert et les opérations expertales opposables à la compagnie d'assurance AXA et au courtier POEMA ASSURANCES ;

condamner in solidum Me [V], Me [L] et la Chambre des Notaires de la Polynésie française à payer l'exposant la somme de 50.000.000 FCP, à titre de provision à valoir sur le préjudice de jouissance ;

c - Sur le préjudice moral :

condamner in solidum Me [V], Me [L] et la Chambre des Notaires de la Polynésie française à payer l'exposant la somme de 10.000.000 FCP au titre du préjudice moral ;

à titre accessoire, sur l'action en délivrance de legs :

faire droit à la demande formée par M. [U] [F] visant à la délivrance de la terre [X] dite [R] sise à [Localité 12] que lui a léguée son grand-père par testament rédigé en 1986 et déposé en l'étude notariale de Me [V] en 2003, à savoir :

le lot 2a, référence cadastrale RN [Cadastre 1], d'une superficie de 10 919 m2,

le lot 2b, référence cadastrale RN14, d'une superficie de 8144 m2 ;

sur les demandes de Me [V] :

débouter Me [V] de sa demande de condamnation de M. [U] [F] à lui payer la somme de 700 000 FCP à titre de réparation de son prétendu préjudice moral ;

sur les demandes de la CHAMBRE DES NOTAIRES :

débouter la chambre des notaires de Polynésie française de sa demande de condamnation de M. [U] [F] à lui payer la somme de 500 000 FCP à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

sur les frais irrépétibles et les dépens :

condamner in solidum Me [V], de Me [L] et la Chambre des Notaires de la Polynésie française à payer à l'exposant la somme de 1.050.000 FCP au titre de l'article 407 du code de procédure civile local, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction.

2° par [N] [V], dans ses conclusions récapitulatives visées le 26 mai 2023, de :

Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a mis hors de cause l'assureur AXA ;

Débouter [U] [F] de l'ensemble de ses demandes en appel ;

Le condamner à lui payer une somme de 700 000 F CFP à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice moral ;

Le condamner à lui payer un montant de 450 000 F CFP au titre des frais irrépétibles d'appel ainsi qu'aux dépens avec bénéfice de distraction.

3° par la compagnie AXA France IARD, dans ses conclusions récapitulatives visées le 13 juin 2023, de :

Dire et juger que la compagnie AXA n'est pas tenue de garantir M. [V] des condamnations pouvant résulter de la réclamation de M. [F], postérieure à la date de résiliation de la police d'assurance ;

Confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

Subsidiairement,

Dire et juger prescrite l'action en responsabilité contre M. [V] ;

Très subsidiairement,

Dire et juger qu'aucune faute imputable à M. [V] n'est établie ;

Dire et juger que le préjudice invoqué n'est pas établi, en l'absence de preuve de la consistance du legs prétendument fait par feu [S] [I], et de tout élément justifiant des droits qu'aurait pu recueillir Monsieur [F] en tout état de cause ;

En conséquence,

Débouter Monsieur [F] de toutes ses demandes ;

Plus subsidiairement,

Dire et juger que les sommes dues par la compagnie AXA Assurances seront limitées par les termes de la garantie contractuelle, stipulant un plafond de 300.000.000 XPF par sinistre, et une franchise de 10% des indemnités allouées, avec un minimum de 300.000 XPF et un maximum de 1.000.000 XPF ;

En tout état de cause,

Condamner Monsieur [F] à verser à la Compagnie AXA Assurances la somme de 200.000 XPF au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens, donc distraction.

4° par [Z] [L], dans ses conclusions récapitulatives visées le 23 mars 2023, de :

Vu l'article 349 du code de procédure civile de la Polynésie française,

Déclarer irrecevables les demandes nouvelles formées en cause d'appel contre Mme [Z] [L] ;

Vu l'absence de démonstration de la faute, du préjudice et du lien de causalité,

Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Débouter Monsieur [U] [F] de toutes ses demandes à l'encontre de Madame [L] ;

Condamner M. [F] à payer à Me [L] la somme de 300 000 XPF au titre des frais irrépétibles ;

Le condamner aux dépens.

5° par la CHAMBRE DES NOTAIRES DE POLYNÉSIE FRANÇAISE, dans ses conclusions récapitulatives visées le 27 janvier 2023, de :

Vu le jugement querellé, vu les articles 1382 et 2270-1 du code civil tel qu'applicable en Polynésie française, vu les articles 406 et 407 du code de procédure civile de la Polynésie française, vu l'article 3 de la délibération n°99-55 APF du 22 avril 1999 portant création d'une chambre des notaires de Polynésie française, vu les jurisprudences citées,

Au principal,

infirmer le jugement du 29 janvier 2021 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

déclarer l'action de Monsieur [U] [F] en ce qu'elle est prescrite ;

A titre subsidiaire,

confirmer le jugement du 29 janvier 2021 en ce qu'il a débouté Monsieur [U] [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

En tout état de cause,

Mettre hors de cause la Chambre des notaires de Polynésie française ;

condamner Monsieur [U] [F] à payer la somme de 500.000 Fcfp à titre de dommages et intérêts à la Chambre des notaires de Polynésie française, attraite abusivement à la cause ;

condamner Monsieur [U] [F] à payer à la Chambre des notaires de Polynésie française la somme de 300.000 Fcfp au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction.

[U] [F] n'a pas intimé l'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT. Il a appelé en déclaration d'arrêt commun au courtier POEMA INSURANCES mais ne l'a pas assigné.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 juin 2023. La procédure a été communiquée au ministère public.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

L'appel a été interjeté dans les formes et délais légaux. Sa recevabilité n'est pas discutée.

Le jugement entrepris n'est pas critiqué en ce qu'il a déclaré l'intervention de la compagnie AXA recevable.

Sur la prescription de l'action :

Le jugement dont appel a retenu que :

-Selon les dispositions de l'article 45 du Code de Procédure Civile de la Polynésie française : 'Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfixé, la chose jugée. "Selon les dispositions de l'article 2270-1 du Code Civil dans sa version issue des dispositions de l'article 2 de l'ordonnance n° 2005-658 du 8 juin 2005 : 'Les actions en responsabilité dirigées contre un sous-traitant en raison de dommages affectant un ouvrage ou des éléments d'équipement d'un ouvrage mentionnés aux articles 1792 et 1792-2 se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux et, pour les dommages affectant ceux des éléments d'équipement de l'ouvrage mentionnés à l'article 1792-3, par deux ans à compter de cette même réception. "Selon les dispositions de l'article 2262 du Code Civil dans sa version applicable en Polynésie française : 'Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d'en rapporter un titre, ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi.'

-Les dispositions de l'article 2270-1 du Code civil, résultant de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, qui dispose que les actions en responsabilité civile extra contractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation, n'ont été rendues applicables sur le territoire, par l'article 7 de l'ordonnance n° 92-1146 du 12 octobre 1992 portant extension et adaptation en Polynésie française de certaines dispositions de la loi du 5 juillet 1985, publiée au Journal Officiel de la Polynésie française du 17 novembre 1992, que pour l'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation. Seuls les articles 2225 et 2235 à 2237 issus de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile ont été rendus localement applicables.

-L'action en responsabilité civile est donc soumise à la prescription extinctive trentenaire l'article 2262 du Code Civil, toujours applicable en Polynésie Française.

-La prescription d'une action en responsabilité ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance.

-En l'espèce, l'action a été engagée le 28 juin 2017, et concerne une 'perte de testament" dont la date n'est pas déterminée, mais dont la remise au notaire remonterait à l'année 2003, soit moins de 30 années avant l'introduction de la présente action.

-En conséquence, la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action de [U] [F] sera rejetée.

La CHAMBRE DES NOTAIRES DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE demande l'infirmation du jugement et de déclarer irrecevable l'action de [U] [F] en ce qu'elle est prescrite. Elle invoque une prescription décennale de la responsabilité en matière notariale sur le fondement de l'article 2270-1 du code civil, et l'acquisition de cette prescription qui a couru à compter de 2003, comme l'a retenu le premier juge, et qui était expiré quand l'action a été introduite en 2017.

[U] [F] demande de rejeter l'appel incident formé par la Chambre des notaires contre le jugement n° RG 17/00324 du 29 janvier 2021 et confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de M. [U] [F], et débouté [N] [V] et la Chambre des Notaires de la Polynésie Française de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

[N] [V] conclut à la confirmation du jugement.

La compagnie AXA IARD conclut à la confirmation du jugement. Subsidiairement, elle demande de dire et juger prescrite l'action en responsabilité contre [N] [V].

[Z] [L] conclut à la confirmation du jugement.

Sur quoi :

Par des motifs exacts en fait et bien fondés en droit, que ne remettent pas en cause les moyens d'appel incident de la CHAMBRE DES NOTAIRES, et que la cour adopte, la décision entreprise a fait en l'espèce une juste application des dispositions de l'article 2262 du code civil en vigueur en Polynésie française, et a à bon droit constaté que l'action en responsabilité de [U] [F] n'est pas atteinte par la prescription trentenaire qui lui est applicable.

Sur le fond :

Au vu des pièces produites, la chronologie suivante peut être établie :

23/01/1987 : arrêté n° 48 CM portant nomination d'[N] [V] à la charge de notaire créée à [Localité 13].

18/07/2003  : reçu d'encaissement par l'étude [V] de la somme de 50 000 F CFP versée par [U] [F] à titre de provision sur frais de dépôt de testament olographe de [S] [I] (compte à créditer succession de [S] [I]). Ce versement est corroboré par une attestation de l'agent qui l'a établi ([J] [D]).

03/09/2003 : placement d'[N] [V] sous contrôle judiciaire.

09/09/2003 : désignation de Me [L] par le président du TPI.

17/09/2003 : prise de fonction de Me [L] après confirmation de sa désignation par arrêt du 16/09/2003.

09/2003 : vérification par la chambre des notaires des dossiers transmis pour la prise de fonction de Me [L] : aucun testament déposé le 18/07/2003 n'a été trouvé dans les pièces comptables ou mentionné lors de la prise de fonction (attestation de Me [O] du 19/01/2022).

19/11/2003 : reçu d'encaissement par l'étude [V] de la somme de 30 000 F CFP versée par [U] [F] à titre de complément de frais de dépôt de testament olographe de [S] [I] (compte à créditer succession de [S] [I]). Ce versement est corroboré par une attestation de l'agent qui l'a établi ([J] [D]).

10-11/12/2003 : inspection de l'étude [V] par la chambre des notaires : constatation notamment de carnets de reçus non conformes et d'actes signés dans la précipitation en juillet 2003 ; constatation d'une absence de classement des dossiers, d'un manque général de suivi, de la réception d'actes par des emplois au lieu du notaire ou d'un clerc, d'erreurs et de lacunes dans les dossiers, d'absence d'organisation du travail dans l'étude les dossiers passant de mains en mains sans réelle attribution.

23/01/2004 : arrêté n° 190 CM portant suspension provisoire d'un notaire à la résidence de [Localité 13] et ordonnant la fermeture provisoire de l'étude ; les minutes, pièces et documents ainsi que toutes les archives de l'office sont déposés au greffe de la section détachée du tribunal de première instance à Raiatea ; le procureur de la République est chargé de veiller à ce que ces remises soient effectuées ; il est dressé un état des minutes et archives remises.

06/02/2004 : PV de remise à la chambre des notaires des minutes et des documents comptables de l'étude [V] en possession de Me [L] : les testaments de [S] [I] ne sont pas mentionnés.

03/07/2006 : arrêté n° 632 CM attribuant les minutes de l'office notarial [V] à l'office [K]-[G] ainsi que les testaments olographes conservés.

24/10/2012 : réponse de l'office [K]-[G] à [U] [F] : le seul testament de [S] [I] qui figure dans la liste des testaments conservés par l'office [V] date du 16/11/1983 avec mention qu'il a été révoqué ; aucun testament olographe de cette personne n'est conservé par l'étude.

06/09/2018 : arrêté n° 1758 CM portant nomination de Me [H] en qualité de notaire titulaire d'un office notarial à [Localité 8] ; l'office notarial [K]-[G] est habilité à lui transmettre les actes et archives relatifs à l'activité de l'ancienne étude supprimée par l'arrêté du 03/07/2006.

15/09/2021 : procès-verbal établi par Me [H] de dépôt et description de testament de [S] [I] : testament olographe du 07/03/1981 et testament olographe de 1986 sans date. Le testament de 1986 est reproduit en copie d'un registre non identifié portant le numéro de page 65. La page 66 reproduit un cachet «Annexé à la minute d'un acte reçu en (illisible) Maître [N] [V] notaire (illisible) [Localité 8] le (non renseigné).»

04/02/2022 : mail de Me [H] au conseil de [U] [F] : «Je vous précise également que les minutes m'ont été transmis par l'Office Notarial de Me [K], ainsi que des testaments dont certains n'ont jamais pu être retrouvés faute d'avoir été déposés au coffre comme il le dit dans ses conclusions (') Nous avons également récupérer les fonds de dossier de Me [V] dans une centaine de cartons que nous avons dû épurés. Rien n'était rangés, et nous avons malheureusement retrouvés dans les pièces comptables des fonds de dossier de dépôt de testament qui n'ont jamais été signés, dont le fonds de dossier de Monsieur [S] [I] déposé effectivement par Monsieur [U] [F] (') Dans cette affaire, votre client a effectivement réglé les frais du dépôt des testaments de M. [I], mais aucun suivi n'a été apporté à ce dossier par Me [V], comme tant d'autres d'ailleurs».

Il en résulte que le litige a évolué depuis qu'a été rendu le jugement du 29 janvier 2021. L'instruction de l'affaire doit être complétée sur plusieurs points.

Le témoignage de Me [H] sur les circonstances dans lesquelles le testament en cause a été retrouvé dans les archives de l'étude [V] doit être dûment recueilli sous forme d'attestation.

L'appréciation, le cas échéant, du préjudice en définitive subi par [U] [F] doit être faite en tenant compte de la situation du règlement de la succession de [S] [I]. Des opérations de liquidation et partage ont-elles été entreprises ' Son legs lui a-t-il été délivré ' Le testament de 1986 en cause a-t-il été contesté ' Il lui sera enjoint d'en justifier.

Les observations des parties doivent être recueillies sur la circonstance que la composition de la cour dans cette affaire comprend le magistrat qui a procédé en 2003 à la désignation de Me [L] pour assurer le remplacement de Me [V].

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort ;

En la forme, déclare l'appel recevable ;

Au fond, confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

reçu l'intervention volontaire de la compagnie AXA ASSURANCES ;

rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de [U] [F] ;

Avant dire droit pour le surplus :

Enjoint à [U] [F] de produire, dans les formes prescrites par l'article 111 du code de procédure civile de la Polynésie française, une attestation contenant le témoignage de Me [Y] [H], notaire à [Localité 13] ([Localité 8]), sur les circonstances dans lesquelles a été retrouvé le testament olographe de 1986 de [S] [I] décédé à [Localité 9] ([Localité 12]) le 7 juin 1987, comme mentionné dans son procès-verbal de dépôt et description du testament dressé le 15 septembre 2021, et comme relaté dans son courrier électronique du 4 février 2022 au conseil de [U] [F] ;

Enjoint à [U] [F] de justifier de la situation du règlement de la succession de [S] [I] et de la délivrance ou non de son legs en exécution du testament de 1986, ainsi que de la contestation ou non de la validité dudit testament ;

Enjoint aux parties de présenter s'il y a lieu leurs observations sur la circonstance que la composition de la cour dans cette affaire comprend le magistrat qui a procédé en 2003 à la désignation de Me [L] pour assurer le remplacement de Me [V] ;

Renvoie l'affaire à l'audience des mises en état du vendredi 22 novembre 2024 à 8 h 30 ;

Réserve les frais irrépétibles et les dépens.

Prononcé à Papeete, le 27 juin 2024.

Le Greffier, Le Président,

signé : M. SUHAS-TEVERO signé : G. RIPOLL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Papeete
Formation : Cabinet d
Numéro d'arrêt : 21/00138
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;21.00138 ?
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