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27/06/2024 | FRANCE | N°21/00028

France | France, Cour d'appel de Papeete, Chambre sociale, 27 juin 2024, 21/00028


N° 63



IM

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Copie exécutoire

délivrée à :

- Me Bennouar,

le 27.06.2024.





Copie authentique

délivrée à :

- Me Montluçon,

le 27.06.2024.

REPUBLIQUE FRANCAISE



COUR D'APPEL DE PAPEETE



Chambre Sociale





Audience du 27 juin 2024





RG 21/00028 ;



Décision déférée à la Cour : jugement n° 21/00028, rg n° F 19/00016 du Tribunal du Travail de Papeete du 19 avril 2021 ;


>Sur appel formé par déclaration reçue au greffe du Tribunal du Travail de Papeete sous le n° 21/00028 le 24 juin 2021, dossier transmis et enregistré au greffe de la Cour d'appel le même jour ;



Appelante :



Mme [Z] [S] [I], née le ...

N° 63

IM

---------------

Copie exécutoire

délivrée à :

- Me Bennouar,

le 27.06.2024.

Copie authentique

délivrée à :

- Me Montluçon,

le 27.06.2024.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D'APPEL DE PAPEETE

Chambre Sociale

Audience du 27 juin 2024

RG 21/00028 ;

Décision déférée à la Cour : jugement n° 21/00028, rg n° F 19/00016 du Tribunal du Travail de Papeete du 19 avril 2021 ;

Sur appel formé par déclaration reçue au greffe du Tribunal du Travail de Papeete sous le n° 21/00028 le 24 juin 2021, dossier transmis et enregistré au greffe de la Cour d'appel le même jour ;

Appelante :

Mme [Z] [S] [I], née le 6 février 1987 à [Localité 5], de nationalité française, demeurant [Adresse 1] ;

Représentée par Me Smaïn BENNOUAR, avocat au barreau de Papeete ;

Intimé :

M. [R] [Y] [M], né le 11 février 1971 à [Localité 2], de nationalité française, demeurant à [Adresse 3] ;

Représenté par Me Maïa MONTLUCON, avocat au barreau de Papeete ;

Ordonnance de clôture du 15 mars 2024 ;

Composition de la Cour :

La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 11 avril 2024, devant Mme MARTINEZ, conseiller faisant fonction de président, M. RIPOLL et M. SEKKAKI, conseillers, qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;

Arrêt contradictoire ;

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Signé par Mme MARTINEZ, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A R R E T,

EXPOSE DU LITIGE :

Par convention tripartite du 18 juin 2013 entre l'université de [4], Me [M] et Mme [Z] [I], un stage de formation juridique était conclu entre les parties du 10 juin au 31 août 2013 moyennant une gratification mensuelle de 25 000 F CFP pour une durée hebdomadaire de 15 heures.

Le 11 septembre 2013, le stage était renouvelé jusqu'au 31 décembre 2013 moyennant la même gratification pour une durée hebdomadaire de 10 heures.

Du 31 décembre 2013 au 1er octobre 2014, la relation contractuelle se poursuivait entre les parties sans aucun écrit.

Le 6 octobre 2014, une nouvelle convention de stage était conclue entre les parties moyennant la même gratification pour une durée hebdomadaire de 5 heures poursuivie par une nouvelle convention signée le 16 novembre 2015 pour une gratification mensuelle de 35 000 F CFP pour une durée hebdomadaire de 10 heures.

A compter du 1er juillet 2016, la relation contractuelle se poursuivait sans écrit aux mêmes conditions.

Par courrier du 5 janvier 2016, Mme [I] démissionnait.

Soutenant notamment que sa convention de stage était en réalité un contrat de travail et que sa démission s'analysait en une prise d'acte aux torts de l'employeur, par requête du 22 janvier 2019, Mme [I] saisissait le tribunal du travail de Papeete lequel, par jugement du 19 avril 2021 requalifiait la relation contractuelle en contrat de travail à compter du 1 janvier 2014, condamnait M. [M] à payer à Mme [I] les sommes de 1 339, 659 F CFP à titre de rappel de salaire et de 29 407 F CFP à titre d'indemnité compensatrice de congés payés et lui enjoignait de délivrer des bulletins de paie et de déclarer les sommes à la CPS.

Par déclaration reçue au greffe le 24 juin 2021, Mme [I] relevait appel de cette décision.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Par conclusions régulièrement notifiées le 2 décembre 2022 Mme [I] demande l'infirmation du jugement et la condamnation de M. [M] à lui payer les sommes suivantes :

-5 220 000 F CFP à titre de rappels de salaire,

-2 160 000 F CFP à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-500 000 F CFP à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

-540 000 F CFP à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

-1 080 000 F CFP à titre d'indemnité pour travail clandestin,

-30 000 F CFP en application de l'article 407 du code de procédure civile.

et d'ordonner qu'il déclare à la CPS mois par mois les salaires et qu'il lui fournisse sous astreinte de 10 000 F CFP par jour de retard des bulletins de salaire et un certificat de travail.

Elle soutient essentiellement qu'elle n'a jamais été formée et exerçait en réalité les fonctions de juriste, que l'absence d'écrit entraîne nécessairement la requalification de la convention de stage en un contrat de travail à durée indéterminée et à temps complet. Elle affirme que sa démission a été obtenue sous la contrainte et en échange d'une lettre de recommandation.

Par conclusions régulièrement notifiées le 24 octobre 2023, Me [M] soulève in limine litis la nullité de l'acte d'appel faute de mention du lieu et de l'adresse du lieu de travail. Il conclut à l'incompétence de la juridiction sociale faute de contrat de travail.

Subsidiairement, il sollicite la confirmation du jugement querellé sauf en ce qu'il a fait droit à la demande de rappel de salaire qu'il demande à voir fixer à la somme de 318 442 F CFP pour la période de janvier à septembre 2014 compte tenu de la prescription et de 180 964 F CFP pour la période de janvier à octobre 2015.

Il sollicite, en tout état de cause, la condamnation de Mme [I] à lui payer les sommes de 500 000 F CFP pour procédure abusive et de 500 000 F CFP au titre de ses frais de procédure.

Il fait valoir, en substance, qu'en Polynésie française, il n'existe aucune réglementation pour l'organisation des stages, que l'absence d'écrit n'est donc pas dirimante. Il précise que Mme [I] a commencé son stage avec un niveau brevet des collèges et qu'elle n'était pas en capacité d'exercer des fonctions de juriste. Il ajoute qu'elle a poursuivi ses études ce qui s'oppose à une requalification du contrat en un contrat de travail à temps plein.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère aux conclusions régulièrement notifiées par les parties auxquelles elles ont expressément déclaré de rapporter lors des débats.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 15 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la nullité de l'acte d'appel :

Il n'existe pas de nullité sans grief dans le code de procédure civile de la Polynésie française.

Mme [I] a dans son acte d'appel et ses conclusions récapitulatives indiqué son identité et son domicile.

C'est donc à tort que l'intimé soutient qu'il ne peut signifier la décision à intervenir à l'appelante.

La nullité de l'acte d'appel doit être rejetée.

Sur la prescription :

En application de l'article Lp 3334-1 du code du travail de Polynésie française, l'action en recouvrement des salaires se prescrit par cinq ans. La requête étant en date du 22 janvier 2019, les demandes en rappel de salaire antérieures au 22 janvier 2014 sont prescrites.

Sur la requalification de la relation contractuelle :

-sur la période du 10 juin au 31 décembre 2013 :

Une convention tripartite entre l'université de [4], Me [M] et Mme [I] a été régulièrement conclue ainsi qu'en conviennent les parties.

Il appartient donc à la demanderesse de prouver qu'elle exerçait en réalité une activité salariée sous la subordination de M. [M].

Or, le niveau de formation qu'avait l'intéressée au moment de la conclusion de la convention de stage (niveau brevet des collèges) et la poursuite, couronnée de succès de ses études s'opposent à l'existence d'un contrat de travail dont Mme [I] ne prouve nullement l'existence. Elle affirme avoir été juriste au sein du cabinet [M] mais ne démontre par aucun élément de preuve l'existence d'une véritable tâche salariée exercée sous un lien de subordination.

-sur la période postérieure au 31 décembre 2013 :

Les parties reconnaissent que la relation contractuelle s'est poursuivie au delà de la convention de stage sans aucun écrit.

Or, s'il est exact que le droit de la Polynésie française ne réglemente pas les stages, il n'en demeure pas moins qu'il s'agit nécessairement qu'une convention tripartite conclue entre l'organisme formateur, le maître de stage et le stagiaire.

L'absence d'accord de l'université de [4] à la poursuite de la relation contractuelle fait obstacle à ce que celle ci puisse être qualifiée de stage. Il s'agit donc nécessairement d'un contrat de travail à durée indéterminée.

Sur le rappel de salaire :

Si le contrat de travail verbal est réputé conclu pour un temps complet, la preuve contraire peut être rapportée.

En l'espèce, la dernière convention de stage avait été signée pour 10 heures hebdomadaire et Mme [I] ne conteste pas avoir poursuivi ses études ce qui fait obstacle à l'existence d'un contrat de travail à temps complet.

Il s'agit donc d'un contrat de travail à temps partiel de 10 heures hebdomadaires, travail qui ne saurait, compte tenu des faibles qualifications de la salariée être rémunéré au deçà du Smig.

Sur la base du Smig, l'appelante a droit, pour la période non prescrite à un salaire mensuel de 35 382,40 F CFP jusqu'au 30 septembre 2014 et de 36 192, 80 F CFP à compter du 1er octobre 2014 soit la somme totale de 861 333,60 F CFP dont il conviendra de déduire la somme de 547 500 F CFP déjà perçue soit un solde de 313 833,60 F CFP

Il n'est pas contesté que Mme [I] a régulièrement pris ses congés payés en 2014 et il résulte des pièces versées aux débats qu'il lui restait un solde de 15 jours pour l'année 2015 soit la somme de 9 048 F CFP.

Sur le travail clandestin :

Le simple fait d'avoir continué à faire bénéficier Mme [I] d'une convention de stage qui n'était pas régulièrement signée ne peut suffire à caractériser l'élément intentionnel du travail clandestin.

Cette demande doit être rejetée.

Sur la prise d'acte :

La démission est un acte univoque et sans ambiguïté qui ne peut s'analyser en une prise d'acte qu'en cas de manquements graves de l'employeur.

Lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail, cette rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits le justifient soit d'une démission dans le cas contraire.

En l'espèce, Mme [I] a rédigé un courrier dans lequel elle indiquait mettre fin à son stage pour des motifs personnels et remerciait Me [M] pour la formation qu'il lui avait dispensée.

La lettre de recommandation qu'elle soutient avoir obtenu en échange de sa démission n'a été rédigée que plus d'un an plus tard.

Le simple fait de ne pas avoir renouvelé la convention de stage s'il entraîne automatiquement la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail ne présente pas en soi un caractère suffisamment grave, les conditions réelles d'exécution de la relation contractuelle n'étant pas modifiées, pour justifier une prise d'acte.

Par ailleurs, l'appelante a attendu trois ans avant d'intenter une procédure tendant à voir requalifier sa démission en prise d'acte aux torts de l'employeur. Le laps de temps écoulé démontre à l'évidence que sa démission, au moment où elle l'a adressée à Me [M], était sans équivoque.

La démission ne peut donc s'analyser en une prise d'acte et cette demande doit être rejetée.

Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive :

L'action de Mme [I] qui prospère pour partie n'a pas dégénéré en abus susceptible de sonner lieu à des dommages et intérêts.

Sur l'article 407 du code de procédure civile :

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 407 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort ;

Confirme le jugement rendu le 19 avril 2021 par le tribunal du travail de Papeete sauf en ce qu'il a condamné M. [R] [M] à payer à Mme [Z] [I] les sommes de 1 339 659 F CFP à titre de rappel de salaire et de 29 407 F CFP à titre d'indemnité compensatrice de congés payés ;

Statuant de ces seuls chefs infirmés ;

Condamne M. [R] [M] à payer à Mme [Z] [I] les sommes suivantes :

- 313 833,60 F CFP à titre de rappel de salaire,

- 9 048 F CFP à titre d'indemnité compensatrice de congés payés ;

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 407 du code de procédure civile ;

Condamne M. [R] [M] aux dépens d'appel.

Prononcé à Papeete, le 27 juin 2024.

Le Greffier, Le Président,

signé : M. SUHAS-TEVERO signé : I. MARTINEZ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Papeete
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00028
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;21.00028 ?
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