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13/06/2024 | FRANCE | N°18/00023

France | France, Cour d'appel de Papeete, Chambre sociale, 13 juin 2024, 18/00023


N° 50



IM

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Copie exécutoire

délivrée à :

- Me Usang,

le 13.06.2024.





Copie authentique

délivrée à :

- Me Pasquier-Houssen,

le 13.06.2024.

REPUBLIQUE FRANCAISE



COUR D'APPEL DE PAPEETE



Chambre Sociale





Audience du 13 juin 2024



RG 18/00023 ;



Décision déférée à la Cour : jugement n° 18/00059, rg n° F 17/00073 du Tribunal du Travail de Papeete du 16 avril 2018 ;



Sur

appel formé par déclaration reçue au greffe du Tribunal du Travail de Papeete sous le n° 18/00021 le 23 avril 2018, dossier transmis et enregistré au greffe de la Cour d'appel le 24 du même mois ;



Appelant :



M. [V] [Y], né l...

N° 50

IM

---------------

Copie exécutoire

délivrée à :

- Me Usang,

le 13.06.2024.

Copie authentique

délivrée à :

- Me Pasquier-Houssen,

le 13.06.2024.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D'APPEL DE PAPEETE

Chambre Sociale

Audience du 13 juin 2024

RG 18/00023 ;

Décision déférée à la Cour : jugement n° 18/00059, rg n° F 17/00073 du Tribunal du Travail de Papeete du 16 avril 2018 ;

Sur appel formé par déclaration reçue au greffe du Tribunal du Travail de Papeete sous le n° 18/00021 le 23 avril 2018, dossier transmis et enregistré au greffe de la Cour d'appel le 24 du même mois ;

Appelant :

M. [V] [Y], né le 30 août 1974 à [Localité 2], de nationalité française, demeurant à [Adresse 4] ;

Ayant pour avocat la Selarl Légalis, représentée par Me Astrid PASQUIER-HOUSSEN, avocat au barreau de Papeete ;

Intimée :

La Sa Sda-Service Distribution Assistance, inscrite au Rcs de Papeete sous le n° Tpi 833 B, n° Tahiti 087858 dont le siège social est sis [Adresse 1], prise en personne de son gérant ;

Représentée par Me Arcus USANG, avocat au barreau de Papeete ;

Ordonnance de clôture du 15 avril 2024 ;

Composition de la Cour :

Vu l'article R 312-9 du code de l'organisation judiciaire ;

Dit que l'affaire, dont ni la nature ni la complexité ne justifient le renvoi en audience solennelle, sera jugée, en audience ordinaire publique 11 avril 2024,devant Mme MARTINEZ, conseiller désigné par l'ordonnance n° 64/ORD/PP.CA/23 du premier président de la Cour d'Appel de Papeete en date du 25 août 2023 pour faire fonction de président dans le présent dossier, Mme GUENGARD, président de chambre et M. SEKKAKI, conseillers, qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;

Arrêt contradictoire ;

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Signé par Mme MARTINEZ, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A R R E T,

EXPOSE DU LITIGE :

M. [V] [Y] était embauché le 24 mai 2007 suivant contrat à durée indéterminée en qualité de directeur par la Sa Sda Service Distribution Assistance (la société) moyennant un salaire s'élevant en dernier lieu à la somme de 850 000 F CFP outre un treizième mois dû sauf faute grave.

Le 30 septembre 2009, le salarié recevait délégation de pouvoir en matière de respect de la réglementation en droit du travail.

Par délibération du 17 avril 2013, le conseil d'administration de la société nommait M. [Y] directeur général à compter du 1er mai 2013 et suspendait son contrat de travail.

Le 26 janvier 2017, M. [Y] démissionnait de ses fonctions de directeur général avec un préavis de trois mois.

Par courrier du 29 janvier 2017, il remettait en cause cette démission et proposait une rupture conventionnelle.

Par courrier du 3 février 2017, M. [Y] se voyait notifier la révocation de ses fonctions de directeur général à compter du 25 janvier 2017.

Par courrier du 3 février 2017 M. [Y] était convoqué à un entretien préalable à son éventuel licenciement lequel lui était notifié le 13 février 2017 en ces termes : '(.../...) Vous avez été engagé en qualité de directeur de la société le 1er juin 2007 et avez été nommé directeur général à compter du 1er mai 2013.

Le 25 janvier 2017, vous avez été révoqué de votre mandat de directeur général par le conseil d'administration pour rupture de confiance en raison de vos agissements tant sur les congés payés du personnel, les bulletins de salaire que sur les stocks de pièces détachées.

Par courrier du 30 janvier 2017 remis en main propre le même jour, nous vous avons convoqué à un entretine préalable avant licenciement pour faute grave, prévu le le jeudi 2 février 2017 à 14h30 à mon bureau situé [Adresse 1] afin d'entendre vos explications qur les faits qui vous sont reprochés dans l'exercice de vos fonctions de directeur de la société.

Par courrier du 31 janvier reçu le jour même, nous vous avons proposé de vous présenter à votre convenance le 2 février lme temps pour vous de quitter votre domicile à partir de 15h en raison de votre arrêt de travail daté du 30 janvier comprenant des heures de sortie autorisées de 15h à 17h.

Vous ne vous êtes pas présenté malgré l'aménagement des horaires proposé

Compte tenu de votre statut de directeur et des bonnes relations que nous avons entretenues jusqu'à l'intervention de votre conseil Me [U] dont les propos erronés nous ont surpris , nous vous avons convoqué de nouveau à un entretien préalable avant licenciement le jeudi 9 février à 15 h 30 à mon bureau situé [Adresse 1]

[Adresse 1] à [Localité 3] pour vous permettre de vous exprimer sur les faits qui vous sont reprochés, libellés dans notre courrier du 30 janvier 2017.

Vous ne vous êtes pas présenté à cet entretien mais avez déposé un courrier daté du 9 février contenant des explications que j'ai reçu le 10 février.

Je vous avais exposé qu'à mon retour d evoyage mi-janvier 2017, il a été porté à ma connaissance de graves faits fautifs dans l'exécution de vos fonctions.

Il a été mis en évidence que vous avez, depuis au moins 2014, omis de provisionner des congés payés acquis non pris par le personnel de la société.

Pour ce faire, vous avez donné instruction de porter à zéro le solde des congés payés sur le bulletin de salaire du mois de décembre en faisant apparaître des dates fictives de prise de congés.

Ces partiques ont d'abord concerné le personnel d'encadrement puis en décembre 2015 le personnel le personnel d'encadrement ainsi qu'une quinzaine de salariés disposant d'un solde de congés payés important. En 2016, ces manipulations ont été étendues à la totalité du personnel.

Vous avez expliqué que dans le contexte de la situation sociale et économique difficile de SDA, vous avez adopté une position intermédiaire qui consisitait, pour éviter de refuser un report des congés payés sur l'année suivante, de passer le solde des congés à zéro sur décembre et de récupérer les congés non pris en jours de récupération. Dans le contexte des négociations salariales de 2013, vous avez demandé aux cadres de montrer l'exemple pour arrêter ces reports incessants de congés.

Pour 2015, vous avez reconnu avoir accepté ce procédé pour un seul salarié en plus du personnel d'encadrement et de quelques personnes pour 2016 mais avez nié avoir donné instruction d'étendre ces manipulations à l'ensemble du personnel.

Vous avez reconnu avoir manqué de discernement ni évalué les conséquences juridiques et financières de ces agissements.

Pour 2016, vous indiquez avoir découvert cette anomalie à votre retour de congés en janvier 2017 et que vous n'aviez donné aucune instruction à l'assistante RH de porter à zéro le solde de congés payés de l'ensemble du personnel

S'agissant des mouvements sur les pièces détachées, vous avez expliqué que l'objectif était de mettre en place les stocks tampons en atelier pour favoriser l'utilisation de pièces neuves par les techniciens et non d'effectuer des sorties définitives du stock.

Cependant, il s'avère que vos explications sont mensongères.

Concernant les congés payés :

Par courriel du 28 décembre 2016, le délégué syndical vous informait avoir été sollicité par les salariés sur ces retenues de congés sur leur fiche de paie de décembre 2016.

Vous avez adressé la réponse suivante à la directrivce administrative et financière 'Ma position officielle est que je n'ai pas donné de dérogation de report de congés et que pour satisfaire tout le monde, les congés payés restants ont été décomptés en 2016 mais enregistrés en jour de récupération pour 2017" ce qui est totalement illégal.

Vous avez ajouté'Il est vrai que la communication a été peu être trop light et que certains salariés n'étaient pas au courant de cette règle. En tout cas [G] et pas mal de salariés concernés étaient d'accord. Il faudra traiter au cas par cas les contestataires'

Par courriel du 29 décembre 2016, M. [T] [I] vous informait que 3 chauffeurs s'étaient plaints de leur solde de congés payés mis à zéro et qu'ils n'étaient pas d'accord avec ça.

Vous n'avez manifesté aucune surprise ni pris l'attache de la direction financière pour demander des explications au sujet de cette anomalie.

Bien au contraire votre réponse confirme que vous étiez au courant de la situation : '[T], tu peux les rassurer en disant qu'ils n'ont pas perdu leurs congés et que l'on verra à mon retour comment on traite les reports'.

Le 29 décembre également, la directrice financière vous transmettait un compte rendu d'activité dans lequel elle vous précisait 'Je te joins également un état définitif des congés payés après ajustement comme tu as vu avec [B]. Elle a mis au plus proche de zéro par journée entière sauf pour les CDD où ça allait poser un vrai problème à la fin des contrats. Etaient joints au mail un document Excel intitulé suivi provision congés payés fictifs eu 31 12 2016.

Là encore vous n'avez manifesté aucune surprise.

Au cours de la réunion des délégués du personnel du 17 janvier 2017 et du comité d'entreprise le 19 janvier sur ce sujet, vous avez prétexté que c'est l'assistante RH qui aurait mal compris vos instructions.

Or il est évident que Mme [B] [W], n'aurait jamais de son propre chef effectué de telles manipulations et que la directrice financière Mme [O] [S] n'aurait jamais signé la paie sans des instructions claires de votre part à ce sujet.

Mme [B] [W], M. [H] [M] et Mme [O] [S] ont attesté que vous avez réitéré vos instructions de solder les congés payés 2016 de tout le personnel SDA.

Outre que les bulletins de salaire délivrés aux salariés comportent des mentions inexactes, ces manipulations ont également obligé l'assistante RH à tenir un suivi parallèle des congés payés et de la comptabilisation des provisions pour congés payés.

Ces agissements sont d'autant plus aggravés par la situation extrèmement précaire que SDA a connu au cours du second semestre 2013 et qui a donné lieu à la mise en place d'un plan de redressement de l'entreprise, d'une recapitalisation par abandon par la brasserie de Tahiti de son compte courant d'associé d'un montant de 135 MF avec information du conseil d'administration des résultats obtenus pour chacun des départements SDA ceci afin d'ajuster le cas échéant la stratégie présentée dans le cadre du budget 2014. Je vous rappelle que la société affichait une perte de plus de 19 millions de francs au titre de l'exercice 2013.

Les comptes annuels des exercices 2014 et 2015 ainsi approuvés par l'assemblée générale des actionnaires puis déposés au greffe du tribunal mixte de commerce de Papeete s'avèrent infidèles :

En 2014 le résultat net de l'exercice présenté a été une perte de 2 773 327 F alors qu'il aurait dû être de -4 065 842 F.

En 2015 le résultat net de l'exercice présenté a été un bénéfice de 7 692 525F alors qu'il aurait dû être de 4 532 731F.

Il en résulte également que les comptes provisoires arrêtés au 30 juin 2016 et notamment le résultat comptable affiché de 134 888 millions de francs présenté au conseil d'administration du 20 septembre 2016 ne reflètent pas la réalité de la situation de l'entreprise car il ressort que les congés payés auraient dû être provisionnés à hauteur de 22 millions de francs et non pas pour 9,5 millions de francs.

Il ressort des analyses effectuées par les commissaires aux comptes que la provision comptabilisée à la clôture de l'exercice au 31 décembre 2016 aurait dû être de 12 millions de francs et non pas 1,6 million de francs ; qu'il s'ensuit que le résultat comptable affiche une amélioration

d'environ 10 millions de francs.

En outre, la falsification des bulletins de paie a permis de leurrer le commissaire aux compte de la société sur ces agissements.

Or dans le cadre du contrôle des comptes en vue de leur certification, le commissaire aux comptes de la société a recueilli votre lettre d'affirmation que les états financiers ont été établis de manière régulière et sincère pour l'exercice clos le 31 décembre 2015 ce qui n'est pas le cas.

Concernant les anomalies constatées sur les mouvements des pièces détachées opérés au cours du 2nd semestre 2016

Il a été mis en évidence que votre décision de gestion était constitutive d'une tentative de fraude et avait eu pour objectif final de diminuer le montant des provisions des pièces détachées et ainsi améliorer lla présentation des états financiers.

Il a été constaté que pour plusieurs références qui présentaient une absence de mouvement depuis plusieurs années, un bon de sortie avait été émis. Ces mouvements concernaient la plupart du temps une seule pièce de référence et notamment des pièces onéreuses. Les techniciens et responsables des stocks ont indiqué que vous aviez donné ces instructions lors de deux réunions en août et octobre 2016. Les pièces sorties ont été mises dans des cartons ou des armoires, sachant, pour la plupart d'entre elles, qu'elles ne seraient pas utilisée (par exemple pièces obsolètes ou Lexans désuets que vous avez demandé à transférer à Moorea pour décorer les murs de l'agence...)

Il s'avère également que suite à l'intervention du commissaire aux comptes vous avez donné instruction le 20 janvier 2017 de mettre des affiches 'Pièces API' sur les armoires.

Comptes de résultats comparatifs Comptes au 30/06/2015.

Il vient d'être porté à ma connaissance que le compte de résultats comparatifs qui a été présenté au conseil d'administration au mois de septembre 2016 comporte des anomalies concernant la présentation des comptes au 30/06/2015 ce qui a induit le conseil en erreur sur la progression du résultat par rapport à l'en passé.

En effet la collonne 'REALISE 30/06/2015" fait apparaître une perte de 14,619 millions de francs alors que le 'REALISE 30/06/2015 présenté au conseil d'administration au mois de septembre 2015 fait apparaître un bénéfice de 4 324 millions de francs.

Même si les chiffres de juin sont mis à jour d'éléments survenus après leur présentation, le résultat de juin 2015 qui aurait dû être présenté à la place des 4 324 millions de francs dans le rapport au 30 juin 2016 était de 1 621 millions de francs et non pas 614 619 millions de francs. La perte de 14 millions de francs ne reflète en aucun cas ce qui a été repris en comptabilité à cette date.

Ces modifications ont été effectuées en l'absence de la directrice financière en congés tout le mois de juin 2016 ; Vous avez pris le total des dépenses de l'année 2015 que vous avez divisé par 2 pour le rapport au 30 juin 2016.

Ces rectifications résultent une fois de plus d'une volonté claire d'afficher une situation de la société qui ne reflète pas la réalité faussant ainsi l'appréciation des administrateurs sur l'évolution réelle de l'activité de l'entreprise.

Ces agissements sont en totale contradiction avec ma note du 9 décembre 2014 adressée à l'encadrement du groupe brasserie de Tahiti sur le respect rigoureux des lois et règles en vigueur indispensable à la bonne conduite des entreprises.

Vos fonctions de directeur vous confèrent des pouvoirs de direction, notamment sur l'établissement des états financiers de la société et sur l'ensemble du personnel, conformément à votre contrat de travail.

Vous êtes en effet responsable des budgets de fonctionnements et d'investissements et en début d'année du rapport de direction et des documents préparatoires à pérsenter à l'AG des actionnaires.

Or, vous avez, en toute connaissance de cause, enfreint la légalité des règles comptables en livrant des informations inexactes qui ont donné lieu à une image de la société ne reflétant pas réellement sa situation comptable.

Vos agissements que vous avez réitérés depuis au moins 2014 s'agissant des congés payés constituent un manquement grave à vos obligations professionnelles et portent gravement atteinte à l'image de l'entreprise.

Vos agissements ont également eu des graves répercussions au niveau du personnel et des instances représentatives du personnel. J'ai personnellement dû m'en expliquer avec la CS1P au mois de janvier 2017. Vous avez tenté de camoufler ces manipulations en vous déchargeant de votre responsabilité sur l'assistante RHG malgré les preuves présentées.

Les faits qui vous sont reprochés interfèrent gravement sur l'exécution de votre contrat de travail.

J'ai donc le regret de vous notifier votre licenciement pour faute grave justifié par les faits ci-dessus exposés et en raison de la gravité de vos manipulations des mécanismes financiers de la société.(.../...)'

Contestant notamment son licenciement, par requête du 12 mai 2017, le salarié saisissait le tribunal du travail de Papeete lequel, par jugement du 16 avril 2018 disait le licenciement fondé sur une faute grave et condamnait l'employeur à payer au salarié la somme de 177 000 F CFP à titre de rappel de salaire au titre de la majoration pour ancienneté

Par déclaration au greffe en date du 24 avril 2018, le salarié relevait appel du jugement.

Par arrêt mixte du 27 février 2020 cette cour disait le licenciement sans cause réelle et sérieuse et avant dire droit sur le fond enjoignait aux partie de conclure sur l'ancienneté de M. [Y].

Par arrêt du 19 avril 2023 la chambre sociale de la Cour de cassation au visa des articles Lp 1222-1, Lp 1222-8,et Lp 1225-1 du code du travail de Polynésie française cassait l'arrêt susvisé et renvoyait devant la chambre sociale de la cour d'appel de Papeete autrement composée au motif 'qu'en statuant ainsi, la cour d'appel à qui il appartient de déterminer si les faits invoqués dans la lettre de licenciement n'étaient pas constitutifs d'un manquement à l'obligation de loyauté dont le salarié était tenu en vertu du contrat de travail comme le soutenait l'employeur dans ses conclusions a violé les articles susvisés'.

Par requête du 12 juillet 2023, M. [Y] saisissait la cour d'appel autrement composée.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Par conclusions régulièrement notifiées le 4 avril 2024, M. [Y] demande à la cour d'infirmer le jugement et de condamner la société à lui payer les sommes suivantes :

-1 175 700 F CFP à titre de rappel de prime d'ancienneté, outre 115 570 F CFP pour les congés payés y afférents,

-25 000 000 CFP à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-5 8777 276 CFP à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 701 542 F CFP pour les congés payés y afférents,

-2 730 000 F CFP à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

-1 000 000 CFP pour licenciement abusif,

-350 000 CFP pour ses frais de procédure.

Il fait valoir essentiellement qu'il a toujours assumé son mandat de dirigeant social à la plus grande satisfaction de l'ensemble des dirigeants de la SDA, qu'il était en toute hypothèse impossible de le licencier pour des faits commis pendant l'exercice de son mandat social, son contrat de travail étant suspendu.

Il affirme que si'l a mis en place un système visant à apurer le solde des congés payés des salariés en mettant leur compte à zéro tout en leur permettant de les prendre sous forme de journées de récupération c'est sans intention frauduleuse mais qu'il s'agit d'une maladresse de gestion dont il estime l'impact à 1,5 million de F CFP.

Pour la gestion des mouvements de pièces détachées, il affirme qu'il s'agit d'un transfert de stocks et non d'une sortie définitive des pièces.

Quant à son rappel de prime, il soutient que, par avenant du 1er octobre 2009, les parties ont convenu qu'il lui serait versé une indemnité mensuelle de 250 000 F CFP ayant le caractère d'une rémunération et que cette prime aurait donc dû être prise en compte pour la détermination de son salaire de base permettant de calculer la prime d'ancienneté.

Par conclusions régulièrement notifiées le 30 novembre 2023, l'employeur sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a dit le licenciement fondé sur une faute grave et son infirmation pour le surplus, le rejet de toutes les demandes du salarié et l'octroi d'une somme de 650 000 F CFP au titre de ses frais irrépétibles.

Il soutient en substance que le salarié était le garant auprès des administrations fiscales, sociales et judiciaires du respect de la légalité, qu'il a pourtant de manière frauduleuse fait porter à zéro le solde des congés payés du personnel en faisant apparaître sur les bulletins de paie des dates de congés fictives, que par de nombreux courriels, il a réitéré ses instructions à telle enseigne que Mme [S] lui faisait parvenir un fichier Excel intitulé 'Suivi congés payés fictifs au 31 12 2016" .

Il ajoute que M. [Y] a également opéré des mouvements frauduleux sur les stocks de pièces détachées en faisant sortir artificiellement des pièces des stocks et en les entreposant dans des cartons dans le but de faire sortir du stock à rotation lente ou obsolètes un ensemble de pièces.

Il affirme que ces faits commis pendant la suspension du contrat de travail n'en sont pas moins sanctionnables dans la mesure où ils constituent un trouble caractérisé.

Pour la prime d'ancienneté, il expose que le prescription quinquennale est acquise pour la période antérieure au 12 mai 2012 et qu'elle n'est pas due pendant la suspension du contrat de travail.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère aux conclusions notifiées par les parties auxquelles elles ont expressément déclaré se rapporter lors des débats.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 avril 2024.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la jonction :

Il paraît d'une bonne administration de la justice de joindre le dossier enrôlé sous le numéro de RG 41/23 au dossier enrôlé sous le numéro de RG 23/18.

Sur le bien fondé du licenciement :

La lettre de licenciement fixe les limites du litige.

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Il appartient à l'employeur d'en rapporter la preuve.

Le salarié est tenu pendant toute la durée du contrat de travail d'une obligation de loyauté et ce même lorsque le contrat de travail est suspendu. Le manquement à cette obligation de loyauté est constitutif d'une faute grave.

En l'espèce, l'employeur démontre, par la production du rapport du commissaire aux comptes, d'attestations et de courriels que les griefs invoqués dans la lettre de licenciement sont établis. Par ailleurs, le salarié reconnaît la matérialité des faits même s'il se retranche derrière des maladresses de gestion.

Or, la mention d'un solde erroné de congés payés sur les fiches de paie, même réalisée pendant la période de suspension du contrat de travail, a crée un trouble certain à la société en générant une double comptabilité pour le calcul des congés payés et en minorant le montant de la provision pour congés payés. Cette manipulation a permis de faire apparaître des résultats positifs pour la société alors qu'elle connaissait de graves difficultés financières comme en atteste son placement en redressement judiciaire. Le commissaire aux comptes atteste que ces faits ont gravement nui à la santé financière de l'entreprise.

Il n'est pas contestable que le salarié est à l'origine de la mise en place de ce système ainsi que cela résulte des attestations et courriels versés aux débats.

Cette attitude qui a conduit la société a établir une comptabilité fictive est caractéristique d'un manquement à l'obligation de loyauté.

La faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise est donc établie sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs et le jugement doit être confirmé de ce chef.

Sur le rappel de prime d'ancienneté :

En application de l'avenant du 1er octobre 2009, le salaire de M. [Y] est majoré 'd'une indemnité mensuelle de 250 000 F CFP qui aura le caractère d'une rémunération et sera donc traitée comme son salaire de base'.

En conséquence, cette prime devait être intégrée dans le salaire de base de M. [Y] servant de calcul à sa prime d'ancienneté.

C'est donc à juste titre que le premier juge a condamné l'employeur à payer de ce chef la somme de 177 000 F CFP de ce chef en tenant compte de la prescription quinquennale et de la période de suspension du contrat de travail.

Le jugement doit être confirmé sur ce point.

Sur l'article 407 du code de procédure civile :

L'équité commande d'allouer à l'employeur la somme de 350 000 F CFP en application de l'article 407 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort ;

Confirme le jugement rendu par le tribunal du travail de Papeete le 16 avril 2018 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne M. [V] [Y] à payer à la Sa SDA Services Distribution Assistance la somme de 350 000 F CFP en application de l'article 407 du code de procédure civile ;

Condamne M. [V] [Y] aux dépens d'appel.

Prononcé à Papeete, le 13 juin 2024.

Le Greffier, Le Président,

signé : M. SUHAS-TEVERO signé : I. MARTINEZ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Papeete
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18/00023
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;18.00023 ?
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