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06/06/2024 | FRANCE | N°23/00255

France | France, Cour d'appel de Papeete, Cabinet b, 06 juin 2024, 23/00255


N° 163



SE

-------------



Copie exécutoire

délivrée à :

- Me Michel,

le 10.06.2024.





Copie authentique délivrée à :

- Me Mestre,

- M. [M],

- Greffe référé Tpi,

le 10.06.2024.



REPUBLIQUE FRANCAISE



COUR D'APPEL DE PAPEETE



Chambre Civile





Audience du 6 juin 2024





RG 23/00255 ;



Décision déférée à la Cour : ordonnance n° 23/202, rg n° 23/00147 du Juge des Référés du Trib

unal Civil de Première Instance de Papeete du 7 août 2023 ;



Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 24 août 2023 ;



Appelante :



VIVERE ADVENTURES LTD, société de droit étranger dont le siège ...

N° 163

SE

-------------

Copie exécutoire

délivrée à :

- Me Michel,

le 10.06.2024.

Copie authentique délivrée à :

- Me Mestre,

- M. [M],

- Greffe référé Tpi,

le 10.06.2024.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D'APPEL DE PAPEETE

Chambre Civile

Audience du 6 juin 2024

RG 23/00255 ;

Décision déférée à la Cour : ordonnance n° 23/202, rg n° 23/00147 du Juge des Référés du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete du 7 août 2023 ;

Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 24 août 2023 ;

Appelante :

VIVERE ADVENTURES LTD, société de droit étranger dont le siège social se trouve [Adresse 2] - Iles Caïmans ;

Représentée par Me François MESTRE, avocat au barreau de Papeete;

Intimé :

M. [T] [J] [E] [F] [I], né le 1er novembre 1985 à [Localité 4], de nationalité française, perliculteur, demeurant à [Adresse 6] ;

Représenté par Me Anne-Laurence MICHEL, avocat au barreau de Papeete ;

Ordonnance de clôture du 9 février 2024 ;

Composition de la Cour :

La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 11 avril 2024, devant M. SEKKAKI, conseiller faisant fonction de président, M. RIPOLL et Mme MARTINEZ, conseillers, qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;

Arrêt contradictoire ;

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Signé par M. SEKKAKI, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A R R E T,

EXPOSE DU LITIGE :

Faits :

M. [T] [I] s'est vu délivrer une autorisation d'occupation du domaine public maritime à des fins perlicoles sur une superficie de 50 ha située dans le lagon de [Localité 5].

Le 9 juin 2022, le yacht «FORMOSA'' transitait dans le lagon de [Localité 5] pour une navigation «sunset cruise» et à 17h46, ce dernier est rentré dans une zone perlicole endommageant des bouées et lignes de la ferme perlière.

Procédure :

Par requête enregistrée au greffe le 7 juin 2023 et suivant acte d'huissier du 5 juin 2023, Monsieur [T] [I] a fait assigner la société VIVERE ADVENTURES LTD devant le juge des référés du tribunal civil de première instance de Papeete afin de :

- sur la demande en rétractation partielle de l'ordonnance 36/2023 du 24 mai 2023, se déclarer incompétent et renvoyer la société VIVERE ADVENTURES ltd à mieux se pourvoir devant le juge de la saisie,

- subsidiairement, la dire mal fondée,

- débouter le société VIVERE ADVENTURES ltd de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- désigner tel expert professionnel en plongée sous-marine et/ou en travaux sous-marins et dans le domaine aquacole, en l'autorisant à s'associer le concours d'un sapiteur dûment spécialisé,

- dire que les experts désignés - non inscrits sur la liste des experts assermentés - devront prêter serment pour le déroulé de leur mission,

- dire que l'expert devra se faire remettre tous documents détenus par la gendarmerie de Patio (PV 656/2022) et par la DRM de Raiatea ou de tout autre autorité, étant intervenue à la suite de la collision du yacht «FORMOSA'' sur les lignes de la ferme perlière de M. [T] [I] sise à [Localité 5]. survenue le 9 juin 2022,

- convoquer les parties, l'armateur du navire «FORMOSA'' appartenant à la Société VIVERE ADVENTURES LTS ou toute personne habilitée à le représenter et M.[T] [I], titulaire de la carte de perliculteur 291/[Localité 5] et bénéficiaire d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public maritime selon arrêté 1178/MED/DRM du 2 février 2022';

- entendre les parties, entendre tous témoins,

- se faire remettre tous documents, journal de mer et tous rapports en cours, de l'expert, de l'armateur, M. [T] [V], et de l'expert des assureurs du navire, M.[G] [H], tous documents de déclaration d'exploitation détenus par la DRM (Direction des Ressources Marines et Minières),

- décrire l'événement du 9 juin 2022 et ses conséquences,

- s'adjoindre le service du nombre de plongeurs nécessaires à la bonne exécution de la mission,

- utiliser tous moyens modernes de prospection sous-marines nécessaires tels que drones et/ou sonars et communiquer la topographie des fonds sous-marins décrivant les dommages. Éventuellement, dire pourquoi une plongée en bouteille n'est pas suffisante,

- explorer la zone de 50 ha attribuée à M. [T] [I], compter les lignes en place et les lignes endommagées, repérables par les corps-morts restés au fond,

- définir la superficie de la zone de lignes endommagées du fait de la collision du «FORMUSA''.

- décrire les dommages, en termes de lignes cassées, paniers perdus, nacres greffées perdues, nacres non greffées perdues, nacres endommagées, et en matériel perdu à remplacer,

- se faire remettre les livres d'exploitation de M. [T] [I] et fixer le nombre de nacres greffées perdues, nacres non greffées perdues,

- donner le prix du marché pour les années 2022 et 2023 ou se référer à tout rapport écrit l'ayant déterminé,

- fixer le préjudice de M. [T] [I] pour la perte des nacres greffées, la perte des nacres non greffées,

- fixer le préjudice lié à la suspension d'activité sur la zone du 9 juin 2022 jusqu'à la remise en exploitation du site,

- fixer le manque à gagner, pour les pertes non vendues/exportées,

- fixer les coûts de remise en état du site, y incluant et les quantifiant tous les matériaux à utiliser': cordes, paniers, ciment/béton, lignes, bouées et autres,

- fixer le coût de la main d''uvre nécessaire à ces travaux de restauration,

- dresser un pré-rapport à soumettre pour dire aux parties dans un délai de 15 jours,

- déposer le rapport dans un délai de trois mois à compter du prononcé de l'ordonnance à intervenir,

- Dire que la consignation devra être versée au greffe du Tribunal par l'armateur du navire «FORMOSA'' et que les frais complémentaires d'expertise seront mis à la charge de l'armateur,

- Dire que l'obligation de la Société VIVERE ADVENTURES LTD n'est pas sérieusement contestable et condamner la Société VIVERE ADVENTURES LTD à payer, à titre de provision, à M. [T] [I], la somme de 20.000.000 fcp pour la restauration du site et sa remise en exploitation,

- Condamner la Société VIVERE ADVENTURES LTD à payer à M. [T] [I] la somme de 300.000 fcp au titre de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française et aux entiers dépens.

Par ordonnance n° RG 23/00147 en date du 7 août 2023, le juge des référés du tribunal civil de première instance de Papeete a statué en ces termes :

'- Déclarons irrecevable la demande de rétractation de l'ordonnance sur requête du n°36/2023 du 24 mai 2023,

- Condamnons la société VIVERE ADVENTURES Ltd à payer à M. [T] [I] la somme de 15 000 000 xpf à titre de provision,'

- Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir comme elles en avi-seront mais dès à présent, tous droits et moyens des parties réservés,

- Ordonnons une expertise et désignons pour y procéder [M] [X], expert inscrit sur la liste établie par la cour d'appel de NOUMEA, [Adresse 1] - [Courriel 3] , avec mission de :

- se faire assister de ODEWA (bureau d'études Ocean and deep water engineering), sapiteur dûment spécialisé dans le domaine des ouvrages maritimes, qui prêtera serment pour le déroulé de sa mission,

- se faire remettre tous documents détenus par la gendarmerie de Patio (PV 656/2022) et par la DRM de Raiatea ou de tout autre autorité, étant intervenue à la suite de la collision du yacht «FORMOSA'' sur les lignes de la ferme perlière de M. [T] [I] sise à [Localité 5], survenue le 9 juin 2022,

- se faire remettre tous documents, journal de mer et tous rapports en cours, de l'expert, de l'armateur, M. [T] [V], et de l'expert des assureurs du navire, M. [G] [H], tous documents de déclaration d'exploitation détenus par la DRM (Direction des Ressources Marines et Minières),

- convoquer les parties, l'armateur du navire «FORMOSA'' appartenant à la Société VIVERE ADVENTURES LTS ou toute personne habilitée à le représenter et M. [T] [I],

se rendre sans délai à la ferme perlière de M. [I] à [Localité 5], les parties précédemment convoquées, entendre toute partie, témoin, sachant, se faire remettre tout document utile,

- décrire la ferme perlière de M. [I] avant le sinistre, y compris sa signalisation,

- décrire l'événement du 9 juin 2022 et fournir tout élément technique de nature à permettre d'arbitrer les responsabilités,

exécuter des recherches sous marines sur une surface de la ferme suffisamment représentative pour obtenir une estimation fiable,

- définir la superficie de la zone de lignes endommagées du fait de la collision du «FORMOSA'',

- décrire les dommages, en termes de lignes cassées, paniers perdus, nacres greffées perdues, nacres non greffées perdues, nacres endommagées, et en matériel perdu à remplacer,

- se faire remettre les livres d'exploitation de M. [I] et les déclarations annuelles de quantité de perles enregistrées par M. [I] auprès de la Direction des Ressources Marines pour les années 2019, 2020 et 2021 ainsi que les déclarations fiscales sur la même période,

donner le prix du marché pour les années 2022 et 2023 ou se référer à tout rapport écrit l'ayant déterminé,

- fixer le préjudice de M. [T] [I] pour la perte des nacres greffées, la perte des nacres non greffées,

- fixer le préjudice lié à la suspension d'activité sur la zone du 9 juin 2022 jusqu'à la remise en exploitation du site,

- fixer les coûts de remise en état du site, y incluant et les quantifiant tous les matériaux à utiliser': cordes, paniers, ciment/béton, lignes, bouées et autres,

- fixer le coût de la main d''uvre nécessaire à ces travaux de restauration,

- fournir tous éléments techniques et de fait afin de permettre de déterminer les responsabilités encourues,

- plus généralement faire toutes constatations et formuler toutes observations utiles en vue de permettre ultérieurement la solution du litige,

- Disons que la mise en 'uvre de la mesure d'expertise sera suivie par le juge chargé du contrôle des mesures d'instruction, selon les modalités suivantes :

- L'expert fera connaître son acceptation et, en cas de refus ou d'empêchement légitime ou de négligence, le juge procédera à son remplacement par ordonnance rendue sur simple requête à sa demande, à celle de la partie la plus diligente ou d'office par le juge,

- L'expert devra convoquer les parties par lettre recommandée avec accusé de réception à toutes les réunions d'expertise, avec copie en lettre simple ou télécopie ou courriel aux conseils de celles-ci après avoir préalablement pris leur convenance,

- Avant la première réunion organisée par l'expert les parties devront lui communiquer dans les huit jours de la connaissance de la date de la réunion tous les documents se rapportant au litige et les demandeurs à l'expertise communiqueront leurs pièces numérotées sous bordereau daté.

- L'expert devra impartir aux parties un délai de rigueur pour déposer les pièces justificatives qui lui paraîtraient nécessaires et qui ne lui auraient pas été communiquées spontanément. Le cas échéant, à l'expiration de ce délai, l'expert pourra saisir le juge pour faire ordonner la production de ces documents sur le fondement de l'article 154 du même code, s'il y a lieu sous astreinte ou être autorisé à passer outre, poursuivre ses opérations et conclure sur les éléments en sa possession,

- L'expert accomplira personnellement sa mission ; en particulier il pourra recueillir les déclarations et l'avis de toutes personnes informées et aura la faculté de s'adjoindre tout spécialiste dans une spécialité distincte de la sienne conformément aux dispositions de l'article 156 du code de procédure civile de la Polynésie française,

- Pour l'exécution de sa mission, l'expert s'entourera de tous renseignements utiles à charge pour lui d'en mentionner l'origine, il pourra recueillir toutes informations orales ou écrites des toutes personne en précisant dans son rapport, leurs nom, prénom, adresse, profession ainsi que, le cas échéant, leur lien de parenté ou d'alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d'intérêts avec elles,

- La société VIVERE ADVENTURES Ltd fera l'avance des frais d'expertise et devra consigner la somme de 600 000 xpf à la régie d'avance et des recettes du Tribunal de Première instance de Papeete, au plus tard le 7 septembre 2023, destinée à garantir le paiement des frais et honoraires de l'expert,

- Si le demandeur obtient une décision d'aide juridictionnelle en cours d'instance, il sera d'office dispensé de consigner les frais d'expertise et devra transmettre la copie de la décision d'aide juridictionnelle au service des expertises,

- A défaut de consignation dans le délai et selon les modalités imparties, et sauf prorogation du délai de consignation accordée pour motif légitime ou relevé de caducité décidé par le juge, la désignation de l'expert sera caduque conformément à l'article 149 du code de procédure civile de la Polynésie française, à moins que le juge, à la demande d'une des parties se prévalant d'un motif légitime, ne décide une prorogation du délai ou un relevé de la caducité,

- L'expert commencera ses opérations dès qu'il aura été avisé par le greffe que la consignation, ou que le montant de la première échéance dont la consignation a pu être assortie, a été versée en application de l'article 147 du code de procédure civile de la Polynésie française,

- À tout moment, s'il se révèle que les frais d'expertise seront nettement supérieurs au montant de la provision, l'expert doit en aviser le juge qui peut fixer un supplément de consignation, après avoir recueilli les observations des parties,

- L'expert devra vérifier que les parties ont été à même de débattre des constatations ou des documents au vu desquels il entend donner son avis. Une fois ses opérations terminées, l'expert communiquera à chacune des parties, sous forme de pré-rapport le'résultat de ses constatations ainsi que les conclusions auxquelles il sera parvenu, recevra et répondra aux observations que les parties auront jugé utile de lui adresser sous forme de dires à annexer au rapport définitif,

- Lorsque l'expert transmettra son pré-rapport aux parties, il leur impartira un délai maximum de six semaines pour recueillir leurs observations ou réclamations récapitulatives, et, à l'expiration de ce délai, il ne sera pas tenu de prendre en compte les observations tardives, sauf cause grave et dûment justifiée, auquel cas il en fera rapport au juge et précisera s'il n'a reçu aucune observation,

- Sauf prorogation dûment autorisée par le juge, l'expert devra remettre directement un exemplaire à chacune des parties, sauf accord de celles-ci pour remettre le rapport uniquement à leurs avocats,

- L'expert déposera un exemplaire au greffe du Tribunal, avant le 7 février 2024,

- Le cas échéant, l'avis du technicien qu'il s'est adjoint sera joint au rapport de l'expert,

- Dans le cas où les parties viendraient à se concilier, l'expert devra constater que sa mission est devenue sans objet et en faire rapport au juge,

- Sur la justification de l'accomplissement de sa mission, le juge fixe la rémunération de l'expert et l'autorise à se faire remettre jusqu'à due concurrence les sommes consignées au greffe,

- Il ordonne le versement des sommes complémentaires à l'expert par la partie à la charge de laquelle a été mise l'obligation de consigner,

- Il ordonne s'il y a lieu la restitution de la partie des sommes consignées en excédent,

- L'ordonnance rendue par le juge peut être frappée par tout intéressé d'un recours devant le premier président, dans le délai de un mois à compter de la notification qui est faite à l'intéressé.

- Laissons à chaque partie la charge des dépens qu'elle a exposés ;

- Rejetons le surplus des demandes.'

La société VIVERE ADVENTURES LTD a relevé appel de ce jugement par requête enregistrée au greffe le 24 août 2023.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 février 2024, et l'affaire fixée à l'audience de plaidoirie du 14 mars 2024, renvoyé à la demande des parties pour plaidoirie à l'audience du 11 avril 2024.

A l'issue de celle-ci, les parties ont été informées que la décision, mise en délibéré, serait rendue le 23 mai 2024 par mise à disposition au greffe, délibéré prorogé au 6 juin 2024.

Prétentions et moyens des parties :

La société VIVERE ADVENTURES LTD, appelante, demande à la Cour par dernières conclusions régulièrement transmises le 5 janvier 2024, de :

' confirmer l'ordonnance de référé du 7 août 2023 tribunal civil de première instance de Papeete en ce qu'elle :

*impose un sapiteur l'expert,

* définie une mission d'expertise trop contraignante, tenant pour acquis l'existence d'un préjudice indemnisable, et imposant l'expert judiciaire désigné la nomination d'un sapiteur demandé par Monsieur [T] [I] (la société ODEWA),

*met à la charge du défendeur l'avance des frais d'expertise,

* condamne VIVERE ADVENTURES LTD au paiement d'une provision de 15 millions F CFP,

et statuant à nouveau,

' acter à nouveau les protestations et réserves de la requérante, et confirmé la désignation de l'expert avec la mission ci-dessus transcrite,

' mettre à la charge de Monsieur [T] [I] l'avance des frais d'expertise,

' débouter Monsieur [T] [I] de sa demande de provision l'état de contestation sérieuse, subsidiairement, fixer le montant de la provision une somme de 5 millions F CFP au maximum,

' condamner Monsieur [T] [I] aux dépens et à la somme de 300'000 F CFP au titre de l'article 407 du code des pensions civiles la Polynésie française.

Monsieur [T] [I], intimé, par dernières conclusions régulièrement transmises le 18 janvier 2024 demande à la Cour de :

' confirmer l'ordonnance du 7 août 2023,

' débouter la société VIVERE ADVENTURES LTD de toutes ses demandes et conclusions,

' la condamner à payer à Monsieur [T] [I] la somme de 300'000 F CFP au titre de l'article 407 du code de pensions civiles de la Polynésie française, et la condamner aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits de la cause, des procédures, des prétentions et moyens dont la Cour est saisie, il est renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions d'appel des parties. L'exposé des moyens des parties, tel que requis par les dispositions de l'article 268 du code de procédure civile de la Polynésie française, sera renvoyé à la motivation ci-après à l'effet d'y répondre.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la demande d'expertise :

La société VIVERE ADVENTURES LTD considère que l'article 156 du code de procédure civile la Polynésie française ne permet pas au juge de désigner le sapiteur de l'expert mais laisse à ce dernier le soin de choisir. Elle reproche par ailleurs à la mission décidée par le juge des référés en raison du trop grand détail des diligences à effectuer, pouvant gêner l'expert pour mener sa mission comme bon lui semble, et le fait que la mission tient pour acquis qu'il y a un préjudice fixé, lesquels se chevauchent d'ailleurs. Elle reproche également au juge des référés avoir mis à sa charge l'avance des frais d'expertise, alors même que celle-ci incombe normalement au demandeur à la mesure, l'inverse préjuge en de sa responsabilité.

Monsieur [T] [I] justifie sa demande initiale de voir désigner un sapiteur précis adjoint de l'expert pour être sûr que la mission puisse accomplir dans toutes ses dimensions en particulier dans le domaine des ouvrages maritimes. Sur la mission, il considère qu'il n'y a pas lieu de la modifier, la précision des demandes étant justifiée par la particularité de l'activité de perliculture. Sur l'avance des frais à la charge de la société VIVERE ADVENTURES LTD il rappelle le juge des référés a décidé sur le fondement des dispositions de l'article 142 du code des pensions civiles de la Polynésie française, t'es aucun texte imposant que les frais d'expertise supportée par le demandeur seul. Il souligne que ses revenus sont insuffisants par rapport à seule société VIVERE ADVENTURES LTD et que par ailleurs le sinistre lui a causé un préjudice important, cette disparité entre les 2 parties justifiant que l'expertise soit mise à la charge de la société VIVERE ADVENTURES LTD.

Sur ce :

Il résulte de l'article 84 du code de procédure civile de la Polynésie française que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées en référé à la demande de tout intéressé.

L'article 140 de ce code dispose que le juge chargé de suivre la procédure ou la juridiction peut, après avoir entendu les parties, commettre toute personne de son choix pour l'éclairer sur les questions de fait requérant les connaissances d'un ou plusieurs experts.

L'article 141 précise que la décision qui ordonne l'expertise expose les circonstances qui la rendent nécessaire et, s'il y a lieu, qui nécessitent la désignation de plusieurs experts :

- nomme le ou les experts,

- énonce d'une façon précise les chefs de la mission,

- impartit le délai dans lequel l'expert devra donner son avis,

- fixe la date de l'audience à laquelle la procédure sera rappelée après dépôt du rapport,

Elle peut aussi donner mission à l'expert de constater l'éventuel accord des parties.

L'article 142 du même code prévoit que la décision doit également :

- fixer le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert,

- désigner la partie qui devra la consignation,

- lui impartir un délai pour le faire au greffe de la juridiction.

La provision doit être aussi proche que possible du coût réel de l'expertise et, si le juge n'est pas en mesure de la fixer au moment de la décision, elle sera fixée dès que possible par le juge chargé de suivre la procédure ou de surveiller les opérations d'expertise.

L'article 156 de ce code prévoit que l'expert peut prendre l'initiative de recueillir l'avis d'un autre technicien, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne.

Le principe de l'expertise n'est pas contesté par les parties.

Si la société VIVERE ADVENTURES LTD fait reproche au juge des référés d'avoir désigné un expert et un sapiteur, en arguant du fait que seul l'article 156 prévoit que le recueil de l'avis d'un autre technicien relève de l'initiative de l'expert uniquement, la cour considère que les articles 140 et 141 permet de désigner un ou plusieurs experts, peu important la dénomination qui leur est donnée, le juge des référés qui a désigné comme expert [X] [M] et lui a adjoint, en le qualifiant de sapiteur, ODEWA (bureau d'études Ocean and deep water engineering), en réalité désigner 2 experts le premier à titre principal et le second pour la spécialité relevant de ses compétences. De même le choix des experts critiqués pour partie par la société VIVERE ADVENTURES LTD, a été justement décidé par le juge des référés en fonction de leurs compétences respectives, la proximité alléguée entre un des experts et Monsieur [T] [I] n'étant pas démontrée.

Sur le trop grand détail de la mission d'expertise, et les chefs de cette mission demandant l'évaluation d'un préjudice alors que celui-ci n'est pas démontré, la cour constate la particulière technicité des questions posées par le litige entre les parties et la nécessité d'y répondre de manière la plus précise possible, ce qui a justement nécessité la particulière précision des questions de la mission. Par ailleurs alors même que l'expertise est décidée notamment pour déterminer dans quelle mesure Monsieur [T] [I] aurait subi un préjudice, il est bien évident que celui-ci doit être établi le plus précisément possible, la question de la faute éventuelle ayant occasionné ce préjudice et de l'auteur de la faute étend réglé le cas échéant par le juge du fond, sans que l'expertise ne vienne dès lors imposer à l'expert de s'avancer sur ces sujets qui seront tranchés par le juge, ni préjuger la responsabilité de société VIVERE ADVENTURES LTD. Les chefs de mission par leur précision et la nécessité de l'établissement préjudice subi par Monsieur [T] [I] sont donc justifiés.

Enfin contrairement à ce qu'indique la société VIVERE ADVENTURES LTD, les dispositions susvisées n'imposent en aucun cas de faire supporter systématiquement et par principe l'avance des frais d'expertise au demandeur à la mesure d'instruction, le juge des référés ayant justement apprécié la disparité de revenus entre les parties, la nature des demandes, et l'utilité de l'expertise pour mettre à la charge de la société VIVERE ADVENTURES LTD l'avance des frais d'expert, cette appréciation justifiée devant être confirmé par la cour.

Par conséquent l'ordonnance du juge des référés ayant ordonné l'expertise, la mission qui a été confiée, l'avance des frais, les experts désignés et tous les autres attributs de la mesure détaillés dans le dispositif doivent être confirmés.

Sur demande de provision :

La société VIVERE ADVENTURES LTD rappelle que la demande de Monsieur [T] [I] est soumise aux règles de l'abordage posé par les articles L. 5131 ' un et suivants du code des transports lesquels imposent de prouver la faute du navire et le lien de causalité entre cette faute et le dommage. Aurait considéré que l'obligation d'indemniser contestable d'une part parce que la signalisation de la ferme de

Monsieur [T] [I] n'était pas conforme à la réglementation applicable, d'autre part parce que la ferme de Monsieur [T] [I] n'était pas mentionnée sur les cartes marines, de 3e part car le navire n'a commis aucune faute. Subsidiairement elle conteste le montant fixé de 15 millions F CFP fonder sur la seule allégation de Monsieur [T] [I] et non motivé alors même que l'expertise obtenue par l'armateur fixait un préjudice égal à 10 % du chiffre allégué par Monsieur [T] [I], soit 15'356'064 F CFP. Elle conteste donc que puisse être allouée une provision qui serait l'équivalent de la totalité du préjudice allégué.

Monsieur [T] [I] rappelle que si dispositions du code des transports sur l'abordage reprennent les dispositions de la loi du 7 juillet 1967, ce sont ces dernières dispositions qui sont applicables en Polynésie française. Elle détail des dispositions locales qui permet de retenir le principe de la responsabilité civile de l'armateur et les raisons factuelles qui conduisent à retenir un fait d'abordage non contesté. Il considère que la provision est minime par rapport au préjudice évalué en juin 2022 par l'expert de l'assureur du yacht à hauteur de 161'352'400 5F CFP et par le perliculteur lui-même à hauteur de 153'560'647 F CFP. Elle rappelle que sa demande de provision est basée sur la nécessité de remettre en eau de nouvelles nacres à la place de celles détruites ou perdues. Il considère que l'absence de signalisation sur la carte marine réglementaire (SHOM) n'enlève rien à l'obligation pour le navigateur dans les lagons d'effectuer une veille attentive, ajoutant par ailleurs que la signalisation de la ferme par des bouées coniques jaunes délimitant la ferme perlière ont été aperçue par le capitaine du navire qu'il a indiqué dans son rapport de mer.

Sur ce :

En vertu de l'article 433 du code de procédure civile de la Polynésie française, dans le cas où l'existence d'une obligation n'est pas contestable, le président peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Les parties ont débattu sur les dispositions applicables qui fonderaient l'éventuelle responsabilité de la société VIVERE ADVENTURES LTD dans le sinistre subi par Monsieur [T] [I], la première contestant le caractère non sérieusement contestable de l'obligation de payer des dommages-intérêts au second. Qu'il s'agisse des dispositions des articles L.5131-1 et suivants du code des transports, selon la société VIVERE ADVENTURES LTD plus restrictive, ou des dispositions de la loi du 7 juillet 1967 ainsi que de l'arrêté 1259 CM du 31 juillet 2017, il est nécessaire de prouver la faute du navire.

Or il n'est pas contesté que le navire s'est rendu responsable d'un fait d'abordage, qui a eu des conséquences directes sur la ferme perlicole de Monsieur [T] [I], et que ce fait est constitutif d'une faute et lorsqu'il résulte tout le moins du rapport de mer du 9 juin 2022 du capitaine du Spica que celui-ci a tenté d'alerter par radio VHF à 4 reprises le navire formosa de ce que la route et la vitesse à laquelle il se dirigeait vers la passe allait le conduire à heurter la concession perlière,

le capitaine du formosa ayant répondu qu'au bout du 4e appel. Les développements de la société VIVERE ADVENTURES LTD sur l'éventuelle contribution aux dommages de Monsieur [T] [I] ne permettent pas d'exclure la responsabilité de la société responsable du navire et par conséquent de l'exclure de sorte que son obligation d'indemniser Monsieur [T] [I] n'est pas sérieusement contestable.

Sur le montant de la provision accordée par le juge des référés, si l'on peut juger insuffisante l'autoévaluation effectuée par Monsieur [T] [I] de son préjudice, constitué d'un devis estimatif et quantitatif écrit à la main sur une feuille (pièce n° 8 de l'intimé), il n'en reste pas moins qu'elle rejoint pour l'essentiel celle effectuée par un expert désigné par l'armateur les 2 conduisant à des pertes totales évaluées à plus de 150 millions F CFP. En considération de l'obligation non sérieusement contestable de la société VIVERE ADVENTURES LTD d'indemniser Monsieur [T] [I], tout en tenant compte de la réalité du préjudice, de son chiffrage, et de l'éventuel partage de responsabilité qui pourrait être tranchée par le juge du fond, la provision de 15 millions de francs pacifiques accordée est justifiée.

Il convient par conséquent de confirmer l'ordonnance du juge des référés.

Sur les frais et dépens :

Il serait inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, il convient par conséquent de confirmer la décision du tribunal qui les a déboutés de leurs demandes à ce titre, il convient de la même manière de les débouter au titre des frais d'appel non compris dans les dépens de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.

Les dépens de première instance ont été justement laissés à la charge de chaque partie et la décision en ce sens sera confirmée et les dépens d'appel seront supportés par la société VIVERE ADVENTURES LTD qui succombe conformément aux dispositions de l'article 406 du code de procédure civile de la Polynésie française.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME l'ordonnance n° RG 23/00147 en date du 7 août 2023 du juge des référés du tribunal civil de première instance de Papeete en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

DEBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

CONDAMNE la société VIVERE ADVENTURES LTD aux entiers dépens d'appel.

Prononcé à Papeete, le 6 juin 2024.

Le Greffier, Le Président,

signé : M. SUHAS-TEVERO signé : K. SEKKAKI


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Papeete
Formation : Cabinet b
Numéro d'arrêt : 23/00255
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;23.00255 ?
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