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22/06/2023 | FRANCE | N°23/00136

France | France, Cour d'appel de Papeete, Cabinet d, 22 juin 2023, 23/00136


N° 257



GR

-------------





Copies authentiques délivrées à :

- Ministère Public,

- Me Vergier,

- Me Tefan,

- Sas Lupesina Marara,

- New Marara,

- [P] [N],

- Me Laudon,

- Mme Greffier RC,

- Mme Greffier TMC,

le 28.06.2023.

REPUBLIQUE FRANCAISE



COUR D'APPEL DE PAPEETE



Chambre Commerciale





Audience du 22 juin 2023





RG 23/00136 ;



Décision déférée à la Cour : jugement n° 202./102, rg

n° 2022 001068 du Tribunal Mixte de Commerce de Papeete du 24 avril 2023 ;



Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 4 mai 2023 ;



Appelant :



Le Ministère Public ;

Ayant conclu ;


...

N° 257

GR

-------------

Copies authentiques délivrées à :

- Ministère Public,

- Me Vergier,

- Me Tefan,

- Sas Lupesina Marara,

- New Marara,

- [P] [N],

- Me Laudon,

- Mme Greffier RC,

- Mme Greffier TMC,

le 28.06.2023.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D'APPEL DE PAPEETE

Chambre Commerciale

Audience du 22 juin 2023

RG 23/00136 ;

Décision déférée à la Cour : jugement n° 202./102, rg n° 2022 001068 du Tribunal Mixte de Commerce de Papeete du 24 avril 2023 ;

Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 4 mai 2023 ;

Appelant :

Le Ministère Public ;

Ayant conclu ;

Intimés :

La Sas Lupesina Private Island dont le siège social est sis à [Adresse 12] ;

Non comparante ;

La Sas Royal [Localité 5] , Rcs Papeete n° 02199 B dont le siège social est sis à [Adresse 11], représentée par Mme [Z];

Représentée par Me Jean-Michel VERGIER, avocat au barreau de Papeete ;

La Sas New Marara dont le siège social est sis à [Adresse 13] ;

Non comparante ;

La Arkan Hermes Centauri Hôtel, Groupe Usa LTD dont le siège social est sis [Adresse 4] Usa, représentée par son M. [E] [V] [M], co-président et directeur général ;

Représentée par Me John TEFAN, avocat au barreau de Papeete ;

Me [P] [N], [Adresse 6], commissaire à l'exécution du plan ;

Comparant ;

Mme [A] [C], née le [Date naissance 2] 1971 à [Localité 5], demeurant à [Adresse 15], représentante des salariés de l'hôtel Sofitel Marara ;

Mme [Y] [D], née le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 5], demeurant à [Adresse 8], représentante des salariés de l'hôtel Sofitel Private Island ;

Mme [T] [O], née le [Date naissance 3] 1970 à [Localité 5], représentant son époux [W] [O], propriétaire des terres indivises occupées par les Hotels Sofitel ;

Toutes trois représentées par Me Sandra LAUDON, avocat au barreau de Papeete ;

Composition de la Cour :

Après communication de la procédure au ministère public conformément aux articles 249 et suivants du code de procédure civile de la Polynésie française et la cause a été débattue et plaidée en audience non publique du 8 juin 2023, devant M. RIPOLL, conseiller désigné par l'ordonnance n° 57/OD/PP.CA/22 du premier président de la Cour d'Appel de Papeete en date du 7 novembre 2022 pour faire fonction de président dans le présent dossier, Mme BRENGARD et Mme GUENGARD, présidents de chambre, qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;

Arrêt par défaut ;

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Signé par M. RIPOLL, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A R R E T,

FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES :

Le litige a pour objet l'adoption de plans de cession de deux hôtels à [Localité 5], dont l'activité a cessé, dans le cadre des redressements judiciaires de leurs propriétaires, les sociétés SAS LUPESINA MARARA et SAS LUPESINA PRIVATE ISLAND.

La cour statue par deux arrêts sur les appels formés par le ministère public à l'égard des deux jugements rendus dans ces deux procédures collectives.

La société LUPESINA PRIVATE ISLAND SAS, propriétaire de l'hôtel SOFITEL [Localité 5] PRIVATE ISLAND, a été placée en redressement judiciaire par jugement du 26 septembre 2022. Dans son rapport au tribunal à l'audience du 24 avril 2023, le représentant des créanciers a indiqué que :

le passif déclaré était d'un montant de 674 252 711 F CFP ;

la société emploie 19 salariés ; les salaires et charges ne sont plus réglés ;

il n'y a plus d'activité et une reprise n'est pas envisageable ;

des repreneurs éventuels ont présenté des offres (sociétés NEW MARARA, ROYAL [Localité 5], DOHA PROPERTIES, REDCORE, OGENES, ARKAN HERMES) ; seule l'offre de la société SAS ROYAL [Localité 5] mentionne des garanties d'exécution ;

les représentants du personnel ont été consultés.

Par jugement rendu le 24 avril 2023, le tribunal mixte de commerce de Papeete a :

Homologué le plan de cession totale des actifs de la SAS LUPESINA PRIVATE ISLAND à la SAS ROYAL [Localité 5] ;

Dit que la cession sera réalisée selon les modalités suivantes :

- Cession des actifs mobiliers et immobiliers, suivants, de la SAS LUPESINA PRIVATE ISLAND :

Bail commercial initialement conclu entre consorts [J]-[B]-[O]- [U] et la SA MARARA, sur les parcelles cadastrée [Cadastre 9] et [Cadastre 10] lieudit [Localité 14], - [Localité 5] - ILES SOUS LE VENT ' POLYNÉSIE FRANÇAISE faisant l'objet de l'article DÉSIGNATION du bail authentique, en date du 20 décembre 1996,

Droits issus de l'arrêté n° 1040 CM du 17 mai 2018 portant autorisation d'occupation temporaire de divers emplacements du domaine public maritime sis commune de Bora Bora, commune associée de Anau,

Ensemble des bâtiments édifiés sur les parcelles [Cadastre 9] et [Cadastre 10] lieudit [Localité 14],- [Localité 5] - ILES SOUS LE VENT - POLYNÉSIE FRANÇAISE et sur les parcelles de l'autorisation d'occupation du domaine public maritime , à savoir :

5 bungalows «jardin», 6 bungalows «plage», 20 bungalows pilotis, une réception-restaurant-bar et autres petits bâtiments techniques, dans l'état où ils se trouvent,

Ensemble des équipements, outillages, aménagements, meubles et accessoires se trouvant dans les différents bâtiments cédés et parcelles données à bail, ou en constituant les accessoires ;

- Paiement du prix de cession, soit la somme de vingt-cinq millions de francs pacifiques (25.000.000 FCP), au jour où le présent jugement sera définitif, réparti ainsi :

10 millions F.CFP (dix millions F.CFP) au titre de la cession du bail commercial et des droits issus de l'arrêté n°1040 CM du 17 mai 2018,

14 millions F.CFP (quatorze millions F.CFP) au titre de la cession des constructions édifiées sur lesdites parcelles (bail et autorisation d'occupation du domaine public),

1 million au titre de la cession des matériels et équipements divers,

Interdiction de réaliser des cessions d'actifs, dans les conditions de l'offre,

transmission à la SAS ROYAL [Localité 5] de la charge de la sûreté garantissant le paiement de l'emprunt qui a servi à financer le bien sur lequel elle porte et qui a été cédé ;

Dit que le présent jugement vaudra acte de vente du bail commercial, ainsi que des bâtiments édifiés sur les parcelles [Cadastre 9] et [Cadastre 10] lieudit [Localité 14],- [Localité 5] - ILES SOUS LE VENT - POLYNÉSIE FRANÇAISE et sur les parcelles de l'autorisation d'occupation du domaine public maritime ; aura pour effet de fixer la date du transfert de propriété à cette date et sera publié au service de la publicité foncière à l'initiative de la partie la plus diligente ;

Ordonné la reprise de 8 contrats de travail avec les droits sociaux acquis, mentionnés dans l'offre du 3 avril 2023 ( 1 réceptionniste - 2 femmes de chambres - 1 assistante gouvernante - 1 chef d'équipe maintenance - 1 commis maintenance - 1 responsable nautique - 1 pilote bateau) ;

Autorisé le licenciement des 11 salariés, qui ne sont pas repris, sur les 19 salariés figurant sur le registre du personnel, sous réserve que ceux-ci soient encore salariés de la SAS LUPESINA PRIVATE ISLAND au jour de la procédure ;

Dit n'y avoir lieu au transfert au profit du cessionnaire des autres contrats en cours, notamment ceux mentionnés comme n'étant pas visés par son offre du 3 avril 2023 ;

Désigné la SAS ROYAL [Localité 5] et Mme [X] [Z] comme personnes en charge de l'exécution du plan ;

Désigné M. [S] [G] juge commissaire et Me [P] [N] en qualité de commissaire à l'exécution du plan ;

Ordonné la liquidation judiciaire de la SAS LUPESINA PRIVATE ISLAND ;

Désigné Me [P] [N] commissaire à l'exécution du plan, pour procéder aux opérations de liquidation judiciaire de la SAS LUPESINA PRIVATE ISLAND ;

Rappelé que le jugement qui prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens ;

Ordonné les notifications et mesures de publicité prévues par la loi ;

Ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

Le procureur de la République a relevé appel par requête enregistrée au greffe de la cour d'appel le 4 mai 2023.

La société ARKAN HERMES CENTAURI HOTEL GROUPE USA LTD a déposé le 7 juin 2023 des conclusions d'intervention volontaire.

Il est demandé :

1° par le procureur général, appelant, de :

Déclarer l'appel recevable ;

Infirmer le jugement entrepris ;

2° par la SAS ROYAL [Localité 5], intimée, dans ses conclusions visées le 7 juin 2023, de :

Par application des articles 45 et suivants du CODE DE PROCÉDURE CIVILE DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE ; ainsi que des articles du Code de Commerce visés aux présentes,

Constater que l'intervention de la société de droit étranger ARKAN HERMES CENTAURI HOTEL Ltd est hors délai, donc irrecevable et lui opposer une fin de non-recevoir ;

Constater que l'intervention de la société de droit étranger ARKAN HERMES CENTAURI HOTEL Ltd est irrecevable, car aucune voie de recours (ni appel, ni opposition ou tierce-opposition, ni intervention) n'est ouverte aux candidats évincés, et lui opposer une fin de non-recevoir ;

Constater que l'appel formé par le Ministère Public est hors délai, donc irrecevable et lui opposer une fin de non-recevoir ;

À titre infiniment subsidiaire, dans le respect de l'article L 621-85 du Code de Commerce,

débouter le Ministère Public de son appel et confirmer le jugement entrepris ;

Laisser à chaque partie la charge de ses dépens ;

3° par la société ARKAN HERMES CENTAURI HOTEL GROUPE USA LTD, intervenante volontaire, dans ses conclusions visées le 6 juin 2023, de :

infirmer les deux jugements du 24 avril 2023 ayant homologué la cession des actifs de la SAS LUPESINA PRIVATE ISLAND et la SAS NEW MARARA à la SAS ROYAL BORA ;

À titre principal,

Déclarer que les offres de la société ARKAN HERMES CENTAURI HOTEL LTD sont supérieures ;

Par conséquent, homologuer la cession des actifs de la SAS LUPESINA PRIVATE ISLAND et la SAS NEW MARARA à la société ARKAN HERMES CENTAURI HOTEL LTD ;

À titre subsidiaire,

renvoyer cette affaire devant le Tribunal de commerce de Papeete ;

ordonner au Tribunal du commerce de Papeete un réexamen des offres dont celles de ARKAN HERMES CENTAURI HOTEL LTD à la lumière des pièces fournies par cette dernière.

Il est répondu dans les motifs aux moyens et arguments des parties, aux écritures desquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la recevabilité de l'appel :

Après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur, l'administrateur, le représentant des créanciers, un contrôleur ainsi que les représentants du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, le tribunal statue au vu du rapport de l'administrateur et arrête un plan de redressement ou prononce la liquidation.

Ce plan organise soit la continuation de l'entreprise, soit sa cession, soit sa continuation assortie d'une cession partielle (C. com. en vigueur en Polynésie française, art. L621-62).

Le jugement arrêtant ou rejetant le plan de continuation ou de cession de l'entreprise est rendu en audience publique. Il est signifié à la diligence du greffier aux personnes, autres que le procureur de la République, qui peuvent en interjeter appel. Il est en outre notifié par simple lettre du greffier à toute personne tenue de l'exécuter, conformément à l'article 62 de la loi du 25 janvier 1985 (Dél. n° 90-36 AT du 15 févr. 1990 mod., art. 78).

Sont susceptibles d'appel ou de pourvoi en cassation les décisions statuant sur la liquidation judiciaire, arrêtant ou rejetant le plan de continuation de l'entreprise de la part du débiteur, de l'administrateur, du représentant des créanciers, du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ainsi que du ministère public même s'il n'a pas agi comme partie principale. L'appel du ministère public est suspensif (art. L623-1-I-2° & II).

Le délai d'appel, pour le procureur de la République et le cessionnaire, des jugements mentionnés à l'article 174 de la loi du 25 janvier 1985 est de dix jours à compter du prononcé du jugement.

L'appel du procureur de la République est fait par une déclaration d'appel remise ou adressée au secrétariat-greffe de la cour d'appel (Dél. n° 90-36 AT, art. 146 & 147).

La computation des délais en matière commerciale s'effectue selon les dispositions du code de procédure civile de la Polynésie française (C.P.C.P.F., art. 440-16).

Tout délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, sera prorogé jusqu'au jour ouvrable suivant. Le jour de la notification et le jour de l'échéance ne sont pas comptés dans les délais de procédure (C.P.C.P.F., art. 28 & 29).

Le jugement dont appel a été prononcé le 24 avril 2023. L'appel a été formé le dixième jour suivant, le 4 mai 2023, et ce jour n'est pas compté dans le délai.

L'appel est donc recevable.

Sur la recevabilité de l'intervention volontaire :

La société ARKAN HERMES CENTAURI HOTEL GROUPE USA LTD dont l'offre a été évincée n'est pas une partie à la procédure et n'a pas qualité pour faire appel (Com. 22 mars 1988 BC IV n° 113), ni pour exercer une quelconque voie de recours (CA Versailles 13 juin 1996 RPC 1996 470 n° 47). Au demeurant, l'article L623-1 précité du code de commerce ne lui ouvre pas de voie de recours à l'égard du jugement arrêtant le plan de cession.

Néanmoins, la jurisprudence admet l'intervention du candidat évincé lorsqu'elle est accessoire à l'appel du ministère public, afin de soutenir celui-ci (CA Versailles 23 avr. 1992 RJ com. 1992, 307).

C'est le cas en l'espèce. L'intervention volontaire de la société ARKAN HERMES CENTAURI HOTEL GROUPE USA LTD sera donc jugée recevable.

Sur le fond :

Le jugement dont appel a retenu que :

-Sur la poursuite d'activité :

-Il est établi que la SAS LUPESINA PRIVATE ISLAND est incapable de présenter un plan de continuation. Son dirigeant a abdiqué toute responsabilité dans la gestion de sa société depuis plusieurs années déjà. Sa dette est démesurée et n'est pas imputable à la crise sanitaire générée par le covid puisque l'exploitation de l'hôtel avait cessé avant la survenance du covid.

-Le tribunal constate, en le déplorant, que cette société non seulement ne s'est pas impliquée dans la recherche d'une solution notamment en permettant la reprise de l'exploitation par un tiers mais a abandonné toutes ses responsabilités à l'égard du personnel.

-Sur la liquidation judiciaire :

-Cette option eût été envisageable, compte tenu de l'arrêt de l'activité de l'exploitation de l'hôtel depuis plusieurs années. Toutefois, l'intérêt manifesté par plusieurs repreneurs a conduit le tribunal à privilégier l'option de la cession.

-Sur la cession :

-L'article L. 621-87 du code de commerce dispose que «Le tribunal retient l'offre qui permet dans les meilleures conditions d'assurer le plus durablement l'emploi attaché à l'ensemble cédé et le paiement des créanciers.». Il s'ensuit que le Législateur n'a pas voulu établir un mécanisme d'adjudication, donnant la priorité aux plus disant, mais bien privilégier la reprise de l'activité avec le maintien des emplois.

En l'espèce, l'examen des différentes offres a mis en évidence les éléments suivants.

-L'offre d'ARKAN (reprise de tout le personnel et prix de 660 M XPF) n'est appuyée sur aucun élément concret. Cette société ne dispose d'aucune assise en Polynésie française. Sans contester les références de celle-ci, le tribunal n'est pas en mesure d'apprécier l'effectivité et la portée de ses engagements. L'absence de toute consignation de fonds dans une des banques de la place constitue un des multiples indices qui ne permet pas de vérifier l'intensité et la préparation du dossier de reprise par cette société alors même que son projet est extrêmement ambitieux et se chiffre en milliards de francs pacifiques.

-L'offre de NEW MARAMA (reprise de 8 salariés et prix de 30 M XPF) ne manque pas d'atouts. Pourtant, le tribunal, là aussi, n'est pas en mesure d'apprécier l'état de préparation de cette société pour reprendre un hôtel dont elle-même indique que la remise en route nécessite plusieurs mois et plusieurs milliards d'investissements. Par ailleurs, le tribunal est sensible au fait que cette société n'est elle-même pas un professionnel de l'hôtellerie et que son offre est nécessairement entachée d'une certaine méconnaissance du contexte et des conditions de fonctionnement d'un hôtel.

-L'offre de la société ROYAL (reprise de 8 salariés et prix de 25 M XPF) convainc le tribunal dès lors qu'elle émane d'un professionnel de l'hôtellerie, rompu aux spécificités du métier et tout particulièrement à son exercice en Polynésie française. L'autre atout de cette offre est qu'elle est présentée par un groupe déjà installé en Polynésie française, au demeurant qui exploite déjà un établissement à Bora Bora. Son projet est tout à fait réaliste et correspond à la situation exacte de l'hôtel Marara, hôtel abandonné depuis plusieurs années et dont la remise en état sera d'autant plus longue et compliquée que l'objectif serait d'en faire un établissement haut de gamme. Le projet conduit par le groupe ROYAL est plus modeste et justement, est parfaitement adapté à la situation de l'hôtellerie à Bora Bora comme de l'établissement lui-même. Enfin, l'offre est la seule qui soit explicite sur les conséquences pour le repreneur de la nécessité de reprendre à sa charge le crédit bancaire conformément à l'article L. 621-96 du code de commerce.

-Le tribunal, en charge de la sauvegarde de l'entreprise et des emplois qui y sont attachés, estime que le projet de plan de cession déposé par la SAS ROYAL [Localité 5] constitue la seule alternative crédible à la liquidation judiciaire. En effet, il permet : la préservation d'une partie des emplois salariés, la préservation et le développement de l'outil économique, indispensable à l'économie touristique polynésienne, le paiement d'une partie des créances, notamment les super privilèges des salariés.

-En conséquence, il y a lieu d'ordonner la cession totale des actifs de la SAS LUPESINA PRIVATE ISLAND à la SAS ROYAL [Localité 5], les conditions de la cession étant précisées dans le dispositif de la présente décision.

Le procureur général conclut qu'il convient que la cour exerce son contrôle sur la décision rendue et apprécie l'offre la plus pertinente, et que les documents produits permettent d'infirmer le raisonnement du premier juge.

La société ROYAL [Localité 5] conclut que seule son offre, comme l'a relevé le représentant des créanciers, satisfait à la condition de produire les garanties prescrites par l'article L621-85 du code de commerce, en ayant justifié qu'elle disposait déjà de la trésorerie et des financements nécessaires au paiement du prix et au projet de réouverture de l'hôtel.

La société ARKAN HERMES CENTAURI HOTEL GROUPE USA LTD conclut que :

-Le montant de son offre est de l'ordre de dix fois supérieur à celui des autres offres, et que son offre est la mieux-disante au regard des trois critères énoncés par le tribunal :

Préservation d'une partie des emplois salariés : elle est la seule à proposer la reprise de tous les salariés ;

Préservation et développement de l'outil économique indispensable à l'économie touristique polynésienne, et paiement d'une partie des créances notamment les super privilèges des salariés : ces objectifs sont garantis par le montant de son offre (1 MdF CFP) qui couvre celui du passif.

-Étant une société de droit américain, elle n'a pas eu le temps matériel de produire avant l'audience du tribunal les documents complémentaires demandés par le ministère public trois jours avant celle-ci. Elle en justifie devant la cour.

-L'absence d'implantation historique en Polynésie française n'est pas dirimante. D'autres investisseurs étrangers ont acquis des hôtels en Polynésie sans y être déjà présents. La direction des Affaires économiques dispose d'un service dont la mission est d'examiner l'assise juridique et financière de l'investisseur étranger.

-Immatriculée dans l'état d'Hawaii, elle est un grand groupe hôtelier et possède les compétences et l'expérience en ce domaine.

-Sa maison-mère, la holding BLUEROCK ASIA AFRICA immatriculée dans l'état du Colorado, confirme financer l'opération de rachat des hôtels de Bora Bora et Tahiti. Ses comptes annuels consolidés sont produits. Il s'agit d'un fonds d'investissement en provenance du Moyen-Orient dont la société ARKAN HERMES CENTAURI HOTEL GROUPE USA LTD est la filiale immobilière et hôtelière.

-Les fonds venant de BLUEROCK ASIA AFRICA transiteront par le compte séquestre de Me [R], notaire à [Localité 7], qui l'atteste.

-Son projet est de rénover les hôtels, de les agrandir, de multiplier les capacités d'accueil, et de passer à terme deux à cinq ou six étoiles. L'augmentation des prestations entraînera celle du nombre de salariés.

Sur quoi :

Aux termes des articles L21-86 et L621-87 du code de commerce en vigueur en Polynésie française :

L'administrateur donne au tribunal tout élément permettant de vérifier le caractère sérieux de l'offre ainsi que la qualité de tiers de son auteur.

Le tribunal retient l'offre qui permet dans les meilleures conditions d'assurer le plus durablement l'emploi attaché à l'ensemble cédé et le paiement des créanciers.

En l'espèce, il résulte du rapport du représentant des créanciers que les offres reçues comportaient :

SAS ROYAL [Localité 5] : prix de cession : 25 000 000 F CFP ; reprise de 8 salariés ;

DOHA PROPERTIES : UG GROUP : prix de cession : 430 000 000 F CFP ; réembauche de tous les salariés existants ;

REDCORE : prix de cession : 392 175 000 F CFP ; réembauche de tous les salariés existants ;

SAS OGENES : pas d'offre de prix de cession ; pas d'offre de reprise des salariés ;

ARKAN HERMES : prix de cession : 660 000 000 F CFP ; réembauche de tous les salariés ;

SAS NEW MARARA : prix de cession : 15 000 000 F CFP ; reprise de 13 salariés.

À l'audience du tribunal, le représentant des créanciers a indiqué que du point de vue financier, l'offre de la société ARKAN est la plus avantageuse, sauf que l'on n'a aucun élément sur les garanties, et qu'il n'avait aucun moyen de les vérifier.

Le ministère public a requis la liquidation judiciaire au motif de l'absence de garantie sur l'offre d'ARKAN et de l'insuffisance des autres offres.

Le jugement a été rendu sur le siège.

Il résulte de la procédure que le tribunal n'a pas été mis en mesure d'apprécier de manière complète l'offre de la société ARKAN HERMES CENTAURI HOTEL GROUPE USA LTD, à défaut d'éléments donnés par le représentant des créanciers permettant de vérifier le caractère sérieux de l'offre, et notamment les garanties financières de son exécution.

Or, des vérifications étaient possibles, puisque des garanties sont exposées devant la cour, et ont convaincu le ministère public.

Mais ces productions sont faites dans le cadre d'un appel qui est limité par la loi, dont sont exclus notamment les représentants du personnel et des créanciers. Or, le double degré de juridiction doit s'exercer de manière complète dans l'intérêt des salariés, des créanciers, du débiteur et dans l'intérêt général et de l'ordre public économique, et ce d'autant plus que, contrairement à la cour, le tribunal mixte de commerce comprend des assesseurs commerçants et par là même très avertis de la situation économique en Polynésie française.

La procédure d'offres est d'autant moins complète que les pièces en langue anglaise que produit la société ARKAN HERMES CENTAURI HOTEL GROUPE USA LTD devant la cour ne sont pas traduites en français (extrait d'immatriculation, statuts, comptes annuels consolidés de la holding BLUEROCK ASIA AFRICA, courrier du PDG de celle-ci confirmant le financement).

Néanmoins, un élément sérieux ressort déjà d'un courrier adressé le 6 juin 2023 au président du tribunal mixte de commerce par Me [R], notaire à [Localité 7], aux termes duquel : «Je vous informe avoir reçu un mandat SWIFT daté du 2 juin 2023 pour un montant d'au moins 1 100 000 000 F CFP représentant la totalité du prix des offres susvisées, indiquant que ces sommes sont en cours de transfert. Je ne manquerai pas de vous faire parvenir une attestation confirmant la réception effective desdites sommes sur le compte de l'étude.»

Le jugement sera par conséquent infirmé.

Les parties sont remises dans leur état antérieur. Il sera fait application des dispositions de l'article L623-9 du code de commerce qui dispose que :

En cas d'infirmation du jugement imposant de renvoyer l'affaire devant le tribunal, la cour d'appel peut ouvrir une nouvelle période d'observation. Cette période est d'une durée maximale de trois mois réduite à un mois lorsqu'il a été fait application de la procédure simplifiée prévue à la section 5 du chapitre 1er.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, par défaut, en matière commerciale et en dernier ressort ;

En la forme,

Déboute la société SAS ROYAL [Localité 5] de ses fins de non-recevoir ;

Déclare l'appel et l'intervention volontaire recevables ;

Au fond, infirme le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

Ouvre une nouvelle période d'observation comme il est dit à l'article L623-9 du code de commerce en vigueur en Polynésie française ;

Renvoie l'affaire devant le tribunal mixte de commerce de Papeete ;

Rejette toute autre demande ;

Ordonne les notifications et mesures de publicité prévues par la loi ;

Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective.

Prononcé à Papeete, le 22 juin 2023.

Le Greffier, Le Président,

Signé : M. SUHAS-TEVERO Signé : G. RIPOLL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Papeete
Formation : Cabinet d
Numéro d'arrêt : 23/00136
Date de la décision : 22/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-22;23.00136 ?
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