La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/06/2023 | FRANCE | N°20/00061

France | France, Cour d'appel de Papeete, Chambre des terres, 22 juin 2023, 20/00061


N° 60



CT

---------------



Copie exécutoire

délivrée à :

- Me Wong Yen,

le 03.07.2023.





Copie authentique

délivrée à :

- Me Neuffer,

le 03.07.2023.



REPUBLIQUE FRANCAISE



COUR D'APPEL DE PAPEETE



Chambre des Terres





Audience du 22 juin 2023





RG 20/00061 ;



Décision déférée à la Cour : arrêt n° 365 F-D de la Cour de Cassation de Paris du 19 mars 2020 ayant cassé l'arrêt n°70, rg

n° 17/00013 de la Cour d'Appel de Papeete du 6 septembre 2018, ensuite de l'appel du jugement n°31-Ter/2016 Rg n° 12/00025 du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete - section détachée d'Uturoa Raiatea, chambre des terres, du ...

N° 60

CT

---------------

Copie exécutoire

délivrée à :

- Me Wong Yen,

le 03.07.2023.

Copie authentique

délivrée à :

- Me Neuffer,

le 03.07.2023.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D'APPEL DE PAPEETE

Chambre des Terres

Audience du 22 juin 2023

RG 20/00061 ;

Décision déférée à la Cour : arrêt n° 365 F-D de la Cour de Cassation de Paris du 19 mars 2020 ayant cassé l'arrêt n°70, rg n° 17/00013 de la Cour d'Appel de Papeete du 6 septembre 2018, ensuite de l'appel du jugement n°31-Ter/2016 Rg n° 12/00025 du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete - section détachée d'Uturoa Raiatea, chambre des terres, du 18 août 2016 ;

Sur requête en reprise d'instance après cassation déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 29 septembre 2020 ;

Demanderesse :

Mme [L] [VO] épouse [EP], née le 23 novembre 1951 à [Localité 3], de nationalité française, demeurant à [Adresse 4] ;

Représentée par Me Philippe Temauiarii NEUFFER, avocat au barreau de Papeete ;

Défendeur :

M. [S] [I], né le 26 août 1935 à [Localité 8], de nationalité française, demeurant à [Localité 3] ;

Ayant pour avocat la Selarl Chansin-Wong Yen, représentée par Me Stéphanie WONG YEN, avocat au barreau de Papeete ;

Ordonnance de clôture du 18 novembre 2022 ;

Composition de la Cour :

Vu l'article R 312-9 du code de l'organisation judiciaire ;

Dit que l'affaire, dont ni la nature ni la complexité ne justifient le renvoi en audience solennelle, sera jugée, en audience ordinaire publique du 23 mars 2023, devant Mme SZKLARZ, conseiller faisant fonction de président, Mme TISSOT, vice-présidente placée auprès du premier président, Mme TEHEIURA, magistrat honoraire de l'ordre judiciaire aux fins d'exercer à la cour d'appel de Papeete en qualité d'assesseur dans une formation collégiale, qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;

Arrêt contradictoire ;

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Signé par Mme SZKLARZ, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A R R E T,

Le 18 août 2016, le tribunal de première instance de Papeete section détachée de Uturoa Raiatea a rendu le jugement suivant :

«Déboute Mme [L] [VO] épouse [EP] de sa demande en revendication de propriété de la parcelle de la terre [Localité 9] d'une superficie de 5484 m2 par l'effet de la prescription acquisitive trentenaire.

Fait injonction à Mme [L] [VO] épouse [EP] et à tout occupant de son chef, de libérer la parcelle de terre [Localité 9] cadastrée section BH n° [Cadastre 2] pour une superficie de 5484 m2 sise à [Localité 3], au besoin avec le concours de la force publique, sous astreinte de 10 000 fr. par jour de retard, passé le délai de deux mois à compter de la signification de la décision

Condamne Mme [L] [VO] épouse [EP] à payer à M. [S] [I] la somme de 220 000 fr. sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.

Condamne Mme [L] [VO] épouse [EP] aux entiers dépens de l'instance. »

Par requête enregistrée au greffe de la cour d'appel de Papeete le 28 février 2017, [L] [VO] épouse [EP] a relevé appel de cette décision afin d'en obtenir l'infirmation.

Par arrêt rendu le 6 septembre 2018, la cour d'appel a déclaré l'appel irrecevable comme tardif ; dit que [L] [VO] épouse [EP] doit verser à [S] [I] la somme de 200 000 FCP au titre des frais irrépétibles et mis les dépens à la charge de [L] [VO] épouse [EP].

Par arrêt rendu le 19 mars 2020, la cour de cassation a annulé en toutes ses dispositions la décision du 6 septembre 2018 en raison du défaut de respect du principe de la contradiction et renvoyé les parties devant la cour d'appel autrement composée.

Par requête d'appel après cassation enregistrée au greffe de la cour le 29 septembre 2020, [L] [VO] épouse [EP] demande à la cour de:

«- Recevoir l'appel et le dire bien fondé ;

- Infirmer le jugement du 18 août 2016 rendu par le Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, section détachée d'Uturoa dans toutes ses dispositions ;

- Statuant à nouveau,

- Déclarer les ayants droit de M. [U] [VO] propriétaires exclusifs par prescription trentenaire de la parcelle de la terre [Localité 9] (PV 44 [Localité 3]) selon le plan et la délimitation dressés par la SCP ANDING-LEINIGER le 24 janvier 2006 d'une superficie de 5484 m2 ;

- Autoriser la requérante à faire la preuve par voie normale d'enquête de l'usucapion invoquée et mettre les frais d'expertise à la charge des parties pour moitié chacune ;

- Condamner M. [I] à payer à la requérante la somme de 700.000 FCP au titre des frais irrépétibles de première instance, d'appel et d'appel après cassation;

- Condamner M.[I] aux entiers dépens de première instance et d'appel au profit de Me NEUFFER.

- Ordonner la transcription de la décision à intervenir.»

Dans ses dernières conclusions récapitulatives, ses prétentions sont les suivantes :

«- Recevoir l'appel et le dire bien fondé;

- Infirmer le jugement du 18 août 2016 rendu par le Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, section détachée d'Uturoa dans toutes ses dispositions ;

- Statuant à nouveau,

- Déclarer les ayants droit de M. [U] [VO] propriétaires exclusifs par prescription trentenaire de la parcelle de la terre [Localité 9] (PV 44 [Localité 3]) selon le plan et la délimitation dressés par la SCP ANDING-LEINIGER le 24 janvier 2006 d'une superficie de 5484 m2 ;

- Condamner M. [I] à payer à la requérante la somme de 700.000 FCP au titre des frais irrépétibles de première instance, d'appel et d'appel après cassation;

- Condamner M. [I] aux entiers dépens de première instance et d'appel au profit de Me NEUFFER.

- Ordonner la transcription de la décision à intervenir.»

Elle soutient que «l'appel interjeté après cassation sera'déclaré recevable» ; que le premier juge a considéré à tort que l'occupation des [VO] était précaire et non à titre de propriétaire alors que «le caractère précaire doit être fondé sur un contrat» et que «M. [I] n'a pas produit d'autorisation écrite ni de contrat, ni de mandat» ; qu'«il n'y a pas de différence en langue polynésienne entre la possession à titre précaire et celle à titre de propriétaire notamment dans le domaine foncier» ; que «l'autorisation d'occuper une terre dans une île polynésienne n'est précaire que si elle ne s'accompagne pas d'une occupation durant sur au moins deux générations soit deux fois le temps exigée par la loi pour usucaper» et que «le bail oral d'occupation s'est nécessairement transformé en bail emphytéotique, voire en donation» ; qu'il en a été ainsi en ce qui concerne les [VO] et le couple [H]-[W] indivisaire de la parcelle litigieuse ; qu'un lien de sang l'unit à Mme [W] et que les [VO] se sont occupés du couple, notamment pendant la période de veuvage de [MI] [P] [X] dit aussi [O] [H] qu'elle qualifiait de grand-père paternel faamu ; que «M. [I] n'a jamais contesté cette filiation polynésienne» ; que «la propriétaire de la terre [Localité 9] n'ayant pas d'enfants, elle a été transmise à ses deux frères [OP] (représenté par ses deux enfants, dont la mère de M. [I]) et [MI] [H] dit aussi [EC] [X] (qui a signé le PV de bornage de 1946) ainsi qu'à sa s'ur [IR] [H]» ; que, si [S] [I] est titulaire de droits indivis sur un tiers de la terre [Localité 9], elle «tient ses droits non seulement de son père mais également de sa mère » qui a été adoptée par [MI] [H] et sa femme [RX] [W] dite également [KY], s'ur de son arrière-grand-mère maternelle, [JE].

Elle ajoute que, par testament du 9 février 1953, «la femme de [MI] [H] a légué ses terres à [Localité 3] à ses enfants adoptifs qu'elle cite : 1- [M] [T] ; 2-[K] [E] ; 3- [GX] [CG] ; 4-[S] [I] ; 5 -[UE] [G]» qui est sa soeur ; que «la terre [Localité 5] est celle sur laquelle la maison familiale, dite fare metua en langue polynésienne, des [VO] est édifiée et celle dans laquelle a été enterré M. [MI] [H], juste à côté de cette maison» ; que, si la volonté de ce dernier de lui donner «la parcelle qu'elle cultivait avec son père et sa mère depuis plusieurs années n'a pu faire l'objet d'un acte, elle n'en est pas moins réelle ainsi qu'attestée par au moins deux témoins» ; que le fait qu'elle «n'ait pas été troublé dans cette occupation plus de trente ans après sa majorité montre que cette donation a été acceptée par la famille du donataire qui a voulu gratifier la famille qui s'est occupé de lui'» et qu'elle «n'est donc pas étrangère à la succession du couple [H]¬[W] et a bien occupé la terre [Localité 9] en qualité de propriétaire sur la foi des propos de monsieur [H] qui lui a indiqué la lui léguer un jour» ; qu'enfin, la demande de dommages-intérêts formée par [S] [I] n'est pas justifiée, compte-tenu de leur communauté d'intérêt et qu'elle «a du surmonter beaucoup d'obstacles, financés par les revenus de sa tarodière».

[S] [I] demande à la cour de :

«- Confirmer le jugement rendu par la chambre des terres de la section détachée de Raiatea du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete le 18 août 2016 dans toutes ses dispositions ;

- Débouter Mme [L] [VO] épouse [EP] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- Adjuger à M. [I] l'entier bénéfice de ses écritures ;

- Condamner Mme [VO] épouse [EP] à payer à M. [S] [I] la somme de 400.000F.CFP de dommage et intérêt pour procédure abusive;

- Condamner Mme [VO] épouse [EP] à verser à M. [I] la somme de 420.000 francs sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civil local, outre les entiers dépens avec distraction d'usage au profit du Conseil soussigné sous due affirmation.»

Il fait valoir que «c'est par erreur que la Cour d'appel avait déclaré l'appel irrecevable en retenant la date d'appel comme étant celle de l'audience de premier appel du dossier et non la date de dépôt de la requête d'appel» ; que, suivant un certificat de propriété daté du 12 mars 1923 et transcrit au bureau des hypothèques le 16 juin 1923, la terre [Localité 9], située à [Localité 3], a été attribuée à [B] [P] dite [B] [H] ; que, selon le procès-verbal de bornage n° 44 dressé le 7 février 1946, la superficie de cette terre est de 18h 53a 20ca et qu'à la suite d'un jugement rendu le 27 août 2009, le lot 1 du plan dressé par la SCP ANDING-LEININGER désormais cadastré section BH n° [Cadastre 1] d'une superficie de 7441 m2 est la propriété d'[R] [GJ] épouse [XW] et le lot 2 dudit plan cadastré section BH n° [Cadastre 2] d'une superficie de 5484 m2 revendiquée par [L] [VO] épouse [EP] est la propriété des ayants droit de [B] [P] ; que celle-ci dite [B] [H] est décédée le 6 décembre 1918 à [Localité 6] en laissant pour lui succéder cinq frères et s'urs dont [JN] [H] dit [VB] décédé le 16 juillet 1925 en laissant pour lui succéder [AT] [H] dite [YT] décédée le 3 décembre 1965 qui est sa mère ainsi que [MI] [P] [X], dénommé également [MI] [H] qui a autorisé l'occupation des lieux litigieux par la famille [VO].

Il affirme qu'aucun contrat de bail n'a été conclu entre les parties et que l'«occupation des lieux par Madame [VO] épouse [EP], et avant elle son père [U] [VO], résulte en fait d'une autorisation verbale donnée par le sieur [MI] [P] [X] dit aussi [O] [H], propriétaire indivis de la terre litigieuse ; que «cette autorisation a été expressément reconnue par l'appelante lors de son audition réalisée dans le cadre d'une enquête qui a eu lieu le 29 novembre 2005, laquelle fait suite à une action en tierce opposition formée par » lui ; que, pour soutenir cette action, «Mme [VO] épouse [EP] avait établi une attestation le 7 août 2003 aux termes de laquelle elle a affirmé que le sieur [MI] [H] dit [AX] est propriétaire de la terre [Localité 9]» ; que «de telles déclarations suffisent à elles seules à démontrer que la possession de l'appelante, et avant elle, celle de son père, de la terre [Localité 9] est assurément précaire et non à titre de propriétaire» ; qu'à aucun moment de la procédure en tierce opposition, [L] [VO] épouse [EP] n'a soulevé une quelconque occupation trentenaire des lieux par son père ou par elle-même et que son attestation ne démontre pas que cette occupation s'est faite dans les conditions requises pour prescrire ; que «lorsque la détention ne résulte pas d'un titre et que le détenteur n'a pas la volonté de se comporter comme le véritable propriétaire de la chose, elle ne produit aucun effet» et que «l'autorisation donnée au père de l'appelante d'occuper la terre litigieuse constitue ni plus ni moins qu'un acte de pure faculté et de simple tolérance» ; que le « caractère précaire est par ailleurs corroboré par l'absence de la signature d'[U] [VO] sur le procès-verbal de bornage n° 44 de la terre [Localité 9] dressé le 7 février 1949» et que l' «impossibilité de prescrire de manière acquisitive la parcelle de terre [Localité 9] d'une superficie de 5484m2 s'applique nécessairement à Madame [VO] épouse [EP] du fait de sa qualité d'ayant droit d'[U] [VO].

Il souligne que «les attestations établies par Mme [VO] épouse [EP] aux termes desquelles elle assure que son occupation ainsi que celle de son père, [U] [VO], ont fait l'objet d'une autorisation par [MI] [P] [X] dit aussi [MI] [H], fils d'[B] [P] dite aussi [B] [H], propriétaire des lieux, sont de nature à justifier à elles seules que les conditions requises pour prescrire la parcelle de terre [Localité 9] ne sont pas du tout réunies» et qu'une enquête sur les lieux est dépourvue d'intérêt ; qu' «une telle mesure n'a pas pour finalité d'établir la généalogie de» l'appelante ; que, «s'agissant de son père, [U] [VO], Madame [VO] épouse [EP] ne prouve pas du tout que celui-ci détient des droits sur la terre [Localité 9]» ; qu'elle «n'apporte aucun élément justifiant l'adoption légale de sa mère par [MI] [H]» et que «l'adoption de type «faamu», selon la coutume Polynésienne, ne confère à l'adopté aucune filiation juridiquement établie à l'égard du ou des parents adoptants» ; que les attestations de [ZP] [E] et d'[A] [NT] veuve [BV] faisant état d'un testament ne sont pas traduite en français ; qu'en outre, «ce testament de [RX] [W] dite également [KY] épouse de [MI] [H], ce qui n'est d'ailleurs pas démontré, ne vise aucunement la terre [Localité 9]» ; que «[RX] [W] dite [KY] n'avait aucun droit sur cette terre» et qu'elle «est décédée avant [MI] [H], de sorte qu'elle n'a pas pu recueillir la succession de ce dernier» ; que «Mme [VO] épouse [EP] ne saurait valablement soutenir qu'elle n'est pas étrangère à la succession du couple [H]-[W] et a bien occupé la terre [Localité 9] en qualité de propriétaire sur la foi de propos de Monsieur [H] qui lui a indiqué la lui léguer un jour » et qu' «en tout état de cause, de telles affirmations démontrent manifestement que l'appelante se considère comme propriétaire indivise de la terre litigieuse» ; que «le fait d'introduire et réintroduire une action'entrainant'dans les aléas d'une procédure inutile et vouée à l'échec, fait dégénérer en abus le droit d'ester en justice» et que les «moyens contradictoires invoqués par l'appelante viennent confirmer le caractère abusif» de ce droit.

Par ordonnance rendue le 20 mai 2022, la conseillère de la mise en état a rejeté la demande d'enquête sur les lieux formée par [L] [VO] épouse [EP] et dit que celle-ci doit verser à [S] [I] la somme de 75 000 FCP, au titre des frais irrépétibles d'incident.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la recevabilité de l'appel interjeté par [L] [VO] épouse [EP] à l'encontre du jugement du 18 août 2016 :

La cour de cassation a annulé l'arrêt rendu le 6 septembre 2018 par la cour d'appel de Papeete en raison d'un défaut de respect du principe de la contradiction et non pas des règles relatives à la procédure d'appel.

Il appartient donc à la cour de se prononcer sur la recevabilité de l'appel relevé par [L] [VO] épouse [EP].

L'article 336 du code de procédure civile de la Polynésie française dispose que :

«Le délai pour interjeter appel des jugements est de deux mois francs, se calculant de quantième à quantième en matière contentieuse ; il est de quinze jours en matière gracieuse.

Ce délai est augmenté à raison des distances dans les conditions déterminées par l'article 24 et d'après le domicile réel de la partie, quel que soit son domicile d'élection».

Il résulte des articles 23 dernier alinéa et 24 du même code, que s'ajoute au délai de 2 mois un délai d'un mois lorsque la personne souhaitant saisir la cour d'appel ne demeure pas dans l'île du siège de cette juridiction mais aux îles sous le vent.

En l'espèce, [L] [VO] épouse [EP] est domiciliée à [Localité 3] et la cour d'appel est située à Papeete.

Le jugement attaqué a été signifié le 11 janvier 2017 à [L] [VO] épouse [EP] qui en a relevé appel par requête enregistrée au greffe le 28 février 2017.

Le recours, intervenu avant l'expiration du délai légal, doit donc être déclaré recevable.

Sur l'origine de propriété et la dévolution successorale :

Il résulte des pièces versées aux débats et il n'est pas contesté par l'appelante que :

- la terre [Localité 9], située à [Localité 3], a été attribuée à [B] [P] par certificat de propriété daté du 12 mars 1923 transcrit au bureau des hypothèques de [Localité 7] le 16 juin 1923 ;

- selon le procès-verbal de bornage n° 44 dressé le 7 février 1946, la superficie de cette terre est de 18h 53a 20ca ;

- à la suite d'un jugement rendu le 27 août 2009 par le tribunal de première instance de Papeete section détachée de Uturoa Raiatea transcrit le 5 décembre 2013 à la conservation des hypothèques de Papeete, la parcelle de la terre [Localité 9] litigieuse est cadastrée section section BH n° [Cadastre 2] pour une superficie de 5484 m2 ;

- [B] [P] dite aussi [B] [H] est décédée le 5 décembre 1918 en laissant notamment pour lui succéder [JN] [H] décédé le 16 juillet 1925 en laissant notamment pour lui succéder [AT] [C] [H] dite [YT] décédée le 3 décembre 1965 qui est la mère de [S] [I].

Celui-ci est donc propriétaire indivis de la parcelle de terre litigieuse.

Sur la prescription acquisitive :

La présente instance a été introduite après l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile dont l'article 2 a complété le livre III du code civil par un titre XXI intitulé : «De la possession et de la prescription acquisitive».

Toutefois, l'article 25 IV de ladite loi n'a pas rendu l'article 2 susvisé applicable en Polynésie française.

En vertu du principe de spécialité législative, la cour se référera en l'espèce aux articles anciens du code civil, précision faite que le délai de prescription acquisitive en matière immobilière demeure le même (30 ans) et que la rédaction des articles 2229 et 2235 anciens du code civil est identique à celle des articles 2261 et 2265 du code civil résultant de la loi du 17 juin 2008.

L'article 2262 ancien du code civil dispose que :

«Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d'en rapporter un titre, ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi.», précision faite que le délai de prescription acquisitive en matière immobilière demeure le même (30 ans) et que la rédaction des articles 2229 et 2235 anciens du code civil est identique à celle des articles 2261 et 2265 du code civil résultant de la loi du 17 juin 2008.

L'article 2262 ancien du code civil dispose que :

«Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d'en rapporter un titre, ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi.»

L'article 2229 ancien du code civil dispose que :

«Pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire.»

L'article 2235 ancien du code civil dispose que :

«Pour compléter la prescription, on peut joindre à sa possession celle de son auteur, de quelque manière qu'on lui ait succédé, soit à titre universel ou particulier, soit à titre lucratif ou onéreux.»

Il n'est pas contesté que [L] [VO] épouse [EP], du fait de son père, puis de son fait personnel, peut se prévaloir d'une occupation trentenaire de la terre litigieuse.

La seule question qui se pose, en l'espèce, est de déterminer à quel titre s'est effectuée cette occupation, en rappelant qu'il appartient à l'appelante de justifier d'actes manifestant l'intention du possesseur de se comporter en véritable propriétaire et de nature à ne pas faire douter de cette qualité.

[L] [VO] épouse [EP] affirme que la précarité d'une posses-sion nécessite l'existence d'un contrat et qu' «il n'y a pas de différence en langue polynésienne entre la possession à titre précaire et celle à titre de propriétaire notamment dans le domaine foncier» sans préciser le fondement de ses allégations et sans produire de pièces justificatives.

Par ailleurs, elle ne produit pas non plus de pièces établissant qu'elle est titulaire de droits indivis sur la parcelle litigieuse.

En effet, aucun document n'établit qu'[U] [VO] est un ayant droit d'[B] [P], ni l'ayant-droit de personnes ayant acquis la propriété de la terre [Localité 9].

[L] [VO] épouse [EP] ne rapporte pas la preuve que, comme elle le soutient, sa mère et elle se sont occupées de [MI] [H] dit [EC] [X] (frère de [B] [P] dite aussi [B] [H]) et de sa femme [RX] [W] dite [KY] ; que sa mère a été adoptée par ce couple et que [MI] [H] avait l'intention de lui donner la parcelle qu'elle cultivait avec ses parents.

En tout état de cause, l'adoption «faamu» invoquée par [L] [VO] épouse [EP] n'aurait pas permis à sa mère d'acquérir des droits dans la succession de [MI] [H].

Et le testament de [RX] [W] épouse [Y] ne concerne ni l'appelante, ni ses parents, ni la terre [Localité 9].

En outre, si les attestations de [S] [I], de [FM] [FM], des époux [HU], de [KB] [SU] épouse [WL], d'[V] [N], de [F] [D] et de [Z] [DF] confirment une occupation trentenaire de la terre litigieuse par la famille [VO], elles ne mentionnent pas d'actes matériels de nature à caractériser cette occupation.

Enfin et surtout, après avoir écrit, dans une attestation rédigée le 7 août 2003, que le propriétaire de la terre [Localité 9] est [MI] [H] dit [AX], [L] [VO] épouse [EP], entendue par le juge de la mise en état du tribunal de Uturoa le 29 novembre 2005, a déclaré en parlant de la parcelle de terre litigieuse : «La personne qui nous avaient autorisé à cultiver cette partie de parcelle était M. [MI] [P] [X], mort le 23 décembre 1968 sans postérité qui est mon grand père faamu» et «De mon point de vue le propriétaire de la partie de parcelle cultivée par ma mère et moi appartient à [B] [P]».

Et, ainsi que le relève pertinemment le premier juge, le procès-verbal de bornage du 7 février 1946 a été signé par [MI] [H] dit [EC] [X] alors que la signature d'[J] [VO] n'y figure pas, ce qui fait ressortir l'absence de tout équivoque quant au propriétaire de la parcelle litigieuse.

Dans ces conditions, [L] [VO] épouse [EP] ne rapporte pas la preuve d'actes manifestant l'intention du possesseur de se comporter en véritable propriétaire, ni de rendre vraisemblables de tels actes, ce qui aurait pu justifier une enquête sur les lieux que l'appelante ne sollicite d'ailleurs plus dans ses dernières conclusions.

Le jugement attaqué sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'usucapion et ordonné l'expulsion de [L] [VO] épouse [EP] qui occupe sans droit ni titre la terre litigieuse.

En conséquence, [L] [VO] épouse [EP] ainsi que tous occupants de son chef devront avoir quitté la parcelle de terre [Localité 9] cadastrée section BH n° [Cadastre 2] pour une superficie de 5484 m2 située à [Localité 3] dans le délai de six mois à compter de la signification du présent arrêt, sous peine, passé ce délai, d'une astreinte de 10 000 FCP par jour de retard pendant six mois à l'issue desquels il sera éventuellement à nouveau statué.

Passé le délai de six mois à compter de la signification du présent arrêt, il pourra être procédé à l'expulsion de [L] [VO] épouse [EP] ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef, avec l'aide de la force publique, si besoin est.

Dans la mesure où il n'est pas établi que [L] [VO] épouse [EP] a abusé du droit qui est le sien de relever appel, la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formée par [S] [I] sera rejetée.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'intimé la totalité de ses frais irrépétibles d'appel et il doit ainsi lui être alloué la somme de 300 000 FCP, sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.

La partie qui succombe doit supporter les dépens.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;

Déclare l'appel recevable ;

Confirme le jugement rendu le 18 août 2016 par le tribunal de première instance section détachée de Uturoa Raiatea, sauf en ses dispositions relatives à l'expulsion de [L] [VO] épouse [EP] ;

L'infirmant sur ce point,

Dit que [L] [VO] épouse [EP] ainsi que tous occupants de son chef devront avoir quitté la parcelle de terre [Localité 9] cadastrée section BH n° [Cadastre 2] pour une superficie de 5484 m2 située à [Localité 3] dans le délai de six mois à compter de la signification du présent arrêt, sous peine, passé ce délai, d'une astreinte de 10 000 FCP par jour de retard pendant six mois à l'issue desquels il sera éventuellement à nouveau statué ;

Dit que, passé le délai de six mois à compter de la signification du présent arrêt, il pourra être procédé à l'expulsion de [L] [VO] épouse [EP] ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef, avec l'aide de la force publique, si besoin est ;

Rejette la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formée par [S] [I] ;

Dit que [L] [VO] épouse [EP] doit verser à [S] [I] la somme de 300 000 FCP, sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française;

Rejette toutes autres demandes formées par les parties ;

Dit que [L] [VO] épouse [EP] supportera les dépens d'appel, avec distraction au profit de Maître Stéphanie Wong Yen, avocate.

Prononcé à Papeete, le 22 juin 2023.

Le Greffier, Le Président,

signé : M. SUHAS-TEVERO signé : K. SZKLARZ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Papeete
Formation : Chambre des terres
Numéro d'arrêt : 20/00061
Date de la décision : 22/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-22;20.00061 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award