N° 58
KS
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Copies exécutoires
délivrées à :
- Me Despoir,
- Me Allain-Sacault,
le 03.07.2023.
Copies authentiques
délivrées à :
- Me Wong Yen,
- Curateur,
le 03.07.2023.
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D'APPEL DE PAPEETE
Chambre des Terres
Audience du 22 juin 2023
RG 19/00081 ;
Décision déférée à la Cour : jugement n° 170, rg n°17/00061 du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, Triunal Foncier de la Polynésie française, du 24 avril 2019 ;
Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 29 août 2019 ;
Appelant :
M. [U] [TF], né le 15 décembre 1964 à [Localité 10], de nationalité française, demeurant à [Localité 3], [Adresse 6] ;
Représenté par Me Jean-Yves DESPOIR, avocat au barreau de Papeete ;
Intimés :
M. le Curateur aux Biens et Successions Vacants, [Adresse 5], appelé en cause pour représenter les héritiers inconnus de Mme [GF] [WI] ;
Non comparant, assigné à agent administratif le 14 janvier 2020 ;
Mme [F] [E] épouse [Z], née le 24 décembre 1966 à [Localité 10], de nationalité française, demeurant à [Adresse 9]
[Adresse 9], ayant droit de [O] [WI] ;
M. [BN] [WI], né le 31 mai 1974 à [Localité 10], de nationalité française, demeurant à [Localité 3] [Adresse 12], ayant droit de [N] [WI] ;
M. [PG] [DA] [WI], né le 15 mars 1958 à [Localité 3], e nationalité française, demeurant à [Adresse 8], ayant droit de [K] [WI] ;
M. [W] [Y], le 22 juin 1958 à [Localité 10], de nationalité française, demeurant à [Localité 3] [Adresse 13] Servitude [WI], ayant droit de [RT] [WI] épouse [Y] ;
Mme [G] [RX], née le 15 octobre 1955 à [Localité 7] et décédée le 16 juin 2020 à [Localité 11], sans postérité, ayant droit de [M] [WI] ;
Mme [PC] [KR] [WI], née le 10 mars 1968 à [Localité 10], de nationalité française, demeurant à [Localité 3] [Adresse 12], ayant droit de [M] [WI] et de [MH] [WI] ;
M. [D] [XV], né le 23 juillet 1963 à [Localité 10], de nationalité française, demeurant à [Localité 3] [Adresse 12], ayant droit de [S] [A] [WI] ;
Ces 7 derniers ayant pour avocat la Selarl Chansin-Wong Yen, représentée par Me Stéphanie WONG YEN, avocat au barreau de Papeete ;
M. [U] [X], né le 27 février 1960 à [Localité 10], de nationalité française, retraité, demeurant à [Localité 3] [Adresse 15] ;
Mme [H] [TF] épouse [X], née le 26 mai 1963 à [Localité 10], de nationalité française, demeurant à [Localité 3] [Adresse 15] ;
Représentés par Me Annick ALLAIN-SACAULT, avocat au barreau de Papeete ;
Ordonnance de clôture du 18 novembre 2022 ;
Composition de la Cour :
La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 23 mars 2023, devant Mme SZKLARZ, conseiller faisant fonction de président, Mme TISSOT, vice-présidente placée auprès du premier président, Mme TEHEIURA, magistrat honoraire de l'ordre judiciaire aux fins d'exercer à la cour d'appel de Papeete en qualité d'assesseur dans une formation collégiale, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt contradictoire ;
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par Mme SZKLARZ, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A R R E T,
FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS :
Par requête reçue au greffe le 14 juin 2017, [R], [GF], [PG], [C] [WI], [W] [BM], [G] [RX], [PC] [WI], et [D] [XV], aux droits de [EO] [WI] (les consorts [WI]) ont demandé au tribunal de constater que les époux [X] ainsi que Monsieur [TF] occupent sans aucun droit ni aucun titre le lot 3 de la parcelle B du lot 2 de la terre [Localité 4], sis à [Localité 3], cadastré section M n°[Cadastre 1] et M n°[Cadastre 2], d'une superficie respective de 170 m2 et 1228 m2. Ils ont demandé au tribunal d'ordonner, en conséquence, l'expulsion des époux [X] et de Monsieur [TF] ainsi que de toutes personnes de leur chef du lot 3 dont s'agit avec si nécessaire le concours de la force publique et ce, sous astreinte de 50.000 FCP par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ; ainsi que la remise en état de la parcelle litigieuse et donc la destruction de toutes les constructions édifiées par les défendeurs ou toute personne de leur chef et ce, sous astreinte de 50.000 FCP par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir.
Monsieur [U] [TF], Madame [H] [TF] épouse [X] et Monsieur [U] [X] ont soutenu avoir été autorisés par [EO] [WI] à construire sur la terre et à l'occuper. Ils ont contesté la qualité à agir des requérants, constaté que tous les membres de l'indivision successorale de [EO] [WI] n'étaient pas d'accord pour solliciter leur expulsion, certains souhaitant respecter la volonté de [EO] [WI] qui voulaient leur donner la terre, ceux-ci s'étant occupé de lui jusqu'à son décès alors qu'il était aveugle. Ils ont demandé à ce que les consorts [WI] soient déboutés de leur action en expulsion.
Monsieur [R] [V] [WI] et de Madame [C] [WI] épouse [HN], ont souhaité se désister de l'action en expulsion.
Par jugement n° RG 17/00061, n° de minute 170 en date du 24 avril 2019, auquel la Cour se réfère expressément pour l'exposé de la procédure, des moyens et des prétentions de première instance, le Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, Tribunal foncier de la Polynésie française ' section 2, a dit :
- Constate que le désistement de Monsieur [R] [V] [WI] et de Madame [C] [WI] épouse [HN] est parfait ;
- Déboute [U] [TF] de sa demande, de fourniture du mandat de représentation par Madame [GF] [WI] épouse [MD] au profit de Maître Stella CHANSIN-WONG ;
- Déclare [PG], [BN] [WI], [W] [BM], [G] [RX], [PC] [WI] et [D] [XV] recevables en leur action ;
- Constate que [PG], [BN] [WI], [W] [Y], [G] [RX], [PC] [WI], et [D] [XV] sont ayants droit de [EO] [WI], propriétaire par titre du lot 3 de la parcelle B du lot 2 de la terre [Localité 4], sis à [Localité 3], cadastré section M n°[Cadastre 1] et M n°[Cadastre 2], d'une superficie respective de 170 m2 et 1228 m2 ;
- Constate que les époux [X] et Monsieur [TF] occupent sans aucun droit ni aucun titre le lot 3 de la parcelle B du lot 2 de la terre [Localité 4], sis à [Localité 3], cadastré section M n° [Cadastre 1] et M n°[Cadastre 2], d'une superficie respective de 170 m2 et 1228 m2 ;
- Ordonne l'expulsion des époux [X] et de Monsieur [TF] ainsi que de toutes personnes de leur chef du lot 3 de la parcelle B du lot 2 de la terre [Localité 4], sis à [Localité 3], cadastré section M n° [Cadastre 1] et M n°[Cadastre 2], d'une superficie respective de 170 m2 et 1228 m2 avec si nécessaire le concours de la force publique ;
- Ordonne la remise en état du lot 3 de la parcelle B du lot 2 de la terre [Localité 4], sis à [Localité 3], cadastré section M n° [Cadastre 1] et M n°[Cadastre 2], d'une superficie respective de 170 m2 et 1228 m2 et donc la destruction de toutes les constructions édifiées par les défendeurs ou toute personne de leur chef ;
- Condamne solidairement [U] [X] et [U] [TF] à verser à [PG], [BN] [WI], [W] [Y], [G] [RX], [PC] [WI] et [D] [XV] la somme de 220.000 FCP au titre des frais irrépétibles ;
- Condamne solidairement [U] [X] et [U] [TF] aux entiers dépens de l'instance.
Par requête enregistrée au greffe de la Cour le 29 août 2019 sous le n° RG 19/00081, Monsieur [U] [TF], ayant pour avocat Maître Jean-Yves DESPOIR, a interjeté appel de cette décision qui a été signifiée par acte d'huissier en date du 1er juillet 2019.
Par requête enregistrée au greffe de la Cour le 30 août 2019 sous le n° RG 19/00082, Monsieur [U] [X] et Madame [H] [TF] épouse [X] (les époux [X]), ayant pour avocat Maître Annick ALLAIN-SACAULT, ont interjeté appel de cette décision qui a été signifiée par acte d'huissier en date du 1er juillet 2019.
Par ordonnance n°97 en date du 6 décembre 2019, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la jonction des deux procédures sous le n° RG 19/00081.
Par conclusions récapitulatives reçues par voie électronique au greffe de la Cour le 28 octobre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions, Monsieur [U] [TF], demande à la Cour de :
Vu les dispositions de l'article 555 alinéas 3 et 4 du code civil et les dispositions des articles 1875 et suivants du code civil,
- Voir recevoir le présent appel
- Voir prononcer le sursis à statuer dans l'attente de l'issue du partage entre les consorts [WI], pendant devant le tribunal foncier et enrôlé sous le N° 20/00026 ;
- Voir infirmer le jugement du Tribunal Foncier de Papeete du 24 avril 2019 ;
- Dire et juger que M. [U] [TF] est un occupant de bonne foi du lot M n°[Cadastre 2] puisqu'il a obtenu l'autorisation du défunt propriétaire de construire sur ce lot ;
- Voir nommer tel l'expert qu'il plaira à la Cour avec pour mission de se rendre sur les lieux et d'évaluer tous les travaux de terrassement et construction effectués par M. [U] [TF] pour rendre habitable ce lot ainsi que les travaux de réalisation de la servitude M n°[Cadastre 1] ;
- Dire et juger que M. [U] [TF] pourra se maintenir dans les lieux tant que l'indemnisation à intervenir ne lui sera pas entièrement réglée ;
- Constater ensuite que le lot M n°[Cadastre 1] est une servitude de passage qui dessert plusieurs propriétés De ce fait, demander à l'expert de constater cet état ;
En conséquence
- Dire et juger que cette servitude de passage devra être maintenue et faire interdiction à toute personne d'entraver la libre circulation et le libre passage sur cette servitude ;
- Réformer le premier juge en ce qu'il a alloué aux consorts [WI] la somme de 220 000 FCP au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens de 1ère instance ;
- Débouter les Consorts [WI] de tous leurs moyens, fins et conclusions ;
- Les condamner à payer à M. [U] [TF] la somme de 250 000 FCP au titre des frais irrépétibles (article 407 du CPCPF) et aux entiers dépens.
Par conclusions récapitulatives reçues par voie électronique au greffe de la Cour le 17 novembre 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions, les époux [X] demandent à la Cour de :
Vu les articles 1875, 1876, 1879,
Vu l'acte authentique de donation du 26 avril 2022,
Vu les écrits datés du 19 mai 1988 et du 16 juin 1989,
Vu les autres pièces du dossier,
- Déclarer l'appel des époux [X] recevable ;
- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement n° 17/00061 du 24 avril 2019 ;
Statuant à nouveau,
- Voir constater que Monsieur [U] [X] est bénéficiaire de droits indivis de 1/9ème dans la parcelle de terre cadastrée M n°[Cadastre 2] de la terre [Localité 4] d'une superficie de 1228 M2 ;
- Dire que la terre [Localité 4] sise à [Localité 3], cadastrée section M n°[Cadastre 1] et n°[Cadastre 2] est occupée à juste titre et de bonne foi par les époux [X] dans le cadre d'un contrat de commodat ou de prêt à usage ;
- Réserver la demande d'indemnité d'occupation formulée par les intimés ;
Si par extraordinaire la Cour envisage de dire que le prêt a pris fin,
- Voir prononcer le sursis à statuer dans l'attente du partage enrôlé sous le numéro 20/00026 pendant devant le Tribunal Foncier, à intervenir entre les consorts [WI] ;
- Désigner tel expert qu'il plaira à fin d'estimer la valeur des constructions, aménagements et embellissements de la parcelle M n°[Cadastre 2] sise à [Localité 3] ;
- Dire dans l'attente, que les époux [X] ont le droit de conserver les lieux jusqu'à complet paiement ;
- Débouter les consorts [WI] de leurs demandes nouvelles d'indemnité d'occupation ;
- Condamner solidairement et chacun pour le tout, [PG], [BN] [WI], [W] [Y], [G] [RX], [PC] [WI] et [D] [XV] à verser aux époux [X], la somme de 450.000 FCP au titre des frais de l'article 407 du Code de procédure civile de la Polynésie française ;
- Condamner solidairement les mêmes aux entiers dépens d'appel.
Monsieur [U] [X] précise avoir reçu en donation de sa tante, Madame [TJ] [HS] [WI], par acte authentique du 26 avril 2022, la totalité de ses droits indivis soit un neuvième (1/9ème) dans la parcelle de terre cadastrée M n°[Cadastre 2] d'une superficie de 1228 M2 qu'il occupe avec sa famille depuis 1989 et sur laquelle [EO] [WI] lui avait établi un contrat de commodat ; qu'il est intervenu dans la procédure en partage enrôlée sous le numéro 20/00026 au Tribunal Foncier et entend solliciter l'attribution préférentielle, moyennant le paiement d'une soulte, de la parcelle M n°[Cadastre 2].
Par conclusions récapitulatives reçues par voie électronique au greffe de la Cour le 15 septembre 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions, Madame [L] [E] épouse [Z] (Ayant droit de [O] [WI]), Monsieur [BN] [WI] (Ayant droit de [N] [WI]), Monsieur [PG] [DA] [WI] (Ayant droit de [K] [WI]), Monsieur [W] [Y] (Ayant droit de [RT] [WI] épouse [Y]), Madame [PC] [KR] [WI] (Ayant droit de [M] [WI] et de [MH] [WI]) et Monsieur [D] [GB] [XV] (Ayant droit d'[S] [A] [WI]), les consorts [WI], ayant pour avocat LA SELARL CHANSIN-WONG YEN ' Maître Stéphanie WONG-YEN, demandent à la cour de :
- Déclarer irrecevable les époux [X] et Monsieur [TF] en leur demande d'indemnisation au titre de l'article 555 du code civil comme étant une demande nouvelle en cause d'appel ;
- Dire et juger que les autorisations de construire datées des 19 mai 1988 et 16 juin 1989 ne sauraient s'analyser en contrat de prêt à usage (ou commodat) ;
À supposer qu'il soit possible de retenir que ces simples autorisations de construire s'analysent en prêt à usage (ou commodat)
- Dire et juger que le contrat de prêt à usage (ou commodat) a été résilié depuis le 14 juin 2017 ;
Par conséquent.
- Confirmer le jugement rendu par le Tribunal Foncier de la Polynésie française le 24 avril 2019 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
- Condamner solidairement les époux [X] et Monsieur [TF] à payer aux consorts [WI] la somme de 4.800.000 F.CFP au titre de l'indemnité d'occupation due depuis le 25 juin 2015 ;
- Condamner les époux [X] et Monsieur [TF] à une indemnité d'occupation de 80.000 F CFP à devoir aux consorts [WI] jusqu'à libération effective des lieux à compter du mois d'août 2020 ;
Si par extraordinaire, la présente Cour venait à déclarer les appelants recevables en
leur demande d'indemnité au titre de l'article 555 du code civil,
- Débouter les époux [X] ainsi que Monsieur [TF] de cette demande ;
En tout état de cause vu l'acte de donation,
- Prendre acte que les consorts [WI] n'entendent pas vendre les parcelles litigieuses ;
- Prendre acte de l'acte de donation en date du 26 avril 2022 par lequel Madame [TJ] [HS]-[WI] a fait donation à Monsieur [U] [X] de la pleine propriété de ses droits indivis, soit l/9ème, dans les parcelles M n°[Cadastre 1] et M n°[Cadastre 2] de la parcelle B lot 3 de la terre [Localité 4] - lot 2 ;
- Constater que Monsieur [X] demeure redevable d'une indemnité d'occupation à l'indivision ;
- Décerner acte aux consorts [WI] de ce qu'ils entendent solliciter dans le cadre de la procédure en partage enrôlée sous le numéro 20/00026 devant le Tribunal Foncier que la totalité de la parcelle B lot 3 de la terre [Localité 4] - lot 2, cadastrée section M n°[Cadastre 1] et M n°[Cadastre 2], soit attribuée de manière préférentielle à Monsieur [U] [X] venant aux droits de Madame [HS]-[WI] ;
- Réserver aux consorts [WI] le droit de ressaisir le Tribunal d'une action en expulsion à l'encontre de Monsieur [U] [TF] ;
- Débouter les époux [X] de leur demande de sursis à statuer ;
- Débouter les époux [X] ainsi que Monsieur [TF] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
- Adjuger aux consorts [WI] l'entier bénéfice de toutes leurs demandes ;
- Condamner les époux [X] et Monsieur [TF] à payer chacun aux consorts [WI] la somme de 420.000 F.CFP au titre des frais irrépétibles ;
- Condamner les mêmes aux dépens avec distraction d'usage au profit du Conseil soussigné sous due affirmation.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance en date du 18 novembre 2022 pour l'affaire être fixée à l'audience de la Cour du 23 mars 2023. En l'état l'affaire a été mise en délibéré au 22 juin 2023.
MOTIFS :
La recevabilité de l'appel n'est pas discutée et aucun élément de la procédure ne permet à la cour d'en relever d'office l'irrégularité.
Comme l'a à juste titre retenu le premier Juge, les consorts [WI] justifient de leurs droits de propriété indivis sur la parcelle B lot 3 de la terre [Localité 4] - lot 2, cadastrée section M n°[Cadastre 1] et M n°[Cadastre 2] sise à [Localité 3], cette parcelle étant propriété de leur auteur [EO] [WI] aux termes d'un acte de partage notarié en date du 4 novembre 1981, transcrit le 6 octobre 1982. Cette qualité n'est pas contestée devant la cour.
Aux termes de l'article 815-2 du code civil, tout indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis même si elles ne présentent pas un caractère d'urgence. Il s'en déduit qu'en cas d'accaparation de la terre indivise, tout indivisaire a qualité à agir pour faire respecter les droits de propriété de l'indivision.
Ainsi, les consorts [WI] sont recevables en leur action en expulsion pour avoir qualité et intérêt à agir en expulsion de tout occupant qui serait dit sans droit ni titre sur ces parcelles.
Devant la cour, les époux [X] et Monsieur [U] [TF] soutiennent que le premier juge ne pouvait pas les dire sans droit ni titre car ils ont été autorisés par [EO] [WI], à occuper la parcelle B lot 3 de la terre [Localité 4] - lot 2, cadastrée section M n°[Cadastre 1] et M n°[Cadastre 2] et à y construire leur maison d'habitation.
Aux termes des articles 1101 et 1134 du code civil dans leur version applicable en Polynésie française, le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou ne pas faire quelque chose. Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
Il est constant que, sauf stipulation contraire, les héritiers de celui qui s'oblige sont tenus par les termes de la convention.
En l'espèce, les appelants produisent devant la cour un document intitulé AUTORISATION en date du 19 mai 1988 libellé en ces termes :
«Je soussigné, [WI] [EO] né le 04 décembre 1932, domicilié à [Localité 3] [Adresse 13].
Autorise Monsieur et Madame [X] [U], domiciliés à [Localité 3] [Adresse 13].
A construire leur maison d'habitation sur mon terrain- [Localité 4] n°3 parcelle B sise à [Localité 3] [Adresse 14] pour un temps indéterminé.
La présente autorisation est établie pour servir et valoir ce que de droit.»
La signature de [EO] [WI] est légalisée en la Mairie d'[Localité 3] le 19 mai 1988.
Il est également soumis à la cour un document intitulé «ATTESTATION d'AUTORISATION DE TRAVAUX en date du 16 juin 1989 en ces termes :
«Par devant nous, Madame [I] [P]/[J]. Officier de l'Etat Civil et 1er Adjoint ou Maire de la Commune de [Localité 3] ; atteste et certifie avoir reçu Monsieur [WI] [EO], né le 04 DECEMBRE 1939 à [Localité 3] (TAHITI), domicilé à [Localité 3] [Adresse 13], propriétaire de la Terre [Localité 4] lot N°3 - Parcelle B suivent acte transcrit au bureau don Hypothèques de PAPEETE le 06 OCTOBRE 1982 ' Volume 1162 N°7.
Qui donne AUTORISATION à Monsieur [X] [U], né le 27 FEVRIER 1960 à [Localité 10] (TAHITI), demeurant à [Localité 3] [Adresse 13] et Monsieur [TF] [U] (FiIs) né le 15 DECEMBRE 1964 à [Localité 10] (TAHITI), demeurant à [Localité 3] [Adresse 13] de construire leur maison d'habitation chacun pour son propre compte sur le terrain sus-désigné m'appartenant.
En foi de quoi, la présente attestation est établie pour servir et valoir ce que de droit.»
Il est ainsi démontré que les époux [X] et Monsieur [U] [TF] sont installés sur la terre du chef de [EO] [WI] qui était alors propriétaire exclusif de la parcelle B lot 3 de la terre [Localité 4] - lot 2, cadastrée section M n°[Cadastre 1] et M n°[Cadastre 2] et pouvait donc en disposer comme il le souhaitait. Il se déduit des termes mêmes de ces autorisations que [EO] [WI] avait pour intention de consentir tant aux époux [X] qu'à Monsieur [U] [TF] un droit d'occupation à titre gratuit pour une durée indéterminée avec autorisation de construire pour leur propre compte.
En produisant permis de construire et certificat de conformité de la construction, ainsi que les justificatifs du paiement des impôts fonciers et des charges de ville, les appelants démontrent avoir fait un usage en bon père de famille de la parcelle pour laquelle [EO] [WI] leur a consenti un droit d'occupation.
De l'expression «propre compte», la cour déduit que [EO] [WI] a souhaité que les constructions établies sur sa parcelle restent la propriété des constructeurs qu'il a autorisés. C'est en cela qu'il ne peut être retenu qu'il s'agit d'un prêt à commodat, celui-ci interdisant la répétition des frais engagés. Des termes même de l'autorisation qui leur était délivrée, les époux [X] et Monsieur [U] [TF] ne pouvaient que comprendre que les constructions qu'ils mettraient en 'uvre seraient leurs et ils sont légitimes à se dire constructeurs de bonne foi et a souhaité en cas d'éviction une indemnité au titre de l'article 555 du code civil.
De même, les termes «pour une durée indéterminée» garantissaient aux époux [X] et à Monsieur [U] [TF] de ne pas construire à leur frais une maison d'habitation dont ils pourraient être privés à tout moment.
Il est également constant que [EO] [WI] n'a pas souhaité de contrepartie à cette autorisation qui ne peut être qu'à titre gratuit compte tenu de la rédaction des documents intitulés « AUTORISATION ».
Il s'en déduit qu'il ne peut être exigé des bénéficiaires de ces autorisations une quelconque indemnité d'occupation pour l'usage qu'ils font de la parcelle B lot 3 de la terre [Localité 4] - lot 2, cadastrée section M n°[Cadastre 1] et M n°[Cadastre 2].
Les consorts [WI], qui viennent aux droits de [EO] [WI], sont tenus des engagements pris par leur auteur.
Cependant, il est constant que la parcelle B lot 3 de la terre [Localité 4] - lot 2, cadastrée section M n°[Cadastre 1] et M n°[Cadastre 2] est aujourd'hui propriété des ayants droit de [EO] [WI] et ceux-ci sont en droit de mettre fin au droit d'usage à titre gratuit consenti par leur auteur aux époux [X] et à Monsieur [U] [TF].
Les consorts [WI] affirment qu'ils ont signifié aux occupants qu'ils devaient libérer les lieux lors d'une réunion de l'association familiale héritiers de feu [AS] [WI] en date du 25 mars 2017. Il est produit le compte rendu de cette réunion dont il résulte qu'il a été débattu de la position à prendre vis à vis de l'occupation des [X]/[TF]. Il est indiqué que la décision est de «les mettre au tribunal car nous n'avons pas trouvé un terrain d'entente et mettre nos enfants sur cette terre quand ce sera partagé». Il est mentionné après cette décision que la souche [NU] se désolidarisent de l'association. Il est également fait état à ce compte rendu que [RO] a appelé [U] [TF] pour lui dire ce qui s'est passé en réunion, qu'il a confirmé comme sa s'ur qu'il n'y aura aucune entente au sujet de ce terrain.
Il est par ailleurs produit un procès-verbal de constat établi par Maître [B] [T] le 13 mars 2017 aux termes duquel il est constaté la présence de deux maisons sur la parcelle, que Monsieur [U] [TF] lui a déclaré qu'il a obtenu auparavant une autorisation de construire, indéterminée de Monsieur [EO] [WI], qu'il refuse de quitter les lieux.
L'huissier ne mentionne pas avoir procédé auprès des époux [X] et de Monsieur [U] [TF] à la notification de la rupture de la convention d'occupation à titre gratuit ni à une mise en demeure de libérer les lieux dans un délai déterminé.
En conséquence, La cour constate que la production de ces pièces n'établit pas que l'indivision successorale a notifié la rupture de la convention d'occupation à titre gratuit ni la mise en demeure aux époux [X] et à Monsieur [U] [TF] de libérer la parcelle avec un délai de prévenance raisonnable.
En l'état, il ne peut pas être retenu qu'il a été mis fin à l'autorisation délivrée par [EO] [WI], d'autant plus que Madame [L] [E] épouse [Z], Monsieur [BN] [WI], Monsieur [PG] [DA] [WI], Monsieur [W] [Y], Madame [PC] [KR] [WI] et Monsieur [D] [GB] [XV] ne démontrent pas être détenteurs à eux seuls des 2/3 des droits indivis nécessaires à la révocation de cette autorisation aux termes de l'article 815-3 du code civil ; et ce alors qu'il existe des tensions certaines au sein de l'association familiale qui dit gérer l'indivision successorale comme en attestent : le compte rendu de la réunion du 25 mars 2017, réunion au cours de laquelle la souche [NU] se désolidarisent des décisions prises à l'encontre des époux [X] ; le désistement de [R] [V] [WI] et [C] [WI] en première instance ; mais aussi la donation par Madame [TJ]
[HS] [WI] de la totalité de ses droits indivis soit un neuvième (1/9ème) aux époux [X], par acte authentique du 26 avril 2022.
Il résulte de ces éléments que si certains indivisaires souhaitent revenir sur la convention d'occupation à titre gratuit délivrée par leur auteur, [EO] [WI], d'autres indivisaires souhaitent respecter sa volonté de faire bénéficier les époux [X] et Monsieur [U] [TF] d'un droit d'occupation.
Ainsi, les époux [X] et Monsieur [U] [TF] ne sont pas sans droit ni titre sur la parcelle B lot 3 de la terre [Localité 4] - lot 2, cadastrée section M n°[Cadastre 1] et M n°[Cadastre 2] et c'est à tort que le premier juge a fait droit à la demande en expulsion et à ordonner la destruction de toutes les constructions édifiées par les époux [X] et Monsieur [U] [TF].
En conséquence de l'ensemble de ces éléments, la cour confirme le jugement du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, Tribunal foncier de la Polynésie française ' section 2, n° RG 17/00061, n° de minute 170 en date du 24 avril 2019 seulement en ce qu'il a dit :
- Constate que le désistement de Monsieur [R] [V] [WI] et de Madame [C] [WI] épouse [HN] est parfait ;
- Déboute [U] [TF] de sa demande, de fourniture du mandat de représentation par Madame [GF] [WI] épouse [MD] au profit de Maître Stella CHANSIN-WONG ;
- Déclare [PG], [BN] [WI], [W] [BM], [G] [RX], [PC] [WI] et [D] [XV] recevables en leur action ;
- Constate que [PG], [BN] [WI], [W] [Y], [G] [RX], [PC] [WI], et [D] [XV] sont ayants droit de [EO] [WI], propriétaire par titre du lot 3 de la parcelle B du lot 2 de la terre [Localité 4], sis à [Localité 3], cadastré section M n°[Cadastre 1] et M n°[Cadastre 2], d'une superficie respective de 170 m2 et 1228 m2.
Le cour infirme le jugement du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, Tribunal foncier de la Polynésie française ' section 2, n° RG 17/00061, n° de minute 170 en date du 24 avril 2019, en toutes ses autres dispositions.
Il serait inéquitable de laisser à la charge des époux [X] et de Monsieur [U] [TF] les frais exposés par eux et non compris dans les dépens. La Cour condamne in solidum Madame [L] [E] épouse [Z], Monsieur [BN] [WI], Monsieur [PG] [DA] [WI], Monsieur [W] [Y], Madame [PC] [KR] [WI] et Monsieur [D] [GB] [XV] à payer la somme de 250.000 francs pacifiques aux époux [X] ainsi que la somme de 250.000 francs pacifiques à Monsieur [U] [TF] à ce titre.
Madame [L] [E] épouse [Z], Monsieur [BN] [WI], Monsieur [PG] [DA] [WI], Monsieur [W] [Y], Madame [PC] [KR] [WI] et Monsieur [D] [GB] [XV] qui succombent pour le tout doivent être condamnés aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
DECLARE l'appel recevable ;
CONFIRME le jugement du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, Tribunal foncier de la Polynésie française ' section 2, n° RG 17/00061, n° de minute 170 en date du 24 avril 2019 seulement en ce qu'il a dit :
- Constate que le désistement de Monsieur [R] [V] [WI] et de Madame [C] [WI] épouse [HN] est parfait ;
- Déboute [U] [TF] de sa demande, de fourniture du mandat de représentation par Madame [GF] [WI] épouse [MD] au profit de Maître Stella CHANSIN-WONG ;
- Déclare [PG], [BN] [WI], [W] [BM], [G] [RX], [PC] [WI] et [D] [XV] recevables en leur action ;
- Constate que [PG], [BN] [WI], [W] [Y], [G] [RX], [PC] [WI], et [D] [XV] sont ayants droit de [EO] [WI], propriétaire par titre du lot 3 de la parcelle B du lot 2 de la terre [Localité 4], sis à [Localité 3], cadastré section M n°[Cadastre 1] et M n°[Cadastre 2], d'une superficie respective de 170 m2 et 1228 m2 ;
INFIRME le jugement du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, Tribunal foncier de la Polynésie française ' section 2, n° RG 17/00061, n° de minute 170 en date du 24 avril 2019, en toutes ses autres dispositions ;
Statuant de nouveau :
DÉBOUTE Madame [L] [E] épouse [Z], Monsieur [BN] [WI], Monsieur [PG] [DA] [WI], Monsieur [W] [Y], Madame [PC] [KR] [WI] et Monsieur [D] [GB] [XV] de toutes leurs demandes ;
Y ajoutant,
CONDAMNE in solidum Madame [L] [E] épouse [Z], Monsieur [BN] [WI], Monsieur [PG] [DA] [WI], Monsieur [W] [Y], Madame [PC] [KR] [WI] et Monsieur [D] [GB] [XV] à payer la somme de 250.000 francs pacifiques à Monsieur [U] [X] et à Madame [H] [TF] épouse [X] (les époux [X]) en application de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
CONDAMNE in solidum Madame [L] [E] épouse [Z], Monsieur [BN] [WI], Monsieur [PG] [DA] [WI], Monsieur [W] [Y], Madame [PC] [KR] [WI] et Monsieur [D] [GB] [XV] à payer la somme de 250.000 francs pacifiques à Monsieur [U] [TF] en application de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
REJETTE tout autre chef de demande des parties, plus ample ou contraire au présent arrêt ;
CONDAMNE Madame [L] [E] épouse [Z], Monsieur [BN] [WI], Monsieur [PG] [DA] [WI], Monsieur [W] [Y], Madame [PC] [KR] [WI] et Monsieur [D] [GB] [XV] aux dépens de première instance et d'appel.
Prononcé à Papeete, le 22 juin 2023.
Le Greffier, Le Président,
signé : M. SUHAS-TEVERO signé : K. SZKLARZ