N° 57
KS
---------------
Copie exécutoire
délivrée à :
- Me Neuffer,
le 03.07.2023.
Copies authentiques
délivrées à :
- Me Lau,
- Me Michel,
- Me Bourion,
- Polynésie française,
- l'Etat français,
le 03.07.2023.
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D'APPEL DE PAPEETE
Chambre des Terres
Audience du 22 juin 2023
RG 19/00040 ;
Décisions déférées à la Cour : jugement n°345, rg n° 08/00081 du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, Chambre des Terres, du 30 août 2017 et jugement n° 546, rg n° 18/00001 du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, Tribunal Foncier, du 28 novembre 2018 ;
Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 2 mai 2019 ;
Appelante :
La Commune de [Adresse 14]a, représentée par son Maire en exercice ;
Représentée par Me Philippe Temauiarii NEUFFER, avocat au barreau de Papeete ;
Intimés :
1 - Mme [AD] [IE] [SU] [A] épouse [EG], née le 4 septembre 1946 à [Localité 19], de nationalité française, demeurant à [Adresse 17] ;
Non comparante ;
2 - La Polynésie française, Direction des Affaires Foncières dont le siège social est sis à [Adresse 22] ;
Non comparante, assignée à agent habilité le 12 juin 2019 ;
3 - L'Etat français dont le siège social est sis à [Adresse 20] ;
Non comparant, assigné à agent habilité le 12 juin 2019 ;
4 - L'Office Polynésien de l'Habitat dont le siège social est sis à [Localité 24]
[Adresse 26] ;
Ayant pour avocat la Selarl Cabinet Lau et Nougaro, représentée par Me James LAU, avocat au barreau de Papeete ;
5 - Mme [Z] [HE] épouse [JE], née le 12 mai 1963 à [Localité 16], de nationalité française, [Adresse 12] ;
Non comparante, assignée à personne le 26 juin 2019 ;
6 - Mme [J] [S] [R], épouse [WN], née le 9 juillet 1966 à [Localité 19], de nationalité française, demeurant à [Adresse 13] ;
Non comparante, assignée à personne le 12 juin 2019 ;
7 - M. [LA] [SW] [NA], né le 17 septembre 1962 à [Localité 19], de nationalité française, demeurant à [Adresse 21], assisté de Mme [P] [C], tutrice légale, nanti de l'aide juridictionnelle n° 2021/000871 du 5 juillet 2021 ;
Représenté par Me Anne-Laurence MICHEL, avocat au barreau de Papeete ;
8 - M. [JC] [Y] [YN] [R], né le 21 septembre 1935 à [Localité 19], et décédé le 31 août 2017, représenté par ses ayants-droit :
- Mme [TS] [OY] [R], née le 29 mars 1971 à [Localité 19], demeurant à [Adresse 29] ;
Non comparante, assignée à personne le 5 juin 2020 ;
- M. [GG] [FG] [R], né le 24 septembre 1981, demeurant à [Adresse 30] ;
Non comparant, assigné à personne le 8 juin 2020 ;
- Mme [I] [T] [R], épouse [XN], née le 12 mai 1958 à [Localité 27] ([Localité 28]), demeurant à [Adresse 30] ;
Non comparante, assignée à personne le 5 juin 2020 ;
- Mme [OW] [CJ] [R], née le 7 juillet 1965 à [Localité 19], demeurant à [Adresse 30] ;
Non comparante, assigné à personne le 5 juin 2020 ;
9 - Mme [NY] [R], épouse [G], né le 11 janvier 1962 à [Localité 19], de nationalité française, demeurant à [Adresse 23] ;
10 - Mme [P] [HG] [C], née le 7 septembre 1962 à [Localité 19], de nationalité française,demeurant à [Adresse 21] ;
11 - Mme [UP] [EI] [V], née le 28 mai 1955 à [Localité 34], de nationalité française, demeurant à [Adresse 18] ;
12 - Mme [KC] [US] épouse [CL], née le 10 mars 1961 à [Localité 19], demeurant à [Adresse 25] lot 14 ;
Les intimés n° 9 à 12 ayant pour avocat la Selarl ManaVocat, représentée par Me Dominique BOURION, avocat au barreau de Papeete ;
Ordonnance de clôture du 21 octobre 2022 ;
Composition de la Cour :
Après communication de la procédure au ministère public conformément aux articles 249 et suivants du code de procédure civile de la Polynésie française et la cause a été débattue et plaidée en audience publique du 23 février 2023, devant Mme SZKLARZ, conseiller désigné par l'ordonnance n° 57/OD/PP.CA/22 du premier président de la Cour d'Appel de Papeete en date du 7 novembre 2022 pour faire fonction de président dans le présent dossier, Mme GUENGARD, président de chambre, Mme TEHEIURA, magistrat honoraire de l'ordre judiciaire aux fins d'exercer à la cour d'appel de Papeete en qualité d'assesseur dans une formation collégiale, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt par défaut ;
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par Mme SZKLARZ, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A R R E T,
FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS :
Par requête reçue au greffe le 25 juillet 2008, et par acte d'huissier du 17 février 2009, Madame [AD] [IE] [A] épouse [EG] a fait assigner devant le Tribunal civil de première instance de Papeete la collectivité publique d'outre-mer de la Polynésie française, l'Office polynésien de l'habitat et l'Etat français en revendication de la propriété de la terre [Localité 33], située à [Localité 15].
La requérante a exposé que la terre [Localité 31] a été revendiquée en 1852 par la dame [DK] [RU] a [DI] par déclaration auprès du conseil de district de [Localité 15], inscrite au registre publique sous le numéro [Cadastre 4] et que, par arrêt n°954 du 12 novembre 1883, transcrit le 12 octobre 1888 au volume 925 n° 22 la Haute Cour tahitienne a infirmé la décision du conseil de district de [Localité 15] du 11 juillet 1883 et déclaré que la terre [Localité 31] n°[Cadastre 4] est la propriété de la dame [H] a [DI], ayant droit de [DK] [RU] [DI].
La Polynésie française, l'Etat français et l'Office Public de l'habitat ont comparu.
Un jugement en date du 30 juin 2010 a ordonné la réouverture des débats, Madame [AD] [IE] [A] épouse [EG] n'ayant pas eu connaissance des conclusions de la Polynésie française.
La Polynésie française a exposé que la terre [Localité 31] a fait l'objet de deux revendications au registre public des terres du district de [Localité 15] de 1852 :
- sous le numéro 310 par [VS] [D],
- sous le numéro [Cadastre 4] par [DK] [RU] [DI],
Elle a précisé que la terre revendiquée sous le numéro [Cadastre 4], se trouve actuellement cadastrée commune de [Localité 15], section R [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 2] et [Cadastre 3] indiquées à la matrice cadastrale comme étant la propriété de la commune de [Localité 15] ; que l'autre moitié de la terre a été cédée par madame [ZL] [VS] alias [VS] [D], par acte sous seing privé transcrit le 3 septembre 1881 à [PW] [SS], qui l'a lui-même transmise à Monsieur [O] [E] qui l'a revendu à Monsieur [N] duquel elle tient ses droits par suite d'un jugement d'envoi en possession du 19 avril 1978 par lequel le tribunal a constaté la déshérence de la succession de Monsieur [N] ; que cette terre [Localité 33] est cadastrée commune de [Localité 15], section R n° [Cadastre 1], [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 10] et [Cadastre 11].
La Polynésie française a demandé sa mise hors de cause, le litige ne pouvant pas concerner la terre [Localité 33] (Tomite 310 : [VS] [D]) dont la Polynésie française est propriétaire.
Madame [EG] a maintenu sa demande de restitution de la totalité du patrimoine familial, et que le tribunal confirme que son aïeule est propriétaire de la terre [Localité 31] qui conduira à l'expulsion de l'OPH, de la commune de [Localité 15] et de toute autre personne, précisant que sa demande porte sur la terre [Localité 33], cette terre devant être restituée aux descendants et ayants droit de son aïeule [H] a [DI].
[P] [C], [LA] [NA], [JC] [R], [NY] [R], [J] [R], [UP] [V] et [Z] [HE] (les consorts [R]) ont demandé au tribunal de leur donner acte de leur intervention volontaire, et de leur qualité d'ayant droit de madame [DK] [RU] et de leurs revendications de la terre [Localité 31] n°[Cadastre 4] située à [Localité 15] et de dire qu'ils sont propriétaires et co-indivisaires de la terre [Localité 31] n°[Cadastre 4] située à [Localité 15]. Ils ont souhaité l'appel en cause de la commune de [Localité 15], actuel propriétaire de la terre [Localité 32].
La commune de [Localité 15] s'est opposée à la revendication de ceux qui se présentent comme les ayants droit de [DK] [RU] [DI]. Elle a argué qu'elle est propriétaire de la terre [Localité 32] pour l'avoir acquise de M. [MA] [B] [E] et Mme [BM] [FI] [U] [WP] son épouse, par acte notarié des 3 et 16 avril 1969. Elle a demandé au tribunal de débouter purement et simplement Mme [AD] [A] épouse [EG], et les consorts [R] de leurs demandes formulées à l'encontre de la Commune de [Localité 15] ; et de dire que la terre [Localité 32] (tomite n° [Cadastre 4]), cadastrée section R parcelles n° [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 2] et [Cadastre 3] est la propriété par titre de la Commune de [Localité 15].
Par jugement n° RG 08/00081, n° de minute 345, en date du 30 août 2017, rectifié par jugement n° RG 18/00001, n° de minute 546 en date du 28 novembre 2018, auquel la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de la procédure, des moyens et des prétentions de première instance, le Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, chambre des terres, a retenu que Madame [EG] revendique uniquement la propriété de la terre [Localité 33] et que les consorts [R] revendiquent la propriété de la parcelle [Localité 32] en qualité d'ayants droit de madame [DK] [RU] ; que la commune de [Localité 15] ne justifie pas d'une chaîne ininterrompue d'actes translatifs de propriété entre le titre sur lequel elle fonde sa demande et le titre de propriété initial appelé «tomite» ; que Madame [EG], à défaut de rapporter la preuve d'un lien de filiation entre elle et le revendiquant originel [D] [VS], doit être déboutée de sa revendication de propriété de la terre [Localité 33] objet du tomite n° 310.
Au dispositif du jugement, le Tribunal a dit :
- Déclare [Z] [HE] épouse [JE] recevable en son intervention volontaire ;
- Déclare irrecevable les interventions volontaires de [P] [C], [LA] [NA], [JC] [R], [NY] [R], [J] [R], [UP] [V] ;
- Déclare hors de cause la Polynésie française ;
- Déboute la commune de [Localité 15] de sa demande tendant à voir le tribunal dire que la terre [Localité 32] (tomite n° [Cadastre 4]), cadastrée section R parcelles n° [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7],[Cadastre 2] et [Cadastre 3], est la propriété par titre de la Commune de [Localité 15] ;
- Déboute Madame [AD] [IE] [A] épouse [EG] de sa demande en revendication de la terre [Localité 33] objet du tomite n° 310 ;
- Déclare [Z] [HE] épouse [JE] propriétaire indivise de la terre [Localité 32] objet du tomite n° [Cadastre 4] ;
- Condamne la commune de [Localité 15] aux entiers dépens de l'instance.
Par requête enregistrée au greffe de la Cour le 2 mai 2019, la Commune de [Localité 15], représentée par son Maire en exercice, Monsieur [MY] [AI] et ayant pour avocat Maître Philippe T. NEUFFER, a inter-jeté appel de cette décision rectifiée dont il n'est rien dit de la signification.
Aux termes de ses conclusions récapitulatives reçues par voie électronique au greffe de la Cour le 4 juillet 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions, la Commune de [Localité 15] demande à la Cour de :
- Dire l'appel recevable et bien fondé ;
En conséquence,
- Annuler in parte le jugement N°08/00081 rendu le 30 août 2017 ensemble avec son jugement rectificatif du 28 novembre 2018 et en tout état de cause l'infirmer partiellement en ce qu'il a :
$gt; Débouté la commune de [Localité 15] de sa demande tendant à voir le tribunal dire que la terre [Localité 32] (Tomite n°[Cadastre 4]) cadastrée section R parcelles n° [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 2] et [Cadastre 3], est la propriété par titre de la commune de [Localité 15] ;
$gt; Déclaré Mme [Z] [HE] épouse [JE] propriétaire indivise de la terre [Localité 32] objet du tomite n°[Cadastre 4] ;
$gt; Condamné la Commune de [Localité 15] aux entiers dépens de l'instance ;
Statuant à nouveau,
- Dire et juger que la terre [Localité 32] (Tomite n°[Cadastre 4]) cadastrée section R parcelles n° [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 2] et [Cadastre 3], est la propriété par titre de la commune de [Localité 15] et en tout état de cause par prescription sur juste titre ;
- Débouter Madame [Z] [HE] épouse [JE] de toutes ses écritures et demandes ;
- Condamner Mme [Z] [HE] épouse [JE] à payer à la Commune de [Localité 15] la somme de 300.000 XPF au titre des frais irrépéti-bles d'appel en application de l'article 407 du code de procédure civile.
Par conclusions reçues par voie électronique au greffe de la Cour le 8 septembre 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions, L'OFFICE POLYNÉSIEN DE L'HABITAT (O.P.H), ayant pour avocat Maître [F] [K], demande à la cour sa mise hors de cause, dans la mesure où l'actuelle instance ne porte que sur la terre [Localité 32] pour laquelle il est sans droit.
Par conclusions reçues par voie électronique au greffe de la Cour le 3 février 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions, Madame [P], [HG] [C], Madame [UP], [EI] [V] et Madame [KC] [US] épouse [CL] (les consorts [C]), ayant pour avocat Maître Dominique BOURION, demandent à la cour de :
Vu l'article 349 du code de procédure civile local,
- Dire que la demande nouvelle tendant à prescription acquisitive formulée par la Commune de [Localité 15] est irrecevable ;
- Débouter la commune de [Localité 15] de toutes ses demandes fins et conclusions ;
- Confirmer partiellement le jugement du 30 août 2017 ainsi que celui rectificatif du 28 novembre 2018 en ce qu'il a déclaré [Z] [HE] épouse [JE], propriétaire indivise de la terre [Localité 32] objet du tomité n°[Cadastre 4] ;
- Recevoir Madame [CL] [KC] née [US] en son intervention volontaire ;
- Recevoir Madame [CL] [KC] née [US], Madame [UP], [EI] [V] et Madame [P], [HG] [C] en leur appel incident ;
- Dire et juger que Madame [CL] [KC] née [US], Madame [UP], [EI] [V] et Madame [P], [HG] [C] justifient donc de leur droit, qualité et intérêt à agir aux droits de [DK] [RU] ;
- Les déclarer recevables et propriétaires indivises avec [Z] [HE] épouse [JE], de la terre [Localité 32] objet du tomité n°[Cadastre 4].
Par conclusions reçues par voie électronique au greffe de la Cour le 17 mars 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions, Monsieur [LA] [SW] [NA], représenté par sa tutrice Madame [P] [C] et bénéficiaire de l'aide juridictionnelle N°2021/000871, ayant pour avocat Maître Anne-Laurence MICHEL demande à la cour de :
- Infirmer le jugement du 3 août 2017 qui a dit irrecevable Monsieur [LA] [SW] [NA] ;
Et vu, les pièces d'état-civil communiquées,
- Dire et juger Monsieur [LA] [SW] [NA] recevable comme établissant son lien de filiation avec Dame [DK] a [RU] ;
- Confirmer le jugement rectificatif du 30 août 2018 qui a dit «[Z] [HE] épouse [JE] propriétaire indivise de la terre [Localité 32], objet du tomité [Cadastre 4]» ;
Y ajoutant.
- Dire que Monsieur [LA] [SW] [NA], né le 17 septembre 1962, est propriétaire indivis, au même titre que les autres propriétaires indivis désignés.
- Condamner la Commune de [Localité 15] aux entiers dépens.
Par courrier du 1er août 2019, Madame [Z] [HE] a indiqué à la cour son souhait de constituer avocat et de demander à bénéficier de l'aide juridictionnelle. L'affaire a fait l'objet de nombreux renvois à la mise en état sans que Madame [Z] [HE] ne constitue avocat.
À la suite du décès de monsieur [JC] [Y] [YN] [R] le 31 août 2017, la Commune de [Localité 15] a appelé en cause ses héritiers.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance en date du 21 octobre 2022 pour l'affaire être fixée à l'audience de la Cour du 23 février 2023. En l'état l'affaire a été mise en délibéré au 25 mai 2023, délibéré qui a dû être prorogé.
MOTIFS :
Sur la recevabilité de l'appel :
La recevabilité de l'appel n'est pas discutée et aucun élément de la procédure ne permet à la Cour d'en relever d'office l'irrégularité.
Sur la recevabilité de la demande de la Commune de [Localité 15] quant à la prescription acquisitive de la propriété de la terre [Localité 32] (Tomite n°[Cadastre 4]), sise à [Localité 15], cadastrée section R parcelles n°[Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 2] et [Cadastre 3] :
Aux termes de l'article 349 du code de procédure civile de la Polynésie Française, les juges d'appel ne peuvent se prononcer que sur les demandes qui ont été soumises aux juges de première instance et il ne peut être formé en cause d'appel aucune demande nouvelle à moins qu'elle ne soit défense ou connexe à la demande principale ou qu'il s'agisse de compensation.
En l'espèce, la Commune de [Localité 15] oppose à la revendication de propriété de la terre [Localité 32], pour laquelle elle est titulaire d'un titre de propriété, la prescription acquisitive abrégée en présence d'un juste titre, et ce si son titre devait être dit inopposable aux demandeurs à l'action en revendication de propriété aux droits de [DK] [RU] [DI]. Il s'agit là d'un moyen de défense face à l'action en revendication de propriété.
En conséquence, la Cour dit cette demande nécessairement recevable pour être un moyen de défense.
Sur l'action en revendication de propriété de la terre [Localité 32] sise à [Localité 15] aux droits de [DK] [RU] [DI], revendiquante en 1852 :
Il est constant que devant la cour, seule la propriété de la terre [Localité 32] sise à [Localité 15] (Tomite n°[Cadastre 4]) cadastrée section R parcelles n°[Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 2] et [Cadastre 3] est en litige.
Il y a donc lieu de mettre hors de cause l'Office Public de l'habitat qui est sans droit sur cette terre.
Aux termes de l'article 1er du code de procédure civile de la Polynésie française, l'action est le droit pour l'auteur d'une prétention de la soumettre au juge afin qu'il la dise bien ou mal fondée et pour son adversaire le droit de discuter de ce bien-fondé. L'action n'est ouverte qu'à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention et sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé.
Il est constant que l'existence du droit invoqué par le demandeur n'est pas une condition de recevabilité de son action mais de son succès. Ainsi, celui qui se prétend propriétaire d'un bien immobilier a nécessairement qualité et intérêt à agir en revendication de la propriété de celui-ci. La charge de la preuve des droits de propriété qu'il revendique lui appartient.
En l'espèce, pour agir en revendication de propriété de la terre [Localité 32], objet du litige soumis au premier juge, [P] [C], [LA] [NA], [JC] [R], [NY] [R], [J] [R], [UP] [V] étaient nécessairement recevables en leur intervention volontaire et c'est à tort que le premier juge les a dits irrecevables. Il y a donc lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable les interventions volontaires de [P] [C], [LA] [NA], [JC] [R], [NY] [R], [J] [R], [UP] [V].
De même, devant la cour, l'intervention volontaire de Madame [CL] [KC] née [US] est recevable.
La force probante d'un acte authentique n'est pas sérieusement contestable et sa transcription le rend opposable aux tiers. En Polynésie française, comme dans le reste du territoire national, les actes authentiques font foi de leur contenu et de leurs mentions. La production de tels actes suffit à prouver les droits de propriété de l'acquéreur à l'acte.
Sauf à porter gravement atteinte à la sécurité juridique, il n'y a pas lieu d'exiger de ceux qui justifient d'un titre de propriété transcrit, qu'ils établissent une chaîne ininterrompue d'actes translatifs de propriété entre eux-mêmes, ou leurs ayants causes, et les propriétaires originels ou leurs ayants droits pour prouver leur qualité de propriétaire. C'est seulement dans le cadre d'un partage, lorsqu'il y a eu des cessions de droits indivis dont les quotités n'ont pas été précisées à l'acte, qu'il y a lieu de faire état d'une chaîne continue d'actes translatifs de droits depuis les titres originels, et ce afin, et seulement afin, de fixer les quotités à revenir à chaque propriétaire par titre.
Si un ayant droit du Tomité démontre que l'un ou l'autre des actes translatifs lui est inopposable pour avoir disposé irrégulièrement des droits de sa souche, ou est entaché de nullité, il est alors également constant que celui qui est propriétaire aux termes du juste titre dont l'inopposabilité est recherchée, pourrait éventuellement faire valoir sa possession en rapportant la preuve des actes matériels de possession qu'il aurait mis en 'uvre sur la terre en litige.
Ainsi, pour revendiquer des droits de propriété indivis sur une terre, tout particulièrement lorsque la matrice cadastrale ne mentionne pas pour propriétaire le tomité, il ne suffit pas de démontrer être ayants droits du Tomité, encore faut-il prouver que l'attributaire de la terre, et ses ayants droits après lui, n'ont pas disposé des droits de propriété qui ont été reconnus par le Tomité.
En l'espèce, par acte authentique en date des 3 et 16 avril 1969, transcrit à la conservation des hypothèques de Papeete le 7 mai 1969 Vol.553 n°7, produit devant la cour, la commune de [Localité 15] a acquis auprès de [MA] [B] [E] et de madame [BM] [FI] [WP] son épouse la terre [Localité 32]. Au terme de cet acte, il est précisé que le couple [E] avait acquis cette terre de [L] [W], par acte du 27 septembre 1944, que celui-ci l'avait acquise de [RW] [M] selon acte du 8 octobre 1941, qui l'avait acquise auprès de [O] [VP] selon acte du 19 avril 1939, qui l'avait acquise de [X] [NW] le 10 novembre 1922.
En présence d'un titre transcrit depuis plus de 39 ans, il appartient aux revendiquants contre ce titre, les consorts [C] et Monsieur [LA] [SW] [NA] devant la cour, les consorts [R] dont Madame [Z] [HE] devant le Tribunal, de rapporter la preuve de ce que cette vente a eu lieu a non domino et qu'elle est inopposable aux ayants droit de [DK] [RU] [DI].
Devant la cour, les consorts [C] font leur la motivation du tribunal en ce qu'il a retenu que le tribunal ne peut que constater que la commune de [Localité 15] ne justifie pas d'une chaîne ininterrompue d'actes translatifs de propriété entre son titre et le titre de propriété initial appelé Tomité ; et soutiennent que cet acte est affecté de nullité absolue puisqu'il ne reflète absolument pas la réalité et ne peut conférer aucun titre de propriété à la commune, et encore moins une prescription acquisitive ; que les descendants de [DK] [RU] sont les descendants du revendiquant originel de la terre [Localité 31] tomité [Cadastre 4] et en sont donc propriétaires aujourd'hui.
Monsieur [LA] [SW] [NA] soutient également que le jugement doit être confirmé, la Commune de [Localité 15] ne justifiant pas plus devant la cour de la chaîne ininterrompue d'actes translatifs de propriété, nécessaires à la validation de son titre de propriété.
Ainsi, devant la cour, les consorts [C] et Monsieur [LA] [SW] [NA] développent pour seul argument de revendication leur généalogie aux droits de [DK] [RU] [DI], revendiquante en 1852 de la terre [Localité 32] (tomite n° [Cadastre 4]).
La Commune de [Localité 15], qui défend face à l'action en revendication de propriété engagée par ceux qui se disent ayants droit du tomité, justifie d'un titre authentique de propriété, transcrit il y a plus de 39 ans au jour de la requête en revendication, ainsi que d'une occupation de cette terre qui est mentionnée au cadastre comme étant sa propriété et dont les parcelles cadastrée R n°[Cadastre 5], n°[Cadastre 6] et n°[Cadastre 2] constituent l'assiette du cimetière communal, la parcelle R n°[Cadastre 7] étant occupée par l'atelier mécanique de la commune et le centre de collecte et de traitement des déchets communaux et la parcelle R n°[Cadastre 3] par le service d'aménagement urbain et une pépinière.
C'est aux demandeurs à l'action en revendication de prouver que le titre de la Commune de [Localité 15] ne leur est pas opposable pour avoir disposé des droits de leur auteur a non domino. La cour ne peut que constater qu'ils échouent en cette démonstration pour se contenter d'exiger de la Commune de [Localité 15] la preuve de l'origine des droits acquis en 1969, renversant là la charge de la preuve.
Ainsi, en déniant à la Commune de [Localité 15] la propriété de la terre [Localité 32] (Tomite n°[Cadastre 4]), sise à [Localité 15], cadastrée section R parcelles n°[Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 2] et [Cadastre 3] aux motifs que son titre, acte authentique en date des 3 et 16 avril 1969, transcrit à la conservation des hypothèques de Papeete le 7 mai 1969 Vol.553 n°7, ne retrace pas une chaîne ininterrom-pue d'actes translatifs de propriété entre son vendeur et le tomite, le premier juge a privé l'acte authentique de sa force probante et renversé la charge de la preuve à tort.
La terre [Localité 32] (Tomite n°[Cadastre 4]), sise à [Localité 15], cadastrée section R parcelles n°[Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 2] et [Cadastre 3] étant propriété par titre de la Commune de [Localité 15], sans aucune contestation depuis plus de trente ans, il appartenait aux demandeurs à la revendication de propriété contre le titre de la Commune de [Localité 15] de prouver que leur auteur, qu'ils disent être [DK] [RU] [DI], et ses ayants droits après lui, n'ont pas cédé les droits du tomité.
En conséquence, la Cour infirme le jugement du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, chambre des terres, n° RG 08/00081, n° de minute 345, en date du 30 août 2017, rectifié par jugement n° RG 18/00001, n° de minute 546 en date du 28 novembre 2018, en ce qu'il a dit :
- Déclare irrecevables les interventions volontaires de [P] [C], [LA] [NA], [JC] [R], [NY] [R], [J] [R], [UP] [V] ;
- Déboute la commune de [Localité 15] de sa demande tendant à voir le tribunal dire que la terre [Localité 32] (tomite n° [Cadastre 4]), cadastrée section R parcelles n° [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7],[Cadastre 2] et [Cadastre 3], est la propriété par titre de la Commune de [Localité 15] ;
- Déclare [Z] [HE] épouse [JE] propriétaire indivise de la terre [Localité 32] objet du tomite n° [Cadastre 4] ;
- Condamne la commune de [Localité 15] aux entiers dépens de l'instance.
Statuant de nouveau, la cour déboute [Z] [HE] épouse [JE], [P] [C], [LA] [NA], [JC] [R], [NY] [R], [J] [R], [UP] [V] et Madame [KC] [US] épouse [CL] de leur demande de se voir reconnus propriétaires indivis, aux droits de [DK] [RU] [DI], de la terre [Localité 32] (Tomite n°[Cadastre 4]), sise à [Localité 15], cadastrée section R parcelles n°[Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 2] et [Cadastre 3]. La cour dit que la terre [Localité 32] (Tomite n°[Cadastre 4]), sise à [Localité 15], cadastrée section R parcelles n°[Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 2] et [Cadastre 3] est propriété de la Commune de [Localité 15] par acte authentique en date des 3 et 16 avril 1969, transcrit à la conservation des hypothèques de Papeete le 7 mai 1969 Vol.553 n°7.
Sur les autres demandes :
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la Commune de [Localité 15] les frais exposés par elle devant le Tribunal et devant la cour et non compris dans les dépens. La Cour condamne in solidum Madame [Z] [HE] épouse [JE], Madame [P], [HG] [C], Madame [UP], [EI] [V], Madame [KC] [US] épouse [CL] et Monsieur [LA] [SW] [NA] à payer à Commune de [Localité 15] la somme de 300.000 francs pacifiques à ce titre.
Madame [Z] [HE] épouse [JE], Madame [P], [HG] [C], Madame [UP], [EI] [V], Madame [KC] [US] épouse [CL] et Monsieur [LA] [SW] [NA] qui succombent pour le tout doivent être condamnés aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, par défaut, en matière civile et en dernier ressort ;
DÉCLARE l'appel recevable ;
METS hors de cause l'Office Public de l'habitat ;
DÉCLARE recevable l'intervention volontaire de Madame [CL] [KC] née [US] devant la cour ;
INFIRME le jugement du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, chambre des terres, n° RG 08/00081, n° de minute 345, en date du 30 août 2017, rectifié par jugement n° RG 18/00001, n° de minute 546 en date du 28 novembre 2018 en ce qu'il a dit :
- Déclare irrecevables les interventions volontaires de [P] [C], [LA] [NA], [JC] [R], [NY] [R], [J] [R], [UP] [V] ;
- Déboute la commune de [Localité 15] de sa demande tendant à voir le tribunal dire que la terre [Localité 32] (tomite n° [Cadastre 4]), cadastrée section R parcelles n° [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7],[Cadastre 2] et [Cadastre 3], est la propriété par titre de la Commune de [Localité 15] ;
- Déclare [Z] [HE] épouse [JE] propriétaire indivise de la terre [Localité 32] objet du tomite n° [Cadastre 4] ;
- Condamne la commune de [Localité 15] aux entiers dépens de l'instance.
Statuant de nouveau :
DÉCLARE recevable les interventions volontaires de [P] [C], [LA] [NA], [JC] [R], [NY] [R], [J] [R], [UP] [V] ;
DÉBOUTE [Z] [HE] épouse [JE], [P] [C], [LA] [NA], [JC] [R], [NY] [R], [J] [R], [UP] [V] et Madame [KC] [US] épouse [CL] de leur demande de se voir reconnus propriétaires indivis, aux droits de [DK] [RU] [DI], de la terre [Localité 32] (Tomite n°[Cadastre 4]), sise à [Localité 15], cadastrée section R parcelles n°[Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 2] et [Cadastre 3] ;
DIT que la terre [Localité 32] (Tomite n°[Cadastre 4]), sise à [Localité 15], cadastrée section R parcelles n°[Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 2] et [Cadastre 3] est propriété de la Commune de [Localité 15] par acte authentique en date des 3 et 16 avril 1969, transcrit à la conservation des hypothèques de Papeete le 7 mai 1969 Vol.553 n°7 ;
Y ajoutant,
CONDAMNE in solidum Madame [Z] [HE] épouse [JE], Madame [P], [HG] [C], Madame [UP], [EI] [V], Madame [KC] [US] épouse [CL] et Monsieur [LA] [SW] [NA] à payer à Commune de [Localité 15] la somme de 300.000 francs pacifiques au titre de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
REJETTE tout autre chef de demande des parties, plus ample ou contraire au présent arrêt ;
CONDAMNE Madame [Z] [HE] épouse [JE], Madame [P], [HG] [C], Madame [UP], [EI] [V], Madame [KC] [US] épouse [CL] et Monsieur [LA] [SW] [NA] aux dépens de première instance et d'appel.
Prononcé à Papeete, le 22 juin 2023.
Le Greffier, Le Président,
signé : M. SUHAS-TEVERO signé : K. SZKLARZ