N° 216
MF B
--------------
Copie exécutoire
délivrée à :
- Me Lamourette,
le 13.06.2023.
Copie authentique
délivrée à :
- Me Revault,
le 13.06.2023.
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D'APPEL DE PAPEETE
Chambre Civile
Audience du 8 juin 2023
RG 22/00227 ;
Décision déférée à la Cour : jugement n° 98, rg n° 21/01258 du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete du 30 mai 2022 ;
Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 27 juillet 2022 ;
Appelant :
M. [T] [X], né le 5 septembre 1968 à [Localité 7], de nationalité française, demeurant à[Adresse 4] ;
Ayant pour avocat la Selarl Jurispol, représentée par Me Esther REVAULT, avocat au barreau de Papeete ;
Intimés :
Mme [P] [J], née le 17 octobre 1985 à [Localité 7], de nationalité française, demeurant à [Adresse 6] ;
Mme [M] [R] épouse [X], née le 21 août 1959 à [Localité 9], de nationalité française, demeurant à [Adresse 5] ;
M. [L] [X], né le 1er août 1942 à[Localité 3]a, de nationalité française, demeurant à [Adresse 5] ;
Tous trois représentés par Me Mathieu LAMOURETTE, avocat au barreau de Papeete ;
M. [Y] [X], né le 6 décembre 1969 à [Localité 7], de nationalité française, demeurant à [Localité 2] lot n°40 - [Localité 1] ;
Non comparant, assigné à personne le 5 août 2022 ;
Le Ministère Public ;
Ayant conclu ;
Ordonnance de clôture du 13 janvier 2023 ;
Composition de la Cour :
Après communication de la procédure au ministère public conformément aux articles 249 et suivants du code de procédure civile de la Polynésie française et après que la cause ait été débattue et plaidée en audience non publique du 13 avril 2023,devant Mme BRENGARD, président de chambre, Mme DEGORCE, conseiller, Mme TISSOT, vice-présidente placée auprès du premier président, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt contradictoire ;
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par Mme BRENGARD, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A R R E T,
M. [L] [Z] [X] a été placé sous tutelle par jugement du 23 octobre 2006 car il présentait un trouble psychotique, son épouse [M] [R] étant désignée comme sa tutrice.
Suivant jugement rendu le 27 février 2013, le tribunal de première instance de Papeete a prononcé l'adoption simple de Mme [P] [R] née le 17 octobre 1985 à Papeete par M. [L] [X] et Mme [M] [R] épouse [X] puis a dit que l'adoptée porterait le nom de [J]. L'adoptée est la nièce de Mme [M] [R] épouse [X], enfant [D] depuis sa naissance auprès du couple [R] [X].
Suivant jugement du 14 mars 2017, le tribunal, saisi par la tierce opposition de MM. [T] et [Y] [X], a annulé l'adoption précitée au motif que le dépôt de la requête par M. [L] [X] n'avait pas été autorisé par le conseil de famille ou le juge des tutelles.
Par jugement rendu le 28 mai 2019, le juge des tutelles a converti la mesure de tutelle à l'égard de M.[L] [X] en une curatelle simple en désignant l'épouse de celui-ci en qualité de curatrice.
Par ordonnance du 21 avril 2021, le juge des contentieux de la protection statuant en qualité de juge des tutelles a autorisé M.[L] [X] à introduire seul la requête en adoption simple de Mme [P] [J].
C'est dans ces conditions que, suivant requête du 17 décembre 2021, M. [E] [X] a saisi le tribunal de première instance de Papeete pour solliciter l'adoption simple de Mme [P] [J].
Le procureur de la république a déclaré ne pas s'opposer à la demande d'adoption qui, selon ses conclusions, s'entend comme une reconnaissance juridique des liens affectifs constants unissant cette famille.
Les autres parties citées, M. [T] [X] et M. [Y] [X], tous deux fils de M. [L] [Z] [X], ont déclaré s'opposer à la demande d'adoption.
***
Suivant jugement n° 98 rendu contradictoirement le 30 mai 2022 (RG 21/010 58), le tribunal a prononcé l'adoption simple de Mme [P] [J] par M. [L] [Z] [X].
***
Par déclaration reçue au greffe le 27 juillet 2022, M. [T] [X] a relevé appel de ladite décision et en ses dernières conclusions du 6 décembre 2022, il entend voir la cour,
vu l'absence au dossier des consentements à l'adoption de l'adoptant et de l'adopté par devant notaire, vu l'absence de certificat médical actualisé attestant de la bonne santé physique et psychiatrique de l'adoptant,
infirmer le jugement entrepris,
à titre subsidiaire et avant-dire droit ordonner une expertise médicale de l'adoptant, M. [L] [Z] [X],
en toute hypothèse, dire et juger que Mme [P] [J] ne pourra plus porter le nom patronymique [X],
la condamner au paiement de la somme de 226'000 Fcfp au titre des frais irrépétibles en plus des entiers dépens.
Par conclusions communes du 14 octobre 2022, M. [L] [Z] [X], Mme [M] [R] épouse [L] [X] et Mme [P] [R] ont demandé à la cour de confirmer le jugement entrepris, déboutant M. [T] [X] de ses demandes,
subsidiairement, de décerner acte à M. [L] [Z] [X] de ce qu'il ne s'oppose pas à la demande d'expertise psychiatrique si elle peut être utile à l'appréciation de la cour,
en tout état de cause, condamner M. [T] [X] à verser à M. [L] [Z] [X] une somme de 395'000 Fcfp au titre de l'article 407 du code de procédure civile, outre les entiers dépens qu'il doit supporter.
Le 21 novembre 2022 le parquet général a donné un avis favorable à la demande d'adoption.
MOTIFS DE LA DECISION :
En sa décision querellé, le tribunal a relevé que la demande d'adoption formée par M. [L] [Z] [X] était conforme aux dispositions légales, et légitime par rapport au lien unissant celui-ci à l'adoptée depuis son plus jeune âge, sur la base des éléments suivants :
' dans son ordonnance autorisant M. [L] [Z] [X] à introduire seul la requête en adoption simple, le juge des contentieux et de la protection a noté que l'adoptant s'était montré particulièrement clair sur sa volonté d'adopter Mme [P] [J] et que plusieurs enfants de la fratrie issus de quatre lits différents se sont montrés favorables à cette adoption par respect pour la volonté de leur père,
' deux des enfants, [V] et [I] [X] ont attesté de leur consentement par écrit,
' à l'audience, M. [L] [Z] [X] a maintenu sa demande d'adoption en expliquant avoir élevé Mme [P] [J] comme sa fille et vouloir lui donner les mêmes droits que ses autres enfants,
' la mesure de tutelle dont l'adoptant faisait l'objet a été convertie en curatelle le 28 mai 2019,
' Mme [P] [J] a été confiée à sa tante Mme [M] [R] à sa naissance et a fait l'objet d'une délégation d'autorité parentale par jugement du 8 octobre 1986,
' Mme [M] [R] a vécu en concubinage plusieurs années avec l'adoptant avec lequel elle a eu un enfant né en 1975 avant de l'épouser en 1998,
' MM. [X] s'opposent à la demande en invoquant des difficultés de procédure mais ce serait plutôt le partage du patrimoine de leur père qui pose problème,
' l'adoptée ayant pris le nom [R] [X] à la suite du jugement d'adoption du 27 février 2013, il n'y a pas lieu de statuer sur ce point.
En appel, le procès se présente dans les mêmes conditions de fait et de droit, excepté que seul, M.[T] [X] a relevé appel dudit jugement tandis que M. [Y] [X] qui était co-demandeur en première instance ne s'est pas associé au recours, ce qui induit qu'il acquiesce à la décision de première instance.
A l'appui de son appel, M. [T] [X] fait valoir que,
- le dossier sur lequel le tribunal s'est prononcé est incomplet puisqu'il manque le consentement à l'adoption de l'adoptant devant notaire, celui de l'adopté majeur et celui du conjoint de l'adoptant ainsi qu'un certificat médical attestant de la bonne santé physique et psychique de l'adoptant,
- la cour ne peut se contenter d'un tel dossier et doit, à défaut, ordonner une expertise de l'adoptant,
- il n'est pas suffisant de viser l'intérêt de l'adopté, encore faut-il que l'adoption soit de l'intérêt de l'adoptant et de ses autres héritiers.
L'adoption simple est régie par les dispositions des articles 360 et suivants du code civil.
Les intimés, Mme [P] [J] et [L] [X] produisent des pièces aux débats :
- l'acte authentique établi par Maître [S] notaire à [Localité 8] le 1er décembre 2021 ayant reçu le consentement de Mme [P] [R] à l'adoption simple, celui de l'adoptant, M. [L] [Z] [X] et celui de son épouse, Mme [M] [R],
- le certificat notarié de non-rétractation du consentement à l'adoption simple donné par l'adoptant le 13 décembre 2021,
-le certificat médical établi le 27 avril 2018 qui concluait à la possibilité d'alléger la mesure de tutelle pour la convertir en une simple mesure d'assistance (curatelle),
- les attestations des enfants de l'adoptant, [V] [X], [I] [X], [O] [X] qui déclarent accepter l'adoption par leur père de leur 'petite soeur' (cf attestation [O] [X]),
- les actes notariés montrant que si M. [L] [X] a consenti une donation-partage entre ses 5 autres enfants le 4 septembre 2012, il a eu la volonté de doter sa fille adoptive, [P] [J] par acte du 3 décembre 2015.
Dès lors, l'appelant ne communiquant pour sa part, aucune pièce de nature à remettre en cause l'appréciation du tribunal et ne faisant état d'aucun élément concret qui justifierait qu'il s'oppose à la décision de son père d'adopter l'enfant qu'il a élevée avec ses 5 autres enfants nés d'unions différentes, la cour confirmera le jugement en adoptant ses motifs qui sont pertinents et sérieux.
Le tribunal a rappelé à juste titre que l'adoptée a pris le nom de '[R] [X]' depuis le jugement du 27 février 2013.
La cour ne pouvant suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve qui lui incombe et n'étant pas saisie dans le cadre d'une action en nullité d'acte pour insanité d'esprit, la cour ne voit aucun motif d'ordonner une expertise de l'état de santé mentale de l'adoptant.
Il n'est pas inéquitable de laisser les frais irrépétibles à la charge de l'appelant dont l'appel est dépourvu de fondement et qui doit également supporter les entiers dépens.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
Vu l'appel de M. [T] [X],
Confirme en toutes ses dispositions, le jugement n°98 rendu le 30 mai 2022 par le tribunal de première instance de Papeete (RG 21/01058),
Déboute M. [T] [X] de l'ensemble de ses prétentions,
Vu les articles 406 et 407 du code de procédure civile de Polynésie française,
Condamne l'appelant aux dépens avec distraction au profit de Maître Lamourette, avocat qui en fait la demande,
Le condamne également à payer aux intimés, une somme totale de 395 000 Fcfp au titre des frais irrépétibles d'appel.
Prononcé à [Localité 7], le 8 juin 2023.
Le Greffier, Le Président,
signé : M. SUHAS-TEVERO signé : MF BRENGARD