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08/06/2023 | FRANCE | N°21/00306

France | France, Cour d'appel de Papeete, Cabinet d, 08 juin 2023, 21/00306


N° 229



GR

--------------



Copie exécutoire

délivrée à :

- Me Mikou,

le 14.06.2023.





Copie authentique

délivrée à :

- Me Huguet,

le 14.06.2023.

REPUBLIQUE FRANCAISE



COUR D'APPEL DE PAPEETE



Chambre Civile





Audience du 8 juin 2023





RG 21/00306 ;



Décision déférée à la Cour : jugement n°21/65, rg 19/00591 du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete du 27 mai 2021 ;



Sur

appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 10 août 2023 ;



Appelant :



M. [X] [K], né le 22 novembre 1959 à [Localité 1], de nationalité française, demeurant à [Adresse 3] ;



Représenté par Me ...

N° 229

GR

--------------

Copie exécutoire

délivrée à :

- Me Mikou,

le 14.06.2023.

Copie authentique

délivrée à :

- Me Huguet,

le 14.06.2023.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D'APPEL DE PAPEETE

Chambre Civile

Audience du 8 juin 2023

RG 21/00306 ;

Décision déférée à la Cour : jugement n°21/65, rg 19/00591 du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete du 27 mai 2021 ;

Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 10 août 2023 ;

Appelant :

M. [X] [K], né le 22 novembre 1959 à [Localité 1], de nationalité française, demeurant à [Adresse 3] ;

Représenté par Me Adrien HUGUET, avocat au barreau de Papeete ;

Intimée :

La Société Poly- Goudronnage, Société anonyme, immatriculée au Rcs de Papeete sous le n° Tpi 94 177 B, n° Tahiti 313163 dont le siège social est sis [Adresse 4] ;

Ayant pour avocat la Selarl Mikou, représentée par Me Mourad MIKOU, avocat au barreau de Papeete ;

Ordonnance de clôture du 24 février 2023 ;

Composition de la Cour :

La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 9 mars 2023, devant M. RIPOLL, conseiller désigné par l'ordonnance n° 57/OD/PP.CA/22 du premier président de la Cour d'Appel de Papeete en date du 7 novembre 2022 pour faire fonction de président dans le présent dossier, Mme BRENGARD, et Mme GUENGARD, présidents de chambre, qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;

Arrêt contradictoire ;

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Signé par M. RIPOLL, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A R R E T,

FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES :

[X] [K] a été autorisé par arrêté du 14 octobre 2016 à réaliser un lotissement de 7 lots à destination d'habitation dénommé Les Hauts de Green Vallée à [Localité 2]. Selon acte d'engagement en date du 4 décembre 2017 accepté le 7 mars 2018, il a passé avec la société POLY- GOUDRONNAGE un marché de travaux de voirie et réseaux divers nécessaires à la réalisation du terrassement du lotissement.

Les travaux devaient durer trois mois. La réception de l'ouvrage avec réserves a été faite le 26 avril 2019.

La société POLY-GOUDRONNAGE a bénéficié le 6 juin 2019 de l'ouverture d'une procédure de règlement amiable.

La société POLY-GOUDRONNAGE a mis en demeure [X] [K] le 31 octobre 2019 de payer la somme de 15 786 205 F CFP.

La société POLY-GOUDRONNAGE a été autorisée par ordonnance sur requête en date du 29 novembre 2019 à réaliser une saisie conservatoire sur les comptes d'[X] [K]. La saisie a été réalisée le 5 décembre 2019 auprès de la Banque de Tahiti, de la CARPA, de la SCP notariale CHAN-LOLLICHON, de la SCP notariale DUBOUCH-GUICHENU -MOU HING. Elle a été dénoncée au débiteur par exploit signifié le 6 décembre 2019.

La société POLY-GOUDRONNAGE a introduit la présente instance au fond par requête en date du 27 décembre 2019.

Par ailleurs, la société POLY-GOUDRONNAGE a été autorisée par ordonnance sur requête en date du 28 mai 2020 à réaliser une nouvelle saisie conservatoire sur les comptes d'[X] [K] et à inscrire une hypothèque provisoire judiciaire sur le lot A2 du lotissement Les hauts de Green Vallée pour sûreté d'une créance d'un montant de 17 023 243 F CFP n'ayant fait à ce jour l'objet d'aucune mesure conservatoire. La saisie a été réalisée le 9 juin 2020 auprès de la CARPA, du Trésor public, de la Banque de Tahiti, de la Banque SOCREDO, de la SCP notariale DUBOUCH- GUICHENU-MOU HING. Elle a été dénoncée au débiteur par exploit signifié le 10 juin 2020. L'hypothèque judiciaire provisoire a été inscrite le 2 juin 2020. L'inscription a été signifiée au débiteur par exploit en date du 11 juin 2020.

La société POLY-GOUDRONNAGE a introduit par requête en date du 24 juillet 2020 une seconde instance au fond. Le sursis à statuer a été ordonné par le juge de la mise en état jusqu'au jugement de la présente instance.

La visite de fin de période de garantie de parfait achèvement a eu lieu le 17 avril 2020. Le procès-verbal mentionne que les travaux ont commencé le 28 mars 2018 et se sont terminés les 26 septembre 2018 et 26 avril 2019 pour une date théorique de fin au 30 mai 2018, avec des interruptions pour intempéries.

Par exploit signifié le 19 mai 2020, [X] [K] a mis en demeure la société POLY-GOUDRONNAGE de reprendre tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage le 17 avril 2020.

Par jugement rendu le 27 mai 2021, le tribunal civil de première instance de Papeete a :

condamné [X] [K] à payer à la S A POLY-GOUDRONNAGE la somme TTC de 15.786.205 F CFP au titre du solde du marché dû à la réception des travaux, cette somme portant intérêt au taux légal à compter du 31 octobre 2019 ;

ordonné la capitalisation des intérêts échus par année entière, conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil dans sa version applicable en Polynésie française ;

condamné [X] [K] à payer la SA POLY-GOUDRONNAGE la somme de 3.173.973 F CFP au titre de la retenue de garantie, avec intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2020 ;

ordonné la capitalisation des intérêts échus par année entière, conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil dans sa version applicable en Polynésie française ;

débouté la SA POLY-GOUDRONNAGE de sa demande additionnelle au titre des réunions supplémentaires ;

débouté la SA POLY-GOUDRONNAGE de ses demandes de dommages et intérêts ;

débouté [X] [K] de ses demandes reconventionnelles ;

validé les saisies conservatoires réalisées le 05 décembre 2019 entre les mains de la BANQUE DE TAHITI, de la SCP Julien CHAN et Jeanne LOLLICHON et de la SCP DUBOUCH-GUICHENU-MOU-HING ;

dit que les sommes détenues par les tiers saisis seront attribuées à la SARL POLY-GOUDRONNAGE ;

ordonné l'exécution provisoire ;

condamné [X] [K] à payer à la SA POLY-GOUDRONNAGE la somme de 250.000 F CFP sur le fondement de l'article 407 du Code de Procédure civile de la Polynésie française ;

condamné [X] [K] aux dépens, liquidés conformément aux dispositions de l'article 405 du Code de Procédure civile de la Polynésie française.

[X] [K] a relevé appel par requête enregistrée au greffe le 10 août 2021.

Il est demandé :

1° par [X] [K], appelant, dans ses conclusions récapitulatives visées le 23 novembre 2022, de :

Vu les articles 336 et 337 du Code de procédure civil applicable en Polynésie française, vu les articles 1134 et 1147 du Code civil, vu la loi n°71-584 du 1er juillet 1974,

infirmer le jugement n°21/265 rendu par le Tribunal de Première Instance de Papeete le 27 mai 2021 (RG n°19/00591) en ce que ledit jugement a :

1° Condamné Monsieur [X] [K] au paiement au profit de la Société intimée d'une retenue de garantie s'élevant à un montant de 3.173.973 XPF assorti du taux d'intérêt légal à compter du 30 septembre 2020 ;

2° L'a débouté de l'ensemble de ses prétentions et moyens afférents aux dommages et intérêts à lui revenir du fait des retards d'exécution imputables à son cocontractant et dont il sollicitait la compensation avec les sommes à revenir à ce dernier ;

Statuant à nouveau,

dire n'y avoir lieu au paiement par M. [X] [K] d'une quelconque retenue de garantie d'un montant de 3.173.973 XPF ;

constater les inexcusables -et inexcusés- retards d'exécution imputables à la SA POLY-GOUDRONNAGE ;

condamner en conséquence ladite Société au profit de M. [X] [K] de la somme de quatorze millions sept cent quatre-vingt-six mille huit cent huit francs Pacifique (14.786.808 XPF) composée comme suit :

- 13.660.203 XPF au titre des dommages et intérêts à revenir à M. [K] du fait des retards d'exécution imputables à la SA POLY- GOUDRONNAGE ;

-1.126.605 XPF du fait des malfaçons imputables à la SA POLY- GOUDRONNAGE ;

ordonner la soustraction de cette somme à celles mises à la charge de M. [K] en première instance ;

condamner la SA POLY-GOUDRONNAGE au paiement au profit du requérant de la somme deux cent quarante-huit mille six cents francs Pacifique (248.600 XPF) au titre des frais irrépétibles supportés par ce dernier ;

la condamner aux entiers dépens ;

2° par la SA POLY-GOUDRONNAGE, intimée, appelante à titre incident, dans ses conclusions récapitulatives visées le 20 janvier 2023, de :

Vu la créance impayée de la SA POLY-GOUDRONNAGE depuis avril 2019, vu les articles 720 et suivants du CPC de la Polynésie française, vu l'ordonnance n°123/2019 du 29 novembre 2019, vu les articles 1147 et 1154 du Code civil,

Confirmer le jugement n°21/265 du 27 mai 2021 rendu par le TPI de Papeete en ce qu'il a rejeté les demandes reconventionnelles de M. [X] [K] et en ce qu'il a fait droit aux demandes de la société POLY- GOUDRONNAGE en :

Condamnant M. [X] [K] à lui verser la somme de 15.786.205 F CFP assortie de l'intérêt au taux légal à compter du 31 octobre 2019, date de réception de la mise en demeure ;

Condamnant M. [X] [K] à lui verser la somme de 3.173.973 F CFP assortie de l'intérêt au taux légal à compter du 30 septembre 2020;

Ordonnant la capitalisation des intérêts échus par année entière ;

Validant les saisies conservatoires réalisées par la société POLY- GOUDRONNAGE le 5 décembre 2019 entre les mains de la Banque de Tahiti, de la SCP Julien CHAN et Jeanne LOLLICHON et de la SCP DUBOUCH-GUICHENU-MOU-HING, et disant que les sommes détenues par les tiers saisis seront attribuées à la société POLY-GOUDRONNAGE;

Condamnant M. [X] [K] à lui verser 250.000 F CFP au titre des frais irrépétibles de première instance ainsi qu'aux entiers dépens ;

Pour le surplus l'infirmer et statuant à nouveau :

Rejeter l'ensemble des demandes, fins et prétentions de M. [K] ;

Condamner M. [X] [K] à verser à la société POLY- GOUDRONNAGE :

la somme de 5.431.500 F CFP en réparation de son préjudice économique;

la somme de 5.000.000 F CFP en réparation de son préjudice moral ;

la somme de 5.000.000 F CFP à titre de résistance abusive ;

la somme de 86.801 F CFP au titre des frais d'huissier de justice pour les saisies conservatoires réalisées le 5 décembre 2019 ;

la somme de 22.014 F CFP au titre des frais d'huissier liés à la dénonciation des saisies conservatoires réalisées le 5 décembre 2019 ;

la somme de 152.419 F CFP au titre des frais d'huissier de justice pour les saisies conservatoires réalisées en juin 2020, les frais liés aux dénonciations desdites saisies et à la signification de l'hypothèque judiciaire provisoire ;

la somme de 34.046 F CFP au titre des frais d'inscription de l'hypothèque judiciaire provisoire ;

la somme de 800.000 F CFP au titre de l'article 407 du CPC, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction

L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 février 2023.

Il est répondu dans les motifs aux moyens et arguments des parties, aux écritures desquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

L'appel a été interjeté dans les formes et délais légaux. Sa recevabilité n'est pas discutée.

Sur le prix du marché :

Le jugement dont appel a condamné [X] [K] à payer à la société POLY-GOUDRONNAGE la somme de 15 786 205 F CFP TTC au titre du solde du marché dû à la réception des travaux.

Il a retenu qu'il résulte des documents contractuels que le prix du marché était de 60 305 475 F CFP TTC déduction faite du montant de la retenue de garantie de 5 % ; qu'il est établi qu'[X] [K] a réglé la somme totale de 44 162 240 F CFP dont 43 519 970 F CFP affectés au règlement du marché ; que la réception des travaux est intervenue le 26 avril 2019 ; qu'[X] [K] est resté débiteur de la somme de 60 305 475 ' 43 519 270 = 16 786 205 F CFP, sur laquelle il a réglé 1 000 000 F CFP le 23 août 2019 ; qu'il doit être condamné au paiement du solde d'un montant de 15 786 205 F CFP avec intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure avec capitalisation.

Le jugement dont appel a aussi condamné [X] [K] au paiement de la somme de 3 173 973 F CFP au titre de la retenue de garantie.

Il a considéré que celle-ci garantit contractuellement l'exécution des travaux et la levée des réserves, et qu'[X] [K] en est débiteur à défaut d'opposition de sa part motivée par l'inexécution des obligations de l'entrepreneur dans l'année suivant la réception.

Le jugement dont appel a débouté la société POLY-GOUDRONNAGE de sa demande additionnelle au titre des réunions de chantier supplémentaires, faute de preuve de l'assistance à ces 28 réunions.

Au soutien de son appel, [X] [K] ne conteste, de ces chefs, que sa condamnation au paiement de la retenue de garantie. Il fait valoir que celle-ci n'a pas été mentionnée dans les comptes faits entre les parties avant la fin des travaux, que l'état de compte qui la mentionne n'a jamais

été validé par le maître d''uvre, que rien ne permet de confirmer que la société POLY-GOUDRONNAGE n'a pas déduit cette retenue de ses décomptes, qu'il n'y a pas eu de réajustement à la présentation du dernier décompte provisoire, et que le montant de la retenue a été calculé sur le montant hors taxe du chantier en violation des clauses du marché.

La société POLY-GOUDRONNAGE conclut sur ces points que : la retenue de garantie n'a pas été déduite dans les facturations intermédiaires ; elle a été contrainte du fait des retards du chantier du fait d'[X] [K] d'assister à 28 réunions supplémentaires.

Sur quoi :

Il résulte des clauses claires et précises du marché de travaux (acte d'engagement : art. 3 et CCAP : art. 3.3) que le prix en a été fixé de manière forfaitaire et globale. La société POLY-GOUDRONNAGE n'est donc pas bien fondée à demander une révision au titre de réunions supplémentaires.

L'article 5 al. 1 des CCAP stipule que :

Au plus tard à la date à laquelle le titulaire remet la demande de paiement correspondant au premier acompte, l'entrepreneur est tenu de constituer une caution ou une retenue de garantie dont le montant est égal à 5% du montant TTC du marché initial.

Cette garantie, qui est d'ordre public (L. n° 71-583 du 16/07/1971, art. 3), bénéficie au maître de l'ouvrage en lui permettant, lors du paiement des acomptes, de retenir au plus 5 % de leur montant. Le maître de l'ouvrage doit consigner entre les mains d'un consignataire, accepté par les deux parties ou à défaut désigné par le président du tribunal judiciaire ou du tribunal de commerce, une somme égale à la retenue effectuée. À défaut de consignation, l'entrepreneur est en droit d'exiger le versement de la totalité de la somme retenue (Cass. 3e civ., 18 déc. 2013, n° 12-29.472). À l'expiration du délai d'une année à compter de la date de réception des travaux, faite avec ou sans réserve la caution est libérée ou les sommes consignées sont versées à l'entrepreneur, même en l'absence de mainlevée, si le maître de l'ouvrage n'a pas notifié à la caution ou au consignataire, par lettre recommandée, son opposition motivée par l'inexécution des obligations de l'entrepreneur.

C'est par conséquent vainement qu'[X] [K] plaide que cette retenue de garantie n'a pas été incluse dans les prévisions contractuelles, alors qu'elle est prévue par le CCAP ; qu'elle n'a pas été incluse dans les décomptes établis par l'entrepreneur, alors que c'est au maître de l'ouvrage qu'il incombe de la consigner ; et qu'elle n'est pas due, alors que le jugement a exactement retenu que le délai d'une année après la date de réception est acquis.

En revanche, le montant de cette retenue de garantie n'est pas de 3 173 973 F CFP, mais de 5% du montant TTC du marché initial qui était de 45 307 271 F CFP, soit la somme de 2 265 363 F CFP. Le jugement sera donc réformé de ce chef.

Sur les pénalités de retard :

Pour rejeter la demande d'[X] [K] de ce chef, le jugement entrepris a retenu que la date de début des travaux n'est pas certaine à l'égard de l'entrepreneur et que les retards invoqués ne résultent pas des comptes-rendus de réunion de chantier.

Pour demander que le montant de ces pénalités soit fixé à la somme de 13 660 203 F CFP, [X] [K] fait valoir que : il est établi que les travaux ont commencé le 28 mars 2018 ; leur durée a été fixée par le marché à trois mois ; ils ont en fait duré plus de deux ans ; les justifications données par l'entrepreneur (intempéries, retards d'autres intervenants) n'ont pas été constatées selon les modalités prévues au marché ; et sont donc dus contractuellement : 1/1500e du montant du marché, soit 40 203 F CFP ; 20 000 F CFP x 291 ou 681 jours de retard, soit 5 820 000 F CFP ou 13 620 000 F CFP.

La société POLY-GOUDRONNAGE conclut à la confirmation du jugement pour ses motifs. Elle impute des délais aux interventions d'[X] [K] ou à ses négligences, en tout cas à des circonstances extérieures à elle-même.

Sur quoi :

Le CCAP (art. 4.1.1) renvoie à l'acte d'engagement pour la fixation des délais globaux d'exécution et du calendrier provisionnel. L'acte d'engagement a prévu un début de travaux le 1er mars 2018 (mais l'entrepreneur n'a accepté l'offre que le 7 mars 2018) et une durée de trois mois.

Le CCAP fixe le point du départ du délai global à compter de la date fixée par l'ordre de service qui prescrit le commencement des travaux. Mais cet ordre de service n'est pas produit.

L'article 4.1.3 du CCAP prévoit que le maître d''uvre établit un calendrier prévisionnel d'exécution détaillé qui revêt un caractère contractuel. Il n'en est pas non plus justifié, bien que les comptes-rendus de réunion de chantier mentionnent l'intervention de rien moins que trois maîtres d''uvre ([F] [C] architecte DPLG, [M] [Z] et [D] [P] pour Anoha'a Solutions). La cour en tire toutes conséquences.

L'article 4 du CCAP réglemente précisément le signalement par l'entrepreneur et la prise en compte par le maître d''uvre des événements qui causent un retard dans le calendrier. Mais il n'est pas non plus justifié de tels signalements.

Le CCAP prévoit précisément comment les pénalités de retard sont mises en 'uvre selon les types d'incidents (art. 4.2.3 ss). Ceux-ci doivent être en tout cas constatés par le maître d''uvre par référence au calendrier prévisionnel. Mais il n'en est pas justifié.

Le maître d''uvre SARL ANOHA'A SOLUTIONS a signé seul le compte-rendu de visite de fin de période de garantie de parfait achèvement du 17 avril 2020. Il est consigné que les travaux ont débuté le 28 mars 2018, qu'ils devaient se terminer le 30 mai 2018, qu'une tranche a été achevée le 26 septembre 2018 et une autre tranche le 26 avril 2019, et que «le chantier a connu des phases de travaux et des intempéries notées aux comptes-rendus de réunion».

Le procès-verbal de la réunion de chantier du 23 mai 2018, soit une semaine avant la date prévue de fin des travaux, mentionne que «l'entreprise remet ce jour son planning prévisionnel travaux». Néanmoins, il n'est pas fait mention de constatation par le maître d''uvre d'un retard donnant lieu à pénalités, et les travaux se sont poursuivis.

Le maître d''uvre ANOHA'A SOLUTIONS a établi le 26 avril 2019 un procès-verbal de réception partielle de l'ouvrage en présence de POLY-GOUDRONNAGE. Il ne fait pas non plus mention de retards et de pénalités.

En définitive, [X] [K] ne rapporte pas la preuve que les retards dont il demande l'indemnisation ont été constatés conformément aux clauses du marché et qu'ils entrent dans le champ contractuel.

Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.

Sur les garanties :

La réception de l'ouvrage avec réserves a été faite le 26 avril 2019.

Pour demander la condamnation de la société POLY-GOUDRONNAGE au paiement de la somme de 1 126 605 F CFP du fait de malfaçons, [X] [K] fait valoir qu'il s'agit du montant de la réparation de désordres qu'il a dû financer. Il produit un constat d'huissier du 16 mai 2022 montrant des caniveaux endommagés et un devis pour la réalisation d'un bitumage, ainsi qu'un courrier de l'association syndicale du lotissement du 23/08/2022 qui fait mention de travaux en cours à sa demande.

La société POLY-GOUDRONNAGE conclut que ces travaux de voirie n'ont rien à voir avec l'ouvrage qu'elle a réalisé, sur lequel elle a effectué en 2020 les travaux de reprise qui lui avaient été demandés.

Sur quoi :

Les réserves figurant dans le procès-verbal de réception du 26 avril 2019 ont pour objet des terrassements et défauts de fondation des bordures de caniveaux, ce qui correspond aux désordres décrits dans le constat du 16 mai 2022.

Il s'agit d'un désordre apparent qui est couvert par la garantie légale de parfait achèvement (C. civ., art. 1792-6). Celle-ci, d'une durée d'un an, a pris fin le 26 avril 2020.

[X] [K] doit donc être débouté de sa demande de ce chef.

Sur les dommages et intérêts :

Le jugement entrepris n'est pas critiqué en ce qu'il a retenu que :

-Il n'est pas en l'espèce justifié de ce que les quatre absences notées sur les comptes-rendus de chantier produits par [X] [K] ont fait l'objet d'une retenue sur les situations mensuelles y afférentes, de telle sorte qu'il sera débouté de ce chef de demande.

-Au titre du préjudice financier : [X] [K] ne produit aucun élément de nature à imputer à la SA POLY-GOUDRONNAGE le retard sur l'exécution du programme immobilier engagé par ses soins, et sous la direction de son maître d'oeuvre. Il n'est notamment pas justifié de l'exécution dans les délais des autres lots. Par ailleurs, s'il invoque la souscription d'un prêt en vue de financer, notamment, les travaux de morcellement en lots et de viabilisation, il ne peut qu'être constaté que [X] [K] n'a pas entendu l'utiliser à cet effet, puisque les travaux dus à la SA POLY-GOUDRONNAGE n'ont toujours pas été réglés, même après la vente de la majeure partie des lots. D'autre part, la seule production d'un document qui correspondrait au tableau d'amortissement du prêt en question, non justifié, ne permet pas d'établir la réalité de l'imputation d'intérêts non prévus. En conséquence, [X] [K] sera débouté de ce chef de demande.

La société POLY-GOUDRONNAGE demande la condamnation d'[X] [K], par infirmation du jugement entrepris, à lui payer les sommes suivantes :

5.431.500 F CFP en réparation de son préjudice économique ;

5.000.000 F CFP en réparation de son préjudice moral ;

5.000.000 F CFP à titre de résistance abusive.

Le jugement a retenu que :

-Il est constant que la maîtrise d'oeuvre a été confiée à un professionnel, lequel était chargé de la coordination du chantier, de telle sorte qu'il n'est pas justifié de faute imputable à [X] [K], et les préjudices invoqués ne résultent que de la seule affirmation de la SA POLY- GOUDRONNAGE, qui sera dès lors déboutée de ce chef de demande.

-Par ailleurs, il n'est pas justifié d'un préjudice distinct de celui réparé par l'octroi des intérêts de retard sur les sommes dues, et particulièrement d'un préjudice moral subi par la SA POLY-GOUDRONNAGE, qui ne le caractérise pas. En conséquence, la SA POLY-GOUDRONNAGE sera déboutée de ce chef de demande.

La société POLY-GOUDRONNAGE fait valoir que : elle a été contrainte d'immobiliser longuement et de redéployer ses moyens en raison de la mauvaise coordination du chantier par [X] [K] quant à la réalisation des terrassements, et du non-signalement de l'existence d'une servitude ; elle a subi un préjudice matériel et un préjudice moral ; [X] [K] a persisté dans son refus de payer le solde du prix du marché alors même qu'il avait vendu les lots du lotissement réalisé, et sachant que POLY-GOUDRONNAGE connaissait des difficultés financières.

Sur quoi :

La société POLY-GOUDRONNAGE ne justifie ni du principe, ni du montant de l'indemnisation des préjudices financier et moral dont elle demande réparation.

Le marché était à prix forfaitaire et global. Le jugement entrepris a exactement retenu que le chantier s'est déroulé sous la direction de maîtres d''uvre. Cette direction a été constante et effective, ainsi qu'il résulte des procès-verbaux produits. La preuve n'est pas rapportée d'une immixtion du maître de l'ouvrage dans l'exécution du marché. Les aléas d'exécution du chantier ont été pris en compte par le maître de l'ouvrage et par le maître d''uvre puisque ceux-ci n'ont pas, comme il a été dit, notifié de pénalités de retard à l'entreprise.

La réception de l'ouvrage avec réserves a été faite le 26 avril 2019. [X] [K] a payé 1 000 000 F CFP le 23 août 2019. La société POLY- GOUDRONNAGE a mis en demeure [X] [K] le 31 octobre 2019 de payer le solde de 15 786 205 F CFP. Elle a fait pratiquer des saisies conservatoires le 5 décembre 2019. Il n'est pas justifié qu'H. [K] les a contestées en justice. La société POLY-GOUDRONNAGE a formé son instance au fond le 27 décembre 2019. La procédure de première instance et d'appel ne montre pas de dilatoire. [X] [K] a payé les condamnations mises à sa charge par le jugement entrepris assorti de l'exécution provisoire.

La preuve n'est donc pas faite que le droit d'[X] [K] de contester le prix du marché en raison de réserves et de retards d'exécution, puis de défendre en justice et d'exercer les voies de recours, a dégénéré en résistance abusive.

Sur les frais de recouvrement :

Les frais d'exploits d'huissier afférents aux saisies conservatoires du 5 décembre 2019 seront compris dans les dépens, dont la solution du litige motive qu'ils soient mis à la charge d'[X] [K]. Les frais d'inscription d'hypothèque provisoire judiciaire relèvent d'une autre instance en validité.

Sur la compensation et sur la validation des saisies conservatoires :

La solution de l'appel motive la confirmation du jugement entrepris de ces chefs.

Le jugement déféré a à bon droit fixé le début du cours des intérêts sur les condamnations prononcées et autorisé leur capitalisation par année entière.

Il sera donc confirmé sauf sur le montant de la condamnation au titre de la retenue de garantie.

L'équité ne commande pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française devant la cour. La partie qui succombe est condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;

En la forme, déclare l'appel recevable ;

Au fond, confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné [X] [K] à payer la SA POLY-GOUDRONNAGE la somme de 3.173.973 F CFP au titre de la retenue de garantie, avec intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2020 ;

Statuant à nouveau de ce chef :

Condamne [X] [K] à payer la SA POLY-GOUDRONNAGE la somme de 2 265 363,55 F CFP au titre de la retenue de garantie, avec intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2020 ;

Ordonne la capitalisation des intérêts échus par année entière, conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil dans sa version applicable en Polynésie française ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française devant la cour ;

Rejette toute autre demande ;

Met à la charge d'[X] [K] les dépens de première instance et d'appel, lesquels, comprenant les frais des saisies conservatoires du 5 décembre 2019, pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 409 du Code de procédure civile de la Polynésie française.

Prononcé à Papeete, le 8 juin 2023.

Le Greffier, Le Président,

signé : M. SUHAS-TEVERO signé : G. RIPOLL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Papeete
Formation : Cabinet d
Numéro d'arrêt : 21/00306
Date de la décision : 08/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-08;21.00306 ?
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