N° 188
MF B
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Copie exécutoire
délivrée à :
- Me Quinquis,
le 25.05.2023.
Copie authentique délivrée à :
- Me Canevet,
le 25.05.2023.
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D'APPEL DE PAPEETE
Chambre Commerciale
Audience du 25 mai 2023
RG 21/00449 ;
Décision déférée à la Cour : jugement n° 2021/139, rg n° 2021 000132 du Tribunal Mixte de Commerce de Papeete du 1er octobre 2021 ;
Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 7 décembre 2021 ;
Appelant :
M. [E], [F] [S], né le 20 juillet 1952 à Papeete, de nationalité française, exploitant l'entreprise Etablissement Manhein, immatriculée au Rcs de Papeete sous le n° 3 876 A, dont le siège social est sis [Adresse 1] ;
Ayant pour avocat la Selarl Vaiana Tang & Sophie Dubau & Mikael Canevet, représentée par Me Mikaël CANEVET, avocat au barreau de Papeete ;
Intimée :
La Société Vairao Electricité, société à responsabilité limitée, au capital de 200 000 FCP, immatriculée au Rcs de Papeete sous le n° Tpi 06 122 B dont le siège social est sis à [Adresse 2] ;
Ayant pour avocat la Selarl Jurispol, représentée par Me François QUINQUIS, avocat au barreau de Papeete ;
Ordonnance de clôture du 13 janvier 2023 ;
Composition de la Cour :
La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 9 mars 2023, devant Mme BRENGARD, président de chambre, Mme GUENGARD, président de chambre, M. RIPOLL, conseiller, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt contradictoire ;
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par Mme BRENGARD, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A R R E T,
Suivant requête du 3 février 2021, M. [E] [S] a engagé une action à l'égard de la SARL VAIRAO ELECTRICITE en lui réclamant le paiement de divers matériels qu'il déclare lui avoir vendus et livrés. La défenderesse a contesté la créance alléguée.
Suivant jugement n° 139 rendu contradictoirement le 1er octobre 2021 (RG 2021 000132), le tribunal mixte de commerce de Papeete a débouté M. [S] de ses demandes et a laissé à la charge de chaque partie les dépens qu'elle a exposés.
M. [S] a relevé appel suivant déclaration du 7 décembre 2021 et en ses dernières conclusions du 7 octobre 2022, il entend voir la cour, statuant au visa des articles L110 ' 3 du code de commerce, 1134 du Code civil et 309 du code de procédure civile,
-rejeter la fin de non-recevoir soulevée par l'intimée,
-rectifier l'erreur matérielle affectant le jugement entrepris en ce qu'il mentionne en qualité de demanderesse, une société ' SARL MANHEIN SERVICES' alors que l'action a été engagée par M. [S] en personne,
Infirmant le jugement toutes ses dispositions, et statuant à nouveau,
-condamner la société VAIRAO ELECTRICITE à lui verser la somme de 949'550 Fcfp augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'introduction de l'instance, outre la somme de 250'000 Fcfp en paiement des frais irrépétibles, en plus des dépens.
En ses dernières conclusions du 9 décembre 2022, la société VAIRAO ELECTRICITE demande à la cour statuant au visa des articles 45,406 et 407 du code de procédure civile, 1348 du Code civil dans sa version applicable en Polynésie française et l'article L 110 -4 du code de commerce,
-déclarer irrecevable l'appel interjeté par M. [S],
-en tout état de cause, le débouter de l'ensemble de ses demandes par suite du défaut de preuve et de la prescription de son action,
Confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
-condamner M. [S] à lui verser la somme de 500'000 Fcfp au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens qu'il doit supporter.
Pour un plus ample exposé des faits de la cause, de la procédure, des prétentions des parties, il est renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions d'appel des parties. Se conformant aux dispositions de l'article 268 du code de procédure civile de la Polynésie française, la cour répondra aux moyens par les motifs ci-après.
MOTIFS DE LA DECISION :
- Sur l'irrecevabilité de l'appel pour défaut d'intérêt à agir,
La société VAIRAO ELECTRICITE soulève l'irrecevabilité de l'appel de M. [S] au motif qu'il n'était pas l'un des parties du procès en première instance car il ressort du jugement entrepris que la demanderesse était la SARL MANHEIN SERVICES de sorte que l'appelant n'a donc pas d'intérêt à former appel et que son recours doit être déclaré irrecevable au visa de l'article 45 du code de procédure civile de Polynésie française .
Cependant il s'agit d'une erreur matérielle affectant l'en-tête du jugement puisque, dans les motifs, la partie demanderesse est bien désignée comme étant M. [E] [S] et dans le dispositif, c'est ce même M. [E] [S] qui est débouté de sa demande.
L'appelant débouté en première instance ayant ainsi un intérêt certain à agir, la cour rejettera donc la fin de non-recevoir et déclarera recevable l'appel.
M. [E] [S] demande à la cour de rectifier l'erreur matérielle affectant le jugement entrepris mais comme il a été précédemment indiqué, l'erreur alléguée n'affecte que l'en-tête du jugement et non son dispositif qui est seul, revêtu de l'autorité de chose jugée, et en outre, l'arrêt à intervenir se substituera en son entier au jugement entrepris. La demande est donc sans objet.
Mais sur la prescription de l'action,
M. [S] fait valoir que sa demande en paiement est suffisamment justifiée, et que s'agissant d'un litige entre commerçants, la preuve de l'existence des obligations dont il est réclamé l'exécution, est libre.
Il déclare produire pour justifier sa réclamation,
-des bons de livraison libellés à l'enseigne 'ETABLISSEMENTS MANHEIN' qui se rapporteraient au matériel dont il est réclamé le règlement, signés par M. [B] [P] qui est un salarié de la société VAIRAO ELECTRICITE,
- un relevé de compte qu'il a lui-même établi le 11 décembre 2020 pour une créance s'élevant à la somme totale de 949 550 Fcfp résultant de deux factures émises le 4 mai 2006 puis le 9 mai 2006,
- un échange de mails émis par son service comptabilité et adressés de manière commune, à plusieurs entreprises dont VAIRAO ELECTRICITE mentionnant qu'au 15 janvier 2019, elles restent débitrices de sommes dont celle de 949 550 Fcfp pour l'intimée, indiquant 'Merci de régulariser vos factures SVP',
- un mail de son service comptabilité au secrétariat du groupe des sociétés Chung dont VAIRAO ELECTRICITE répondant le 29 mars 2017 ' ...Serait-il possible de nous transmettre, le relevé de Factures à jour ''.
En défense à la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action soulevée par la société VAIRAO ELECTRICITE au visa de l'article L110-4 du code de commerce en sa version applicable en Polynésie française, M. [S] affirme que l'intimée a pris l'engagement verbal de procéder au règlement en janvier 2018 et il affirme ainsi qu'elle ne peut lui opposer la prescription de l'action qui est interrompue par la reconnaissance que le débiteur ou le possesseur fait du droit de celui contre lequel il prescrit.
Il indique ainsi que la société VAIRAO ELECTRICITE a tacitement reconnu sa dette ce qui serait une cause d'interruption de la prescription mais aussi un élément de preuve du bien-fondé de sa demande en paiement.
Cependant, les pièces dont il se prévaut sont des courriels :
- le premier (pièce 8)daté du 31 mars 2017 émane de son service comptabilité et il est adressé au secretariat du groupe Chung : il a pour objet la transmission d'un relevé au 31 mars 2017 des comptes des trois sociétés : ENT.CHUNG GABRIEL, VAIRAO CONSTRUCTIONS et VAIRAO ELECTRICITE.
Or, non seulement il concerne plusieurs débiteurs différents mais en outre, il ne contient aucune mention qui pourrait être lue comme une sommation puisqu'il se termine par 'Bonne réception et bonne journée/ Bien cordialement.'
-le second (pièce 9) concerne une discussion entre le 16 janvier 2018 et le 23 mars 2018 qui porte sur la transmission d'une relevé de comptes par la comptabilité de la société MANHEIN, aux services des ENT.CHUNG GABRIEL, VAIRAO CONSTRUCTIONS, VAIRAO ELECTRICITE, MAGASIN LIKI MITIRAPA, MAGASIN LIKI VAIRAO et SARL STATION SERVICE LIKI VAIRAO.
Contrairement à ce que soutient l'appelant, il ne s'agit pas d'un échange mais d'une discussion à sens unique de son service comptabilité vers les entreprises du groupe Chung et, s'il est bien question dans le courrier du 23 janvier 2018 de ce que 'suite à notre appel téléphonique et comme convenu ce jour, un règlement sera fait la semaine prochaine.', cette phrase émane du service comptabilité de la société MANHEIN et non d'un de ses interlocuteurs qui sont les 6 entreprises précédemment énumérées.
L'article L110-4 du code de commerce de Polynésie française dispose que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants se prescrivent par 10 ans. Le point de départ de la prescription est la vente initiale.
La facture n° 06/1637 initiale date du 4 mai 2006 et celle portant le n°06/1696 du 9 mai 2006 (pièce 3).
La requête introductive d'instance date du 3 février 2021.
Il appartient à celui qui se prévaut d'un acte interruptif de l'établir.
Or, si l'article 2221 du code civil dispose que la renonciation tacite résulte d'un fait qui suppose l'abandon du droit acquis, force est de constater qu'il ne résulte d'aucune des pièces figurant au dossier, que d'une manière ou d'une autre, la société VAIRAO ELECTRICITE a admis avoir une dette à l'égard de M. [S].
L'article 2244 du code civil dispose qu'une citation en justice, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, forment l'interruption civile.
S'agissant d'une créance commerciale, il faut donc au minimum une mise en demeure qui contienne une interpellation suffisante du débiteur de payer la somme correspondant au montant des factures réclamées.
Mais aucune pièce n'est produite par l'appelant montrant qu'il a été sommé de payer la somme de 949 550 Fcfp sous peine de poursuites et la première interpellation suffisante résulte de la requête introductive d'instance délivrée le 3 février 2021.
Dès lors que le point de départ de la prescription est le 9 mai 2006, M.[S] aurait dû assigner la société VAIRAO ELECTRICITE en paiement avant le 9 mai 2016.
En conséquence, le 3 février 2021, il a introduit son action après l'expiration du délai de prescription décennale.
Statuant par infirmation du jugement entrepris, la cour déclarera irrecevable l'action de M. [S] puis le condamnera à supporter les entiers dépens et au paiement d'une indemnité de procédure de 400 000 Fcfp sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile de Polynésie française pour les frais irrépétibles de l'ensemble du procès.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort ;
Vu l'appel de M. [S],
Infirme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau, vu les articles 45 du code de procédure civile de Polynésie française et L.110-4 du code de commerce,
Déclare prescrite l'action engagée par M. [S] à l'égard de la société VAIRAO ELECTRICITE,
Condamne M. [S] aux entiers dépens qui pourront être distraits au profit de la SELARL JURISPOL, avocat qui en fait la demande, ainsi qu'au paiement à l'intimée, d'une indemnité de procédure de 400 000 Fcfp au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.
Prononcé à Papeete, le 25 mai 2023.
Le Greffier, Le Président,
signé : M. SUHAS-TEVERO signé : MF BRENGARD