N° 52
KS
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Copies authentiques
délivrées à :
- Me Gourdon,
- Me Dumas,
le 26.05.2023.
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D'APPEL DE PAPEETE
[Adresse 1]
Audience du 25 mai 2023
RG 21/00090 ;
Décision déférée à la Cour : jugement n° 37/add, rg n° 18/00184 du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, Tribunal Foncier de la Polynésie française du 21 février 2020 ;
Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 8 décembre 2021 ;
Appelantes :
Mme [I] [B], née le 1er mai 1971 à [Localité 6], de nationalité française, coiffeuse, demeurant à [Localité 5], PK 38,2 cote montagne ;
Mme [F] [B], née le 20 septembre 1973 à [Localité 6], de nationalité française, demeurant à [Localité 5], PK 38,2 coté montagne ;
Mme [P] [H], née le 10 janvier 1941 à [Localité 4], de nationalité française, retraitée, demerant à [Localité 5], PK 38 coté montagne ;
Représentées par Me Pascal GOURDON, avocat au barreau de Papeete ;
Intimée :
Mme [N] [C] veuve [O], née le 14 janvier 1942 à [Localité 6], de nationalité française, retraitée, demeurant à [Adresse 3] ;
Représentée par Me Brice DUMAS, avocat au barreau de Papeete ;
Ordonnance de clôture du 30 septembre 2022 ;
Composition de la Cour :
La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 26 janvier 2023, devant Mme SZKLARZ, conseiller désigné par l'ordonnance n° 57/ OD/PP.CA/22 du premier président de la Cour d'Appel de Papeete en date du 7 novembre 2022 pour faire fonction de président dans le présent dossier, Mme GUENGARD, président de chambre, M. RIPOLL, conseiller, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt contradictoire ;
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par Mme SZKLARZ, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A R R E T,
FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS :
Par requête reçue au greffe le 23 juillet 2018, [I] [M] [D] [L] [B] et [F] [A] [E] [Z] [G] [B] ont saisi le Tribunal foncier de Papeete aux fins de partage de la succession de leur grand-père [J] [K] [B], né le 11 août 1929 à [Localité 8] et décédé à [Localité 7] le 8 juin 2012, et dans ce cadre de désignation d'un notaire chargé de déterminer la consistance de son patrimoine et de vérifier une éventuelle atteinte à la réserve héréditaire ainsi qu'un possible recel successoral. Elles ont soutenu qu'au regard des articles 921, 922 et 924 du Code civil, le legs universel dont a bénéficié la défenderesse porte atteinte à leur réserve héréditaire. Elles ont également demandé au Tribunal de réintégrer dans la masse à partager la totalité du prix de l'appartement du lotissement [Adresse 3] à [Localité 2] acquis par [N] [C] et le de cujus par acte notarié du 25 mai 2009, cet acte étant une donation déguisée, son prix ayant été entièrement payé par [J] [K] [B].
La requête était dirigée contre [N] [C] veuve [O] en sa qualité de légataire universelle en vertu d'un testament olographe du de cujus du 28 juin 2010 et déposé chez Maître [V] [U] le 21 juin 2012, aux termes duquel [J] [K] [B] a légué tous ses biens à sa concubine [N] [C] veuve [O], ceux-ci se composant de plusieurs biens immobiliers.
[N] [C] a demandé que soit ordonnée la liquidation de la succession, a contesté toute atteinte à la réserve, ainsi que toute idée de recel successoral. Elle a soutenu que les demandes des consorts [B] sont non seulement infondées mais en outre prématurées.
[P] [H] veuve [B] est par la suite intervenue volontairement dans l'instance en qualité de mère des requérantes, épouse du fils de [J] [K] [B].
Par jugement n° RG 18/184, n° de minute 37/ADD en date du 21 février 2020, auquel la Cour se réfère pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions de première instance, le Tribunal civil de première instance de Papeete, Tribunal foncier ' section 3, a notamment dit :
- Rejette la demande de réouverture des débats ;
- Dit n'y avoir lieu à partage de la succession de [J] [K] [B], né le 11 août 1929 à [Localité 8] et décédé à [Localité 7] le 8 juin 2012 ;
AVANT DIRE DROIT, sur la réduction du legs universel consenti par [J] [K] [B] à [N] [C] veuve [O] par testament olographe daté du 28 juin 2010 et déposé chez Maître [V] [U] le 21 juin 2012,
- Ordonne une expertise et commet Maître [T] [S], notaire de la SCP Office notarial Bernard BRUGGMANN et [T] [S] à [Localité 6], avec mission de calculer le montant de l'indemnité de réduction due à [I] [M] [D] [L] et [F] [A] [E] [Z] [G] [B] par [N] [C] veuve [O] ;
- Fixe à 150 000 mille francs pacifique le montant de la consignation à valoir sur la rémunération de l'expert que [I] [M] [D] [L] et [F] [A] [E] [Z] [G] [B] devront verser dans un délai de DEUX MOIS suivant l'invitation qui leur en sera faite par le greffe, entre les mains du Régisseur de recettes du Tribunal de première instance de Papeete
- Désigne Laure BELANGER, magistrate au Tribunal foncier, pour lui en être référé en cas de difficulté ;
- Déboute [I] [M] [D] [L], [F] [A] [E] [Z] [G] [B] et [P] [H] veuve [B] de leurs autres demandes relatives au partage, à la réduction et au recel successoral ;
- Déboute [I] [M] [D] [L], [F] [A] [E] [Z] [G] [B] et [P] [H] veuve [B] de leur demande d'indemnité pour procédure abusive ;
- Reserve les dépens.
Par requête d'appel enregistrée au greffe de la cour le 8 décembre 2021, [I] [M] [D] [L] [B], [F] [A] [E] [Z] [G] [B] et [P] [H] veuve [B] (les consorts [B]), ayant pour avocat Maître Pascal GOURDON, ont interjeté appel partiellement de cette décision qui n'a pas été signifiée.
Aux termes de leur requête d'appel partiel, à laquelle il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions, les consorts [B] demandent à la Cour de :
- Recevoir le présent appel, en ce qu'il a pour caractéristique de concerner un jugement mixte, autrement dit un jugement ADD comportant la décision définitive en cause ;
- Annuler la décision du premier juge consistant à considérer valide la clause d'accroissement, alors qu'elle était dépourvue de tout aléa spéculatif, condition sine qua non de sa validité ;
- Requalifier l'opération en cause en tant que donation déguisée ;
- Condamner Madame [N] [C] aux frais irrépétibles de la présente instance, sur le fondement de l'article 407 du CPCPF, à hauteur de 300 000 XPF ; car il serait inéquitable de laisser ces frais à la charge des demanderesses ;
- Condamner Madame [N] [C] aux entiers dépens d'instance.
Les consorts [B] soutiennent qu'elles sont fondées à obtenir la réduction du legs universel consenti à Madame [N] [C] et l'annulation du pacte tontinier consenti par le défunt au profit de cette dernière ; le caractère aléatoire du contrat faisant défaut puisque seul l'un des deux concubins a assuré le financement du bien ce qui doit conduire à retenir que la clause d'accroissement doit être frappée de nullité.
Par conclusions reçues par voie électronique au greffe de la Cour le 16 juin 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions, [N] [C] veuve [O], ayant pour conseil Maître Brice DUMAS, demande à la Cour de :
Vu le caractère nouveau, non fondé et imprécis des demandes des consorts [B] en cause d'appel,
- Juger irrecevables et mal fondées ces demandes,
- Débouter les consorts [B] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;
- Les condamner à verser à Mme [C] la somme de 339.000 F CFP au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens de l'appel dont distraction d'usage au profit du Conseil soussigné.
[N] [C] soutient que les consorts [B] n'apportent aucun fondement à leur demande d'annulation. Elle affirme que aucune cause d'annulation du jugement ne peut à bon droit être soulevée en l'absence de violation du contradictoire. Elle souligne que la demande de «requalifier l'opération en cause de donation déguisée» ne peut que conduire à se questionner sur le point de savoir de quelle opération il est fait état.
Maître GOURDON ayant sollicité la clôture, la clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance en date du 30 septembre 2022 pour l'affaire être fixée à l'audience de la Cour du 26 janvier 2023. En l'état l'affaire a été mise en délibéré au 25 mai 2023.
MOTIFS :
Sur la recevabilité de l'appel :
La recevabilité de l'appel n'est pas discutées et aucun élément de la procédure ne permet à la Cour d'en relever d'office l'irrégularité.
Sur la demande d'annulation du jugement :
Les consorts [B] n'invoquent aucun excès de pouvoir dont serait entachée la décision de première instance de même qu'elles n'invoquent aucun défaut de respect du contradictoire.
En conséquence, la cour rejette leur demande d'annulation, non justifiée.
Sur la demande de requalifier l'opération en cause en tant que donation déguisée :
L'article 2 du code de procédure civile de la Polynésie française dispose que les parties introduisent et conduisent l'instance. En d'autres termes, le procès civil est la chose des parties et il leur appartient d'exprimer avec clarté leurs demandes et leur fondement juridique.
Et aux termes de l'article 6 du code de procédure civile de la Polynésie française, le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Il est constant que le premier juge a dit, en son jugement dont appel, que l'acte notarié daté du 25 mai 2009, transcrit le 11 juin 2009, ne constitue pas une donation déguisée de [J] [K] [B] à [N] [C] et que, dès lors, faute de preuve d'une libéralité, toute action en réduction concernant cet acte sera rejetée. Le premier juge a indiqué que, aux termes de cet acte, [J] [K] [B] et [N] [C], ont fait l'acquisition d'un immeuble faisant partie du lotissement [Adresse 3] à [Adresse 3], pour la somme de 17 000 000 FCP, l'acte comportant une clause d'accroissement, prévoyant qu'à titre de clause aléatoire, le premier mourant d'entre eux sera considéré comme n'ayant jamais eu droit à la propriété de cet immeuble qui sera censé avoir toujours été la propriété du survivant depuis le jour de la présente acquisition.
Outre que les consorts [B] ne demandent pas l'infirmation du jugement de ce chef, il est seulement produit devant la cour un relevé de compte d'un notaire, dont la copie ne permet pas de déterminer le nom, relevé qui concerne une vente COLOMBANI GRESEQUE. Aucun acte de vente ou d'acquisition, que la cour serait susceptible d'analyser pour rechercher l'existence d'une donation déguisée, n'est produit. La cour est ainsi dans l'impossibilité de déterminer «l'opération en cause» qu'il lui est demandée de requalifier en donation déguisée.
Par ailleurs, l'imprécision de la demande des consorts [B], tant au dispositif de leur requête que dans le corps de celle-ci, est telle que [N] [C] ne peut pas être en mesure de défendre à l'action.
En conséquence, la cour dit cette demande irrecevable.
[N] [C] n'a par ailleurs pas demandé à la cour de confirmer le jugement dont appel.
Sur les autres chefs de demande :
Compte tenu du caractère familial de ce litige, il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais exposés par elles et non compris dans les dépens.
Les dépens d'appel doivent être mis à la charge de [I] [M] [D] [L] [B], [F] [A] [E] [Z] [G] [B] et [P] [H] veuve [B]
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
DÉCLARE l'appel recevable ;
Statuant dans les limites de l'appel,
DÉBOUTE les consorts [B] de leur demande de voir annuler la décision du premier juge consistant à considérer valide la clause d'accroissement, alors qu'elle était dépourvue de tout aléa spéculatif, condition sine qua non de sa validité ;
DIT irrecevable la demande des consorts [B] de voir requalifier l'opération en cause en tant que donation déguisée ;
Y ajoutant,
REJETTE tout autre chef de demande des parties, plus ample ou contraire au présent arrêt ;
CONDAMNE [I] [M] [D] [L] [B], [F] [A] [E] [Z] [G] [B] et [P] [H] veuve [B] aux dépens d'appel.
Prononcé à Papeete, le 25 mai 2023.
Le Greffier, Le Président,
signé : M. SUHAS-TEVERO signé : K. SZKLARZ