N° 180
GR
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Copie exécutoire
délivrée à :
- Me Mikou,
le 11.05.2023.
Copie authentique
délivrée à :
- Me Usang,
le 11.05.2023.
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D'APPEL DE PAPEETE
Chambre Civile
Audience du 11 mai 2023
RG 21/00439 ;
Décision déférée à la Cour : jugement n° 21/485, rg n° 19/00338 du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete du 22 octobre 2021 ;
Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 29 novembre 2021 ;
Appelante :
La Allianz Iard, société anonyme au capital de 991.967.200 Euros, immatriculée au Rcs de Nanterre sous le n°542 110 291, dont le siège social est sis [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal, élisant domicile en sa succursale de Polynésie française, n°Tahiti 302216, sise [Adresse 12] ;
Ayant pour avocat la Selarl Mikou, représentée par Me Mourad MIKOU, avocat au barreau de Papeete ;
Intimée :
Mme [Y] [B] [Z], née le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 10],de nationalité française, [Adresse 6] ;
Représenté par Me Arcus USANG, avocat au barreau de Papeete ;
Et de la cause :
Mme [G] [E] [K] épouse [C], née le [Date naissance 3] 1974 à [Localité 8], de nationalité française, et
M. [X] [C], né le [Date naissance 4] 1965 à [Localité 7] (Maroc), de nationalité française, [Adresse 6] ;
Ayant pour avocat la Selarl Mikou, représentée par Me Mourad MIKOU, avocat au barreau de Papeete ;
Ordonnance de clôture du 27 janvier 2023 ;
Composition de la Cour :
La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 9 février 2023, devant M. RIPOLL, conseiller désigné par l'ordonnance n° 57/OD/PP.CA/22 du premier président de la Cour d'Appel de Papeete en date du 7 novembre 2022 pour faire fonction de président dans le présent dossier, Mme BRENGARD, président de chambre, Mme PINET-URIOT, conseiller, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt contradictoire ;
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par M. RIPOLL, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A R R E T,
FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES :
Selon acte authentique reçu par Me [R], notaire à [Localité 8], le 16 décembre 2016, [X] [C] et son épouse [G] [E] [K] ont acquis de [L] [S] [H], à [Localité 9] dans un ensemble immobilier dénommé [Adresse 11], édifié sur une parcelle de terre détachée du lot n° du lot 7 de la terre MAVAEAURA-TAPUETAU-TUHAMARU, cadastrée section L n°[Cadastre 5], les lots n°4 et 17 consistant en un appartement de trois pièces avec jardin privatif, les 340/3000èmes des parties communes générales de l'immeuble, et en un emplacement de parking, ainsi que les 15/3000èmes des parties communes générales de l'immeuble. La [Adresse 11] est composée au total de 8 appartements, les sept autres appartenant à [Y] [B] [Z], laquelle a fait établir par devant Me [R], notaire à [Localité 8], le règlement de copropriété et l'état descriptif de division le 09 décembre 2011.
Le 11 juillet 2018, un incendie est survenu dans la Résidence OCÉANE. Les époux [C] ont procédé à une déclaration de sinistre auprès de leur compagnie d'assurance habitation, la Compagnie d'Assurance ALLIANZ, qui a indemnisé son assuré à hauteur de 906.317 F CFP au titre des dommages 'privatifs', et de 2.232.121 F CFP au titre des dommages 'parties communes.
Par ordonnance du 21 février 2019, à la requête des époux [C], le président du tribunal civil de première instance de PAPEETE a désigné M. [F] en qualité d'administrateur provisoire de la copropriété de l'ensemble immobilier [Adresse 11], avec mission d'exercer les pouvoirs de syndicat et notamment de convoquer l'assemblée générale des copropriétaires en vue de procéder à la désignation d'un syndic. Par ordonnance du 24 juin 2019, le juge des référés du tribunal civil de première instance de PAPEETE a débouté [Y] [Z] de son recours en rétractation formé contre l'ordonnance susvisée. Par arrêt en date du 19 mars 2020, la cour d'appel de PAPEETE a confirmé l'ordonnance du 24 juin 2019.
Le 24 juillet 2020, un protocole transactionnel est intervenu entre les époux [C] et [Y] [Z].
Selon acte authentique reçu par Me [P], notaire à [Localité 8], le 09 octobre 2020, les époux [C] ont vendu à [T] [N] [U] [A] l'appartement sis [Adresse 11].
Par acte d'huissier en date du 19 juillet 2019, et requête enrôlée le 24 juillet 2019, la SA ALLIANZ IARD et [G] [E] [C] ont fait assigner [Y] [B] [Z] devant le tribunal civil de première instance de PAPEETE. Par conclusions notifiées par RPVA le 06 avril 2020, [X] [C] est intervenu volontairement à l'instance.
L'assureur des époux [C] a exercé à l'encontre de [Y] [Z] son action récursoire contre le responsable du sinistre.
Par jugement rendu le 22 octobre 2021, le tribunal civil de première instance de Papeete a :
reçu l'intervention volontaire de [X] [C] ;
rejeté l'exception de nullité de l'action de la SA ALLIANZ IARD soulevée par [Y] [B] [Z] ;
déclaré irrecevable l'action engagée par la SA ALLIANZ IARD, pour défaut de démonstration de sa capacité à agir ;
débouté [Y] [B] [Z] de sa demande de condamnation de Mme [C] à payer ou à rembourser à la SA ALLIANZ IARD la somme versée au titre du sinistre et qui n'a pas été affectée par Mme [C] à la réparation des lieux après sinistre ;
débouté [Y] [B] [Z] de sa demande sur le fondement de l'article 407 du Code de Procédure civile de la Polynésie française ;
condamné la SA ALLIANZ IARD aux dépens.
La SA ALLIANZ IARD a relevé appel par requête enregistrée au greffe le 29 novembre 2021.
Il est demandé :
1° par la SA ALLIANZ IARD, appelante, et les époux [X] et [G] [C], intervenants, dans leurs conclusions récapitulatives visées le 12 janvier 2023, de :
Vu l'incendie de la Résidence OCÉANE survenu le 11 juillet 2018, vu l'article L. 121-12 du Code des assurances, vu les articles 1382, 1383 et 1384 du Code civil, vu les articles 309, 406 et 407 du Code de procédure civile,
Infirmer en toutes ses dispositions le jugement n°21/485 du 22 octobre 2021 du Tribunal civil de première instance de Papeete ;
Statuant à nouveau :
Rejeter les prétentions, fins et conclusions de Mme [Y] [Z] ;
Déclarer recevable l'action de la Compagnie d'assurance ALLIANZ IARD;
Condamner Mme [Y] [Z] à verser à la Compagnie d'assurance ALLIANZ IARD la somme de 3.126.438 FCFP correspondant au montant de l'indemnité versée à Mme [G] [C] au titre de son contrat d'assurance avec intérêt au taux légal à compter de la date de l'assignation en première instance, soit depuis le 19 juillet 2019 ;
Ordonner la capitalisation des intérêts échus pour chaque année entière ;
Condamner Mme [Y] [Z] à verser la somme de 500.000 FCFP à la compagnie d'assurance ALLIANZ au titre des frais irrépétibles d'appel, et la somme de 600.000 FCFP au titre des frais irrépétibles de première instance ;
Condamner Mme [Y] [Z] à supporter les entiers dépens dont distraction d'usage ;
2° par [Y] [B] [Z], intimée, appelante à titre incident, dans ses conclusions récapitulatives visées les 23 et 30 juin 2022, de :
Confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
statuant à nouveau au principal :
Déclarer l'action nulle, irrecevable et non fondée ;
Débouter les requérants de leurs demandes ;
Vu l'article L. 121-17 du code des assurances,
Condamner Mme [C] à payer ou à rembourser à la SA ALLIANZ IARD la somme versée au titre du sinistre et qui n'a pas été affectée par Mme [C] à la réparation des lieux après sinistre ;
Condamner ensemble les appelants à payer à Mme [Z] la somme légitime de 4.226.438 FCP en compensation du montant exact des sommes réclamées et de façon injustifiée à son encontre ;
Condamner ensemble les appelants à payer à Mme [Z] la somme de 500.000 FCP au titre des frais irrépétibles ;
Condamner les mêmes aux dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 janvier 2023.
Il est répondu dans les motifs aux moyens et arguments des parties, aux écritures desquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
L'appel a été interjeté dans les formes et délais légaux. Sa recevabilité n'est pas discutée.
Le jugement n'est pas critiqué en ce qu'il a retenu que :
-Sur l'intervention volontaire de [X] [C] : L'intervention volontaire de [X] [C], régulière en la forme, sera déclarée recevable.
-Sur les demandes des époux [C] :
Les époux [C] exposant avoir transigé en cours d'instance, ne formulent plus aucune demande, de telle sorte qu'il n'existe pas de points à trancher les concernant.
Sur la recevabilité de l'action de l'assureur :
Le jugement dont appel a retenu que :
-Sur l'exception de nullité :
-Selon les dispositions de l'article 43 du Code de Procédure civile de la Polynésie française : À l'exception des irrégularités tenant aux déchéances et forclusions, les irrégularités d'exploits ou d'actes de procédure ne sont causes de nullité que s'il est justifié qu'elles ont porté une atteinte certaine aux intérêts de la partie qui les invoque. Tous les moyens de nullité contre un acte doivent être soulevés simultanément. Les procédures et les actes déclarés nuls, irréguliers ou frustratoires peuvent être mis à la charge des avocats, officiers ministériels et mandataires de justice qui les ont faits. " Selon les dispositions de l'article 44 du Code de Procédure civile de la Polynésie française : 'La nullité est couverte par la régularisation ultérieure de l'acte si aucune déchéance, ni aucune forclusion n'est intervenue et si la régularisation de l'acte ne laisse subsister aucun grief.''
[Y] [B] [Z] soulève, dans un flou absolu, la nullité de 'l'action' de la SA ALLIANZ IARD, qu'elle n'a pas fondée en droit, et qui ne correspond à aucune exception de nullité connue, lesquelles ne peuvent concerner que les actes de procédure, de telle sorte qu'elle sera déboutée de ce chef de demande.
-Sur la fin de non-recevoir :
-Selon les dispositions de l'article 45 du Code de Procédure civile de la Polynésie française : 'Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfixé, la chose jugée. ' Selon les dispositions de l'article 47 du Code de Procédure civile de la Polynésie française : 'Les fins de non-recevoir doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d'un grief et alors même que l'irrecevabilité ne résulterait d'aucune disposition expresse. ' Selon les dispositions de l'article 49 du Code de Procédure civile de la Polynésie française : 'Dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue. Il en est de même lorsque, avant toute forclusion, la personne ayant qualité pour agir devient partie à l'instance. '
[Y] [B] [Z] soulève de manière extrêmement floue, et sans viser le moindre fondement légal, l'irrecevabilité de l'action engagée par la SA ALLIANZ IARD en raison de son défaut de capacité d'ester en justice. Effectivement, les assignations des 19 juillet 2019, et du 12 décembre 2019 ont été délivrées au nom de la SA ALLIANZ IARD, tandis que l'assignation du 19 février 2020 et les conclusions postérieures l'ont été au nom de la SA ALLIANZ IARD 'prise en la personne de son représentant légal', sans que jamais ne soient précisés l'organe et le nom de la personne qui la représente légalement, laquelle ne peut être vérifiée en l'absence de production d'un extrait du registre de commerce.
-Si cette fin de non-recevoir est bien susceptible de régularisation, il n'en demeure pas moins que la SA ALLIANZ IARD n'a à aucun moment donné les éléments nécessaires, ni produit les justificatifs lui permettant de justifier de sa capacité à agir. En conséquence, l'action de la SA ALLIANZ IARD sera déclarée irrecevable.
[Y] [Z] ne présente aucun moyen d'appel à l'égard du rejet de son exception de nullité, et la cour tire toutes conséquences de ce qu'elle demande à titre principal la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Devant la cour, la société ALLIANZ IARD régularise la procédure en produisant un extrait Kbis attestant de son immatriculation au registre du commerce ainsi que l'extrait Lbis de sa succursale en Polynésie française.
L'article L121-12 du code des assurances dispose que : L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur.
[Y] [Z] fait valoir que le recours de l'assureur est fondé à la fois sur une subrogation légale et une subrogation conventionnelle, mais que le protocole de règlement ne permet pas de connaître avec précision l'étendue de la subrogation alléguée.
La société ALLIANZ IARD invoque la subrogation incluse dans le protocole de règlement définitif qui est corroborée par une attestation de paiement faite par [G] [C].
La subrogation de l'assureur dans les droits de son assuré s'exerce par le seul effet de la loi lorsque les conditions posées par l'article L121-12 du code des assurances sont réunies.
La preuve du paiement de l'indemnité par l'assureur peut être rapportée par tout moyen (Civ. 2e 17 déc. 2009 n° 06-18.649).
Le contrat d'assurance multirisque habitation et propriété immobilière n° CP500000008294 a été souscrit le 12 décembre 2016 par [G] [C] auprès de la compagnie ALLIANZ.
[G] [C] a signé le 10 avril 2019 un protocole de règlement définitif par lequel elle a accepté sans condition ni réserve la proposition d'indemnisation totale et définitive d'un sinistre incendie en date du 11 juillet 2018 pour le montant de 2 826 438 F CFP, augmenté d'un complément d'indemnité d'un montant de 1 033 234 F CFP sur présentation par elle des factures acquittées des travaux de remise en état dans les deux ans de la survenance du sinistre.
[G] [C] a établi le 8 décembre 2020 une attestation par laquelle elle déclare avoir bien perçu de la part d'ALLIANZ les indemnités suivantes :
300 000 F CFP le 20/07/2018,
2 826 438 F CFP le 10/04/2019.
Le protocole de règlement définitif mentionne que la somme de 300 000 F CFP était une provision qui a été déduite dans le calcul de l'indemnité de 2 826 438 F CFP.
Il en résulte que la preuve du paiement d'une indemnité par l'assureur est rapportée.
L'action de la SA ALLIANZ IARD sera donc jugée recevable.
D'autre part, les époux [C] et [Y] [Z] ont signé les 24 juillet et 9 octobre 2020 un protocole transactionnel mettant fin à une instance ayant pour objet une contestation sur les clauses et dispositions du règlement de copropriété, en convenant du versement par L. [Z] d'une somme forfaitaire de 4 200 000 F CFP et de l'engagement de celle-ci de racheter ou faire racheter l'appartement des époux [C].
Sur la demande principale :
Par l'effet de la subrogation édictée par l'article L121-12 du code des assurances, la société ALLIANZ IARD est investie des droits et actions de [G] [C] contre le tiers responsable. Le protocole de règlement définitif du 10 avril 2019 stipule en outre que [G] [C] reconnaît être informée que ALLIANZ IARD, subrogée dans ses droits et actions, se réserve le droit d'engager toute action récursoire contre le ou les éventuels responsables du sinistre en vue du recouvrement des sommes versées.
Le sinistre survenu le 11 juillet 2018 dans l'immeuble où se situe l'appartement assuré par ALLIANZ IARD est un incendie dont les causes ont été expliquées comme suit :
-un départ de feu au moment de travaux de soudure sur la charpente en bois des combles de l'appartement n°7 de la résidence (propriétaire [Y] [Z]), travaux réalisés par un cousin non déclaré de [Y] [Z], sans conformité et demandés par cette dernière en qualité de représentant d'une copropriété qui n'avait ni syndic ni conseil syndical (rapport [V] pour ALLIANZ) ;
-feu propagé par les combles alimenté par des matériaux inflammables qui y étaient stockés (rapport sapeurs-pompiers) ;
-incendie suite à travaux par points chauds, les projections de soudure sur les charpentes métalliques ayant généré un départ de feu au niveau du plancher, du faux plafond et de l'isolant, dégénérant rapidement compte tenu des matériaux inflammables, de l'absence de murs coupe-feu dans les combles, et des importants stockages en périphérie ; les travaux de soudure ont été mandatés par la copropriété (non constituée alors par un syndic, un conseil syndical, une association des copropriétaires-copropriété représentée sur cette opération par [Y] [Z] par ailleurs bailleur de l'appartement 7) (rapport JOLIVET pour AXA) ;
-«Ma famille et moi-même avons entamé des travaux de soudure d'IPE pour renforcer le sol des combles. Mon cousin a senti une odeur de brûlé puis vu une petite flamme» (déclaration de sinistre de [Y] [Z] à AXA) ;
-la déposition d'un témoin a été confirmée par les deux travailleurs non déclarés et responsables de l'incident, travaillant sous la responsabilité de l'appartement lieu de départ du sinistre ; ils déclarent qu'ils ont effectué des travaux de soudure sur la toiture, des étincelles apparentes ont traversé le plafond en pvc ce qui a provoqué le feu à l'intérieur du logement (rapport police municipale).
Dans les rapports, comme en l'espèce, entre propriétaires, celui qui détient, à un titre quelconque, tout ou partie de l'immeuble ou des biens immobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance n'est responsable, vis-à-vis des tiers, des dommages causés par cet incendie que s'il est prouvé qu'il doit être attribué à sa faute ou à la faute de personnes dont il est responsable (C. civ., art. 1384 al. 2 en vigueur en Polynésie française).
La compagnie ALLIANZ IARD conclut justement et à bon droit que : le départ de feu a été causé par les travaux demandés par [Y] [Z] à un cousin ; ces travaux concernaient l'appartement 7 dont celle-ci est propriétaire ; elle utilisait les combles pour y stocker des matériaux inflam-mables qui ont contribué à la propagation de l'incendie ; la responsabilité de l'incendie est par conséquent imputable à [Y] [Z].
Alors que [Y] [Z] n'est pas bien fondée à invoquer les dispositions de l'article 1734 du code civil. Celui-ci a pour objet les recours entre propriétaire et locataires en cas d'incendie, alors qu'il s'agit en l'espèce d'une action d'un propriétaire, dans les droits duquel son assureur est subrogé, contre un autre propriétaire.
Et [Y] [Z] se borne à contester «être responsable étant donné que l'expert a émis une hypothèse non vérifiée et non prouvée», alors que sa responsabilité en tant que propriétaire des lieux où a pris naissance l'incendie, causé par des travaux qu'elle a personnellement commandés, réalisés par des travailleurs non déclarés, résulte de plusieurs rapports d'expertise et d'intervention des secours qui sont concordants, et d'ailleurs corroborés par sa propre déclaration de sinistre.
L'action de la société ALLIANZ IARD est par conséquent bien fondée.
Les époux [C] ont acquis leur appartement en 2016 au prix de 17 500 000 F CFP. L'expert [V] mandé par ALLIANZ a constaté que les dégâts causés par l'incendie du 11 juillet 2018 résultaient de son inondation par les eaux d'extinction, et qu'ils consistaient en des dommages sur cloisons et peintures, éléments d'équipement et électroménagers, pour un montant de coûts de réparations évalué à 333 575 F CFP TTC en tenant compte de la vétusté.
À ce montant, l'expert a ajouté la somme de 699 659 F CFP, vétusté incluse, au titre de la répartition entre [Y] [Z] et [G] [C], copropriétaires, des coûts de réparation des dommages causés aux parties communes par l'incendie (88%-12%).
Il est ainsi justifié d'un préjudice subi par [G] [C] dont l'indemnisation totale s'élève au montant de 333 575 + 699 659 = 1 033 234 F CFP TTC.
[Y] [Z] n'est pas bien fondée à le contester en faisant état d'un constat d'huissier qui montrerait que l'appartement de [G] [C] est resté habitable, ce qui ne contredit nullement les dommages relevés par l'expert.
Et la compagnie ALLIANZ IARD n'est pas bien fondée à demander la somme de 3 126 438 F CFP qui ne tient pas compte des coefficients de vétusté retenus par son expert, qu'aucun élément ne permet de contredire. En effet, le procès-verbal établi par les deux experts quant à l'évaluation des dommages imputables au sinistre sur les parties communes, fixant ce montant à 3 130 363 F CFP en ce qui concerne [G] [C], ne tient pas compte quant à lui d'une vétusté, alors qu'il résulte de la description de l'immeuble que celle-ci doit être appliquée.
[Y] [Z] sera par conséquent condamnée à payer à la SA ALLIANZ IARD la somme de 1 033 234 F CFP en réparation du préjudice subi par l'assurée de celle-ci [G] [C] causé par l'incendie survenu le 11 juillet 2018 dont [Y] [Z] est déclarée entièrement responsable. Il échet d'ordonner la capitalisation des intérêts par année échue depuis l'assignation.
Sur la demande reconventionnelle :
Curieusement, [Y] [Z] fait suivre sa demande de «confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris» d'une demande de «statuer à nouveau au principal» et de «condamner Mme [C] à payer ou à rembourser à la SA ALLIANZ IARD la somme versée au titre du sinistre et qui n'a pas été affectée par Mme [C] à la réparation des lieux après sinistre» et de «condamner ensemble les appelants à payer à Mme [Z] la somme légitime de 4.226.438 FCP en compensation du montant exact des sommes réclamées et de façon injustifiée à son encontre».
Sans s'arrêter à cette contradiction dans le dispositif des conclusions, la cour répond que :
[Y] [Z] fonde ses demandes sur l'article L121-17 du code des assurances qui dispose que :
Sauf dans le cas visé à l'article L. 121-16, les indemnités versées en réparation d'un dommage causé à un immeuble bâti doivent être utilisées pour la remise en état effective de cet immeuble ou pour la remise en état de son terrain d'assiette, d'une manière compatible avec l'environnement dudit immeuble.
Toute clause contraire dans les contrats d'assurance est nulle d'ordre public.
Un arrêté du maire prescrit les mesures de remise en état susmentionnées, dans un délai de deux mois suivant la notification du sinistre au maire par l'assureur ou l'assuré.
Mais cet article n'est pas en vigueur en Polynésie française. Le décret n° 76 - 666 du 16 juillet 1976 modifié relatif à la codification des textes législatifs concernant les assurances promulgué en Polynésie française par arrêté n° 4488AA du 4 août 1976 ne le comprend pas, et la loi n° 95-101 du 2 février 1995 qui l'a créé n'est pas applicable en Polynésie française.
Et la compagnie ALLIANZ IARD conclut à bon droit que l'assuré n'a aucune obligation d'emploi de l'indemnité d'assurance, et que cet emploi ne concernerait de toute façon que les rapports contractuels entre l'assureur et son assuré. [Y] [Z] n'a aucune qualité ou intérêt pour demander une condamnation de [G] [C] au bénéfice d'ALLIANZ.
C'est par conséquent à bon droit que le jugement entrepris a retenu que : Nul ne plaidant par procureur, [Y] [B] [Z] sera déboutée de ce chef de demande, qu'elle n'a pas qualité pour formuler, étant tiers à la relation contractuelle entre [G] [C] et son assureur, d'autant qu'il n'existe à la charge de l'assuré aucune obligation d'emploi de l'indemnité d'assurance.
Au surplus, la cour croit comprendre dans les écritures de [Y] [Z], dont le «flou» relevé par le premier juge n'est pas totalement dissipé en cause d'appel, que celle-ci fonde aussi sa demande reconventionnelle contre «les appelants» sur le fait que les travaux que [G] [C] aurait dû financer avec l'indemnité d'assurance ont été réalisés par son fils [A] après qu'il ait racheté l'appartement [C].
Mais la cause de la charge de ces dépenses se trouve dans le protocole transactionnel du 24 juillet 2020 entre les époux [C] et [Y] [Z], dans lequel cette dernière s'est engagée à acquérir ou à faire acquérir par un tiers digne de confiance (son fils en l'occurrence) l'appartement de ceux-ci au prix de 20 MF CFP «en l'état sans que l'acquéreur puisse former aucun recours contre les vendeurs au titre des parties privatives ou des parties communes, l'acquéreur déclarant connaître parfaitement les lieux pour les avoir visités préalablement». La vente est intervenue le 9 octobre 2020.
Au demeurant, les factures que produit [Y] [Z] pour justifier cette demande ne sont ni à son nom, ni acquittées.
Les demandes reconventionnelles seront donc rejetées et le jugement sera confirmé de ce chef.
Il sera fait application des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française au bénéfice de l'appelante. La partie qui succombe est condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
En la forme, déclare l'appel recevable ;
Au fond, confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :
reçu l'intervention volontaire de [X] [C] ;
rejeté l'exception de nullité de l'action de la SA ALLIANZ IARD soulevée par [Y] [B] [Z] ;
débouté [Y] [B] [Z] de sa demande de condamnation de Mme [C] à payer ou à rembourser à la SA ALLIANZ IARD la somme versée au titre du sinistre et qui n'a pas été affectée par Mme [C] à la réparation des lieux après sinistre ;
débouté [Y] [B] [Z] de sa demande sur le fondement de l'article 407 du Code de Procédure civile de la Polynésie française ;
Infirme pour le surplus et statuant à nouveau :
Déclare recevable l'action de la SA ALLIANZ IARD ès qualités d'assureur de dommages habitation subrogée dans les droits de [G] [C] ;
Déclare [Y] [Z] entièrement responsable de l'incendie survenu dans la [Adresse 11] le 11 juillet 2018 en suite duquel l'appartement assuré par [G] [C] en qualité de propriétaire et des parties communes ont été endommagés ;
Fixe à la somme de 1 033 234 F CFP le montant de l'indemnisation totale du préjudice subi par [G] [C] sur la base des évaluations d'expert tenant compte de la vétusté ;
Condamne [Y] [Z] à payer à la SA ALLIANZ IARD subrogée dans les droits et actions de [G] [C] la somme de 1 033 234 F CFP avec intérêt au taux légal à compter de la date de l'assignation en première instance, soit depuis le 19 juillet 2019 ;
Ordonne la capitalisation des intérêts échus pour chaque année entière ;
Déboute [Y] [Z] de sa demande de condamner ensemble les appelants à lui payer la somme légitime de 4.226.438 FCP en compensation du montant exact des sommes réclamées et de façon injustifiée à son encontre ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne [Y] [Z] à verser la somme de 500.000 FCFP à la SA ALLIANZ au titre des frais irrépétibles d'appel, et la somme de 600.000 FCFP au titre des frais irrépétibles de première instance ;
Met à la charge de [Y] [Z] les dépens de première instance et d'appel, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 409 du Code de procédure civile de la Polynésie française.
Prononcé à Papeete, le 11 mai 2023.
Le Greffier, Le Président,
signé : M. SUHAS-TEVERO signé : G. RIPOLL