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26/04/2023 | FRANCE | N°22/00003

France | France, Cour d'appel de Papeete, Premier président, 26 avril 2023, 22/00003


N°3





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M. [U] [M]

(Me [K])



C/



Etat (Me [H])

Le Ministère Public

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Copie exécutoire

délivrée à :

- Me [K]

- M. [U] [M],

le 23.06.2021 par LRAR





Copies authentiques

délivrées à :

- Me Chicheportiche,

- Ministère public,

le 23.06.2021 par LRAR

REPUBLIQUE FRANCAISE



COUR D'APPEL DE PAPEETE



Juridiction du Premier Président



INDEMNISAT

ION A RAISON D'UNE DETENTION PROVISOIRE







N° RG 22/00003 ;



Nous, Thierry POLLE, premier président de la cour d'appel de Papeete, assisté de Mme Mareva OPUTU-TERAIMATEATA greffier ;



Sur requête déposé et enregistré au greffe de la cour d'ap...

N°3

--------------

M. [U] [M]

(Me [K])

C/

Etat (Me [H])

Le Ministère Public

--------------

Copie exécutoire

délivrée à :

- Me [K]

- M. [U] [M],

le 23.06.2021 par LRAR

Copies authentiques

délivrées à :

- Me Chicheportiche,

- Ministère public,

le 23.06.2021 par LRAR

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D'APPEL DE PAPEETE

Juridiction du Premier Président

INDEMNISATION A RAISON D'UNE DETENTION PROVISOIRE

N° RG 22/00003 ;

Nous, Thierry POLLE, premier président de la cour d'appel de Papeete, assisté de Mme Mareva OPUTU-TERAIMATEATA greffier ;

Sur requête déposé et enregistré au greffe de la cour d'appel le 12 août 2022 aux fins d'indemnisation d'une détention provisoire ;

Demandeur :

Monsieur [U] [M], né le [Date naissance 1] 1993 à [Localité 3], de nationalité française, demeurant [Adresse 4]a ;

Représenté par Me Thibault MILLET, avocat au barreau de Papeete ;

Défendeurs :

L'Agent Judiciaire de l'Etat, pris en sa qualité de représentant de l'Etat français, [Adresse 2] ;

Ayant pour avocat la Selarl Chicheportiche, représenté par Me Laurent CHICHEPORTICHE ;

Le Ministère Public, représenté par Monsieur Thomas PISON, procureur général ;

Ayant conclu ;

Après débats en audience publique du 29 mars 2023 à laquelle a comparu pour le requérant Me [K], pour l'Agent Judiciaire de l'Etat Me CHICHEPORTICHE et pour le Ministère Public, Monsieur Thomas PISON, Procureur Général, l'affaire a été mise en délibéré à ce jour par mise à disposition au greffe de la juridiction.

EXPOSE DU LITIGE :

Il résulte du dossier que Monsieur [U] [M] a fait l'objet d'un placement en détention provisoire du 26 juin 2020 au 29 décembre 2020 dans le cadre d'une information judiciaire du chef de trafic de stupéfiants.

Le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non lieu le 18 février 2022

Monsieur [U] [M] a formé une requête en réparation à raison d'une détention provisoire reçue au greffe de la cour d'appel le 11 août 2022.

Il sollicite de :

CONDAMNER l'État à payer à M. [M] la somme de :

- 2 248 284 F CFP en réparation de sa perte de revenus bruts, et, à titre subsidiaire, 1 899 988 F CFP en réparation de sa perte de revenus nets ;

- 480 250 F CFP en remboursement des frais engagés pour sa défense ;

- 3 500 000 F CFP en indemnisation de son préjudice moral ;

CONDAMNER l'État à payer à M. [M] la somme de 350 000 F CFP en vertu de l'article 407 du Code de procédure civile.

L'agent judiciaire de l'Etat a conclu à voir :

A titre principal :

Surseoir à statuer dans l'attente de la production du certificat de non-recours, de la fiche pénale de M. [M] et de son casier judiciaire actualisé,

A défaut de production desdites pièces,

Dire et juger la requête irrecevable.

A titre subsidiaire, sur le fond :

' Au titre du préjudice matériel :

Réduire la demande de remboursement au titre des pertes de salaires de M. [M] à de plus justes proportions, qui ne sauraient excéder la somme de 1513 040,82 FCFP.

Débouter M. [M] de ses autres prétentions de ce chef et, à titre infiniment subsidiaire, les réduire à de plus justes proportions, sans qu'elles puissent excéder la somme de 297466 FCFP,

' Au titre du préjudice moral :

Limiter les prétentions de M. [M] à de plus justes proportions, sans qu'elles puissent excéder la somme de 1193 317,42 FCP,

' Au titre des frais irrépétibles de 350.000 francs CFP

Limiter les prétentions de M. [M] à de plus justes proportions,

Le procureur général s'associe aux conclusions de L'AJE.

En cours de délibéré, Monsieur [U] [M] a produit une fiche pénale.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de sursis à statuer

La production de pièces par une partie dans le cadre d'un litige ne correspond pas à un événement justifiant la suspension de l'instance pour un bonne administration de la justice ;

Il n'y a pas lieu à sursis à statuer.

Sur la recevabilité

Aux termes de l'article R26 du code de procédure pénale:

La requête contient l'exposé des faits, le montant de la réparation demandée et toutes indications utiles, notamment en ce qui concerne :

1° La date et la nature de la décision qui a ordonné la détention provisoire ainsi que l'établissement pénitentiaire où cette détention a été subie ;

2° La juridiction qui a prononcé la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement ainsi que la date de cette décision ;

3° L'adresse où doivent être faites les notifications au demandeur.

La requête est accompagnée de toutes pièces justificatives, notamment de la copie de la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement.

La méconnaissance des formes prescrites par l'article R 26 du Code de procédure pénale n'entraîne pas l'irrecevabilité de la requête ;

La fiche pénale a été produite en cours de délibéré.

Nonobstant l'absence de production d'un certificat de non appel par le requérant, document qui ne figure pas expressément parmi celles exigées par cette disposition, il n'est soulevé par aucune partie que la décision de non lieu ne soit pas définitive, alors même que le parquet serait nécessairement informé d'un recours éventuel ;

La fin de non recevoir sera en conséquence écartée.

Il n'est pas contesté que la requête a été déposée le 11 août 2022 dans les six mois de l'ordonnance de non lieu rendue le 18 février 2022, la requête est donc recevable.

Sur le fond :

Aux termes de l'article 149 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention.

- Sur le préjudice matériel :

Monsieur [U] [M] doit être indemnisé de sa perte de salaires nets durant la période de détention provisoire.

Doit être ajoutée à l'indemnité réparant la perte du salaire net une somme au titre des cotisations nécessaires à la constitution des points de retraite, outre les congés payés qui auraient été dus si le demandeur n'avait pas été incarcéré;

La méthode d'indemnisation exposée par le demandeur, consistant à calculer la moyenne mensuelle des salaires nets et des cotisations retraites salariales (tranches A et B et fonds spécial) outre les congés payés, sur les 12 derniers mois précédant l'incarcération, soit un salaire mensuel moyen de base de 356 032 FCFP, dont à déduire les salaires nets perçus pendant l'incarcération est conforme à ces principes d'indemnisation.

En conséquence, il sera alloué 1.899.988 FCFP au titre du préjudice matériel selon tables de calcul pièces 41 et 42 du demandeur.

- Sur les frais de défense engagés :

Le remboursement des frais engagés au titre de la défense, notamment les honoraires versés à un avocat, ne peut concerner que les prestations directement liées à la privation de liberté.

Seules peuvent être prises en compte les factures d'honoraires permettant d'individualiser et détailler les prestations en lien exclusif avec le contentieux de la liberté, n'appartenant pas au juge de l'indemnisation de la détention de procéder lui même à cette individuellement.

En l'espèce il convient de relever que la facture intermédiaire sur frais et honoraires n° 201017 du 20 octobre 2020 et la note récapitulative des frais et honoraires du 20 juin 2022 détaillent les prestations en lien exclusif avec le contentieux de la liberté soit 13 h de temps de travail.

Ces factures en revanche ne permettent pas d'individualiser la part des heures de travail liées à la lecture du dossier pénal dans le cadre de la détention provisoire.

Il sera en conséquence alloué 367 250 FCFP à ce titre.

- Sur le préjudice moral :

Il peut être pris en compte :

' La durée de la détention,

' La situation personnelle et familiale,

' Les conditions de détention,

' L'existence ou non d'un passé carcéral de nature à minorer le choc psychologique.

En l'espèce, Monsieur [U] [M] était âgé de 27 ans, vivait en concubinage avec Mme [Y], avec leur fille âgée de 4 ans, toutes deux domiciliées dans une autre île limitant l'exercice des visites carcérales.

Il n'est pas démontré l'existence d'un passé carcéral.

Le préjudice subi par les proches n'est pas indemnisable, en revanche la souffrance supplémentaire du détenu causé par le désarroi de savoir sa compagne et son enfant seuls sans pouvoir leur apporter un soutien nécessaire constitue un préjudicie personnel réparable.

Il sera ainsi tenu compte de la répercussion sur le requérant de la souffrance subie par sa concubine et sa fille.

Dans une lettre écrite au magistrat le 25 mai 2022, Madame [Y] décrit ses difficultés en lien avec la détention qui l'ont amenée à démissionner de son emploi, et produit une attestation de suivi psychologique

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments il sera alloué: 2.000.000 FCFP au titre du préjudice moral.

Pour des considérations tirées de l'équité il convient d'allouer 250.000 FCFP au titre de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort, en matière d'indemnisation d'une détention provisoire et par décision susceptible de recours, dans les dix jours de sa notification, devant la Commission nationale de réparation des détentions par déclaration de recours remise au greffe de la cour d'appel ;

Allouons à Monsieur [U] [M] ;

- 1 899 988 F CFP en réparation de sa perte de revenus nets ;

- 367 250 F CFP en remboursement des frais engagés pour sa défense ;

- 2 000 000 F CFP en indemnisation de son préjudice moral ;

Allouons à Monsieur [U] [M] 250.000 francs CFP sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;

Laissons les dépens à la charge du trésor public.

Prononcé à [Localité 3], le 26 avril 2023.

Le Greffier, Le Président,

signé : M. OPUTU-TERAIMATEATA signé : T. POLLE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Papeete
Formation : Premier président
Numéro d'arrêt : 22/00003
Date de la décision : 26/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-26;22.00003 ?
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