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13/04/2023 | FRANCE | N°21/00294

France | France, Cour d'appel de Papeete, Cabinet b, 13 avril 2023, 21/00294


N° 133





MF B

--------------



Copies exécutoires

délivrées à :

- Me De Gary,

- Me Bouyssie,

le 14.04.2023.





Copie authentique

délivrée à :

- Me Mikou,

le 14.04.2023.

REPUBLIQUE FRANCAISE



COUR D'APPEL DE PAPEETE



Chambre Civile



Audience du 13 avril 2023



RG 21/00294 ;



Décision déférée à la Cour : jugement n° 21/189, rg n° 18/00367 du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete du 23 a

vril 2021 ;



Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 4 août 2021 ;



Appelant :



Le Syndicat des Copropriétaires de la Résidence Kaoha Nui, n° Rcs 1230 B, n° Tahiti 15047001 sis...

N° 133

MF B

--------------

Copies exécutoires

délivrées à :

- Me De Gary,

- Me Bouyssie,

le 14.04.2023.

Copie authentique

délivrée à :

- Me Mikou,

le 14.04.2023.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D'APPEL DE PAPEETE

Chambre Civile

Audience du 13 avril 2023

RG 21/00294 ;

Décision déférée à la Cour : jugement n° 21/189, rg n° 18/00367 du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete du 23 avril 2021 ;

Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 4 août 2021 ;

Appelant :

Le Syndicat des Copropriétaires de la Résidence Kaoha Nui, n° Rcs 1230 B, n° Tahiti 15047001 sis [Adresse 2], représenté par son syndic l'Eurl Gesco, représentée par son gérant : M. [B] [X] ;

Représenté par Me Florence DE GARY, avocat au barreau de Papeete ;

Intimé :

La Sarl S3T Société Tahitienne des Techniques du Toit, n° Tahiti 113977, dont le siège social est sis à [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal ;

Ayant pour avocat la Selarl Mikou, représentée par Me Mourad MIKOU, avocat au barreau de Papeete ;

Et de la cause :

La Sarl Mareva Nui Immo dont le siège spoam est social est sis à [Localité 4], prise en la personne de son gérant : M. [H] [C] ;

Représentée par Me Benoit BOUYSSIE, avocat au barreau de Papeete ;

Ordonnance de clôture du 13 janvier 2023 ;

Composition de la Cour :

La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 9 février 2023, devant Mme BRENGARD, président de chambre, M. RIPOLL et Mme PINET-URIOT, conseillers, qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;

Arrêt contradictoire ;

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Signé par Mme BRENGARD, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A R R E T,

La Sarl Mareva Nui Immo est le promoteur d'un ensemble immobilier appelé résidence Kaoha Nui à [Localité 3] ( Ile de Tahiti) qui est aujourd'hui administrée sous le régime de la copropriété par la société Gesco syndic représentant le syndicat des copropriétaires .

Pour la construction de cet immeuble, le lot Etanchéité a été exécuté par la Sarl Tahitienne des Techniques du Bâtiment, Sarl S3T.

Un procès-verbal de réception des parties communes établi le 25 janvier 2010 renvoie à une réception effectuée le 20 août 2009.

Le 7 décembre 2009, la Sarl Mareva Nui Immo a mis en demeure à la Sarl S3T de procéder à la reprise des infiltrations et désordres constatés dans les parties communes (celliers inondés, infiltrations au plafond de certains appartements).

Ayant pris livraison de l'immeuble, le syndicat des copropriétaires de la résidence Kaoha Nuia s'est également plaint de dégâts des eaux.

Dans un contentieux de référé-expertise opposant initialement le promoteur à la Sarl S3T auquel le syndicat des copropriétaires est intervenu volontairement, une expertise judiciaire a été ordonnée et confiée à M. [M] qui a déposé son rapport le 9 octobre 2017.

Par acte d'huissier du 3 août 2018, le syndicat des copropriétaires de la résidence Kaoha Nui représenté par la société Gesco et la SARL Mareva Nui Immo a engagé une action contre la SARL S3T devant le tribunal civil de première instance de Papeete en sollicitant l'indemnisation désordres résultant d'un vice structurel affectant l'étanchéité des terrasses.

Faisant droit aux conclusions de la SARL S3 T, statuant par jugement numéro 21/189 du 23 avril 2021 (RG 18/00 367), le tribunal a,

- déclaré irrecevable l'action de la SARL Gesco ès qualité de représentant du syndicat des copropriétaires de la résidence Kaoha Nui,

- débouté la SARL Mareva nui Immo de sa demande de dommages-intérêts,

- condamné le syndicat des copropriétaires résidence Kaoha Nui a versé à la SARL S3 T la somme de 200'000 Fcfp sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

***

Suivant requête d'appel enregistrée au greffe le 4 août 2021, le syndicat des copropriétaires de la résidence Kaoha Nui représenté par son syndic, l'EURL gesco a formé appel à l'égard dudit jugement en intimant la Sarl Mareva Nui Immo et la Sarl S3T.

En ses dernières conclusions du 1er décembre 2022, le syndicat des copropriétaires entend voir la cour statuant au vu de l'article 55 du décret du 17 mars 1967, des articles 1792 et suivants du code civil, et subsidiairement, de la responsabilité contractuelle du constructeur en cas de dommages intermédiaires :

' rejeter le moyen d'irrecevabilité de l'appel formé par la SARL S3 T,

' infirmant le jugement toutes ses dispositions et statuant à nouveau, déclarer son action recevable, puis,

juger que la société S3 T est responsable des dommages constatés par le rapport d'expertise de M. [M],

' condamner la société S3 T à lui payer les sommes suivantes :

* 39'600'000 Fcfp en réparation des préjudices causés par les désordres touchant à la chape du parking aux terrasses, tel que constaté par le rapport d'expertise,

* 3'000'000 Fcfp en réparation de son préjudice moral,

* 550'000 Fcfp au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens.

En ses conclusions récapitulatives reçues au greffe le 15 novembre 2022, la SARL S3 T entend voir la cour :

' à titre principal, déclarer forclos l'appel interjeté par le syndicat des copropriétaires de la résidence Kaoha Nui, et en conséquence déclarer irrecevables ses demandes et confirmer le jugement entrepris,

' à titre subsidiaire,

*sur les demandes du syndicat des copropriétaires,

confirmer le jugement ayant déclaré son action irrecevable,

à défaut, constater que les désordres ne relèvent pas de la garantie décennale, et débouter le syndicat de ses prétentions,

*sur les demandes de la SARL Maréva nui Immo,

la débouter de ses prétentions,

*sur les frais de procédure,

confirmer le jugement puis condamner le syndicat des copropriétaires à supporter les entiers dépens et à lui verser la somme de 300'000 Fcfp au titre des frais irrépétibles d'appel et, la SARL Maréva nui Immo à lui verser également la somme de 220'000 Fcfp sur ce même fondement.

Par conclusions du 18 mars 2022, la SARL Maréva nui Immo entend voir la cour statuant après infirmation du jugement,

dire et juger que la société S3T est responsable des désordres constatés par l'expert judiciaire,

-statuer ce que de droit sur les demandes du syndicat des copropriétaires,

- condamner la société S3T à lui payer la somme de 286 455 Fcfp soit la moitié du montant des frais d'expertise, celle de 3 000 000 Fcfp en réparation de son préjudice moral et de réputation ainsi qu'une indemnité de procédure de 339 000 Fcfp outre les entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits de la cause, de la procédure, des prétentions des parties, il est renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions d'appel des parties. Se conformant aux dispositions de l'article 268 du code de procédure civile de la Polynésie française, la cour répondra aux moyens par les motifs ci-après.

MOTIFS DE LA DECISION :

- Sur l'irrecevabilité de l'appel :

La SARL S3 T fait valoir que le jugement entrepris rendu le 23 avril 2021 ayant été signifié le 11 juin 2021, l'appel est hors délai car le syndicat des copropriétaires ne justifie pas avoir enregistré sa requête d'appel avant le 11 août 2021.

Cependant, il résulte du tampon apposé par le greffe sur la requête d'appel qu'elle a été enregistrée à la cour le 4 août 2021, soit dans le délai de deux mois prévus par l'article 336 du code de procédure civile pour former appel à compter de la signification du jugement intervenu le 11 juin 2021.

L'appel a donc été formé dans le délai légal.

' Sur l'irrégularité de procédure tirée du défaut d'habilitation du syndic :

La Sarl S3T rappelle que l'article 55 du décret 67 ' 223 du 17 mars 1967 portant application de la loi de 1965 sur la copropriété dispose que le syndic ne peut intenter une action en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision de l'assemblée générale.

Elle indique également en réplique à l'argumentation adverse, que si l'article 55 du décret de 1967 a été modifié en France métropolitaine par le décret n° 2019 ' 650 du 27 juin 2019 qui a restreint aux seuls copropriétaires le droit de se prévaloir de l'absence d'autorisation du syndic agir en justice, ce texte n'a pas été rendu applicable en Polynésie française, de sorte que même si elle est tiers à la copropriété, elle est recevable à s'en prévaloir.

Le défaut d'habilitation du syndic d'ester en justice constitue une irrégularité de l'acte introductif d'instance qu'il a diligenté au nom de la copropriété.

L'article 43 du code de procédure civile de Polynésie française dispose qu'à l'exception des irrégularités tenant aux déchéances et forclusions, les irrégularités d'actes de procédure ne sont causes de nullité que s'il est justifié qu'elles ont porté une atteinte certaine aux intérêts de la partie qui les invoque.

La Sarl S3T ne fait pas état d'un grief quelconque et du reste, le cabinet Gesco était le syndic représentant la copropriété lors des opérations d'expertise menées dans le cadre du référé-expertise .

En tout état de cause, c'est à bon droit que le syndicat des copropriétaires invoque l'article 44 du code précité en ce qu'il dispose que la nullité est couverte par la régularisation ultérieure de l'acte si aucune déchéance ou forclusion n'est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief.

En effet, le défaut d'autorisation du syndicat d'agir en justice au nom du syndicat est susceptible de régularisation jusqu'à ce que le juge statue et même en cause d'appel.

La régularisation doit intervenir avant l'expiration du délai de forclusion ou de prescription de l'action.

En l'espèce, le tribunal a retenu que l'autorisation donnée par l'assemblée générale du 24 avril 2018 ne visant que le promoteur, ne pouvait s'appliquer à l'action visant la SARL S3 T qui est l'entreprise chargée du lot étanchéité, et que l'autorisation donnée par l'assemblée générale du 13 mai 2019 était trop vague puisqu'elle ne précisait pas les désordres qui étaient concernés par l'action.

S'il est vrai que l'autorisation donnée au syndic par l'assemblée générale ne visait pas l'action engagée contre la Sarl S3T mais seulement le promoteur, il n'en va pas de même de l'assemblée générale du 13 mai 2019 qui conférait une autorisation expresse d'ester en justice contre cette entreprise au titre des malfaçons affectant les parties communes pouvant impliquer sa garantie décennale. Dès lors que la Sarl S3T n'a été chargée que du lot 'étanchéité', les désordres visés par la délibération étaient suffisamment déterminés pour valider l'autorisation donnée au syndic.

En tout état de cause, le syndic produit en appel, le procès-verbal de l'assemblée générale du 17 juin 2021, résolution n° 5 qui énonce clairement qu'il est investi d'un mandat d'agir en justice contre plusieurs parties dont la Sarl S3T pour les désordres énoncés dans le rapport d'expertise de M. [M].

La Sarl S3T fait valoir que la régularisation n'était plus possible car la prescription décennale lui est acquise puisqu'il s'est écoulé plus de 10 ans entre le 27 mars 2009, date du certificat de conformité, et l'assemblée générale du 13 mai 2019 et a fortiori du 17 juin 2021.

Le procès-verbal de réception établi le 25 janvier 2010 renvoie à une réception des parties communes intervenue le 20 aout 2009 mais énonce encore de nombreuses réserves sur ces parties communes précisément . Du reste, aucun procès-verbal n'éyant été dressé le 20 août 2009, c'est bien la date du 25 janvier 2010 qui est à retenir comme point de départ du délai de la garantie décennale du constructeur . C'est donc à tort que la Sarl S3T prétend que le délai de prescription décennal court depuis la date du certificat de conformité établi le 30 mars 2009.

En vertu de l'article 2244 du code civil applicable en Polynésie française qui dispose qu'une citation en justice est une cause d'interruption civile, le délai de prescription décennale a été interrompu à l'égard de la Sarl S3T par la Sarl Mareva Nui Immo qui a assigné la Sarl S3T en référé expertise par assignation du 14 mars 2014 délivrée sur la requête du 17 mars 2014, le syndicat des copropriétaires étant intervenu volontairement à cette instance.

Le nouveau délai décennal qui a pu recommencer à courir à la date du dépôt du rapport d'expertise le 9 octobre 2017, a été interrompu par l'assignation délivrée par le syndicat des copropriétaires le 3 août 2018 à la Sarl S3T sur requête introductive d'instance du 9 août 2018 dans le cadre de la présente affaire.

Dès lors la régularisation de l'autorisation donnée au syndic dans des termes incontestables par l'assemblée générale du 17 juin 2021 est intervenue dans le délai de l'action en responsabilité décennale visant la Sarl S3T, de sorte que le jugement doit être infirmé et que le fond des demandes des parties doit être examiné.

- Sur le bien-fondé de l'action en responsabilité intentée par le syndicat des copropriétaires représentées par le syndic Gesco :

Sur la nature juridique des désordres :

En son rapport d'expertise, M. [W] [M] qui a effectué ses constatations au contradictoire de toutes les parties puis répondu à leurs observations écrites, indique que,

- les désordres sont de deux ordres :

* certains résultent d'une altération de la chape de protection lourde posée pour assurer l'étanchéité du parc de stationnement de la résidence ; ils sont la conséquence d'une mise en oeuvre défectueuse de la chape par la Sarl S3T qui a déjà fait des travaux partiels de réfection en 2011,

* des infiltrations qui atteignent toutes les terrasses, résultent d'une part, du ruissellement des eaux entre les balcons en pré-fabriqué et les façades faites en béton coulé sur place et d'autre part, de la pose non conforme des siphons d'évacuation des eaux en terrasse et du défaut d'étanchéité autour de ces siphons ; la Sarl S3T a procédé à l'étanchéité autour des siphons, d'autres entreprises étant intervenues pour d'autres travaux ;

- les travaux litigieux ont été effectués pat la Sarl S3T ;

- la remise en état peut être chiffrée à un coût total de 30 000 000 Fcfp pour le défaut d'étanchéité de la chape et 9 600 000 Fcfp pour le sinistre d'infiltration en terrasse, sur lequel la somme de 34 320 000 Fcfp serait imputable aux travaux effectués par la Sarl S3T seule.

Le syndicat des copropriétaires présente ses demandes en paiement sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil et à défaut, sur la théorie jurisprudentielle des dommages intermédiaires qui met en jeu la responsabilité contractuelle de droit commun du constructeur.

La Sarl S3T réplique,

- s'agissant des désordres d'étanchéité affectant la chape, que l'expert n'a pas retenu le caractère décennal des dommages et qu'en tout état de cause, 13 ans après la constatation des désordres, le parking n'est pas impropre à sa destination . Elle fait valoir que le syndicat des copropriétaires aurait dû former son action sur la garantie de parfait achèvement mais ne l'ayant pas fait dans le délai d'une année, sa demande ne peut aboutir.

- s'agissant des dommages d'infiltration d'eau aux terrasses, que l'expert n'en a pas identifié la cause certaine et n'a donc pas dit que l'étanchéité autour des siphons était à l'origine de ce sinistre ; que d'autres entreprises sont intervenues sur cet ouvrage et qu'en tout état de cause, les désordres ne relèvent pas de la garantie décennale.

Le vice d'étanchéité de la chape du parking :

Il résulte de l'article 1792 du code civil que tout constructeur est responsable de plein droit envers le maîter de l'ouvrage ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou, qui l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

La Sarl S3T se prévaut des conclusions de l'expert qui a indiqué que les désordres ne sont pas de nature décennale, ce qui induit qu'elle acquiesce au rapport d'expertise judiciaire qu'elle n'a d'ailleurs pas contesté par une demande de complément d'expertise, de contre-expertise ou même par des conclusions de nullité.

Le juge n'est pas tenu par les conclusions d'un rapport d'expertise judiciaire qui constitue un élément de preuve pouvant être combattu par tout élément écrit de valeur technique équivalente. Du reste, l'avis de l'expert ne porte pas sur le fond du droit qui demeure de la seule compétence du juge . Pour autant, il est manifeste que l'expert judiciaire a effectué des constatations matérielles et techniques sur les lieux du litige, qui constituent les seuls éléments objectifs figurant au dossier.

Les malfaçons affectent l'étanchéité de la dalle béton posée entre les deux niveaux du parc de stationnement.L'expert constate - clichés à l'appui- de nombreux défauts sur la chape, fissuration, faïençage et altération de la couche superficielle, ajoutant que le béton soumis aux charges de circulation semble se désagréger. Il indique que sur la dalle du parking en contrebas, ces défauts n'ont pas provoqué de dégâts des eaux. Il explique que dans le cas de chape de parking soumise à circulation de véhicule,il est souhaitable de protéger les bétons par une couche de durcisseur, ce qui n'a pas été fait.

Selon le rapport, la Sarl S3T a proposé d'appliquer une chape de résine en surface mais son offre n'a pas été suivie d'exécution.

L'expert qui estime la surface du parking à 2500m2, confirme que les doléances du syndicat des copropriétaires sont justifiées et que l'altération de la chape protégeant l'étanchéité du parking est due à une mise en oeuvre incorrecte, et plus précisément à un béton non conforme et à la réalisation consécutive de l'ouvrage non conforme aux règles de l'art.

Or, c'est bien la Sarl S3T qui a réalisé la chape d'étanchéité dans le cadre du marché de travaux qu'elle a accepté.

La dalle du parking est un élément constitutif du gros-oeuvre et c'est cet élément qui est affecté d'un vice rendant l'ouvrage impropre à sa destination puisque son étanchéité n'est pas assurée. Du reste, dans son courrier du 3 juin 2013 (pièce 8 du promoteur), la Socotec préconisait déjà la démolition complète de la chape existante et sa remise en oeuvre, ce qui confirme le caratère structurel du vice affectant la dalle du parking.

La responsabilité de la Sarl S3T qui n'invoque pas de cause étrangère, est donc engagée de plein droit du fait des désordres décennaux affectant l'étanchéité de la dalle du parking.

Le désordre d'étanchéité affectant les terrasses :

L'expert observe que les siphons n'ont pas été posés conformément aux règles de l'art mais que la Sarl S3T a néanmoins posé l'étanchéité autour des siphons.

Elle a ainsi concouru au vice en procédant à l'étanchéité de siphons mal posés, rendant ainsi ses travaux totalement inutiles.

Les terrasses constituent des éléments constitutifs du bâtiment. En l'espèce, 50 appartements étaient concernés par le vice (pièce 6 du promoteur). Leur défaut d'étanchéité cause ainsi une impropriété à destination de l'ouvrage qui résulte d'infiltrations et de problèmes d'évacuation des eaux pluviales.

En conséquence, la Sarl S3T a engagée sa responsabilité décennale à l'égard du syndicat des copropriétaires auquel elle ne peut opposer qu'une autre entreprise - qui a posé les siphons- a concouru au même dommage car il lui appartient d'indemniser la victime des désordres puis d'exercer si elle l'estime nécessaire, une action récursoire contre l'autre constructeur.

- Sur l'indemnisation due au syndicat des copropriétaires :

Il résulte des motifs précédents que la Sarl S3T doit être condamnée à supporter le coût des frais de remise en état des dommages décennaux qui lui incombent.

L'expert chiffre à 30 000 000 Fcfp les travaux d'étanchéité de la chape et à 9 600 000 Fcfp ceux de la reprise d'étanchéité en terrasse. La Sarl S3T n'a pas discuté le détail du chiffrage ainsi proposé par l'expert. Il conviendra donc de faire droit à la demande en paiement du syndicat des copropriétaires auquel il ne peut être opposé qu'une autre entreprise est intervenue dans les travaux litigieux puisque chaque constructeur doit assurer l'indemnisation intégrale du préjudice subi par la victime du désordre décennal avant d'exercer les actions récursoires qu'il estime utile.

- Sur la demande du syndicat des copropriétaires au titre du préjudice moral :

Si la copropriété présente une demande à hauteur de 3 milions Fcfp de ce chef, elle ne caractérise pas le préjudice moral qu'elle affirme subir et qui s'analyse plutôt en un dommage matériel.

Cette prétention sera rejetée.

- Sur la demande de dommages intérêts présentée par la Sarl Mareva Nui Immo :

La société concluante sollicite l'indemnisation d'un préjudice d'image et de réputation qu'elle subirait du fait de 'l'incapacité de la société S3T à réaliser une prestation répondant aux règles de l'art malgré ses multiples promesses, les désordres qui n'ont fait que s'aggraver, les troubles de jouissance que les propriétaires ont initialement attribué à l'esprit d'économie ou de lucre du promoteur,...'.

Cependant, un préjudice ne se présume pas et doit se prouver par des éléments matériels, qui ne sont pas produits en l'espèce, et dès lors, cette demande doit être rejetée.

- Sur les frais de procédure :

Le jugement est infirmé en toutes ses dispositions et le syndicat des copropriétaires obtient gain de cause sur ses prétentions.

Or, il résulte suffisamment des pièces de la procédure et du rapport d'expertise que le procès n'a pu être évité du fait de la résistance de la Sarl S3T qui, après avoir offert de faire les travaux, s'en est abstenu contraignant le promoteur et le syndicat des copropriétaires à ester en justice.

En effet, dès 2012, la cause des désordres avait été identifiée ( cf mail à la Sarl S3T du 14 octobre 2011 ; courrier Socotec du 15 octobre 2012 ; constat du 4 juillet 2013) sans que la Sarl S3T ne déclare officiellement contester sa responsabilité.

Les entiers dépens de première instance et d'appel doit donc être supportés par la Sarl 3ST partie qui succombe sur l'ensemble de ses moyens et fins. Les entiers frais de l'expertise qui ont été avancés par le syndicat des copropriétaires et le promoteur, seront inclus aux dépens mis à sa charge puisque la mesure d'instruction n'a été ordonnée qu'en raison de son refus de procéder à l'amaible, aux travaux de reprise.

C'est à bon droit que le syndicat des copropriétaires sollicite la condamnation de la Sarl S3T au paiement d'une indemnité de procédure de 550 000 Fcfp sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile de Polynésie française.

La Sarl S3T sera également condamnée à payer à la Sarl Mareva Nui Immo la somme de 339 000 Fcfp qu'elle sollicite au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;

Vu l'appel du syndicat des copropriétaires de la résidence Kaoha Nui représentée par son syndic en exercice, la société Gesco,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Statuant à nouveau sur l'action du syndicat des copropriétaires,

Le déclare recevable à agir à l'égard de la Sarl S3T,

Déboute en conséquence, la Sarl S3T des exceptions d'irrecevabilité de l'appel et de nullité qu'elle a formées ainsi que de ses moyens et fins de fond,

Vu les articles 1792 et suivants du code civil,

Dit que la Sarl S3T a engagé sa responsabilité décennale à l'égard du syndicat des copropriétaires au titre des désordres affectant l'étanchéité de la chape de protection lourde du parking et des siphons des terrasses,

La condamne en conséquence, à payer au syndicat des copropriétaires appelant, la somme totale de 39 600 000 Fcfp au titre de l'indemnisation des travaux de reprise à effectuer sur les désordres constatés dans le rapport d'expertise judiciaire déposé par M. [W] [M] le 9 octobre 2017,

Vu les articles 406 et 407 du code de procédure civile de Polynésie française,

Condamne également la Sarl S3T à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel comprenant notamment l'intégralité des frais de l'expertise judiciaire,

La condamne encore à payer au titre des frais irrépétibles, la somme de 550 000 Fcfp au syndicat des copropriétaires et celle de 339 000 Fcfp à la Sarl Mareva Nui Immo,

Rejette les autres demandes présentées par le syndicat des copropriétaires et la Sarl Mareva Nui Immo.

Prononcé à Papeete, le 13 avril 2023.

Le Greffier, Le Président,

signé : M. SUHAS-TEVERO signé : MF BRENGARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Papeete
Formation : Cabinet b
Numéro d'arrêt : 21/00294
Date de la décision : 13/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-13;21.00294 ?
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