N° 77
NT
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Copies exécutoires
délivrées à :
- Me Usang,
- Me Jourdainne,
le 10.03.2023.
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D'APPEL DE PAPEETE
Chambre Civile
Audience du 9 mars 2023
RG 21/00293 ;
Décision déférée à la Cour : jugement n° 21/264, rg n° 19/00485 du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete du 27 mai 2021 ;
Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 4 août 2021 ;
Appelante :
L'Eurl General Import, au capital de 100 000 FCP, inscrite au Rcs de Papeete sous le n° 7355 B dont le siège social est sis à [Adresse 2], représentée par sa gérante : Mme [O] [I] ;
Représentée par Me Arcus USANG, avocat au barreau de Papeete ;
Intimés :
La Collectivité d'Outre Mer la Polynésie française dont le siège social est sis à [Adresse 5], représenté e par son président en exercice ;
La Polynésie française, Division du contentieux, Direction des Affaires Foncières, [Adresse 3], représentée par son président en exercice ;
Ayant pour avocat la Selarl Groupavocats, représentée par Me Gilles JOURDAINNE, avocat au barreau de Papeete ;
Ordonnance de clôture du 4 novembre 2022 ;
Composition de la Cour :
Après communication de la procédure au ministère public conformément aux articles 249 et suivants du code de procédure civile de la Polynésie française et après que la cause a été débattue et plaidée en audience publique du 10 novembre 2022, devant Mme TISSOT, vice-président placé auprès du premier président, désigné par l'ordonnance n° 83/OD/PP.CA/21 du Premier Président de la Cour d'Appel de Papeete en date du 15 décembre 2021 pour faire fonction de Président dans le présent dossier, Mme BRENGARD, président de chambre, M. RIPOLL, conseiller, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt contradictoire ;
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par MmeTISSOT, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A R R E T,
Selon acte authentique en date du 15 novembre 2006, [X] [L] a donné à bail commercial à la SNC TOUBOUL et AZERAD (désormais dénommée la SNC MAISON DE LA LITERIE), une parcelle de terrain sise à l'angle de la [Adresse 7] et de la [Adresse 6] cadastrée section AD n°[Cadastre 1], et les constructions y édifées, pour une durée de neuf années à compter du 1er septembre 2006, devant se terminer le 1er septembre 2015.
Selon acte authentique du 2 septembre 2014, la SNC MAISON DE LA LITERIE a cédé à la SARL GENERAL IMPORT le droit au bail susvisé.
Selon acte authentique du 22 novembre 2018, les ayants droit de [X] [L] ont vendu à la POLYNESIE FRANÇAISE la parcelle susvisée.
Selon lettre de congé du 28 août 2019 notifiée par acte d'huissier le 6 septembre 2019, le Ministre de l'économie verte et du domaine, venant aux droits de [X] [W] épouse [L], a notifié à l'EURL GENERAL IMPORT venant aux droits de la SNC TOUBOUL et AZERAD «un congé dans le cadre de la résiliation anticipée du bail commercial du 15 novembre 2006 renouvelé tacitement depuis le 1er septembre 2015» pour le 31 mars 2020.
Par acte d'huissier en date du 30 septembre 2019, l'EURL GENERAL IMPORT a sollicité le renouvellement de son bail.
Par lettre en date du 13 décembre 2019 notifiée par acte d'huissier le 20 décembre 2019, le Ministre de l'économie verte et du domaine a notifié à l'EURL GENERAL IMPORT le refus de renouvellement de son bail commercial.
Par requête enregistrée au greffe le 17 octobre 2019 et suivant acte d'huissier du 11 octobre 2019, l'EURL GENERAL IMPORT a fait assigner la POLYNESIE FRANÇAISE devant le tribunal civil de première instance de Papeete, auquel elle demande de prononcer la nullité du congé délivré par lettre du 28 août 2019 et de «dire et juger que le bail du 15 novembre 2016 a été renouvelé par tacite reconduction pour une période conventionnelle de trois ans».
Par requête enregistrée au greffe le 11 février 2020 et suivant acte d'huissier du 5 février 2020, l'EURL GENERAL IMPORT a fait assigner la POLYNESIE FRANÇAISE devant le tribunal civil de première instance de Papeete, afin de voir annuler la décision du 13 décembre 2019 portant refus de renouvellement du bail.
Ces deux instances ont été jointes par ordonnance du juge de la mise en état du 8 juillet 2020.
Par jugement n° RG 19/00485 (minute n°21/264) en date du 27 mai 2021, le tribunal civil de première instance de Papeete a :
- débouté l'EURL GENERAL IMPORT de son action en nullité du congé délivré le 28 août 2019,
- débouté l'EURL GENERAL IMPORT de sa demande de «dire et juger que le bail du 15 novembre 2006 a été renouvelé par tacite reconduction pour une période légale de 9 ans soit jusqu'au 1er septembre 2027',
- débouté l'EURL GENERAL IMPORT de sa demande de nullité de la décision de refus de renouvellement du bail du 15 novembre 2006 notifiée le 13 décembre 2019 par la POLYNESIE FRANÇAISE,
- fixé à la somme de 179 946 982 Fcfp l'indemnité d'éviction dont la POLYNESIE FRANÇAISE se reconnaît débitrice à l'égard de l'EURL GENERAL IMPORT, à la suite du congé délivré le 28 août 2019, à effet au 31 mars 2020,
- débouté l'EURL GENERAL IMPORT de sa demande sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française,
- condamné l'EURL GENERAL IMPORT aux dépens de l'instance.
Le tribunal a rejeté les contestations de la validité du congé soulevées au regard de la personne de son signataire, de ses motifs, et de la durée du bail, qu'il a considéré comme renouvelé par tacite reconduction sans durée déterminée. Il a également rejeté la contestation portant sur la validité du refus de renouvellement. Il a fixé une indemnité d'éviction conforme à l'offre formée par la POLYNESIE FRANCAISE.
L'EURL GENERAL IMPORT a relevé appel de ce jugement par requête enregistrée au greffe le 4 août 2021 et assignation délivrée le 10 août 2021.
Par ordonnance de référé du 29 septembre 2021, M. le Premier président a, notamment, débouté la POLYNESIE FRANCAISE de sa demande tendant à voir assortir la décision déférée de l'exécution provisoire.
Les parties ont été informées que la décision, mise en délibéré, serait rendue le 9 mars 2023 par mise à disposition au greffe.
Prétentions et moyens des parties :
L'EURL GENERAL IMPORT, appelante, par dernières conclusions régulièrement transmises le 3 novembre 2022, demande à la Cour de :
- déclarer l'appel de l'EURL GENERAL IMPORT recevable et bien fondé,
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
- débouter la Polynésie française de ses demandes,
Sur la nullité du congé du 28 août 2019,
Vu le défaut de capacité du signataire du congé, M. [B] [Y], qui n'est pas habilité à le faire,
Vu les articles 10 et 11 de la délibération 75-41 du 14 février 1975 qui fixent une procédure impérative sur les motifs sérieux et légitime,
Vu le congé qui ne comporte aucun motif sérieux et légitime tant en droit qu'en fait tels que fixé par la délibération 75-41 du 14 février 1975,
Vu la tacite reconduction conventionnelle prévue au bail du 15 novembre 2006 page 6,
Vu la tacite reconduction légale prévue par l'article 8 de la délibération 75-41 du 14 février 1975 en ce que «la durée du bail renouvelé est de neuf ans sauf accord des parties pour une durée plus longue»,
- prononcer la nullité du congé délivré par lettre du 28 août 2019 signé par M. [B] [Y] Ministre de l'économie verte et du domaine,
- dire et juger que le bail du 15 novembre 2006 a été renouvelé par tacite reconduction pour une période légale de 9 ans soit jusqu'au 1er septembre 2027,
Sur la nullité du refus de renouvellement du 13 décembre 2019,
Vu la nullité du refus de renouvellement du 13 décembre 2019 signé par M. [B] [Y] qui ne dispose ni de la capacité ni de la qualité pour signer,
Vu l'article 2 de l'arrêté 91 CM du 18 janvier 2019 qui a expressément limité les pouvoirs du ministre qui ne peut que «transiger avec les intéressés»,
Vu l'absence de délégation du conseil des ministres au titre de l'article 92 de la loi organique 2004-192 du 27 février 2004 pour refuser le renouvellement du bail,
Vu l'absence «de congé délivré pour la date d'expiration contractuelle du bail» le 1er septembre 2021,
- annuler la décision du 13 décembre 2019 de refus de renouvellement signé par M. [B] [Y] Ministre de l'économie verte et du domaine,
Subsidiairement,
- désigner un expert inscrit sur la liste des experts de la Cour d'appel de Papeete avec pour mission de :
- visiter les locaux de l'EURL GENERAL IMPORT,
- se faire communiquer tous les documents utiles à l'exécution de sa mission,
- convoquer les parties, entendre leurs explications et recueillir leurs doléances,
- chiffrer le montant de l'indemnité d'éviction due par la Polynésie française,
- évaluer le préjudice subi par l'EURL GENERAL IMPORT du fait du non-renouvellement du bail ;
- dire que l'expert devra communiquer un pré-rapport aux parties dans le délai de 3 mois à compter de la décision à intervenir,
- dire que l'expert devra laisser un délai raisonnable aux parties pour la production de leurs dires écrits,
- dire que l'expert devra transmettre aux parties et à la juridiction qui a procédé à sa désignation, son rapport définitif au plus tard dans un délai de 6 mois à compter de la décision à intervenir,
- fixer la date d'audience à laquelle la procédure sera rappelée après le dépôt du rapport,
- fixer le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert,
- désigner la partie qui devra la consignation et lui impartir un délai pour le faire,
En tout état de cause,
- débouter les défendeurs de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
- déclarer le paiement volontaire et unilatéral opéré par la Polynésie française inopposable nonobstant l'appel,
- condamner la Polynésie française à payer à l'EURL GENERAL IMPORT la somme de 335 143 000 Fcfp au titre de l'indemnité d'éviction telle qu'évaluée par le rapport d'expertise ;
- condamner la Polynésie française à payer à l'EURL GENERAL IMPORT la somme de 531 870 000 Fcfp au titre du manque à gagner sur 3 ans de chiffre d'affaires moyens (3 x 177 290 000 Fcfp),
- condamner la Polynésie française à payer à l'EURL GENERAL IMPORT la somme de 1.500.000 Fcfp au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,
- condamner la Polynésie française aux entiers dépens de première instance et d'appel.
La POLYNESIE FRANCAISE, intimée, par dernières conclusions régulièrement transmises le 5 mai 2022, demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de :
- ordonner en conséquence la libération du local occupé par l'appelante, au vu :
- de la résiliation régulière du bail commercial dont elle bénéficiait depuis le 31 mars 2021,
- du versement le 20 juillet 2021 de la somme de 179 946 982 Fcfp, correspondant à l'indemnité d'éviction fixée par le premier juge, sur le compte de l`EURL GENERAL IMPORT,
- de la sommation de vider les lieux délivrée par huissier de justice le 25 août 2021,
- dire et autoriser la Polynésie française à conserver la somme de 9 600 000 Fcfp au titre l'occupation irrégulière de l'EURL GENERAL IMPORT dans les lieux depuis la résiliation du bail intervenue (le) 31 mars 2021,
- dire que la somme de 179 946 982 Fcfp correspondant à l'indemnité d'éviction fixée par le premier juge a été versée le 20 juillet 2021 sur le compte de l'EURL GENERAL IMPORT,
- condamner l'EURL GENERAL IMPORT à payer à la Polynésie française la somme de 400 000 Fcfp au titre des frais irrépétibles,
- laisser les entiers dépens à la charge de l'appelante.
L'affaire a été communiquée au ministère public conformément à l'article 252 du code de procédure civile de la Polynésie française, qui a visé le dossier le 4 août 2021 sans faire d'observations.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 novembre 2022.
A l'audience de plaidoirie du 12 janvier 2023, le conseil de la Polynésie française a contradictoirement été autorisée à produire la notification par huissier de la lettre portant congé en date du 28 août 2019 signifiée à Me [H] le 6 septembre 2019 et à la société GENERAL IMPORT le 6 septembre 2019.
Les parties ont été informées que la décision, mise en délibéré, serait rendue le 9 mars 2023 par mise à disposition au greffe.
Pour un plus ample exposé des faits de la cause, des procédures, des prétentions et moyens dont la Cour est saisie, il est renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions d'appel des parties. L'exposé des moyens des parties, tel que requis par les dispositions de l'article 268 du code de procédure civile de la Polynésie française, sera renvoyé à la motivation ci-après à l'effet d'y répondre.
MOTIFS DE LA DECISION :
La cour rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de «constatations» ou tendant à «dire et juger» ou «déclarer» qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions, en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques, mais uniquement des moyens.
Sur la demande de nullité du congé fondée sur la non-conformité des mentions obligatoires requises :
L'EURL GENERAL IMPORT soutient que le congé notifié le 6 septembre 2019 est nul faute de comporter la mention obligatoire exigée par l'article 6 alinéa 2 de la délibération n°75-41 du 14 février 1975 portant réglementation des baux commerciaux.
La POLYNESIE FRANCAISE fait valoir que la délibération du 14 février 1975 n'est pas applicable.
L'article 6 alinéa 2 de la délibération n°75-41 du 14 février 1975 portant réglementation des baux à usage commercial, industriel et artisanal dispose : «Le congé doit, sous peine de nullité, préciser les motifs pour lesquels il est donné, et indiquer que le locataire qui entend, soit contester le congé ou les motifs invoqués pour le donner, soit demander le paiement d'une indemnité d'éviction, doit à peine de forclusion saisir le tribunal avant l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé est donné (')».
L'article L145-9 du code de commerce dans sa rédaction en vigueur en Polynésie française dispose : «(Le congé) doit, à peine de nullité, préciser les motifs pour lesquels il est donné et indiquer que le locataire qui entend, soit contester le congé, soit demander le paiement de l'indemnité d'éviction, doit, à peine de forclusion, saisir le tribunal avant l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné».
Ces deux textes ne diffèrent que par la fraction de phrase «ou les motifs invoqués pour le donner», absente du second.
La mention obligatoire considérée a pour finalité d'informer le locataire qu'il doit agir dans un délai de deux ans sous peine de forclusion.
L'article L145-9 du code de commerce précité est issu de la codification du décret du 30 septembre 1953 (article 5) par l'ordonnance n°200-912 du 18 septembre 2000 relative à la partie législative du code de commerce (arrêté de promulgation n°468 DRCL du 2 octobre 2000 - JOPF du 12 octobre 2000). Le décret du 30 septembre 1953 avait lui-même été rendu partiellement applicable en Polynésie française aux baux conclus ou renouvelés après le 15 mars 1999 (article 26) par l'ordonnance n°98-774 du 2 septembre 1998 (arrêté de promulgation n°505 DRCL du 17 septembre 1998 - JOPF du 1er octobre 1998).
Le décret du 30 septembre 1953, codifié par la suite, est donc applicable au bail en cause.
Le bail stipule d'ailleurs : «Le bailleur donne à bail commercial, conformément aux dispositions du décret n°53-960 du 30 septembre 1953, désormais codifiées sous les articles L145-1 et suivants du code de commerce (')».
Le congé délivré le 6 septembre 2019 comporte une mention conforme à celle exigée par l'article L145-9 du code de commerce.
Au demeurant, l'EURL GENERAL IMPORT, qui a contesté le congé ainsi que les motifs invoqués dans le délai de deux ans, ne justifie d'aucun grief découlant de l'omission qu'elle invoque.
Sa demande de nullité du congé en raison d'une mention obligatoire incomplète n'est donc pas fondée.
Sur la demande de nullité du congé délivré le 6 septembre 2019 au motif de l'incompétence de son signataire,
Le tribunal a retenu que M. [B] [Y], Ministre de l'économie verte et du domaine, signataire du congé, était régulièrement habilité pour ce faire en vertu de l'arrêté n°91/CM du conseil des ministres du 18 janvier 2019.
L'EURL GENERAL IMPORT fait valoir que :
- le conseil des ministres aurait dû donner délégation de pouvoir au président de la Polynésie française, seul habilité à représenter la Polynésie française en vertu l'article 64 de la loi organique n°2004-192 du 27 février 2004, à charge pour ce dernier de donner lui-même délégation au Ministre de l'économie verte et du domaine,
- l'arrêté n°655 PR du 23 mai 2018 relatif aux attributions du Ministre de l'économie verte et du domaine démontre que ce dernier n'a aucune compétence propre pour délivrer un congé en matière de bail commercial, et qu'une délégation de pouvoir est nécessaire,
- l'arrêté n°91/CM du conseil des ministres du 18 janvier 2019 ne porte délégation de pouvoir au Ministre que pour transiger.
La POLYNESIE FRANCAISE répond que le conseil des ministres a une compétence propre pour prendre tous les actes d'administration et de disposition des intérêts patrimoniaux et domaniaux de la Polynésie française en vertu de l'article 91-19° de la loi organique, et que l'arrêté n°91/CM du conseil des ministres du 18 janvier 2019 a conféré au ministre de l'économie verte et du domaine le pouvoir de résilier le bail commercial.
Selon l'article 102 al. 2 de la loi organique n°2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, 'Toutes les matières qui sont de la compétence de la Polynésie française relèvent de l'assemblée de la Polynésie française, à l'exception de celles qui sont attribuées par la présente loi organique au conseil des ministres ou au Président de la Polynésie française».
Selon l'article 91-19° de la loi organique, figurant sous la section 5 «Attributions du conseil des ministres et des ministres» : «Dans la limite des compétences de la Polynésie française, le conseil des ministres prend tous les actes d'administration et de disposition des intérêts patrimoniaux et domaniaux de la Polynésie française, notamment les transactions foncières, dans les conditions et limites fixées par l'assemblée de la Polynésie française».
Le conseil des ministres est donc l'autorité compétente s'agissant des intérêts patrimoniaux et domaniaux de la Polynésie française. Le Président de la Polynésie française n'a pas compétence en cette matière.
En l'espèce, l'arrêté n°91 CM du conseil des ministres du 18 janvier 2019 dispose que :
«Art. 1er - Est autorisée la résiliation non conventionnelle des baux en cours au sein de l'immeuble implanté sur la parcelle cadastrée commune de [Localité 4], section AD n° [Cadastre 1] et concernant les locataires suivants :
- EURL Général Import (')
Art. 2.- En application des dispositions de l'article 92-3° du statut de la Polynésie française, délégation de pouvoir est donnée au ministre de l'économie verte et du domaine, en charge des mines et de la recherche, pour transiger avec les intéressés.
Art. 3.- Le ministre de l'économie verte et du domaine, en charge des mines et de la recherche est chargé de l'exécution du présent arrêté qui sera publié au Journal officiel de la Polynésie française».
La résiliation du bail commercial en cause résulte donc bien d'une décision du conseil des ministres.
Par lettre du 28 août 2019 signifié par huissier le 6 septembre 2019 visant l'arrêté du 18 janvier 2019, le ministre de l'économie verte et du domaine a notifié à l'EURL GENERAL IMPORT un «congé dans le cadre de la résiliation anticipée du bail commercial».
L'arrêté n°655 PR du 23 mai 2018 relatif aux attributions du ministre de l'économie verte et du domaine, invoqué par l'EURL GENERAL IMPORT dispose, en son article 3, que le ministre de l'économie et du domaine reçoit une délégation de pouvoir du conseil des ministres pour la notification des décisions intéressant le domaine public ou privé de la Polynésie française, délégation dont il n'est pas justifié en l'espèce.
Néanmoins, les actes pris par les institutions de la Polynésie française relevant du droit privé n'ont pas à être notifiés aux intéressés pour être exécutoires. Ils demeurent régis par les dispositions qui leurs sont propres (article 171 de la loi organique).
S'agissant d'une décision ne mettant en cause que des rapports de droit privé (ce point ayant été justement rappelé par le président du tribunal administratif dans l'ordonnance du 30 décembre 2019), l'EURL GENERAL IMPORT n'est pas fondée à se prévaloir d'une notification qui ne serait pas conforme, faute de délégation de pouvoir, à l'arrêté du 23 mai 2018.
Selon l'article 92-3° de la loi organique du 27 février 2004, également invoqué par l'appelante : «Le conseil des ministres peut déléguer à son président ou au ministre détenant les attributions correspondantes le pouvoir de prendre des décisions dans les domaines suivants : actions à intenter ou à soutenir au nom de la Polynésie française et transactions sur les litiges».
La résiliation non conventionnelle du bail, dont le principe a été arrêté en conseil des ministres, implique, pour produire effet, la délivrance d'un congé.
En notifiant le congé notifié par acte extrajudiciaire du 6 septembre 2019, le ministre n'a pris aucune décision relevant de ces dispositions. Il a seulement porté à l'exécution l'arrêté du n°91 CM du conseil des ministres du 18 janvier 2019, comme il en était chargé selon l'article 3 de cette décision.
Le congé n'encourt donc aucune nullité fondée sur l'incompétence de son signataire.
Sur la demande de nullité du congé au regard de ses motifs :
Le tribunal a retenu que c'est à juste titre que le congé a été délivré au visa de l'article L145-9 du code de commerce.
L'EURL GENERAL IMPORT fait valoir que le congé étant motivé par la nécessité de permettre la construction d'un centre culturel dédié à la culture polynésienne, ce sont les dispositions de l'article L145-4 du code de commerce qui avaient vocation à s'appliquer.
La POLYNESIE FRANCAISE répond qu'il ne s'agit pas d'une résiliation s'inscrivant dans le cadre de la faculté de résiliation triennale du bailleur résultant de ce texte et qu'elle pouvait résilier le bail tacitement reconduit à condition de respecter le préavis requis.
Le principe est que le congé avec offre de renouvellement ou refus de renouvellement mais offre d'indemnité d'éviction sont suffisamment motivés. L'offre de renouvellement dans un cas et l'offre d'indemnité d'éviction dans l'autre constituent la motivation exigée. Ce n'est que dans l'hypothèse où le bailleur refuse le renouvellement sans indemnité d'éviction qu'il doit motiver plus précisément le congé.
En l'espèce, le congé du 6 septembre 2019 est ainsi libellé : «(') conformément aux dispositions de l'article L145-9 du code du commerce, je vous notifie le congé donné par la Polynésie française pour la résiliation du bail ('). Cette résiliation du bail est justifiée par le projet d'intérêt général de construction du centre culturel de Polynésie française - pôle Paofai décidé par le Conseil des ministres (')». En outre, le congé rappelle que la POLYNESIE FRANCAISE a proposé une indemnité d'éviction de 179 946 982 Fcfp.
Il ne s'agit pas, pour le bailleur, de délivrer en fin de période triennale un congé qui serait motivé par l'une des opérations strictement limitées par l'article L 145-4 alinéa 3 du code de commerce.
Le projet annoncé par le bailleur, dont la sincérité n'est au demeurant ni contestée ni contestable, ne constitue donc pas le motif pertinent du congé au regard de l'obligation de motivation à laquelle il est tenu.
Le congé vise l'article L145-9 du code de commerce, lequel autorise le bailleur à donner congé sans offre de renouvellement pour la date d'expiration contractuelle du bail ou suivant les usages locaux et au moins six mois à l'avance lorsqu'il est délivré au cours de sa tacite prolongation, à charge pour lui de verser une indemnité d'éviction.
Le congé délivré le 6 septembre 2019, qui exprime clairement la volonté du bailleur de résilier le bail, conformément à ces dispositions, avec refus de renouvellement mais offre d'une indemnité d'éviction, est donc suffisamment motivé.
En conséquence, cet acte n'encourt aucune nullité.
Sur la demande de nullité du congé au regard du renouvellement du bail et des délais pour donner congé :
Le tribunal a retenu, s'agissant d'un bail renouvelé par tacite reconduction, que celui-ci l'a été sans durée, seul le bail renouvelé ayant une durée de neuf années, de telle sorte que la POLYNESIE FRANCAISE a pu valablement donner congé en respectant un délai de six mois.
L'EURL GENERAL IMPORT fait valoir que le bail stipule, en cas de reconduction tacite, qu'il se renouvelle pour une nouvelle période de trois ans. Elle invoque en outre l'article 8 de la délibération n°75-41 du 14 février 1975 portant réglementation des baux commerciaux, d'ordre public, selon lequel «la durée légale du bail renouvelé est de neuf ans, sauf accord des parties pour une durée plus longue.
La POLYNESIE FRANCAISE répond qu'il n'est pas contesté qu'à son échéance initiale, le 1er septembre 2015, le bail a été reconduit par tacite reconduction. L'article 6 du bail ne s'applique pas en l'espèce. Le bailleur peut mettre fin à la reconduction tacite du bail en délivrant un congé à tout moment sous réserve de respecter un préavis d'au moins six mois et pour le dernier jour d'un trimestre civil.
Selon l'article L 145-9, alinéas 1er et 2, du code de commerce dans sa rédaction applicable en Polynésie française : «Par dérogation aux articles 1736 et 1737 du code civil, les baux de locaux (qui sont soumis au statut des baux commerciaux) ne cessent que par l'effet d'un congé donné suivant les usages locaux et au moins six mois à l'avance. A défaut de congé, le bail fait par écrit se poursuit par tacite reconduction au-delà du terme fixé par le contrat, conformément à l'article 1738 du code civil et sous les réserves prévues à l'alinéa précédent».
Ces dispositions sont applicables au bail en cause.
Ainsi, à défaut de congé, le bail se poursuit au-delà de son terme. Il est simplement prorogé pour une durée indéterminée. Il peut être mis fin au bail à tout moment, suivant les usages locaux et au moins six mois à l'avance.
En l'espèce, c'est à bon droit que le tribunal a jugé que :
- il ne résulte d'aucune disposition contractuelle que le bail tacitement reconduit à son expiration se prolongerait par périodes successives de trois ans,
- il ne s'agit pas d'un bail comportant plusieurs périodes,
- seul le bail renouvelé a une durée de neuf années,
- s'agissant d'un bail tacitement reconduit à son terme fixé le 1er septembre 2015, ce qui n'était pas contesté, celui-ci s'est poursuivi sans durée déterminée par application de l'article L145-9 du code de commerce susvisé,
- le congé délivré par la POLYNESIE FRANÇAISE était valable, étant observé que le respect du délai de préavis prévu par ce texte n'est pas contesté.
En définitive, le jugement doit donc être confirmé qui a débouté l'EURL GENERAL IMPORT de sa demande de nullité du congé du 6 septembre 2019, ainsi que de sa demande tendant à «dire et juger que le bail du 15 novembre 2006 a été renouvelé par tacite reconduction pour une durée légale de 9 ans soit jusqu'au 1er septembre 2027».
Sur la demande de nullité de la décision du 13 décembre 2019 portant refus de renouvellement du bail :
Le tribunal a retenu que M. [B] [Y], Ministre de l'économie verte et du domaine, signataire du congé, était régulièrement habilité pour refuser le renouvellement du bail sollicité par l'EURL GENERAL IMPORT en vertu de l'arrêté n°91/CM du conseil des ministres du 18 janvier 2019.
Les parties reprennent sur ce point les moyens qu'elles ont développé s'agissant de la nullité du congé notifié le 6 septembre 2019.
C'est en agissant dans le cadre du mandat d'exécution qu'il a reçu du conseil des ministres au terme de l'arrêté n°91/ CM du 18 janvier 2019, ainsi qu'il a été dit précédemment, que le ministre de l'économie verte et du domaine a refusé le renouvellement du bail, ce refus étant la conséquence logique du congé sans offre de renouvellement mais avec offre d'indemnité d'éviction, qu'il venait de notifier le 6 septembre 2019 et qui a produit effet.
Ce faisant, le ministre n'a, ni agi sans pouvoir, ni outrepassé son mandat.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement qui a débouté l'EURL GENERAL IMPORT de sa demande de nullité de la décision de refus de renouvellement du bail notifiée le 13 décembre 2019.
Sur l'indemnité d'éviction :
- Sur la demande d'expertise judiciaire :
L'EURL GENERAL IMPORT forme pour la première fois en appel une demande d'expertise judiciaire pour évaluer le montant de l'indemnité d'occupation. Deux rapports ont été déjà pourtant contradictoirement produits aux débats pour y parvenir. A ce stade de la procédure la demande n'est donc pas justifiée.
- Sur la demande de condamnation de la POLYNESIE FRANCAISE à lui payer la somme de 335 143 000 Fcfp correspondant à l'évaluation réalisée par M. [T] le 7 mai 2019 :
Selon l'article L145-14 du code de commerce, l'indemnité d'éviction comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déjà produites déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre'.
Le premier juge a fixé, à la demande de la POLYNESIE FRANCAISE, l'indemnité d'éviction à la somme de 179 946 982 Fcfp, privilégiant l'évaluation proposée par Mme [S] dans un rapport du 1er juillet 2018 plutôt que celle proposée par M. [T] dans son rapport signé le 7 mai 2019.
Le tribunal a retenu que :
- Mme [S] a pu visiter les locaux en présence des parties et notamment de la gérante de l'EURL GENERAL IMPORT, elle a pris en compte le chiffre d'affaires des années 2015, 2016 et 2017 et considéré l'activité de l'entreprise telle que mentionnée sur son extrait k-bis,
- M. [T] a visité les locaux en présence du seul demandeur, a établi ses travaux en tenant compte des chiffres d'affaires des années 2015, 2016, 2017 et 2018 (les montants retenus pour les trois années communes étant inférieurs à ceux retenus par Mme [S]) et considéré pour l'activité de l'entreprise une qualification différente de celle figurant sur l'extrait k-bis.
Les parties s'accordent pour dire que les deux rapports diffèrent essentiellement s'agissant de l'évaluation de l'indemnité principale et du coefficient multiplicateur appliqué au chiffre d'affaires.
M. [T] a retenu un coefficient de 30 à 70%, considérant que l'EURL GENERAL IMPORT exploitait une activité de vente de meubles, la fourchette haute de 70% ayant été retenue compte tenu de l'emplacement, qualifié d'optimal sur le plan commercial.
Mme [S] a retenu un coefficient compris entre 20 et 30% correspondant à l'exploitation d'une activité d'import telle que mentionnée au k-bis et a également appliqué le coefficient le plus haut de cette fourchette.
Mais le k-bis mentionne que la société a pour objet social : «Toute opération commerciale et notamment l'achat, l'importation, l'exportation, le transit, la consignation (') et la vente en gros, en demi-gros et au détail de tous produits, matériaux, matériels, marchandises diverses, denrées et objets de toute nature et de toute provenance (')». Il fait apparaître en outre à la date du 12 décembre 2014 l'ouverture d'un établissement secondaire de «négoce de mobiliers et décorations à l'enseigne FARE DISCOUNT» dont il n'est pas établi qu'il ne s'agit pas de l'activité du fonds de commerce en cause.
Dans ces conditions, le coefficient multiplicateur lié à la nature du commerce exploité aurait dû s'établir entre 35 et 45% (pour un chiffre d'affaires supérieur à 300 000 euros, selon le barème reproduit au rapport de Mme [S], qui apparaît plus complet que le barème retenu par M. [T], non intégralement reproduit).
Soit une valeur du fonds de commerce comprise entre 183 518 035 Fcfp x 35% = 64 231 312 Fefp et 183 518 035 x 45% = 82 583 115 Fcfp. soit une valeur moyenne du fonds de commerce FARE DISCOUNT de 73 407 213 Fcfp arrondie à 73 400 000 Fcfp.
Si l'on retien tcomme le font les deux experts, pour la fixation de l'indemnité principale d'éviction, la fourchette haute de la valeur du fonds de commerce, celle-ci être fixée à la somme de 82 583 115 Fcfp (183 518 035 Fcfp x 45% au lieu des 55 055 411 Fcfp retenus par Mme [S]).
Hormis ce nécessaire retraitement, la cour retient, comme le premier juge, que le rapport de Mme [S] est plus complet que celui dressé par M. [T], notamment quant à l'analyse des modalités de détermination des frais accessoires, et qu'il a permis d'établir une indemnité d'éviction tenant compte de l'ensemble des critères d'évaluation posés par l'article L145-14 précité.
Les éléments chiffrés du rapport de Mme [S] doivent néanmoins être retraités, compte tenu de la modification de la valeur du fonds, et s'établissent dès lors comme suit :
Pour mémoire : valeur du fonds de commerce :183 518 035 Fcfp x 40% (moyenne entre 35 et 45%) = 73 407 214 Fcfp
Indemnité d'éviction :
Indemnité principale : 183 518 035 Fcfp x 45% = 82 583 115 Fcfp
Frais de transport et de déménagement = 73 400 000 Fcfp (100% de la valeur du fonds)
Trouble commercial = 5 296 129 Fcfp (trois mois de bénéfice net)
Frais de remploi = 12 387 467 Fcfp ( 15% de l'indemnité principale)
Perte embellissements = 7 516 827 Fcfp (selon rapport [S] p.26)
Frais de licenciement = 3 020 303 Fcfp (idem)
Remboursement de la caution = 800 000 Fcfp (idem)
Droit au bail = 8 000 000 Fcfp
total de l'indemnité d'éviction= 193 003 841 Fcfp
Dès lors, la cour dispose des éléments pour fixer l'indemnité d'éviction à la somme de 193 003 841 Fcfp à laquelle la POLYNESIE FRANCAISE sera condamnée par infirmation du jugement déféré, somme dont il conviendra de déduire celle de 179 946 982 Fcfp acquittée en cours d'instance d'appel.
Sur la demande de dommages et intérêts formée par l'EURL GENERAL IMPORT pour un montant de 581 870 000 Fcfp :
L'EURL GENERAL IMPORT ne développe aucun moyen à l'appui de cette demande dont la cour ignore à quel préjudice, qui n'aura pas, au surplus, déjà été réparé au travers de l'indemnité d'éviction, elle est susceptible de se rattacher.
Elle en sera par conséquent déboutée.
Sur la demande d'expulsion :
La POLYNESIE FRANCAISE forme une demande tendant à voir «ordonner la libération du local», qui s'analyse en une demande d'expulsion.
Elle expose que le bail est résilié depuis le 31 mars 2020 et que le maintien dans les lieux du locataire constitue un obstacle aux travaux de construction du centre culturel de la Polynésie française, projet d'intérêt général qui fait l'objet d'une convention Etat/Pays imposant des délais de réalisation.
L'EURL GENERAL IMPORT fait valoir en substance qu'elle a droit au maintien dans les lieux, que l'indemnité d'éviction fixée par le premier juge lui a été versée nonobstant l'appel en cours alors qu'elle ne l'avait pas réclamée, pour faire pression sur elle et de mauvaise foi.
Aux termes de l'article L 145-28 du code de commerce : «Aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d'éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l'avoir reçue. Jusqu'au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré».
Aux termes de l'article L 145-29, alinéa 1er du même code : «en cas d'éviction, les lieux doivent être remis au bailleur pour le premier jour du terme d'usage qui suit l'expiration du délai de quinzaine à compter du versement de l'indemnité entre les mains du locataire lui-même ou, éventuellement, d'un séquestre. À défaut d'accord entre les parties, le séquestre est nommé par le jugement prononçant condamnation au paiement de l'indemnité ou à défaut par simple ordonnance sur requête».
Il apparaît en l'état prématuré d'ordonner l'expulsion sollicitée dès lors que la locataire est toujours créancier d'une partie de l'indemnité d'éviction définitivement fixée par le présent arrêt, que la locataire dispose d'un délai après paiement pour évacuer les lieux et rendre les clés, que la POLYNESIE FRANCAISE n'assortit sa demande d'aucun délai conforme à l'article L145-9 précité, et qu'il n'y a pas lieu de préjuger, à ce stade, que, l'indemnité étant définitivement fixée, l'EURL GENERAL IMPORT ne s'exécutera pas.
La POLYNESIE FRANCAISE sera par conséquent déboutée de sa demande.
Sur la demande relative à l'indemnité d'occupation :
La POLYNESIE FRANCAISE expose que l'EURL GENERAL IMPORT n'a effectué aucun règlement pour les mois d'avril et mai 2020, que la locataire a ensuite réglé 800 000 Fcfp par mois de juin 2020 à août 2021 soit 12 000 000 Fcfp, qu'elle a dû rembourser la somme de 2 400 000 Fcfp au sous-locataire qui a libéré les lieux le 31 décembre 2020, qu'elle dispose donc de 9 600 000 Fcfp sur un compte d'attente. Elle sollicite d'être autorisée à conserver cette somme au titre de l'indemnité d'occupation due sur la période courant de juin 2020 à août 2021.
L'EURL GENERAL IMPORT ne forme aucune observation sur ce point.
Le droit au maintien dans les lieux induit le versement d'une indemnité d'occupation correspondant à la valeur locative du local.
La demande de la POLYNESIE est donc justifiée dans son principe.
La somme réclamée par la POLYNESIE FRANCAISE (qui correspond au loyer contractuel) n'excède pas la valeur locative des locaux et lui est même largement inférieure.
En effet, M. [T] mentionne dans son rapport d'évaluation du 7 mai 2019 : «Le loyer est de 800 000 Fcfp par mois. Le loyer mensuel normal en ville pour un tel local serait de 2 000 Fcfp / m2 en rez-de-chaussée et de 1 200 Fcfp / m2 en étage soit (pour le local) 2 079 000 Fcfp par mois».
Dans ces conditions, il y a lieu d'autoriser la Polynésie à conserver la somme de 9 600 000 Fcfp pour les mois de juin 2020 (selon le corps des conclusions de l'intimée et non mars 2021 comme indiqué par erreur au dispositif) à août 2021 inclus, au titre de l'indemnité d'occupation.
Sur les frais et dépens :
Il n'est pas inéquitable que chaque partie conserve la charge des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés en appel ; il n'y a donc pas lieu à condamnation sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.
Les dépens d'appel seront supportés par l'EURL GENERAL IMPORT qui succombe sur l'essentiel de ses demandes, conformément aux dispositions de l'article 406 du code de procédure civile de la Polynésie française.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
CONFIRME le jugement n°21/264 (RG n°19/00485) rendu par le tribunal civil de première instance de Papeete le 27 mai 2021 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a fixé à la somme de 179 946 982 Fcfp l'indemnité d'éviction dont la POLYNESIE FRANCAISE se reconnaît débitrice à l'égard de l'EURL GENERAL IMPORT à la suite du congé délivré le 28 août 2019 à effet au 31 mars 2020,
Statuant à nouveau du chef infirmé,
CONDAMNE la POLYNESIE FRANCAISE à payer à l'EURL GENERAL IMPORT la somme 193 003 841 Fcfp au titre de l'indemnité d'éviction dont elle est débitrice à l'égard de l'EURL GENERAL IMPORT à la suite du congé délivré le 28 août 2019 à effet au 31 mars 2020, dont la somme de 179 946 982 Fcfp , d'ores et déjà acquittée, est à déduire,
Y ajoutant,
Autorise la POLYNESIE FRANCAISE Polynésie à conserver la somme de 9 600 000 Fcfp pour les mois de juin 2020 à août 2021 inclus au titre de l'indemnité d'occupation,
DEBOUTE l'EURL GENERAL IMPORT de sa demande dommages et intérêts pour un montant de 581 870 000 Fcfp,
DEBOUTE la POLYNESIE FRANCAISE de sa demande d'expulsion, comme prématurée,
DIT n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
CONDAMNE l'EURL GENERAL IMPORT aux dépens.
Prononcé à Papeete, le 9 mars 2023.
Le Greffier, Le Président,
signé : M. SUHAS-TEVERO signé : N. TISSOT