N° 76
NT
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Copie exécutoire
délivrée à :
- Me Jourdainne,
le 10.03.2023.
Copie authentique
délivrée à :
- Cps,
le 10.03.2023.
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D'APPEL DE PAPEETE
Chambre Civile
Audience du 9 mars 2023
RG 21/00184 ;
Décision déférée à la Cour : jugement n° 21/149, rg n° 19/00541 du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete du 9 avril 2021 ;
Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 1er juin 2021 ;
Appelante :
La Caisse de Prévoyance Sociale de la Polynésie française dont le siège social est sis [Adresse 1] ;
Ayant conclu ;
Intimé :
M. [P] [N], né le 22 mai 1953 à [Localité 2], de nationalité française, demeurant à [Adresse 3] ;
Ayant pour avocat la Selarl Groupavocats, représentée par Me Gilles JOURDAINNE, avocat au barreau de Papeete ;
Ordonnance de clôture du 1er juillet 2022 ;
Composition de la Cour :
La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 10 novembre 2022, devant Mme TISSOT, vice président placé auprès du premier président, désigné par l'ordonnance n° 83/OD/PP.CA/21 du premier président de la Cour d'Appel de Papeete en date du 15 décembre 2021 pour faire fonction de président dans le présent dossier Mme BRENGARD, président de chambre, M. RIPOLL, conseiller, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt contradictoire ;
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par Mme TISSOT, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A R R E T,
M. [P] [N], chirurgien dentiste, est affilié au régime des non- salariés (RNS) auprès de la Caisse de Prévoyance Sociale depuis novembre 2011.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 30 janvier 2019, la Caisse de Prévoyance Sociale de la Polynésie fançaise lui a notifié un contrôle de ses revenus nets encaissés au cours des exercices 2016 et 2017.
Par courrier en date du 28 juin 2019, reçu le 11 juillet 2019, la CPS a notifié à M. [P] [N] qu'elle envisageait de procéder à une révision du montant mensuel des cotisations assurance maladie pour les années 2017 et 2018 (rappel de cotisations sociales envisagé à hauteur de 651.684 XPF sur les deux exercices), motivée par la constatation d'anomalies (non déduction des frais liés à son véhicule professionnel et aux cotisations retraite et prévoyance).
Par courrier daté du 25 juillet 2019, reçu le 30 juillet 2019, M [P] [N] a contesté le redressement envisagé.
Par courrier du 10 septembre 2019, reçu le 24 septembre 2019, la CPS a rejeté les observations de M [P] [N] et l'a informé maintenir le rappel de cotisation.
Le 10 septembre 2019, la CPS a émis 27 ordres de recettes au titre du rappel des cotisations pour la période de juillet 2017 à juin 2019, et 07 ordres de recettes pour des majorations de retard.
La CPS a mis en oeuvre le 16 septembre 2019 le redressement par la perception des ordres de recettes correspondant aux majoration de retard par le débit sur le compte bancaire de M [P] [N], lequel a mis le 25 septembre 2019 un terme au prélèvement automatique des cotisations CPS sur son compte bancaire.
Par courrier recommandé avec accusé de réception daté du 17 septembre 2019 envoyé le 23 septembre 2019, la CPS a mis [P] [N] d'avoir à payer le rappel de cotisations et les majorations de retard.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 23 décembre 2019, la CPS a fait délivrer une contrainte à M [P] [N], contestée par celui-ci devant le Tribunal du Travail de PAPEETE, qui a par jugement du 04 mai 2020 donné acte à la CPS du retrait de la contrainte et l'a condamnée à payer à M [P] [N] la somme de 100.000 F CFP au titre des frais iirépétibles.
Par acte d'huissier en daté du 15 novembre 2019, et requête déposée au greffe le 19 novembre 2019, M [P] [N] a fait assigner la CPS devant le Tribunal Civil de Première Instance de PAPEETE, aux fins de contestation du redressement intervenu.
Par jugement du 9 avril 2021 auquel il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, le tribunal civil de première instance de PAPEETE a :
- annulé les 27 ordres de recettes émis par la Caisse de Prévoyance Sociale de Polynésie française à l'encontre de [P] [N] en date du 10 septembre 2019 au titre du rappel des cotisations pour la période de juillet 2017 à juin 2019, et les 7 ordres de recette pour des majorations de retard en date du 10 septembre 2019,
- ordonné et en tant que de besoin condamné la CPS à rembourser à [P] [N] la somme de 65.166 F CFP indûment perçue à la suite des trois prélèvements réalisés le 16 septembre 2019 résultant de l'exécution des sept ordres de recette annulés du 10 septembre 2019,
- ordonné à la CPS de rétablir la couverture d'assurance maladie de [P] [N], rétroactivement à compter de la date de sa suspension, sous astreinte de 50.000 F CFP par jour de retard à compter de la signification de la présente décision,
- condamné la Caisse de Prévoyance Sociale de Polynésie française à verser à [P] [N] là somme de 150 000 F CFP en. réparation de son préjudice résultant de la porte brutale de son statut d'assuré social,
- condamné la Caisse de Prévoyance Sociale de Polynésie française, à Verser à [P] [N] la somme de 200.000 F CFP en application de l'article 407 du Code de Procédure Civile en. vigueur en Polynésie française ;
- condamné la Caisse de Prévoyance Sociale de Polynésie française aux dépens de l'instance, dont distraction au profit de la SELARL GRÔÜP AVOÇATS.
Suivant déclaration d'appel enregistrée au greffe le 1er juin 2021 à laquelle il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens et arguments de l'appelante, la CPS demande à la cour de :
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement n° RG 19/00541 rendu le 9 avril 2021 par le tribunal civil de première instance de PAPEETE ;
Statuant à nouveau,
- dire et juger régulier et bien-fondé le redressement de cotisations et majorations de retard de juillet 2017 à juin 2019 au titre de l'affiliation au régime des non-salariés de M. [P] [H] [N] ;
- valider le paiement des majorations de retard redressées de juillet 2017 à juin 2019 pour la somme totale de 65.166 F CFP ;
- condamner M. [P] [H] [N] au paiement de la somme de 651.684 F CFP correspondant au rappel de cotisations redressées de juillet 2017 à juin 2019 ;
- débouter M. [P] [H] [N] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner M. [P] [H] [N] à verser à la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française la somme de 150.000 F CFP au titre des frais irrépétibles ;
- condamner M. [P] [H] [N] aux dépens de première instance et d'appel.
Suivant conclusions reçues au greffe le 3 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens et arguments de l'intimé, M. [N] demande à la cour de :
Vu l'article 20.2 in fine de la délibération 2002-105 APF du 1er août 2002,
Vu l'article 5 de la délibération N° 94-170 AT du 29 décembre 1994,
Vu l'article 7 de la délibération n° 94-171 AT du 29 décembre 1994,
Vu l'article LP 188-4 du Code des Impôts,
Vu la note de service de la CPS,
-débouter la CPS de toutes ses demandes, fins et conclusions,
-confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l'exception du quantum des dommages et intérêts alloués,
Vu le comportement particulièrement inique de la CPS à l'égard du Docteur [N],
-condamner la CPS à verser 500.000 XPF de dommages et intérêts au Docteur [P] [N],
-condamner encore la CPS d'avoir à lui verser 400.000 XPF au titre des frais irrépétibles,
-condamner enfin la CPS aux entiers dépens dont distraction d'usage.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er juillet 2022.
Motifs :
Sur la recevabilité de l'appel :
La recevabilité de l'appel n'est pas discutée et aucun élément de la procédure ne permet à la cour d'en relever d'office l'irrégularité.
Sur le fond querellé du redressement :
La CPS a visé dans la lettre d'observation que le redressement était justifié par la lecture combinée des articles 7 et 8 de la Délibération N° 94-171 AT du 29 décembre 1994 et du code des impôts.
L'article 7 de la délibération n°94-171 AT du 29 décembre 1994 retient que : "Les cotisations sont applicables sur les revenus nets non salariaux encaissés au cours de année précédente, dans la limite d'un plafond fixé par arrêté en conseil des ministres, sur proposition du conseil d'administration.
L 'assiette des cotisations déterminée par les revenus déclarés prend effet du 1er juillet de l'année en cours au 30 juin de l'année suivante.
L'article 8 de la même délibération dispose que :
"Les cotisations sont dues à compter de la date d'effet de l'affiliation. Elles sont payables mensuellement, au plus tard le quinzième jour calendaire de chaque mois.
Pour les nouveaux cotisants, la date limite de paiement est fixée au quinzième jour du mois qui suit celui de la décision d'affiliation.
Pour les personnes résidant dans les îles irrégulièrement desservies, un délai supplémentaire de paiement peut être accordé par le directeur de l'organisme de gestion.
Pour les personnes qui n'auront pas été admises au régime de solidarité territorial, le délai pour le règlement des cotisations est de trois mois à compter de la date de la notification de la décision de refus de prise en charge par le régime de solidarité territorial'.
Il n'est pas contesté qu'aucune disposition de la réglementation de sécurité sociale polynésienne, en général, et de la délibération n° 94-171 AT du 29 décembre 1994 relative aux dispositions administratives et financières du régime des non-salariés, en particulier, ne renvoie explicitement ou implicitement aux dispositions de la législation fiscale, en général, ni à celles de l'article LP 188-4 2° du Code des impôts, en particulier. En outre, ledit article ne donne aucune définition, en matière de réglementation de sécurité sociale, des revenus nets non salariaux, perçus par une personne physique exerçant une profession libérale.
Il est établi par ailleurs établi que M [N] a déclaré son revenu net au titre des exercices 2016 et 2017, soit les sommes tirées de son activité dont il a pu jouir personnellement et qui représentent son chiffre d'affaires duquel il a déduit ses frais professionnels. Il excipe également être en règle d'un point de vue fiscal.
En l'état incomplet des textes applicables, Il ne peut donc être fait grief à M. [N]d'avoir déduit d'une part, les frais liés à son véhicule professionnel, et d'autre part, ses cotisations couvrant l'invalidité, la maladie, le décès et la retraite, par analogie au code des impôt local qui considère en son article Lp 18864 2° comme charge déductible pour un assuré assujetti à l'impôt sur les transaction, toute charge exposé en vue de l'acquisition ou de la conservation du revenu imposable et dans le cadre de la gestion de l'entreprise, à condition qu'elle soit effective et justifié.
Or en l'espèce les frais de transports et de déplacement présentent un caractère professionnel non contestable dont il est régulièrement justifié; de même en est- il des cotisations d'assurances retraite ou en cas de maladie accident ou incapacité qui ont été déduite du revenu brut puisqu'elle contribue bien in fine au maintien du revenu imposable.
C'est donc à bon droit par des motifs que la cour adopte que le premier juge a annulé les ordres de recettes et en tant que de besoin condamné la CPS de rembourser à [P] [N] la somme de 65.166 F CFP indûment perçue à la suite des trois prélèvements réalisés le 16 septembre 2019 résultant de l'exécution des sept ordres de recette annulés du 10 septembre 2019 et ordonné à la CPS de rétablir la couverture d'assurance maladie de [P] [N], rétroactivement à compter de la date de sa suspension, sous astreinte de 50.000 F CFP par jour de retard à compter de la signification de la présente décision,
Sur la demande de dommages et intérêts :
'Compte tenu du comportement de la CPS tant dans le cadre du contrôle, qu'après, caractérisé par des abus de droits, de motivations juridiques particulièrement obscures, du caractère particulièrement brutal et injustifié des sanctions prises à son encontre, et du comportement tout simplement inique de la CPS', M [P] [N] sollicite 500.000 XPF a titre de dommages et intérêts.
M. [P] [N] maintient en appel dans ses conclusions que les agents de contrôle ont outrepassé leurs prérogatives et porté atteinte au secret professionnel inhérent à sa profession de chirurgien-dentiste, en ce sens où des documents originaux ont été emportés ou pris en photo avec un téléphone non dédié à l'activité de contrôle, eu égard aux dispositions de l'article 20.2 in fine de l'arrêté n° 1336 IT du 28 septembre 1956, issu de la délibération n° 2002-105 APF du 1er août 2002.
M. [P] [N] ne justifie toutefois pas davantage en appel autrement que par des assertions, de la nature des documents dont la CPS a pris copie, ni des moyens par lesquels les copies ont été effectuées, de telle sorte qu'il n'est pas démontré une quelconque violation du secret médical, rien ne démontrant que la CPS aurait obtenu communication d'autre chose que les documents strictement nécessaires à la mise en oeuvre des contrôles et enquêtes prévus.
Il n'est pas contesté en revanche que la CPS a, sans préavis, avant même que le redressement soit confirmé, suspendu les droits d'assuré social de [P] [N].
Cette attitude a nécessairement causé un préjudice à M. [P] [N], privé d'assurance maladie sans en être informé, qui a justement été réparé par l'allocation d'une somme de150.000F CFP à titre de dommages et intérêts.
Les circonstances ne justifient toutefois pas de majorer, en appel le montant attribué en première instance, n'étant pas contesté que l' intimé a obtenu la réouverture de ses droits en assurance maladie avec effet rétroactif depuis le 10 septembre 2019 et in fine la prise en charge de ses frais médicaux intervenus depuis cette date.
Par ailleurs eu égard à la solution retenue, il n'est pas justifié de la réalité des autres griefs.
Sur l'article 407 du code de procédure civile de Polynésie française :
Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [P] [N] les frais irrépétibles du procès. La CPS sera condamnée à lui payer la somme de 400 000 F CFP au titre de l'article 407 du code de procédure civile.
Sur les dépens :
En application de l'article 406 du code de procédure civile, selon lequel toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, la CPS sera condamnée aux dépens de la présente instance.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
Déclare l'appel recevable ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
Déboute les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires ;
Condamne la Caisse de Prévoyance Sociale de la Polynésie fançaise à payer à M. [P] [N] la somme de 400 000 F CFP au titre de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française;
Condamne aux entiers dépens la Caisse de Prévoyance Sociale de la Polynésie fançaise qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 409 du code de procédure civile de la Polynésie française.
Prononcé à Papeete, le 9 mars 2023.
Le Greffier, Le Président,
signé : M. SUHAS-TEVERO signé : N. TISSOT