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09/03/2023 | FRANCE | N°20/00094

France | France, Cour d'appel de Papeete, Cabinet d, 09 mars 2023, 20/00094


N° 98





GR

-------------



Copies exécutoires délivrées à :

- Me Bambridge-Babin,

- Me Dumas,

le 13.03.2023.







REPUBLIQUE FRANCAISE



COUR D'APPEL DE PAPEETE



Chambre Civile





Audience du 9 mars 2023





RG 20/00094 ;



Décision déférée à la Cour : jugement n° 37, rg n° 19/00132 du Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Première Instance de Papeete du 11 février 2020 ;



Sur appel formé par re

quête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 8 avril 2020 ;



Appelante :



Mme [W] [C], née le 12 novembre 1971 à [Localité 3], de nationalité française, secrétaire, demeurant à [Localité 5] [Adresse 4] ;
...

N° 98

GR

-------------

Copies exécutoires délivrées à :

- Me Bambridge-Babin,

- Me Dumas,

le 13.03.2023.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D'APPEL DE PAPEETE

Chambre Civile

Audience du 9 mars 2023

RG 20/00094 ;

Décision déférée à la Cour : jugement n° 37, rg n° 19/00132 du Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Première Instance de Papeete du 11 février 2020 ;

Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 8 avril 2020 ;

Appelante :

Mme [W] [C], née le 12 novembre 1971 à [Localité 3], de nationalité française, secrétaire, demeurant à [Localité 5] [Adresse 4] ;

Ayant pour avocat la Selarl Jurispol, représentée par Me Temanava BAMBRIDGE-BABIN, avocat au barreau de Papeete ;

Intimé :

M. [B] [D], né le 18 décembre 1969 à [Localité 2], de nationalité française, policier Municipal, demeurant à [Localité 3] ;

Représenté par Me Brice DUMAS, avocat au barreau de Papeete ;

Ordonnance de clôture du 27 janvier 2023 ;

Composition de la Cour :

La cause a été débattue et plaidée en audience non publique du 9 février 2023, devant M. RIPOLL, conseiller désigné par l'ordonnance n° 57/OD/PP.CA/22 du Premier Président de la Cour d'Appel de Papeete en date du 7 novembre 2022 pour faire fonction de président dans le présent dossier, Mme BRENGARD, président de chambre, Mme PINET-URIOT, conseiller, qui ont délibéré conformément à la loi;

Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;

Arrêt contradictoire ;

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Signé par M. RIPOLL, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A R R E T,

FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES :

[W] [C] et [B] [D] ont vécu en concubinage pendant plusieurs années. Un enfant est issu de leur union : [H] née le 18 juillet 1997, aujourd'hui majeure.

Aux termes du jugement entrepris :

Par requête du 4 avril 2018, [W] [C] a saisi le juge aux affaires familiales de demandes de fixation de la contribution du père aux frais d'entretien et d'éducation de l'enfant, d'attribution de la jouissance du domicile familial ayant fait l'objet de donations par actes du 10 juin 2016 et du 12 janvier 2018, qu'il soit fait interdiction à [B] [D] de la troubler en sa résidence, de restitution des clés de ladite maison, de condamnation de [B] [D] au remboursement des emprunts CASDEN d'un montant de 351 960 euros et 100 560 euros.

[B] [D] a sollicité la mise en oeuvre d'une mesure de médiation. Il a indiqué ne pas s'opposer à l'usage du domicile par [W] [C] ainsi que leur fille et a sollicité que celle-ci bénéficie du loyer à la condition qu'elle prenne en charge les frais et crédits bancaires y afférents. Il a demandé également la fixation de la contribution aux frais d'entretien et d'éducation de l'enfant à hauteur de 30 000 francs CFP par mois. Il a sollicité, en outre, la restitution de ses effets personnels (portrait de sa mère, home cinéma, coffre-fort et matériel de construction).

Une mesure de médiation a été ordonnée par jugement du 5 septembre 2018. Elle n'a pas abouti à un accord des parties.

[W] [C] a demandé d'ordonner la disjonction entre les questions portant sur la contribution des parents à l'entretien et l'éducation de l'enfant majeur et sur la liquidation des intérêts patrimoniaux des parties au titre de leur concubinage, d'enjoindre à [B] [D] de produire le relevé d'information des revenus familiaux CPS le concernant ainsi que son épouse, Madame [E] [A], d'enjoindre à [B] [D] de produire ses relevés de comptes, d'enjoindre au défendeur de verser aux débats le bail qu'il a consenti sur la construction édifiée à [Adresse 6], de dire qu'à défaut de bail écrit il lui appartiendra de justifier des loyers perçus, de lui enjoindre de s'expliquer sur les sommes prêtées à [N] [M].

[B], [T] [D] a sollicité de prendre acte de ce qu'il n'est pas contesté qu'une contribution à l'éducation et à l'entretien mensuelle de 30 000 francs CFP est versée, prendre acte qu'il est de nouveau satisfait à la demande de production de pièces et dire ne pas y avoir lieu à incident sur ce point, et, à titre reconventionnel, enjoindre à [W] [C] de lui transmettre les originaux des deux reconnaissances de dette établies par Monsieur [M] pour permettre l'obtention d'un titre exécutoire, enjoindre à la requérante de prendre position sur la proposition amiable faite par [B] [D] dans le cadre de ses écritures au fond.

Par ordonnance du 6 février 2019, le juge aux affaires familiales a ordonné la disjonction entre les questions portant sur la contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant et celles portant sur la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des concubins.

Par conclusions récapitulatives, [W] [C] a demandé de : dire qu'elle conservera, avec sa fille, la jouissance du bien qui constituait le domicile familial et qui a fait l'objet des donations, qui leur ont été consenties par [B] [D] selon actes passés les 10 juin 2016 et 12 janvier 2018, faire interdiction à [B] [D] de venir dans la maison qui constituait le domicile conjugal, faire interdiction à [B] [D] de troubler [W] [C] en sa résidence, d'enjoindre à [B] [D] de restituer les clés de la maison qui constituait le domicile conjugal, de condamner [B] [D] à rembourser les emprunts souscrits auprès de la CASDEN sous le n°S0029660611 pour un montant de 351 960 € et sous le n°S0126888511 pour un montant de 100.560 €, d'enjoindre à [B] [D] de s'expliquer sur les sommes prêtées à [N] [M] ainsi que sur ses retraits d'espèces prélevées sur le compte joint et ses dépenses débitées du compte joint.

[B] [D] a sollicité de dire irrecevables les demandes de jouissance privative du domicile par [W] [C] ; à titre reconventionnel, de révoquer la donation de la moitié indivise en pleine propriété faite à [W] [C] pour ingratitude, ou à titre subsidiaire, rejeter [W] [C] en sa demande de jouissance privative, de prendre acte de ce que le montant du loyer perçu sera intégralement versé en remboursement des emprunts, de condamner [W] [C] à verser le solde mensuel des échéances de prêt.

[W] [C] a demandé de dire que [H] [D], propriétaire pour moitié de la nue-propriété du bien immobilier dont [B] [D] a conservé l'usufruit, n'a pas à être mise en cause dans le cadre de la procédure engagée par [W] [C] tendant à ce qu'interdiction soit faite à [B] [D] de venir la troubler en sa résidence ; à titre subsidiaire, donner acte à [H] [D] de son intervention en qualité d'indivisaire de la maison dans laquelle elle réside avec sa mère, mettre hors de cause [H] [D] ; plus subsidiairement, se déclarer incompétent pour connaître de la demande de [B] [D] tendant à obtenir la révocation de la donation en faveur de Mme [C] pour cause d'ingratitude, débouter [B] [D] de l'intégralité de ses demandes.

[B] [D] a sollicité de : dire recevable et bien fondée la demande en annulation de la donation effectuée par [B] [D] au bénéfice de [W] [C], annuler la donation, puis ordonner la liquidation de l'indivision.

Par jugement rendu le 11 février 2020, le juge aux affaires familiales du tribunal civil de première instance de Papeete a :

Débouté [W] [C] de l'ensemble de ses demandes ;

Déclaré le juge aux affaires familiales incompétent pour statuer sur la demande en révocation de la donation consentie à [W] [C] par Monsieur [B] [D] ;

Renvoyé l'examen de cette demande au tribunal civil de première instance de Papeete ;

Dit que les parties seront convoquées par les soins du greffe à la prochaine date utile ;

Condamné [W] [C] à payer à [B] [D] la somme de 150.000 Fcfp au titre de l'article 407 du Code de procédure civile de la Polynésie française ;

Condamné [W] [C] aux dépens.

[W] [C] a relevé appel par requête enregistrée au greffe le 8 avril 2020.

[H] [D] est intervenue par conclusions visées le 25 mai 2021.

Il est demandé :

1° par [W] [C], appelante, et [H] [D], intervenante, dans leurs conclusions récapitulatives visées le 13 décembre 2022, de :

Infirmer le jugement entrepris ;

Constater que Monsieur [D] et Madame [C] étaient propriétaires de biens indivis et titulaires de comptes joints ;

Constater que Monsieur [D] et Madame [C] avaient souscrit des emprunts auprès de la CASDEN ;

Constater que les sommes perçues au titre de la vente des biens indivis étaient supérieures au solde des emprunts auprès de la CASDEN ;

Constater que Monsieur [D] a effectué des prélèvements de sommes importantes sur les comptes joints ;

Constater que Monsieur [D] a retiré des espèces pour plus de 25 295 000 CFP ;

Constater que Monsieur [D] a prêté à Monsieur [M] la somme de 25.000.000 CFP ;

Enjoindre à Monsieur [D] de rendre compte de sa gestion des biens indivis et de l'usage qu'il a fait des prix de vente reçus du notaire pour un montant de 84 millions CFP ;

Dans l'attente des comptes de gestion de Monsieur [D],

Condamner Monsieur [D] à payer à Madame [C] la somme de 23 147 500 CFP à titre de provision à valoir sur sa part de moitié du prix de vente des biens indivis ;

Constater que Madame [C] a subi un préjudice du fait des fautes commises par Monsieur [D] dans la gestion des biens indivis ;

En conséquence,

Condamner Monsieur [D] à payer à Madame [C] la somme d'un million à titre de dommages-intérêts ;

À titre subsidiaire,

Constater que Monsieur [D] a engagé une procédure à l'encontre de Monsieur [M] pour le remboursement de la somme de 25 .000.000 CFP ;

Enjoindre à Monsieur [D] de justifier des mesures de sûreté qu'il a prises à l'encontre de Monsieur [M] pour garantir sa créance ;

Dire qu'il sera procédé aux opérations de compte et liquidation de l'indivision ayant existé entre Monsieur [D] et Madame [C] ;

En conséquence,

Constater qu'au titre de l'actif Monsieur [D] et Madame [C] disposent d'une créance de 25.000.000 CFP ;

Constater qu'au titre du passif Monsieur [D] et Madame [C] sont redevables envers la CASDEN d'une somme de 40.000.000 CFP ;

Constater que le déficit net de l'indivision s'élève à la somme de 15.000.000 CFP ;

Constater que la part de chacun des indivisaires dans le déficit est de 7 500 000 CFP ;

Attribuer à Monsieur [D] l'intégralité de l'actif indivis constitué par la- créance détenue à l'encontre de Monsieur [M] à hauteur de 25 000.000 CFP, à charge pour lui d'assumer le passif à concurrence de 32 500 000 CFP ;

Dire que Madame [C] contribuera au passif à hauteur de la somme de 7 500 000 CFP correspondant à sa part dans le déficit indivis ;

Constater l'intervention de Mademoiselle [H] [D] et prononcer sa mise hors de cause ;

Condamner Monsieur [D] à payer la somme de 800.000 CFP par application des dispositions de l'article 407 du Code de Procédure Civile local ;

Condamner Monsieur [D] aux entiers dépens dont distraction ;

2° par [B] [D], intimé, dans ses conclusions récapitulatives visées le 12 janvier 2023, de :

À titre principal,

Vu le caractère nouveau de l'intégralité des demandes formées,

Dire et juger les demandes de Mme [C] irrecevables ;

La débouter en conséquence ;

Ou,

Si par extraordinaire les demandes venaient à être jugées recevables,

Vu le caractère partiel et erroné des informations délivrées,

Vu l'absence de toute demande d'expertise,

Débouter Mme [C] de ses demandes, fins et prétentions particulièrement mal fondées ;

Et, en tout état de cause,

Vu le caractère abusif de l'appel fondé sur d'uniques demandes nouvelles,

Condamner Mme [C] à verser à M. [D] la somme de 500.000 F CFP en réparation,

Et,

La condamner à verser la somme de 339.000 F CFP au titre des frais irrépétibles d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 janvier 2023.

Il est répondu dans les motifs aux moyens et arguments des parties, aux écritures desquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

L'appel a été interjeté dans les formes et délais légaux. Sa recevabilité n'est pas discutée.

Il échet de mettre hors de cause [H] [D] qui ne présente aucune demande à titre personnel et contre qui aucune demande n'est faite.

Sur la fin de non-recevoir :

Aux termes des articles 349 et 349-1 du code de procédure civile de la Polynésie française :

Les juges d'appel ne peuvent se prononcer que sur les demandes qui ont été soumises aux juges de première instance et il ne peut être formé en cause d'appel aucune demande nouvelle à moins qu'elle ne soit défense ou connexe à la demande principale ou qu'il s'agisse de compensation.

Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

Dans ses dernières écritures de première instance, [W] [C] a conclu que [B] [D] n'entendait pas rendre compte de sa gestion des biens indivis, qu'elle a demandé dans sa requête introductive d'instance de statuer sur les comptes entre les parties, que cette procédure a pour objectif d'obtenir les justificatifs de l'utilisation du prix de vente des biens indivis. Elle a demandé à titre subsidiaire de dire que [H] [D] n'a pas à être mise en cause dans la procédure opposant ses parents concernant les opérations de compte et liquidation.

Le jugement dont appel a débouté [W] [C] de l'ensemble de ses demandes et s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande reconventionnelle faite par [B] [D].

Le jugement déféré a retenu que :

-Sur les demandes au titre de la jouissance privative de l'ancien domicile conjugal :

-Par acte notarié du 10 juin 2016, Monsieur [B] [D] a fait donation à Mme [W] [C] de la moitié indivise du lot n°l de la propriété [P] [J] à [Localité 5] comprenant une maison individuelle à usage d'habitation et le droit à la jouissance exclusive du jardin attenant. Par acte notarié du 12 janvier 2018, Monsieur [B] [D] a fait donation à Mlle [H] [D] de la nue-propriété de la moitié indivise du lot n° l de la propriété [Adresse 8] à [Localité 5] comprenant une maison individuelle à usage d'habitation et le droit à la jouissance exclusive du jardin attenant. Il se déduit de ces deux actes que Monsieur [B] [D] reste détenir en usufruit la moitié indivise du lot n° 1 sus évoqué ; l'autre moitié étant détenue par Mme [W] [C] et la nue-propriété de sa propre part indivise étant détenue par Mlle [H] [D] sa fille.

-Mme [W] [C] demande à ce que la jouissance du bien qui constituait le domicile conjugal lui soit attribuée. Aux termes de l'article 18 du Code de procédure civile de la Polynésie française : 'Toutes les demandes sont formées par une requête introductive d'instance datée et signée qui contient à peine de nullité notamment l'exposé sommaire des faits et des moyens de droit'. En l'espèce, aucun fondement juridique ni dans la requête initiale, ni dans les conclusions ultérieures n'a été évoqué par Mme [W] [C] au soutien de sa demande à se voir attribuer la jouissance du domicile conjugal. Pour autant, cette exception de nullité n'ayant pas été présentée par Monsieur [B] [D] avant toute défense au fond, la requête de Mme [W] [C] ne saurait être déclarée nulle.

-En revanche, il est constant que Monsieur [B] [D] détient un usufruit sur la moitié indivise du lot n°l de la propriété [P] [J] à [Localité 5] qui constituait l'ancien domicile conjugal. Au soutien de sa demande à ce qu'il lui soit attribué la jouissance de ce domicile et qu'il soit fait interdiction à Monsieur [B] [D] d'y paraître, Mme [W] [C] n'a évoqué aucune disposition légale. Dès lors, aucun fondement juridique ne permettant à l'un des indivisaires de s'opposer à l'occupation des lieux par l'autre, il convient de débouter Mme [W] [C] des demandes faites au titre de la jouissance de la maison.

-Sur les prêts :

-Mme [W] [C] sollicite que les remboursements des deux prêts communs soient exclusivement mis à la charge de Monsieur [B] [D] car lors de la vente de biens immobiliers précédemment, il n'aurait pas affecté les sommes issues de ces ventes au remboursement des emprunts susvisés.

-Le relevé notarial produit permet notamment de constater que des sommes de 45.027.830 Fcfp, 22.230.000 FCP, 117.584 FCP et 10.000.000 Fcfp ont été virées à Mme [W] [C] et Monsieur [B] [D] entre 2010 et 2013. Mme [W] [C] n'apporte aucune preuve démontrant que Monsieur [B] [D] ait profité seul de ces sommes, ni encore moins qu'il les ait détournées alors qu'il était convenu qu'elles auraient dû rembourser les prêts immobiliers en cours. Par conséquent, Mme [W] [C] ne pourra qu'être déboutée de cette demande.

-Sur les demandes au titre du compte joint et prêt à un ami :

-Mme [W] [C] demande à Monsieur [B] [D] de s'expliquer sur ces différents points. Or, Mme [W] [C], qui procède par pures allégations, sans produire le moindre relevé bancaire relatif à un compte commun, ne pourra que voir ses demandes rejetées.

-Sur la demande reconventionnelle en révocation de la donation :

-Aux termes de l'article L213-3 du Code de l'organisation judiciaire : Le juge aux affaires familiales connaît :

'1° De l'homologation judiciaire du changement de régime matrimonial, des demandes relatives au fonctionnement des régimes matrimoniaux et des indivisions entre personnes liées par un pacte civil de solidarité ou entre concubins, de la séparation de biens judiciaire, sous réserve des compétences du président du tribunal judiciaire et du juge des tutelles des majeurs ;

2° Du divorce, de la séparation de corps et de leurs conséquences, de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des époux, des personnes liées par un pacte civil de solidarité et des concubins, sauf en cas de décès ou de déclaration d'absence ;

3° Des actions liées :

À la fixation de l'obligation alimentaire, de la contribution aux charges du mariage ou du pacte civil de solidarité et de la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants ;

À l'exercice de l'autorité parentale ;

À la révision de la prestation compensatoire ou de ses modalités de paiement ;

Au changement de prénom ;

À la protection à l'encontre du conjoint, du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du concubin violent ou d'un ancien conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin violent ;

À la protection de la personne majeure menacée de mariage forcé ;

4° Des demandes d'attribution à un concubin de la jouissance provisoire du logement de la famille en application de l'article 373-2-9-1 du code civil.'

-Dès lors, si le juge aux affaires familiales est compétent pour connaître des demandes relatives à la liquidation et au partage de l'indivision existant entre ex-concubins, aucune des dispositions précitées ne prévoit sa compétence pour connaître des actions remettant en cause la formation de cette indivision. Le contentieux de la révocation des donations y compris entre concubins reste de la compétence du tribunal civil. Par conséquent, il convient de constater l'incompétence du juge aux affaires familiales pour statuer sur cette demande. Le dossier sera renvoyé sur cette question au tribunal civil de première instance de Papeete.

Il s'évince de ces motifs et du dispositif du jugement que celui-ci n'a pas prononcé sur les demandes suivantes que forme [W] [C] devant la cour :

-Dans l'attente des comptes de gestion de Monsieur [D],

Condamner Monsieur [D] à payer à Madame [C] la somme de 23 147 500 CFP à titre de provision à valoir sur sa part de moitié du prix de vente des biens indivis ;

-Constater que Madame [C] a subi un préjudice du fait des fautes commises par Monsieur [D] dans la gestion des biens indivis ;

En conséquence,

Condamner Monsieur [D] à payer à Madame [C] la somme d'un million à titre de dommages-intérêts ;

-Dire qu'il sera procédé aux opérations de compte et liquidation de l'indivision ayant existé entre Monsieur [D] et Madame [C] ;

En conséquence,

Constater qu'au titre de l'actif Monsieur [D] et Madame [C] disposent d'une créance de 25.000.000 CFP ;

Constater qu'au titre du passif Monsieur [D] et Madame [C] sont redevables envers la CASDEN d'une somme de 40.000.000 CFP ;

Constater que le déficit net de l'indivision s'élève à la somme de 15.000.000 CFP ;

Constater que la part de chacun des indivisaires dans le déficit est de 7 500 000 CFP ;

Attribuer à Monsieur [D] l'intégralité de l'actif indivis constitué par la- créance détenue à l'encontre de Monsieur [M] à hauteur de 25 000.000 CFP, à charge pour lui d'assumer le passif à concurrence de 32 500 000 CFP ;

Dire que Madame [C] contribuera au passif à hauteur de la somme de 7 500 000 CFP correspondant à sa part dans le déficit indivis ;

-Constater l'intervention de Mademoiselle [H] [D] et prononcer sa mise hors de cause.

[W] [C] a récapitulé ses demandes en premier ressort dans ses dernières conclusions du 5 septembre 2019 qu'a rappelées le jugement. Or, le dispositif de ces écritures ne contient ni demande de dommage et intérêts pour fautes de gestion, ni demande de liquidation et de partage de l'indivision entre les ex-concubins. Les dispositifs de la requête introductive du 4 avril 2018 et des conclusions du 23 janvier 2019 et du 10 mai 2019 (qualifiées de récapitulatives) n'en font pas non plus mention.

Les demandes de dommages et intérêts pour mauvaise gestion de l'indivision et de liquidation et partage de celle-ci sont donc nouvelles en cause d'appel. Elles ne sont pas connexes à la demande principale qui avait pour objet l'attribution de la jouissance du domicile familial, la condamnation de [B] [D] au remboursement de deux emprunts, et de faire injonction à ce dernier de s'expliquer sur l'emploi des fonds déposés en compte joint. Elles ne tendent pas non plus aux mêmes fins, car le droit pour tout indivisaire de demander le partage ne peut être confondu avec celui de demander des comptes en cours d'indivision.

Le double degré de juridiction doit être maintenu sur ces points.

Il sera donc partiellement fait droit à la fin de non-recevoir, et seront jugées irrecevables comme étant nouvelles en cause d'appel les demandes de [W] [C] de :

-Condamner Monsieur [D] à payer à Madame [C] la somme de 23 147 500 CFP à titre de provision à valoir sur sa part de moitié du prix de vente des biens indivis ;

-Condamner Monsieur [D] à payer à Madame [C] la somme d'un million à titre de dommages-intérêts ;

-Dire qu'il sera procédé aux opérations de compte et liquidation de l'indivision ayant existé entre Monsieur [D] et Madame [C] ;

En conséquence,

Constater qu'au titre de l'actif Monsieur [D] et Madame [C] disposent d'une créance de 25.000.000 CFP ;

Constater qu'au titre du passif Monsieur [D] et Madame [C] sont redevables envers la CASDEN d'une somme de 40.000.000 CFP ;

Constater que le déficit net de l'indivision s'élève à la somme de 15.000.000 CFP ;

Constater que la part de chacun des indivisaires dans le déficit est de 7 500 000 CFP ;

Attribuer à Monsieur [D] l'intégralité de l'actif indivis constitué par la- créance détenue à l'encontre de Monsieur [M] à hauteur de 25 000.000 CFP, à charge pour lui d'assumer le passif à concurrence de 32 500 000 CFP ;

Dire que Madame [C] contribuera au passif à hauteur de la somme de 7 500 000 CFP correspondant à sa part dans le déficit indivis.

La cour n'est par conséquent saisie que des demandes suivantes de [W] [C] :

-Infirmer le jugement entrepris ;

-Constater que Monsieur [D] et Madame [C] étaient propriétaires de biens indivis et titulaires de comptes joints ;

-Constater que Monsieur [D] et Madame [C] avaient souscrit des emprunts auprès de la CASDEN ;

-Constater que les sommes perçues au titre de la vente des biens indivis étaient supérieures au solde des emprunts auprès de la CASDEN ;

-Constater que Monsieur [D] a effectué des prélèvements de sommes importantes sur les comptes joints ;

-Constater que Monsieur [D] a retiré des espèces pour plus de 25 295 000 CFP ;

-Constater que Monsieur [D] a prêté à Monsieur [M] la somme de 25.000.000 CFP ;

-Enjoindre à Monsieur [D] de rendre compte de sa gestion des biens indivis et de l'usage qu'il a fait des prix de vente reçus du notaire pour un montant de 84 millions CFP ;

-A titre subsidiaire,

Constater que Monsieur [D] a engagé une procédure à l'encontre de Monsieur [M] pour le remboursement de la somme de 25 .000.000 CFP ;

-Enjoindre à Monsieur [D] de justifier des mesures de sûreté qu'il a prises à l'encontre de Monsieur [M] pour garantir sa créance ;

-Constater l'intervention de Mademoiselle [H] [D] et prononcer sa mise hors de cause ;

-Condamner Monsieur [D] à payer la somme de 800.000 CFP par application des dispositions de l'article 407 du Code de Procédure Civile local ;

-Condamner Monsieur [D] aux entiers dépens dont distraction.

Sur quoi :

Il n'est pas contesté qu'il a existé entre [W] [C] et [B] [D] durant leur vie commune des opérations patrimoniales qui ont créé une situation d'indivision entre eux.

Les transcriptions de leurs comptes hypothécaires au 09/10/2017 font apparaître qu'ils ont chacun des droits indivis sur plusieurs immeubles ou ensembles (terre [Localité 7] et résidence [Localité 1] à [Localité 5]).

Ils ont souscrit en commun en 2018 deux prêts immobiliers auprès de la CASDEN qui les a assignés en remboursement en 2019 et a exercé des saisies-arrêts contre [W] [C] après avoir obtenu un jugement de condamnation en 2021. La CASDEN a aussi exercé une action paulienne pour obtenir l'annulation de la donation faite par J-C. [D] à sa fille de sa part indivise de la nue-propriété d'une maison.

Ils ont ouvert des comptes bancaires joints à la BANQUE DE POLYNÉSIE.

Quiconque perçoit des revenus ou expose des frais pour le compte de l'indivision doit en tenir un état qui est à la disposition des indivisaires (C. civ., art. 815-8).

L'indivisaire qui gère un ou plusieurs biens indivis est redevable des produits nets de sa gestion (art. 815-12).

[W] [C] produit des relevés de comptes bancaires et des actes de prêt ainsi que des tableaux récapitulatifs. [B] [D] conclut qu'elle est seule à détenir les archives du couple et qu'il est facile de constater qu'il y a eu des dépenses à parts égales, ce qu'une expertise pourrait établir.

Mais il conclut aussi que les relevés bancaires qu'il déclare découvrir à l'occasion de cette instance démontrent qu'il a versé sur les comptes joints non seulement des revenus mais aussi seul procédé à des dépôts d'espèces, et que les retraits d'espèces qui lui sont imputés sont également et davantage le fait de [W] [C].

Il résulte de pièces produites que [B] [D] a perçu des revenus ou a exposé des frais pour le compte de l'indivision. Il est le seul créancier désigné dans des reconnaissances de dette faites par [N] [M]. Il est le seul bailleur désigné dans un bail.

Il existe ainsi des éléments d'appréciation suffisants pour faire droit à la demande de reddition de compte formée par [W] [C]. Cette injonction sera faite à [B] [D] dans les termes du dispositif de l'arrêt.

Il en résulte que [B] [D] doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a débouté [W] [C] de ses demandes au titre du compte joint et du prêt à un ami. Il sera confirmé pour le surplus, aucun moyen d'appel ne permettant de le remettre en cause.

L'équité ne commande pas qu'il soit fait application de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française. La solution de l'appel motive le partage des dépens.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière familiale et en dernier ressort ;

En la forme, déclare l'appel recevable ;

Met hors de cause [H] [D] ;

Déclare irrecevables comme étant nouvelles en cause d'appel les demandes de [W] [C] de :

-Condamner Monsieur [D] à payer à Madame [C] la somme de 23 147 500 CFP à titre de provision à valoir sur sa part de moitié du prix de vente des biens indivis ;

-Condamner Monsieur [D] à payer à Madame [C] la somme d'un million à titre de dommages-intérêts ;

-Dire qu'il sera procédé aux opérations de compte et liquidation de l'indivision ayant existé entre Monsieur [D] et Madame [C] ;

En conséquence,

Constater qu'au titre de l'actif Monsieur [D] et Madame [C] disposent d'une créance de 25.000.000 CFP ;

Constater qu'au titre du passif Monsieur [D] et Madame [C] sont redevables envers la CASDEN d'une somme de 40.000.000 CFP ;

Constater que le déficit net de l'indivision s'élève à la somme de 15.000.000 CFP ;

Constater que la part de chacun des indivisaires dans le déficit est de 7 500 000 CFP ;

Attribuer à Monsieur [D] l'intégralité de l'actif indivis constitué par la- créance détenue à l'encontre de Monsieur [M] à hauteur de 25 000.000 CFP, à charge pour lui d'assumer le passif à concurrence de 32 500 000 CFP ;

Dire que Madame [C] contribuera au passif à hauteur de la somme de 7 500 000 CFP correspondant à sa part dans le déficit indivis ;

Au fond, confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté [W] [C] de ses demandes au titre du compte joint et du prêt à un ami ;

Statuant à nouveau de ce chef,

Vu les articles 815-8 et 815-12 du code civil,

Fait injonction à [B] [D] d'établir ou de faire établir à ses frais un compte de gestion de l'indivision existant entre lui et [W] [C] comprenant les rubriques suivantes à compter du début de l'indivision :

-toutes les recettes et dépenses relatives à la gestion du ou des biens indivis, notamment : fruits et revenus de toute nature encaissés par le gérant (revenus de valeurs mobilières, loyers, intérêts, bénéfices d'exploitation, etc.) et les capitaux perçus ; prix de vente de bien indivis ; remboursement de créances au profit de l' indivision ; et toutes les sommes déboursées dans le cadre de la gestion du bien : paiement des impôts, des charges diverses (par exemple, charges de copropriété), réparations, assurances, frais d'exploitation ;

-spécialement, les charges et les revenus des prêts et des baux consentis avec les fonds indivis déposés sur les comptes bancaires joints ouverts aux noms des deux concubins ;

-spécialement, l'énoncé des diligences accomplies pour le recouvrement des créances de l'indivision et des voies d'exécution des sûretés les garantissant ;

Fait injonction à [B] [D] d'annexer à ce compte les pièces justificatives des opérations inscrites, ou une explication motivée de l'absence de pièces justificatives ;

Fait injonction à [W] [C] de remettre à [B] [D] une copie lisible de tous les documents justificatifs et relevés bancaires en sa possession concernant les fonds et les biens indivis ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;

Rejette toute autre demande ;

Rappelle aux parties que la cour n'est plus saisie après le prononcé de l'arrêt, et qu'il leur appartient d'agir ainsi qu'elles aviseront devant les juridictions du tribunal de première instance qui sont compétentes en matière soit de gestion, soit de liquidation et partage de l'indivision ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens de première instance et d'appel, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 409 du Code de procédure civile de la Polynésie française.

Prononcé à Papeete, le 9 mars 2023.

Le Greffier, Le Président,

M. SUHAS-TEVERO G. RIPOLL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Papeete
Formation : Cabinet d
Numéro d'arrêt : 20/00094
Date de la décision : 09/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-09;20.00094 ?
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