N° 14
CT
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Copie exécutoire
délivrée à :
- Me [B],
le 23.02.2023.
Copie authentique
délivrée à :
- Me Marchand,
le 23.02.2023.
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D'APPEL DE PAPEETE
[Adresse 2]
Audience du 23 février 2023
RG 21/00027 ;
Décision déférée à la Cour : jugement n° 62, Rg n° 19/00098 du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, Tribunal Foncier de la Polynésie française du 26 février 2021 ;
Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 28 avril 2021 ;
Appelants :
M. [YJ] [EL] [L] [HR] [E], né le 4 janvier 1973 à [Localité 4], de nationalité française, demeurant à [Localité 4] Servitude [LP], nanti de l'aide juridictionnelle n° 2021/001333 du 22 mars 2021 ;
Mme [BU] [HA] [E] épouse [WZ], née le 10 décembre 1951 à [Localité 4], de nationalité française, demeurant à [Adresse 3] ;
Représentés par Me Johan MARCHAND, avocat au barreau de Papeete ;
Intimés :
Mme [T] [K] épouse [H],née le 17 septembre 1934 à [Localité 4], de nationalité française, B.P. 4242 - 98713 [Localité 4] ;
Représentée par Me Michel ETILAGE, avocat au barreau de Papeete ;
M. [GJ] [MX] [TU] [E], né le 9 mars 1957 à [Localité 4], de nationalité française, demeurant à [Adresse 5] ;
Non comparant, assigné à personne le 30 août 2021 ;
Ordonnance de clôture du 4 juillet 2022 ;
Composition de la Cour :
La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 27 octobre 2022, devant Mme SZKLARZ, conseiller faisant fonctio de président, M. SEKKAKI, conseiller, Mme TEHEIURA, magistrat honoraire de l'ordre judiciaire aux fins d'exercer à la cour d'appel de Papeete en qualité d'assesseur dans une formation collégiale, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt contradictoire ;
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par Mme SZKLARZ, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A R R E T,
Le litige concerne une partie de la terre Vaihaputu cadastrée n° BC-[Cadastre 1] de la commune de [Localité 4] d'une superficie de 1355 m2.
Le 26 février 2021, le Tribunal Foncier de la Polynésie française section 3 a rendu le jugement suivant :
«DEBOUTE [BU] [E] épouse [WZ], [GJ] [E] et [YJ] [EL] [E] de leur demande de propriété par prescription acquisitive d'une partie de 677 m2 de la terre VAIHAPUTU cadastrée section BC n°[Cadastre 1] sise à [Localité 4] (Tahiti).
ORDONNE l'expulsion de [YJ] [EL] [E] et de tous occupants de son chef d'une partie de 677 m2 de la terre VAIHAPUTU cadastrée section BC n°[Cadastre 1] sise à [Localité 4] (Tahiti) sous astreinte de DIX MILLE FRANCS PACIFIQUE (10 000 FCP) par jour passé le délai de QUATRE MOIS à compter de la signification du présent jugement avec, si nécessaire, le concours de la force publique.
CONDAMNE in solidum [BU] [E] épouse [WZ], [GJ] [E] et [YJ] [EL] [E] à verser à [T] [K] épouse [H] la somme de CENT CINQUANTE MILLE FRANCS PACIFIQUE (150 000 FCP) au titre de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.
DEBOUTE les parties de leurs autres demandes.
CONDAMNE in solidum [BU] [E] épouse [WZ], [GJ] [E] et [YJ] [EL] [E] aux dépens et AUTORISE le cas échéant la SELARL JURISPOL à recouvrer directement contre eux ceux des dépens dont elle aura fait l'avance sans avoir reçu provision.»
Par requête enregistrée au greffe de la cour d'appel de Papeete le 28 avril 2021, [YJ] [EL] [L] [HR] [E] et [BU] [HA] [E] épouse [WZ] ont relevé appel de cette décision afin d'en obtenir l'infirmation partielle.
Dans leurs dernières conclusions récapitulatives, ils présentent à la cour les demandes suivantes :
«Infirmer le jugement du 26 février 2021 rendu par le Tribunal foncier de la Polynésie française en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté Mme [K] épouse [H] de sa demande d'indemnité d'occupation ;
Statuant à nouveau,
Rejeter toutes les demandes de Mme [K] ;
Dire que Mme [BU] [E], M. [GJ] [E] et M. [EL] [E] sont propriétaires par prescription acquisitive de la parcelle de terre, d'une superficie de 677 m2, qu'ils occupent et qui dépend de la terre VAIHAPUTU, située à [Localité 4], d'une superficie globale de 1355 m2, cadastrée section BC [Cadastre 1] ;
Ordonner un transport sur les lieux et une enquête afin de déterminer l'occupation de la famille [E] et la prescription invoquée;
Subsidiairement,
Vu les dispositions de l'article 555 du code civil,
Dire que Mme [H] devra indemniser Mme [BU] [E], M. [GJ] [E] pour les constructions et aménagements réalisés sur la propriété ;
Ordonner une expertise judiciaire pour déterminer le coût des matériaux et de la main d''uvre des constructions édifiées par les consorts [E] ou la valeur dont le fonds a augmenté ;
Dire que les frais d'expertise seront pris en charge par l'aide juridictionnelle ;
Réserver la demande d'indemnisation dans l'attente du rapport d'expertise ;
Dire que les consorts [E] bénéficient d'un droit de rétention sur les constructions jusqu'au règlement de l'indemnité qui leur sera allouée ;
A titre très subsidiaire, dans le cas où la Cour confirmerait l'expulsion de M. [YJ] [E], dire qu'il bénéficiera d'un délai de 6 mois pour libérer les lieux à compter de la signification de la décision à intervenir ;
Condamner Mme [H] aux dépens de l'instance».
Ils soutiennent que «les demandeurs de première instance ont toujours occupé la parcelle litigieuse et avant eux leurs parents et grands-parents, ainsi que leur arrière-grand-père» ; qu' «ils se sont toujours comportés en propriétaire» et qu' «ainsi, la terre a été occupée par [J] [E], né le 1er octobre 1927 et décédé le 18 juin 1989 et par son épouse [S] [E], née le 7 juin 1925 et décédée le 3 janvier 2017» ; que «le Tribunal a écarté les attestations produites en les estimant insuffisantes pour prouver l'usucapion au vu du lien de parenté, de l'identité de certains attestants et des requérants, ou de leurs parents, ou grand-parent du caractère imprécis de la plupart des attestations» alors qu'il n'en a pas prononcé la nullité et que «les attestations apportaient des éléments suffisants pour permettre l'organisation d'une enquête ou transport sur les lieux» ; que la demande de permis de construire de 1987 prise en considération par le tribunal foncier de la Polynésie française était étrangère au litige puisqu'elle ne concernait pas les lieux occupés par [YJ] [E], la terre ayant déjà été partagée ; que des éléments complémentaires sont versés en appel ; que le tribunal a retenu une attestation de [RT] [H] émanant d'une personne possédant un lien de parenté avec l'intimée qui «fait seulement état de propos prétendument dits par la défunte [S] [E]» et qu'il «va retenir également une prétendue autorisation temporaire dont aucune preuve n'a été versée et qui est contestée» ; que «le jugement sera nécessairement infirmé puisqu'au vu des éléments déjà versés et de l'occupation non contestée depuis plus trente ans ainsi que la présence incontestable d'une maison ancienne, le tribunal aurait dû faire droit à la demande d'enquête»; que la parcelle de terre a été occupée à titre de propriétaire «puisque l'exploitation a été complète tant par des constructions que par des plantations tout en étant paisible» ; subsidiairement, que «l'article 555 du code civil ne distingue pas entre les anciens et les propriétaires actuels» et que, s'agissant de l'indemnité d'occupation, «Mme [K] ne produit pas d'élément ni ne critique la motivation retenue par le premier juge».
Les prétentions de [T] [K] épouse [H] sont les suivantes :
«Voir dire l'appel mal fondé et débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes ;
Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf celles ayant débouté l'intimée de sa demande d'indemnité,
Voir infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté l'intimée de ses demandes de démolition de la maison et d'indemnité d'occupation illicite;
En conséquence,
Statuant à nouveau sur ces points,
Voir ordonner la démolition de la maison occupée par M. [YJ] [EL] [E] et toutes personnes de son chef, dire que celui-ci devra y procéder et ce, sous astreinte de 100 000 FCFP par jour de retard passé le délai de deux mois après signification de l'arrêt à intervenir et au besoin également avec le concours de la force publique ;
Voir condamner in solidum Mme [S] [E] et son fils M. [YJ] [EL] [E] à payer à Mme [T] [K] une indemnité pour privation de jouissance de 9 275 000 FCFP pour compter du décès de Mme [S] [O], dernière survivante, survenu le 3 janvier 2017 jusqu'au 1er février 2022, date provisoirement arrêtée.
Voir condamner in solidum les appelants à payer à Mme [K] épouse [H] [T] la somme de 250 000 FCFP au titre de l'article 407 du Code de Procédure Civile.
Voir condamner in solidum les appelants à payer les entiers dépens de la procédure.»
Elle expose qu'elle «est propriétaire'du lot cadastré BC n°[Cadastre 1] d'une superficie de 13a39ca dépendant de la terre VAIHAPUTU sise à [Localité 4] selon titre de propriété sous seing privé en date du 31 mars 1954 transcrit à la conservation des hypothèques de [Localité 4] le 22 mai 1954' » ; qu'elle a acquis ce bien de [MG] [K] [E], sa tante qui l'a élevée ; qui l'avait elle-même acquise le 10 février 1925 de [Y] [NN] [VB] et qui l'a partagée «selon le plan dressé par M. [N], géomètre, le 26 avril 1927, en deux lots, un lot n°1 d'une superficie de 25a21ca65 et un lot n°2 d'une superficie de 13a39ca50, objet du présent litige» ; que, lors de la vente, sa mère, [F] [K] [E] épouse [G] [OV] «avait autorisé verbalement les grands- parents des appelants, [J] [E] et son épouse [S] [O], en raison des liens de parenté existant entre les [E] et les [K] à occuper gracieusement cette terre sur laquelle ils ont construit une maison» ; que, sa mère, le 24 février 1961, puis elle-même,
le 24 mai 1988, ont obtenu un permis de construire respectivement une maison de repos et une maison d'habitation «sans opposition des consorts [E]-[O] puisque ceux-ci sont des détenteurs précaires autorisés» ; qu'elle est inscrite au rôle de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères au titre de la maison d'habitation ; que «la maison construite par [AO] [E] époux de [D] [OV], né le 18/09/1897, marié le 8/7/ 1922 et décédé le 22/1/1975, puis occupée par son fils [J] [E] époux de [S] [O], né le 1/10/1927, marié le 22/6/1983 et décédé le 18/6/1989, est actuellement occupée par [YJ] [EL] (petit-fils de [J]) » et qu'étant âgée de 86 ans, elle souhaite «reprendre la totalité de son terrain pour en faire bénéficier ses enfants et petits-enfants librement».
Elle fait valoir que les appelants ne rapportent pas la preuve de ce que leur occupation l'a été à titre de propriétaire, aucune des attestations versées aux débats ne mentionnant cette circonstance ; que «leurs déclarations selon lesquelles «ils se sont toujours comportés en propriétaire»'ne peuvent revêtir aucune valeur probatoire» puisqu' « il n'est pas possible de se donner à soi-même des preuves» ; qu' «en 1932, date du début de l'occupation, le bien était déjà la propriété de Mme [MG] [K] [E] (depuis 1925)'» ; que [J] [E] et son épouse [S] [O] ont été autorisés verbalement par sa mère «à occuper les lieux jusqu'à leur décès pour des raisons familiales évidentes» ; que ce fait est attesté par [RT] [H], sa belle-fille et que «les appelants se contentent de mettre en doute la véracité de ce témoignage sans le combattre» ; qu'ils «ne revendiquent que 677 m2 sur les 1355 m2 du lot cadastré BC [Cadastre 1]'» ; qu'ils n'ignorent pas sa qualité de propriétaire «étant donné les liens familiaux très proches existant entre les parties et'leur cohabitation sur le même terrain» ; que ces liens de parenté expliquent pourquoi ils ne se sont pas opposés en 1987 à son installation sur la terre acquise en 1954 ; qu'en raison des «acquisitions'nécessairement survenues au vu et au su des occupants de la terre», «des liens familiaux avérés et des actes d'occupation des propriétaires en titre, les consorts [E] ne peuvent sérieusement soutenir que leur possession l'a été et l'est à titre de propriétaires».
Elle ajoute que les appelants «ne se prévalent pas de la possession de leur auteur [AO] [E] mais uniquement de celle de son fils [J] [E]» et qu'à supposer que l'occupation de la terre ait commencé en 1932, celle-ci a nécessairement pris fin en 1975, date du décès de [AO] [E] ; que la possession de [J] [E] décédé en 1989 est évoquée dans «des témoignages sujets à caution» ([Z] [N], [P] [TD], [FT] [O]-[ZA], [J] [O] et [YG] [IH] née [X]) ; que sous réserve de leur recevabilité, aucune des 4 nouvelles attestions produites par les appelants n'indique une occupation à titre de propriétaire et que le document concernant une vente en 1932 par [W] [W] [FC] à [AO] [E] «est totalement inopérant dès lors que l'on ignore la localisation de la maison et de la cuisine vendue» ; que, par ailleurs, seul [YJ] [EL] occupe les lieux litigieux ; que la maison dans laquelle il demeure «est dans un état extrême de délabrement ne justifiant aucune indemnisation et aucune expertise préalable» ; que «les appelants n'en sont pas les constructeurs»; que «la date de la construction n'est pas établie (avant ou après l'acquisition de 1954 par [T] [K])» et qu'en tout état de cause, les appelants devront prendre en charge les frais d'expertise ;
qu'enfin, à compter du décès de [S] [O] survenu le 3 janvier 2017, elle «s'est trouvée privée de la jouissance de son terrain du fait de l'occupation illicite de M. [E] [YJ] [EL]» et qu'elle «propose d'évaluer l'indemnité à raison de 5000 FCP par jour'pour une superficie de terrain revendiquée de 677 m2, soit un peu plus de 7 FCFP le M2».
[GJ] [MX] [TU] [E] n'a pas comparu bien que régulièrement assigné à personne.
La présente décision sera donc rendue contradictoirement.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 juillet 2022.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la recevabilité de l'appel :
La recevabilité de l'appel n'est pas discutée et aucun élément de la procédure ne permet à la cour d'en relever d'office l'irrégularité.
Sur la prescription acquisitive :
La présente instance a été introduite après l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile dont l'article 2 a complété le livre III du code civil par un titre XXI intitulé : «De la possession et de la prescription acquisitive».
Toutefois, l'article 25 IV de ladite loi n'a pas rendu l'article 2 susvisé applicable en Polynésie française.
En vertu du principe de spécialité législative, la cour se référera en l'espèce aux articles anciens du code civil, précision faite que le délai de prescription acquisitive en matière immobilière demeure le même (30 ans) et que la rédaction des articles 2229 et 2235 anciens du code civil est identique à celle des articles 2261 et 2265 du code civil résultant de la loi du 17 juin 2008.
L'article 2262 ancien du code civil dispose que :
«Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d'en rapporter un titre, ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi.»
L'article 2229 ancien du code civil dispose que :
«Pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire.»
L'article 2235 ancien du code civil dispose que :
«Pour compléter la prescription, on peut joindre à sa possession celle de son auteur, de quelque manière qu'on lui ait succédé, soit à titre universel ou particulier, soit à titre lucratif ou onéreux.»
Le tribunal foncier de la Polynésie française a pertinemment rappelé qu'il appartient aux appelants de rapporter la preuve d'une possession répondant aux conditions légales ainsi que de justifier d'actes manifestant l'intention du possesseur de se comporter en véritable propriétaire et de nature à ne pas faire douter de cette qualité.
Pour justifier leur revendication d'une partie de la terre Vaihaputu cadastrée n° BC-[Cadastre 1] par prescription acquisitive, [YJ] [EL] [E] et [BU] [E] épouse [WZ] versent aux débats l'attestation de [A] [E], celle de [Z] [N], celle de [J] [L] [O], celles de [YG] [IH] née [X], celle de [U] [VS], celle de [C] [VS], celles de [P] [TD], celle de [FT] [O]-[ZA], celle de [R] [XP] et celle de [OE] [HA] [V].
[A] [E] «certifie que la famille [E] [AO] s'est installé sur la terre [LP] en 1932 jusqu'à présent» sans rapporter de faits d'occupation et alors qu'il est né en 1933 et qu'il habite [I].
[Z] [N] affirme avoir «toujours vu» la famille [E] sur la terre Vaihaputu alors qu'elle n'habite pas [Localité 4] et ne précise pas les circonstances dans lesquelles elle aurait constaté que [AO] [E] et son fils [J] [E] auraient construit sur le terrain litigieux.
[J] [O] n'invoque aucun acte d'occupation de ce terrain par les époux [E] et leur petit fils [EL].
Si [YG] [IH] souligne que, en 1956, [EL] [E] et ses grands parents [J] et [S] [E] étaient installés sur la terre Vaihaputu où étaient implantés des arbres, elle ne fournit aucun détail sur la mise en valeur de la parcelle et le caractère de l'occupation.
Si [U] [VS], [C] [VS] et [P] [TD] attestent que [EL] [E] a, depuis sa naissance, vécu paisiblement avec ses grands-parents sur la terre Vaihaputu, ils ne font état d'aucun comportement, en ce qui concerne notamment la maison d'habitation et les plantations, démontrant que les consorts [E] se conduisaient en propriétaires des lieux occupés par eux.
[FT] [O]-[ZA] se contente d'indiquer que [EL] [E] et ses grands parents «ont toujours habité à [Localité 4], quartier [LP] terre Vaihaputu» sans expliquer ses allégations.
[R] [XP] expose qu'il a été le compagnon de la mère de [EL] [E] en 1973 et que celui-ci a vécu paisiblement depuis sa naissance avec sa famille sur la terre Vaihaputu.
Ses considérations sur le début de l'occupation de la terre et l'auteur des plantations ne sauraient être prises en considération puisqu'elles portent sur une période antérieure à 1973 dont il n'a pu avoir personnellement connaissance.
[OE] [HA] [V] n'a pas pu non plus avoir une connaissance personnelle de la date de construction de la maison familiale qu'elle fixe en 1932 alors qu'elle est née en 1956.
Et si elle atteste que [EL] [E] a toujours habité sur la terre litigieuse, elle ne précise pas le caractère de son occupation.
Enfin, la fiche de renseignement concernant le contrat d'abonnement passé par [J] [E] avec l'EDT ne possède pas de valeur probante puisque le titulaire d'un tel contrat n'est pas obligatoirement le propriétaire.
Dans ces conditions, les pièces produites par [YJ] [EL] [E] et [BU] [E] épouse [WZ], en raison de leur importante imprécision et de ce que, pour la plupart, elles ne décrivent pas des faits personnellement constatés par l'attestant, ne sont pas susceptibles de rapporter la preuve d'actes manifestant l'intention du possesseur de se comporter en véritable propriétaire, ni de rendre vraisemblables de tels actes, ce qui aurait pu justifier une enquête sur les lieux.
Et elles le sont d'autant moins à la lecture de celles versées aux débats par [T] [K] épouse [H].
En effet, par acte sous seing privé du 10 février 1925 transcrit à la conservation des hypothèques de [Localité 4] le 14 février 1925, la terre Vaihaputu d'une superficie de 38 ares environ est devenue la propriété de [MG] [M] [K] [E] pour l'avoir acquise de [Y] [NN] [VB].
Après partage de cette terre en 2 lots en 1927, [MG] [K] [E] a, par acte sous seing privé du 31 mars 1954 transcrit le 22 mai 1954 à la conservation des hypothèques de [Localité 4], vendu le lot 2 d'une superficie de 13a 39ca15 à sa nièce, [T] [K] épouse [H] qui était alors mineure.
Par ailleurs, le 25 juin 1987, l'intimée a obtenu un permis de construire une maison d'habitation concernant le lot n°2 de la terre Vaihaputu et donc la totalité de la parcelle dont elle est propriétaire depuis 1954.
Enfin, le 24 avril 2019, elle a fait signifier à [YJ] [EL] [E] une mise en demeure de quitter les lieux litigieux.
Il est ainsi établi que la parcelle revendiquée par les appelants a toujours été la propriété par titre de personnes qui ne s'en sont jamais désintéressées.
En outre, les éléments versés aux débats font ressortir que la présence sur la terre Vaihaputu de la famille des appelants peut s'expliquer par les liens familiaux unissant les parties et une tolérance des propriétaires par titre quant à l'occupation des consorts [E].
En effet, [MG] [K] [E] est la soeur de [F] [K] [E] qui représentait sa fille mineure, [T] [K] épouse [H], au moment de l'acte de vente de 1954.
[MG] et [F] [K] [E] sont les filles de [UK] [K] [E] qui elle-même est la s'ur de [AO] [BL] [E] qui est le père de [J] [E] qui est lui-même le père de [GJ] [MX] [TU] [E] et de [BU] [HA] [E] épouse [WZ] qui est elle-même la mère de [YJ] [EL] [E].
Dans ces conditions, le jugement attaqué sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes d'usucapion et de mesure d'instruction formées par les appelants.
Sur l'expulsion de [YJ] [EL] [E] :
[YJ] [EL] [E] occupe sans droit ni titre une partie de la terre Vaihaputu, ce qui justifie la demande d'expulsion de [T] [K] épouse [H].
En conséquence, [YJ] [EL] [E] ainsi que tous occupants de son chef devront avoir quitté une partie de 677 m2 de la terre VAIHAPUTU cadastrée section BC n°[Cadastre 1] sise à [Localité 4] (Tahiti) dans le délai de six mois à compter de la signification du présent arrêt, sous peine, passé ce délai, d'une astreinte de 10 000 FCP par jour de retard pendant six mois à l'issue desquels il sera éventuellement à nouveau statué.
Passé le délai de six mois à compter de la signification du présent arrêt, il pourra être procédé à l'expulsion de [YJ] [EL] [E] ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef, avec l'aide de la force publique, si besoin est.
Sur l'article 555 du code civil :
Il résulte de l'article 555 du code civil que :
- lorsqu'un tiers de mauvaise foi a fait des plantations, des constructions et/ou des ouvrages sur un fonds, le propriétaire dudit fonds a le droit, soit d'en conserver la propriété, soit d'obliger le tiers à les enlever ;
- le propriétaire doit verser une indemnité, soit s'il conserve les plantations, constructions et/ou ouvrages réalisés par le tiers de mauvaise foi, soit si le tiers est de bonne foi.
Il est de jurisprudence constante que le terme «tiers de bonne foi» ne vise que celui qui possède comme propriétaire en vertu d'un titre translatif de propriété dont il ignore les vices.
Or, les appelants n'ont pas produit d'acte translatif de propriété et, ainsi qu'il l'a été ci-dessus constaté, la possession qu'ils invoquent ne remplit pas les conditions légales permettant une prescription acquisitive.
Ils ne peuvent, dans ces conditions, être considérés comme un tiers de bonne foi et le jugement attaqué sera confirmé en qu'il a rejeté la demande d'indemnité fondée sur l'article 555 du code civil .
Il sera également confirmé en ce qu'il n'a pas ordonné la suppression de la maison d'habitation puisque l'imprécision tant des attestations versées aux débats que des écritures des parties ne permet de déterminer ni la date de la construction, ni le constructeur.
Sur l'indemnité d'occupation :
[T] [K] épouse [H] ne justifie pas du préjudice qu'elle prétend subir du fait de l'indisponibilité de son terrain et elle ne fournit aucun élément permettant de déterminer le prix locatif de la terre Vaihaputu.
La demande d'indemnité d'occupation doit ainsi être rejetée.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'intimée la totalité de ses frais irrépétibles d'appel et il doit donc lui être alloué la somme de 150 000 FCP, sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.
La partie qui succombe doit supporter les dépens.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
Déclare l'appel recevable ;
Confirme le jugement rendu le 26 février 2021 par le Tribunal Foncier de la Polynésie française section 3, sauf en ses dispositions relatives à l'expulsion de [YJ] [EL] [E] ;
L'infirmant sur ce point,
Dit que [YJ] [EL] [E] ainsi que tous occupants de son chef devront avoir quitté une partie de 677 m2 de la terre VAIHAPUTU cadastrée n° BC-[Cadastre 1] de la commune de [Localité 4] dans le délai de six mois à compter de la signification du présent arrêt, sous peine, passé ce délai, d'une astreinte de 10 000 FCP par jour de retard pendant six mois à l'issue desquels il sera éventuellement à nouveau statué ;
Dit que, passé le délai de six mois à compter de la signification du présent arrêt, il pourra être procédé à l'expulsion de [YJ] [EL] [E] ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef, avec l'aide de la force publique, si besoin est ;
Dit que [YJ] [EL] [E] et [BU] [E] épouse [WZ] doivent verser à [T] [K] épouse [H] la somme de 150 000 FCP, sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
Rejette toutes autres demandes formées par les parties ;
Dit que [YJ] [EL] [E] et [BU] [E] épouse [WZ] supporteront in solidum les dépens d'appel qui seront recouvrés aux formes de l'aide juridictionnelle.
Prononcé à Papeete, le 23 février 2023.
Le Greffier, Le Président,
signé : M. SUHAS-TEVERO signé : K. SZKLARZ