N° 11
KS
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Copies exécutoires
délivrées à :
- Me Lollichon-Barle,
- Me Wong Yen,
- Greffe Foncier PF,
le 09.02.2023.
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D'APPEL DE PAPEETE
Chambre des Terres
Audience du 9 février 2023
RG 22/00005 ;
Décision déférée à la Cour : jugement n° 286, rg n° 18/00255 du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, Tribunal Foncier de la Polynésie française, du 4 novembre 2021 ;
Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 25 janvier 2022 ;
Appelants :
Mme [RE], [L] [Z] veuve [LV], née le 2 décembre 1930 à Papeete, de nationalité française, demeurant à [Adresse 4] ;
Mme [P], [M] [LV] épouse [XA], née le 17 avril 1954 à [Localité 2], de nationalité française, demeurant à [Adresse 1] ;
M. [VG], [H], [ZI], [JM] [LV], né le 25 août 1959 à [Localité 2], de nationalité française, demeurant à [Adresse 3] ;
Représentés par Me Jean-Claude LOLLICHON-BARLE, avocat au barreau de Papeete ;
Intimés :
M. [UZ] [SY], né le 29 novembre 1961 à Tikehau, de nationalité française, demeurant à [Adresse 8] ;
Mme [DY] [SY] épouse [VN], née le 10 avril 1963 à Tikehau, de nationalité française, demeurant à [Adresse 10] ;
Mme [AL] [OD] [SY] épouse [KB], née le 5 février 1965 à [Localité 2], de nationalité française, demeurant à [Adresse 5] ;
M. [RT] [V] [SY], né le 12 février 1967 à [Localité 2], de nationalité française, demeurant à [Adresse 7] ;
Mme [OK] [E] [LN] [SY], née le 13 mai 1969 à [Localité 2], de nationalité française, demeurant à [Adresse 9] ;
M. [J] [FZ] [SY], né le 31 mars 1977 à [Localité 2], de nationalité française, demeurant à [Adresse 6] ;
Ayant pour avocat la Selarl Chansin-[ZP], représentée par Me Stéphanie WONG-YEN, avocat au barreau de Papeete ;
Ordonnance de clôture du 4 juillet 2022 ;
Composition de la Cour :
La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 27 octobre 2022, devant Mme SZKLARZ, conseiller faisant fonction de président, M. SEKKAKI, conseiller, Mme TEHEIURA, magistrat honoraire de l'ordre judiciaire aux fins d'exercer à la cour d'appel de Papeete en qualité d'assesseur dans une formation collégiale, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt contradictoire ;
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par Mme SZKLARZ, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A R R E T,
FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS :
Entre 1985 et 1988, les époux [X] et [RE] [LV] ont contracté plusieurs emprunts hypothécaires par actes passés par devant Maitre [XH] [G], notaire à [Localité 2], qui délivrait des titres de créance exécutoires sous forme de «grosse au porteur». Des poursuites de saisie immobilière ont ensuite été engagées par plusieurs créanciers des époux [LV] sur le fondement de ces actes notariés d'emprunts hypothécaires.
Par jugements rendus les 18 août et 29 septembre 1993, Monsieur [I] [SY] a été respectivement adjudicataire des biens suivants :
' GROUPE B, pour le prix de dix millions cent mille francs (10.100.000 F. CFP) comprenant :
Les immeubles ci-après désignés, situés à VAIRAO, savoir :
$gt; LOT 6 : La terre [IA], d'une superficie de 56a 22ca,
$gt; LOT 7 : La terre VAIPINAI, d'une superficie de 79a 60ca,
$gt; LOT 8 : La terre TERUAOTU, d'une superficie de 3ha 27a 05ca,
$gt; LOT 10 : La terre TEAHORO, d'une superficie de 4ha 38a 80ca,
$gt; LOT 12 : La terre RAITIA (dite VAIOU) d'une superficie de 4ha 52a 80ca,
$gt; LOT 13 : La terre [MC], d'une superficie de 3ha 43a 60ca,
$gt; LOT 14 : La terre TENUIUHIHIKUA, d'une superficie de 36a 20ca,
Et les constructions y édifiées ;
' GROUPE A, pour le prix de sept millions sept cent mille francs (7.700.000 F.CFP) comprenant les immeubles ci-après désignés, situés à [Localité 12], savoir :
$gt; LOT 9 : Les vallées HAAPITI, VÀIHAU ou VAIOU, le tout d'un seul ensemble, d'une superficie indéterminée ;
$gt; LOT 11 : La montagne RAITUPU, d'une superficie de 2ha 58a 32ca.
Poursuivi en justice, Maître [XH] [G], le notaire ayant délivré les titres de créance exécutoires qui ont basé les saisies immobilières, a été relaxé des chefs de la poursuite par jugement du Tribunal correctionnel de Paris en date du 2 juin 1998.
Cependant, la Cour d'appel de Versailles, en son arrêt en date du 14 novembre 2001 limité à l'action civile, a jugé que les éléments constitutifs des délits d'exercice illégal de la profession de banquier et de faux en écriture authentique sont réunis à l'encontre de M. [G]. Les consorts [LV] étaient constitués partie civile devant la Cour d'appel de Versailles. Leur constitution de partie civile a été déclarée recevable mais la Cour a constaté que les parties civiles, dont les époux [LV], ne justifient pas d'un préjudice découlant directement des infractions.
Les consorts [LV] ont alors agi en justice afin de voir prononcer la nullité des différents jugements d'adjudications aux termes desquels leur entier patrimoine avait été cédé à différents adjudicataires dont Monsieur [I] [SY].
Par requête reçue au greffe le 30 octobre 2018, [L], [P] et [VG] [LV] ont saisi le tribunal de première instance de Papeete aux fins de voir :
- Prononcer l'annulation des jugements d'adjudications des 18 août 1993 et 29 février 1994 ;
- Constater que Madame [L] [LV] née [Z], Madame [P] [LV] et Monsieur [VG] [LV] demeurent propriétaires et ont droit à la restitution des terres et biens suivants, adjugés par les jugements précités à feu [I] [SY] ;
- Dire et juger que les Consorts [LV] restent propriétaires des terres et biens suivants :
Les immeubles ci-après désignés, situés à VAIRAO, savoir :
$gt; LOT 6 : La terre [IA], d'une superficie de 56a 22ca,
$gt; LOT 7 : La terre VAIPINAI, d'une superficie de 79a 60ca,
$gt; LOT 8 : La terre TERUAOTU, d'une superficie de 3ha 27a 05ca,
$gt; LOT 10 : La terre TEAHORO, d'une superficie de 4ha 38a 80ca,
$gt; LOT 12 : La terre RAITIA (dite VAIOU) d'une superficie de 4ha 52a 80ca,
$gt; LOT 13 : La terre [MC], d'une superficie de 3ha 43a 60ca,
$gt; LOT 14 : La terre TENUIUHIHIKUA, d'une superficie de 36a 20ca,
Et les constructions y édifiées ;
Ainsi que Les immeubles ci-après désignés, situés à [Localité 12], savoir :
$gt; LOT 9 : Les vallées HAAPITI, VÀIHAU ou VAIOU, le tout d'un seul ensemble, d'une superficie indéterminée ;
$gt; LOT 11 : La montagne RAITUPU, d'une superficie de 2ha 58a 32ca ;
- Ordonner la transcription du jugement à intervenir sur le compte des demandeurs et des défendeurs à la Conservation des Hypothèques de [Localité 2] ;
- Dire et juger que les défendeurs, à savoir Monsieur [S] [HL] [SY], Madame [NW] [SY], Monsieur [K] [DR] [SY] et Monsieur [C] [HL] [SY] devront libérer de corps, biens et famille et de toutes personnes y présentes de leur chef ou de celui de leur auteur, les lots 6 â 14 précités et les lots 9 et 11 précités dans un délai de deux mois à compter de la signification du jugement à intervenir et pour chacun sous une astreinte de 30 000 FCFP par jour de retard ;
- Dire et juger que passé ce délai les consorts [LV] pourront requérir le concours de la force publique aux fins d'expulsion des occupants ;
- Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;
- Renvoyer les défendeurs à se pourvoir aux fins de recouvrement des fonds que feu [I] [SY] a consacrés à ses achats ;
- Condamner solidairement les défendeurs à payer aux consorts [LV] la somme de 81.250.000 francs à titre d'indemnité d'occupation des lots précités ;
- Condamner in solidum les défendeurs à payer aux requérants la somme de 600.000 francs au titre des frais irrépétibles ;
- Subsidiairement et en cas d'expertise allouer aux requérants sur l'indemnité d'occupation une provision de 20.000.000 francs à la charge solidaire des défendeurs et donner acte aux consorts [LV] de ce qu'ils se réservent le droit d'augmenter leurs demandes d'indemnité d'occupation.
Les consorts [LV] ont exposé que [X] [LV], leur époux et père décédé, a subi des ventes sur saisie immobilière dans un cadre juridique corrompu lesquelles ventes sur saisie ayant porté sur leur entier patrimoine, qui a ainsi été vendu en quatorze lots ; qu'une première procédure a abouti à l'annulation des ventes sur saisie en ce qu'elles portaient sur les lots 1 à 5 par arrêt de la Cour d'Appel du 14 juin 2018, ce premier procès ayant apposé les requérants à d'autres adjudicataires ; que feu [I] [SY] dont les héritiers sont les défendeurs, avait quant à lui porté les enchères d'abord sur les lots 6, 7, 8, 10,12, 13 et 14, devenant ainsi adjudicataire desdits lots.
Les consorts [LV] ont précisé que des dires avaient été déposées pour qu'il soit sursis à statuer à la poursuite immobilière et à la vente par adjudication dans l'attente de la fin de l'information judiciaire alors en cours ; qu'en effet les jugements d'adjudication dont ils réclament la nullité sont intervenus dans un contexte de notoriété publique, d'activité illicite de banque et de fraude menée par le notaire feu [XH] [G], sanctionné par un arrêt pénal de la Cour d'appel de Versailles en date du 14 novembre 2001 qui a condamné le notaire [G] pour exercice illégal de la profession de banquier et pour faux en écriture authentique.
Les consorts [LV] se sont opposés à l'appel en cause des créanciers aux jugements d'adjudication aux motifs qu'il a été jugé que les prétendus créanciers étaient fictifs et n'apparaissaient dans les actes que parce que ces actes constituaient des faux en écritures authentiques.
Les consorts [LV] ont également soutenu en réponse aux défendeurs que la prescription acquisitive décennale ne peut s'appliquer en l'espèce car elle ne trouve à s'appliquer qu'en cas de vente a non domino. Ils ont également souligné vivement ce qui caractérise à leur sens la mauvaise foi de [I] [SY] qui ne pouvait pas ignorer en se portant acquéreur les vices de l'adjudication. Ils en ont déduit qu'il ne peut être fait droit à la demande d'indemnité d'accession et de droit de rétention.
En défense, [UZ], [DY], [AL], [RT], [OK], [J] [SY] ont demandé au tribunal de bien vouloir :
- Enjoindre aux consorts [LV] d'appeler dans la cause les créanciers, demandeurs aux procédures de saisie immobilière ayant donné lieu aux jugements d'adjudications en date des 18 août et 29 septembre 1993 ;
- Dire et juger que les ayant droit de [I] [SY], titulaire d'un juste titre en date des 18 août et 29 septembre 1993, ont prescrit de bonne foi et pleinement la propriété des biens acquis par jugements d'adjudications en date des 18 août et 29 septembre 1993 ;
En conséquence,
- Déclarer les ayant droit de [I] [SY] propriétaires par prescription décennale des biens précités acquis par jugements d'adjudications en date des 18 août et 29 septembre 1993 ;
- Débouter les consorts [LV] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
À titre reconventionnel, Si par impossible, la présente juridiction venait à faire droit à la demande d'annulation des jugements d'adjudication des consorts [LV],
Vu l'article 555 du code civil,
- Ordonner aux créanciers saisis de restituer aux consorts [SY] les prix des adjudications en date des 18 août et 29 septembre 1993 s'élevant respectivement aux sommes de 10.100.000 F.CFP et 7.700,000 F.CFP outre les intérêts ;
- Constater que les ayant droit de [I] [SY] sont constructeurs de bonne foi ;
- Ordonner une expertise d'usage pour évaluer la valeur des constructions et améliorations réalisées par les consorts [SY] et tout ce qu'ils ont pu réaliser mettant en valeur les parcelles litigieuses ;
- Dire et juger que les consorts [SY] sont fondés à exercer un droit de rétention jusqu'à parfait paiement de leur créance ;
Si par extraordinaire la présente juridiction venait à rejeter les demandes des consorts [SY]
À titre très subsidiaire,
Vu les articles 1303 et suivants du code civil ;
- Condamner les consorts [LV] à payer aux consorts [SY] la somme de 17.800.000 F.CFP au titre de l'indemnité ;
Et en tout état de cause,
- Débouter les consorts [LV] de leur demande d'indemnité d'occupation ainsi que celle tendant à obtenir l'exécution provisoire ;
- Adjuger aux consorts [SY] l'entier bénéfice de leurs écritures ;
- Condamner solidairement les consorts [LV] à payer aux consorts [SY] la somme de 460.000 XPF au titre des frais irrépétibles ;
- Condamner les mêmes aux entiers dépens.
Les consorts [SY] ont souligné que les jugements d'adjudications litigieux ont été respectivement transcrits les 12 décembre 1993 et 2 février 1994 qu'ils sont donc opposables aux tiers dont font parties les consorts [LV] ; que dès lors, la demande en nullité formée à l'encontre de ces décisions porte nécessairement atteinte à la sécurité juridique des actes et au droit au respect des biens résultant de l'article 6 § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du premier protocole additionnel à cette convention. Ils ont précisé qu'ils occupent les terres qui ont fait l'objet des adjudications notamment les terres [FK] et [IA].
Les consorts [SY] ont également opposé aux requérants la prescription acquisitive décennale tirée de l'ancien article 2265 du code civil (article 2272) applicable en Polynésie française, [I] [SY] ayant acquis les biens saisis de bonne foi, en ce qu'il ignorait les moyens illicites employés par le notaire dans le cadre de son activité de banquier, précision étant apporté que les consorts [LV] ne peuvent valablement soutenir que l'adjudicataire n'ignorait rien des irrégularités et mettre ainsi en doute sa bonne foi, celui-ci n'étant pas partie à l'audience pénale.
Les consorts [SY] ont soutenu que [I] [SY] a acquis les biens saisis par justes titres puisqu'il a été déclaré adjudicataire par décisions de justice régulièrement publiées au bureau des hypothèques de [Localité 2] les 12 décembre 1993 et 2 février 1994.
Les consorts [SY] ont par ailleurs soutenu que les consorts [LV] ne sont nullement fondés à solliciter la condamnation des ayants droit de [I] [SY] au titre de l'indemnité d'occupation au regard précisément de l'anéantissement rétroactif de l'annulation des jugements d'adjudications, la cour de cassation ayant jugé en son arrêt du 9 juillet 2004 que le vendeur n'est pas fondé, en raison de l'effet rétroactif de l'annulation de la vente, à obtenir une indemnité correspondant à la seule occupation de l'immeuble.
Les consort [SY] ont également soutenu être constructeurs de bonne foi au sens de l'article 555 du code civil, [S] [SY] ayant construit une maison de campagne ainsi qu'un hangar pour ranger ses engins lourds sur la terre [FK], et [K] [SY] ayant construit une petite maison sur la terre [IA] ; que dès lors, dans le cas où le Tribunal devait faire droit à la demande de libération des lieux par les consorts [SY], il conviendrait préalablement de procéder à une mesure d'instruction sous la forme d'une expertise pour évaluer la valeur des constructions et améliorations réalisées par les concluants et de faire droit à leur de bénéficier d'un droit de rétention jusqu'à complet paiement de l'indemnité qui leur serait due.
Les consorts [SY] ont également mis en avant la théorie de l'apparence et à titre infiniment subsidiaire, sollicité une indemnisation au titre de l'enrichissement sans cause.
Par jugement n° RG 18/00255, n° de minute 286, en date du 4 novembre 2021, auquel la Cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions de première instance, le Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, Tribunal foncier ' section 2, a notamment dit :
- Met hors de cause le curateur aux biens et successions vacants ;
- Prononce l'annulation des jugements d'adjudications des 18 août 1993 et 29 février 1994 ;
- Constate que Madame [L] [LV] née [Z], Madame [P] [LV] et Monsieur [VG] [LV] demeurent propriétaires et ont droit à la restitution des terres et biens qui suivent, adjugés par les jugements des 18 août 1993 et 29 février 1994 à feu [I] [SY] ;
En conséquence,
- Dit que Madame [L] [LV] née [Z], Madame [P] [LV] et Monsieur [VG] [LV] restent propriétaires des terres et biens suivants :
Les immeubles ci-après désignés, situés à VAIRAO, savoir :
$gt; LOT 6 : La terre [IA], d'une superficie de 56a 22ca,
$gt; LOT 7 : La terre VAIPINAI, d'une superficie de 79a 60ca,
$gt; LOT 8 : La terre TERUAOTU, d'une superficie de 3ha 27a 05ca,
$gt; LOT 10 : La terre TEAHORO, d'une superficie de 4ha 38a 80ca,
$gt; LOT 12 : La terre RAITIA (dite VAIOU) d'une superficie de 4ha 52a 80ca,
$gt; LOT 13 : La terre [MC], d'une superficie de 3ha 43a 60ca,
$gt; LOT 14 : La terre TENUIUHIHIKUA, d'une superficie de 36a 20ca,
Et les constructions y édifiées ;
Ainsi que Les immeubles ci-après désignés, situés à [Localité 12], savoir :
$gt; LOT 9 : Les vallées HAAPITI, VÀIHAU ou VAIOU, le tout d'un seul ensemble, d'une superficie indéterminée,
$gt; LOT 11 : La montagne RAITUPU, d'une superficie de 2ha 58a 32ca ;
- Dit que les défendeurs, à savoir Monsieur [S] [HL] [SY], Madame [NW] [SY], Monsieur [K] [DR] [SY] et Monsieur [C] [HL] [SY] devront libérer de corps, biens et famille et de toutes personnes y présentes de leur chef ou de celui de leur auteur, les lots 6 à 14 précités et les lots 9 et 11 précités dans un délai de deux mois à compter de la signification du jugement à intervenir ;
- Dit n'y avoir lieu à astreinte de ce chef ;
- Ordonne la transcription du jugement à intervenir sur le compte des demandeurs et des défendeurs à la Conservation des Hypothèques de [Localité 2] ;
- Dit que l'annulation des ventes des lots adjugés par les jugements des 18 août 1993 et 29 février 1994 conduit à opérer des restitutions ayant pour objet de remettre les parties dans l'état antérieur aux cessions,
En conséquence,
- Condamne Madame [L] [LV] née [Z], Madame [P] [LV] et Monsieur [VG] [LV] à verser à [UZ], [DY], [TF], [RT], [OK] [J] [SY], les sommes acquittées par [I] [SY] lors des ventes par adjudication, soit la somme totale de 17.800.000 francs,
- Déboute Madame [L] [LV] née [Z], Madame [P] [LV] et Monsieur [VG] [LV] de leur demande tendant à voir le tribunal renvoyer les défendeurs à se pourvoir aux fins de recouvrement des fonds que feu [I] [SY] a consacrés à ses achats ;
- Déboute Madame [L] [LV] née [Z], Madame [P] [LV] et Monsieur [VG] [LV] de leur demande tendant à voir le tribunal condamner solidairement les défendeurs à payer aux consorts [LV] la somme de 81.250.000 francs à titre d'indemnité d'occupation des lots précités ;
- Déboute [UZ], [DY], [AL], [RT], [OK], [J] [SY] de leur demande tendant à voir le tribunal constater qu'ils sont constructeurs de bonne foi au sens de l'article 555 du Code civil, et ordonner préalablement à leur expulsion de procéder à une mesure d'instruction sous la forme d'une expertise pour évaluer la valeur des constructions et améliorations réalisées par les concluants ;
- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
- Dit n'y avoir lieu à appliquer les dispositions de l'article 407 du code de procédure civile ;
- Condamne [UZ], [DY], [AL], [RT], [OK], [J] [SY] aux entiers dépens.
Par requête d'appel enregistrée au greffe de la Cour le 25 janvier 2022, Madame [RE], [L] [Z] épouse [LV], Madame [P] [M] [LV] épouse [XA], et Monsieur [VG] [H] [ZI] [JM] [LV] (les consorts [LV]), ayant pour conseil Maître [N] [FS], ont interjeté appel partiellement de cette décision qui a été signifié à leurs dires dans la semaine du 15 décembre 2021.
Aux termes de leur requête d'appel, à laquelle il convient de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, les consorts [LV] demandent à la Cour de :
Par déboutement en tous points de toutes conclusions contraires,
- Confirmer le jugement du 4 novembre 2021 en ce qu'il a prononcé l'annulation des jugements d'adjudications des 18 août 1993 et 29 février 1994 ;
- Dire et juger en conséquence que Madame [L] [LV] née [Z], Madame [P] [LV] et Monsieur [VG] [LV] demeurent propriétaires et ont droit à la restitution des terres et biens suivants, adjugés par les jugements précités à feu [I] [SY] à savoir :
Les immeubles ci-après désignés, situés à VAIRAO, savoir :
$gt; LOT 6 : La terre [IA], d'une superficie de 56a 22ca,
$gt; LOT 7 : La terre VAIPINAI, d'une superficie de 79a 60ca,
$gt; LOT 8 : La terre TERUAOTU, d'une superficie de 3ha 27a 05ca,
$gt; LOT 10 : La terre TEAHORO, d'une superficie de 4ha 38a 80ca,
$gt; LOT 12 : La terre RAITIA (dite VAIOU) d'une superficie de 4ha 52a 80ca,
$gt; LOT 13 : La terre [MC], d'une superficie de 3ha 43a 60ca,
$gt; LOT 14 : La terre TENUIUHIHIKUA, d'une superficie de 36a 20ca,
Et les constructions y édifiées ;
Ainsi que Les immeubles ci-après désignés, situés à [Localité 12], savoir :
$gt; LOT 9 : Les vallées HAAPITI, VÀIHAU ou VAIOU, le tout d'un seul ensemble, d'une superficie indéterminée ;
$gt; LOT 11 : La montagne RAITUPU, d'une superficie de 2ha 58a 32ca ;
- Ordonner la restitution desdites terres et la transcription du jugement à intervenir sur le compte des demandeurs et des défendeurs à la Conservation des Hypothèques de [Localité 2].
- Condamner les consorts [SY] à libérer de corps, biens (y compris les constructions qu'ils devront démolir) et famille et de toutes personnes y présentes de leur chef ou de celui de leur auteur, les lots 6 à 14 précités et les lots 9 et 11 précités dans un délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir et pour chacun sous une astreinte de 30 000 FCFP par jour de retard ;
- Dire et juger que passé ce délai les consorts [LV] pourront requérir le concours de la force publique aux fins d'expulsion des occupants et pourront procéder aux frais desdits consorts [SY] aux démolitions, évacuation des engins et transport en décharge ;
Et, infirmant le jugement du 4 novembre 2021 pour le surplus :
- Renvoyer les consorts [SY] à se pourvoir ainsi qu'ils aviseront, et s'ils s'y estiment fondés, aux fins de recouvrement des fonds que feu [I] [SY] a consacrés à ses achats ;
- Condamner solidairement (ou subsidiairement divisément) les intimés à payer aux Consorts [LV] la somme de 81 250 000 FCFP à titre d'indemnité d'occupation des lots précités, sauf subsidiairement à condamner au paiement de la même somme au titre de l'enrichissement sans cause ;
- Condamner in solidum les intimés à payer aux requérants la somme de 600 000 F CFP au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction d'usage au profit de Maître Jean-Claude LOLLICHON-BARLE, avocat aux offres de droit ;
Subsidiairement,
- Ordonner une expertise évaluative de l'indemnité d'occupation et en ce cas, allouer aux consorts [LV] à valoir sur l'indemnité d'occupation une provision de 20 000 000 FCFP à la charge solidaire, ou conjointe, des défendeurs, et décerner acte aux Consorts [LV] de ce qu'ils se réservent en ce cas au vu du rapport, d'augmenter leurs demandes d'indemnités d'occupation.
Devant la Cour, les consorts [LV] reprennent les éléments développés devant le premier juge. Ils soutiennent que les sommes que les époux [LV] ont emprunté en l'étude de Maître [G] sont moindres que celles pour lesquelles des actes ont été frauduleusement établis par le notaire.
Les consorts [LV] soutiennent qu'il n'y a pas lieu à restitution du prix de vente car, comme l'a retenu l'arrêt [F] du 29 juillet 2010 dans une affaire opposant les consorts [LV] à un autre adjudicataire, le prix d'adjudication n'a pas servi à désintéresser le prêteur initial mais a été versé aux créanciers hypothécaires porteurs de copies exécutoires de l'acte de prêt du 30 avril 1986, en fait à [XH] [G]. Ils affirment que s'ils sont ou ont été débiteurs, c'est du banquier [G], soulignant que la Cour d'appel de Versailles en son arrêt de condamnation a retenu que « Maître [G] était devenu personnellement créancier, porteur de diverses créances à recouvrer, sinon à céder à de nouveaux prêteurs, etc.... » et qu'il ressort donc très clairement des décisions ainsi prises que les prêts furent le fait de Maître [G], banquier illicite, sous couvert d'actes faux.
Les consorts [LV] affirment que les adjudicataires ont été aussi les artisans actifs de leur propre dommage, puisqu'ils n'ignoraient rien de la situation corrompue et notoire qui leur permettait d'acquérir à ces conditions d'aubaine ; que c'est en ce sens qu'ils n'ignoraient pas les vices de leur acquisition depuis son origine, ce qui n'est pas sans conséquence ; que les adjudicataires seront donc irrecevables à solliciter quelque restitution que ce soit aux Consorts [LV] qui n'ont aucun lien de droit avec eux.
Sur la demande d'indemnité d'occupation, ils affirment que l'une des références utiles, en matière d'estimation des pertes de valeurs locatives et d'indemnités d'occupation réside dans la délibération n° 95-90 AT du 27 juin 1995, article 17 qui en matière de location impartit à la Polynésie le respect de taux à 5% au moins (et à 8% au plus) de la valeur vénale des biens du domaine privé loués par le Pays ; qu'en l'espèce, c'est une perte d'usage, une éviction des concluants qui perdure et doit être réparée comme telle ; que les possesseurs, pendant toutes ces années, sont de mauvaise foi puisqu'ils ont occupé «en vertu d'un titre translatif de propriété dont ils n'ignoraient pas les vices».
Les consorts [LV] soutiennent également que, au visa de l'article 1382 du Code Civil, et en dehors du droit des restitutions, si les parties sont remises, en cas d'annulation, en l'état où elles se trouvaient avant la vente, ceci n'exclut pas, pour la victime, l'exercice de l'action en responsabilité civile pour obtenir la réparation du préjudice qu'elle a subi ; que par suite, procédant d'abord du strict droit des restitutions (Cass. Civ. 3, 26 janvier 1994 précité, PJ 62), le droit à l'indemnité d'occupation procède de surcroît de la faute des acquéreurs, qui ont prêté leur concours et leurs deniers au dernier acte d'une activité illicite de banque et d'usage de faux, alors même que, attirés par l'aubaine, et mus par une intention opportuniste et spéculative, ils n'en ignoraient rien, ce qui est largement démontré.
Les consorts [LV] contestent vivement la motivation du premier juge en ce que le cumul des dispositions arrêtées par le premier juge se traduit par le fait que si les Consorts [LV] devaient payer ou rembourser aux consorts [SY] les fonds (prix) apportés à ces ventes et se voir en même temps débouter de leur demande d'indemnité d'occupation, les consorts [SY] bénéficieraient de la jouissance gratuite, pendant 27 ans (1994-2021) d'une propriété importante sise à [Adresse 11], presqu'île de Taravao ; et ce alors qu'ils estiment avoir rapporté la preuve de la faute des adjudicataires. À leur sens, subsidiairement, demeurerait après la destruction (par l'annulation) du contexte juridique pseudo-contractuel, le principe du bénéfice, au profit des Consorts [LV], d'une indemnité d'enrichissement sans cause pour compenser «l'enrichissement qui est résulté pour (l'adjudicataire) de la jouissance du bien sans cause juridique.»
Les consorts [LV] affirment qu'un jugement d'adjudication ne peut constituer un juste titre au sens de l'article 2265 du Code Civil, puisque la vente n'est pas faite a non domino. Ils soutiennent également que les consorts [SY] ne peuvent pas se prétendre constructeurs de bonne foi, l'héritier de l'occupant de mauvaise foi, succédant aussi dans les inconvénients de cette mauvaise foi, étant continuateur de sa personne et de ses biens ; que de plus ils n'établissent ni l'existence ni la régularité des constructions pour lesquels ils demandent à être indemnisé ; que la vente aux enchères a eu lieu sans garantie, ainsi qu'il résulte du cahier des charges, et que l'adjudicataire ne peut, non plus que ses héritiers, «prétendre à aucune garantie ni indemnité contre les vendeurs».
Par conclusions reçues par voie électronique au greffe de la Cour le 19 mai 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens, Monsieur [UZ] [SY], Madame [DY] [SY] épouse [VN], Madame [AL], [OD] [SY] épouse [KB], Monsieur [RT], [V] [SY], Madame [OK], [E], [LN] [SY], Monsieur [J], [FZ] [SY] (les consorts [SY]), représentés par la SELARL CHANSIN-[ZP] - Me [WT] [ZP], forment appel incident et demandent à la Cour de :
- Déclarer recevable l'appel incident formé par les consorts [SY] ;
Sur la demande en annulation des jugements d'adjudications,
- Infirmer le jugement du 4 novembre 2021 en ce qu'il a prononcé l'annulation des jugements d'adjudications des 18 août 1993 et 29 septembre 1993 ;
Statuant à nouveau.
Vu l'ancien article 2265 du code civil applicable en Polynésie française ;
- Enjoindre aux consorts [LV] d'appeler dans la cause Maitre [G] ou ses ayants droit, créancier aux procédures de saisie immobilière ayant donné lieux aux jugements d'adjudications en date des 18 août et 29 septembre 1993 ;
- Dire et juger que les ayants droit de [I] [SY], titulaire d'un juste titre en date des 18 août et 29 septembre 1993, ont prescrit de bonne foi et pleinement la propriété des biens acquis par jugements d'adjudications en date des 18 août et 29 septembre 1993 à savoir :
Les immeubles ci-après désignés, situés à VAIRAO, savoir :
$gt; LOT 6 : La terre [IA], d'une superficie de 56a 22ca,
$gt; LOT 7 : La terre VAIPINAI, d'une superficie de 79a 60ca,
$gt; LOT 8 : La terre TERUAOTU, d'une superficie de 3ha 27a 05ca,
$gt; LOT 10 : La terre TEAHORO, d'une superficie de 4ha 38a 80ca,
$gt; LOT 12 : La terre RAITIA (dite VAIOU) d'une superficie de 4ha 52a 80ca,
$gt; LOT 13 : La terre [MC], d'une superficie de 3ha 43a 60ca,
$gt; LOT 14 : La terre TENUIUHIHIKUA, d'une superficie de 36a 20ca,
Et les constructions y édifiées ;
Ainsi que Les immeubles ci-après désignés, situés à [Localité 12], savoir :
$gt; LOT 11 : La montagne RAITUPU, d'une superficie de 2ha 58a 32ca ;
Par conséquent,
- Déclarer les ayants droit de [I] [SY] propriétaires par prescription décennale des biens précités acquis par jugements d'adjudications en date des 18 août et 29 septembre 1993 ;
Si par impossible la présente juridiction venait à annuler les jugements d'adjudications,
Sur la restitution des biens aux consorts [LV] :
- Infirmer le jugement du 4 novembre 2021 en ce qu'il a :
' Constaté que Madame [L] [LV] née [Z], Madame [P] [LV] et Monsieur [VG] [LV] demeurent propriétaires et ont droit à la restitution des terres et biens qui suivent, adjugés par les jugements des 18 août 1993 et 29 février 1994 à feu [I] [SY] ;
En conséquence,
' Dit que Madame [L] [LV] née [Z], Madame [P] [LV] et Monsieur [VG] [LV] restent propriétaires des terres et biens suivants :
Les immeubles ci-après désignés, situés à VAIRAO, savoir :
$gt; LOT 6 : La terre [IA], d'une superficie de 56a 22ca,
$gt; LOT 7 : La terre VAIPINAI, d'une superficie de 79a 60ca,
$gt; LOT 8 : La terre TERUAOTU, d'une superficie de 3ha 27a 05ca,
$gt; LOT 10 : La terre TEAHORO, d'une superficie de 4ha 38a 80ca,
$gt; LOT 12 : La terre RAITIA (dite VAIOU) d'une superficie de 4ha 52a 80ca,
$gt; LOT 13 : La terre [MC], d'une superficie de 3ha 43a 60ca,
$gt; LOT 14 : La terre TENUIUHIHIKUA, d'une superficie de 36a 20ca,
Et les constructions y édifiées ;
Ainsi que Les immeubles ci-après désignés, situés à [Localité 12], savoir :
$gt; LOT 9 : Les vallées HAAPITI, VÀIHAU ou VAIOU, le tout d'un seul ensemble, d'une superficie indéterminée ;
$gt; LOT 11 : La montagne RAITUPU, d'une superficie de 2ha 58a 32ca ;
' Dit que les défendeurs, à savoir, Monsieur [S] [HL] [SY], Madame [NW] [SY], Monsieur [K] [DR] [SY] et Monsieur [C] [HL] [SY] devront libérer de corps, de biens et famille et de toutes personnes y présentes de leur chef ou de celui de leur auteur, les lots 6 à 14 précités et les lots 9 et 11 précités dans un délai de deux mois à compter de la signification du jugement à intervenir ;
' Ordonné la transcription du jugement à intervenir sur le compte des demandeurs et des défendeurs à la conservation des hypothèques de [Localité 2] ;
' Dit que l'annulation des ventes des lots adjugés par les jugements des 18 août 1993 et 29 février 1994 conduit à opérer des restitutions ayant pour objet de remettre les parties dans l'état antérieur aux cessions ;
En conséquence,
' Condamné Madame [L] [LV] née [Z], Madame [P] [LV] et Monsieur [VG] [LV] à verser à [UZ], [DY], [AL], [RT], [OK], [J] [SY], les sommes acquittés par [I] [SY] lors des ventes par adjudication, soit la somme totale de 17.800.000 francs ;
' Débouté [UZ], [DY], [AL], [RT], [OK], [J] [SY] de leur demande tendant à voir le Tribunal constater qu'ils sont constructeurs de bonne foi au sens de l'article 555 du code civil, et ordonner préalablement à leur expulsion de procéder à une mesure d'instruction sous la forme d'une expertise pour évaluer la valeur des constructions et améliorations réalisées par les concluants. En outre, ils se prévalent d'un droit de rétention en application de la jurisprudence de l'article 555 du code civil ;
Statuant à nouveau,
À titre principal,
Vu la théorie de l'apparence,
- Déclarer les ayants droit de [I] [SY] propriétaires des biens précités acquis par jugements d'adjudications en date des 18 août et 29 septembre 1993 par l'effet de la loi ;
À titre subsidiaire,
Vu l'article 555 du code civil ;
- Ordonner aux créanciers saisis de restituer aux consorts [SY] les prix des adjudications en date des 18 août et 29 septembre 1993 s'élevant respectivement aux sommes de 10.100.000F.CFP et 7.700.000F.CFP, outre les intérêts ;
- Constater que les ayants droit de [I] [SY] sont constructeurs de bonne foi ;
Par conséquent :
- Ordonner une expertise d'usage pour évaluer la valeur des constructions et améliorations réalisées par les consorts [SY] et tout ce qu'ils ont pu réaliser mettant en valeur les parcelles litigieuses ;
- Dire et juger que les consorts [SY] sont fondés à exercer un droit de rétention jusqu'à parfait paiement de leur créance ;
Si par extraordinaire la présente juridiction venait à confirmer la restitution des biens aux consorts [LV],
Sur la restitution des prix des adjudications aux consorts [SY],
À titre principal,
- Confirmer le jugement du 4 novembre 2021 en ce qu'il a «en conséquence, Condamné Madame [L] [LV] née [Z], Madame [P] [LV] et Monsieur [VG] [LV] à verser à [UZ], [DY], [AL], [RT], [OK], [J] [SY], les sommes acquittés par [I] [SY] lors des ventes par adjudication, soit la somme totale de 17.800.000francs,»
À titre subsidiaire,
Vu les articles 1303 et suivants du code civil ;
- Confirmer, par substitution de motifs, le jugement en ce qu'il a «en conséquence, Condamné Madame [L] [LV] née [Z], Madame [P] [LV] et Monsieur [VG] [LV] à verser à [UZ], [DY], [AL], [RT], [OK], [J] [SY], les sommes acquittés par [I] [SY] lors des ventes par adjudication, soit la somme totale de 17.800.000 francs,»
En tout état de cause,
- Confirmer le jugement du 4 novembre 2021 en ce qu'il a :
' Mis hors de cause le curateur aux biens et successions vacants;
' Dit n'y a voir lieu à astreinte de ce chef [libération des lieux] ;
' Débouté Madame [L] [LV] née [Z], Madame [P] [LV] et Monsieur [VG] [LV] de leur demande tendant à voir le Tribunal renvoyer les défendeurs à se pourvoir aux fins de recouvrement des fonds que feu [I] [SY] a consacrés à ses achats ;
' Débouté Madame [L] [LV] née [Z], Madame [P] [LV] et Monsieur [VG] [LV] de leur demande tendant à voit le tribunal condamner solidairement les défendeurs à payer aux consorts [LV] la somme de 81.250.000 francs à titre d'indemnité d'occupation des lots précités ;
' Dit n 'y avoir lieu à exécution provisoire ;
- Débouter les consorts [LV] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
- Adjuger aux consorts [SY] l'entier bénéfice de leurs écritures ;
- Ordonner la transcription de l'arrêt à intervenir ;
- Condamner solidairement les consorts [LV] à payer aux consorts [SY] la somme de 520.000 XPF au titre des frais irrépétibles ;
- Condamner les mêmes aux entiers dépens dont distraction d'usage au conseil.
Devant la Cour les consorts [SY] reprennent également les éléments développés devant le premier juge. Ils affirment qu'il est constant et non contesté que Maitre [G] était devenu personnellement créancier, porteur des créances à recouvrer ; que dans ce contexte, le premier juge ne pouvait se prononcer sur l'annulation des jugements d'adjudication sans avoir au préalable enjoint aux consorts [LV] d'appeler dans la cause Maitre [G] ou ses ayants droit. Ils contestent que le Tribunal ait retenu qu'un jugement d'adjudication ne peut constituer un juste titre au sens de l'article 2265 du code civil et que ledit jugement est frappé de nullité de fond qui l'empêche d'être un juste titre.
Les consorts [SY] soutiennent que [I] [SY] a acquis les biens saisis de bonne foi, en ce qu'il ignorait les moyens illicites employés par le notaire dans le cadre de son activité de banquier.
Sur la base de la théorie de l'apparence, ils soutiennent que [I] [SY] a acquis les terres litigieuses de bonne foi, qu'au moment de l'acquisition aux enchères des terres litigieuses, [I] [SY] pensait réellement que celles-ci appartenaient aux créanciers des époux [LV],
et non à ces derniers et que si l'existence d'une instance pénale avait été invoquée dès la procédure de saisie immobilière, elle n'a eu aucun effet négatif sur la bonne foi de [I] [SY] ; que la nature même de cette acquisition, c'est-à-dire la vente aux enchères, permet assurément d'affirmer que [I] [SY] a été victime d'une erreur commune et invincible ; et que ce dernier a acquis les biens à titre onéreux puisqu'il a payé les prix des adjudications ; qu'il résulte de ces éléments, que [I] [SY] devient propriétaire des terres objets des jugements d'adjudication des 18 août et 29 septembre 1993 par l'effet de la loi et que le Tribunal ne pouvait dès lors à bon droit ordonner la restitution des biens litigieux aux consorts [LV].
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance en date du 4 juillet 2022 pour l'affaire être fixée à l'audience de la Cour du 27 octobre 2022. En l'état l'affaire a été mise en délibéré au 26 janvier 2023, délibéré qui a dû être prorogé au 9 février 2023.
MOTIFS :
Sur la recevabilité de l'appel :
La recevabilité de l'appel n'est pas discutée et aucun élément de la procédure ne permet à la Cour d'en relever d'office l'irrégularité.
Il est constant, malgré l'erreur de la requête saisissant le Tribunal foncier comme la requête d'appel, que les jugements d'adjudication soumis au Tribunal et à la Cour sont en date du 18 août 1993 et 29 septembre 1993 et non du 29 septembre, ou 2 (voir 29) février 1994.
Le jugement n°1621-1345/ADD en date du 18 août 1993 a été transcrit à la conservation des hypothèques de [Localité 2], avec le cahier des charges, PV n°459 en date du 8 juillet 1992, le 12 octobre 1993 vol.1901 n°06. Le jugement n°1863-1568 en date du 29 septembre 1993 a été transcrit, avec le cahier des charges PV n°459 en date du 8 juillet 1992, le 2 février 1994 vol. 1930 n°09.
Sur la nullité du jugement d'adjudication n°1621-1345/ADD en date du 18 août 1993, transcrit le 12 octobre 1993 vol.1901 n°06 et du jugement n°1863-1568 en date du 29 septembre 1993, transcrit le 2 février 1994 vol. 1930 n°09 :
Il n'est pas contesté devant la Cour que la procédure ayant abouti aux jugements d'adjudication du 18 août 1993 et du 29 septembre 1993 a été engagée par des poursuivants qui ont déclaré agir comme porteurs des copies exécutoires d'actes aux minutes de Me [G], notaire à [Localité 2], contenant chacun obligation hypothécaire par les époux [LV]-[Z] au profit des porteurs des copies exécutoires desdits actes.
En son arrêt du 14 novembre 2001, la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Versailles, statuant sur renvoi après cassation, a retenu que :
Par ordonnance en date du 21 février 1997, [XH] [G] a été renvoyé devant le Tribunal correctionnel de Paris pour avoir à Papeete depuis temps non prescrit du 10 mai 1985 au 19 juin 1991 :
- effectué des opérations de banque à titre habituel ;
- altéré frauduleusement la vérité de nature à causer un préjudice dans des écrits ayant pour objet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques, en établissant et en signant des prêts hypothécaires comprenant de fausses mentions relatives au prêteur à la somme prêtée par celui-ci ou aux intérêts dus, notamment dans des prêts contractés par MM. [F], [Y], [T], [LV], [TM], [D], [O] en 1985, 1986, 1987 ;
- fait usage desdits faux commis dans une écriture authentique ;
- altéré frauduleusement la vérité de nature à causer un préjudice dans un écrit ayant pour objet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques, en l'espèce, en établissant des relevés de compte, envoyés à ses clients, en correspondant pas à la réalité, et fait usage desdits faux".
Par jugement en date du 2 juin 1998, [XH] [G] a été relaxé des fins de la poursuite par le Tribunal correctionnel de Paris.
Par ce même jugement, les parties civiles [D] [K], [R] [CM], [Y] [JU], [F] [ZB], [HT] [B], [LV] [X], [Z] [L], [W] [U], [T] [ZB] ont été déboutées en raison de la relaxe prononcée au bénéfice des prévenus. Celles-ci ont interjeté seules appel de ce jugement.
Par arrêt en date du 12 février 1999, la Cour d'appel de PARIS a reçu les appels, confirmé le jugement en ses dispositions civiles et débouté les parties civiles de l'ensemble de leurs demandes.
MM. et Mme [D] [K], [T] [ZB], [F] [ZB], [HT] [B] épouse [F], [W] [U], [LV] [X], [Z] [RE] épouse [LV] ont formé un pourvoi en cassation.
Par arrêt en date du 24 mai 2000, la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 12 février 1999, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, a renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles. Au visa des articles 147 de l'ancien Code pénal et 441-1, 441-2 du Code pénal, la haute cour estimait que les faits qualifiés de faux étaient établis dès lors que la juridiction d'appel avait constaté «qu'au jour de l'acte, le prêteur figurant à celui-ci ne possédait pas les disponibilités suffisantes et que, l'altération de la vérité dans un acte authentique emporte nécessairement un préjudice (...)». La Cour de cassation faisait également grief à l'arrêt déféré d'avoir considéré que Maître [G] «n'avait pas reçu de fonds, ni effectué des opérations de crédit, tout en relevant que les prêteurs indiqués aux prêts étaient fictifs, de sorte que les fonds avancés aux clients ne pouvaient provenir que de l'étude ou des facultés personnelles du prévenu», qu'en statuant ainsi les juges du second degré n'avaient pas donné de base légale à leur décision.
Ainsi, Maître [XH] [G] a été définitivement relaxé des fins de la poursuite par jugement du Tribunal correctionnel de Paris en date du 2 juin 1998. Il doit être retenu que la Cour d'appel de Versailles n'était saisie que des dispositions civiles du jugement prononcé le 2 juin 1998, à l'égard des seules parties à l'origine du pourvoi.
Au dispositif de son arrêt en date du 14 novembre 2001, la Cour d'appel de Versailles a notamment dit à l'égard de Maître [XH] [G] :
- infirme le jugement entrepris prononcé le 2 juin 1998, sur ses dispositions civiles ;
Et statuant à nouveau,
- Dit que les éléments constitutifs des délits d'exercice illégal de la profession de banquier et de faux en écriture authentique sont réunis à l'encontre de M. [G] ;
- Déclare recevables les constitutions de parties civiles toujours en la cause ;
MAIS
- Constate que les parties civiles ne justifient pas d'un préjudice découlant directement de ces infractions ;
- Les déboute de l'ensemble de leurs demandes.
Ainsi aux termes de cet arrêt, il a été définitivement jugé que Maître [G] a commis des faux en écriture authentique en établissant et en signant des prêts hypothécaires comprenant de fausses mentions relatives au prêteur, à la somme prêtée par celui-ci ou aux intérêts dus, notamment dans des prêts contractés par MM. [F], [Y], [T], [LV], [TM], [D], [O] en 1985, 1986, 1987.
Or, il est constant qu'un faux en écriture authentique ne peut pas servir de fondement à des poursuites en saisie immobilière.
Ainsi, les actes de prêt dressés devant Maître [G] entre 1985 et 1988, notamment à l'égard des époux [LV], constituaient des faux en écritures authentiques qui ne pouvaient servir de fondement aux poursuites en saisie immobilière. Il s'en déduit que les jugements d'adjudication n°1621-1345/ADD en date du 18 août 1993 et n°1863-1568 en date du 29 septembre 1993, sont entachés de nullité. Cette nullité est nécessairement une nullité d'ordre public compte tenu de la gravité de l'atteinte portée à celui-ci par l'usage d'un faux en écriture authentique.
C'est par conséquent à bon droit que le jugement dont appel a annulé le jugement d'adjudication n°1621-1345/ADD en date du 18 août 1993, transcrit le 12 octobre 1993 vol.1901 n°06 et le jugement n°1863-1568 en date du 29 septembre 1993, transcrit le 2 février 1994 vol. 1930 n°09. Il y a lieu de confirmer le jugement de ce chef.
Sur la prescription acquisitive décennale invoquée par les consorts [SY] :
Il résulte de l'articulation des articles 2229, 2235, 2265, 2268 et 2269 du Code civil, dans leur rédaction applicable en Polynésie française, qu'il faut, pour pouvoir prescrire, une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire. Celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans si le véritable propriétaire habite dans le ressort de la cour d'appel dans l'étendue de laquelle l'immeuble est situé ; et par vingt ans, s'il est domicilié hors dudit ressort. La bonne foi est toujours présumée, et c'est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver. Il suffit que la bonne foi ait existé au moment de l'acquisition. Il appartient au revendiquant par prescription acquisitive de rapporter la preuve des actes matériels qu'il a mis en 'uvre ainsi que de démontrer que sa possession présente les caractéristiques nécessaires pour prescrire la propriété.
Lorsque le contrat qui a mis en possession du bien est nul, il doit être distingué entre l'acte nul de nullité relative, qui peut être qualifié de juste titre et l'acte atteint de nullité absolue, qui ne peut pas valoir juste titre. Par ailleurs, entre parties à la restitution en cas de nullité d'un contrat de vente, la portée de cette prescription abrégée est considérablement limitée par la jurisprudence qui considère qu'elle suppose un transfert de propriété consenti par celui qui n'est pas le véritable propriétaire ; la prescription abrégée demeurant inapplicable à celui qui a acquis son bien du véritable propriétaire.
En l'espèce, devant la Cour les consorts [SY] ne démontre pas avoir occupé matériellement toutes les terres acquises en 1993. Ils n'évoquent des constructions que sur deux d'entre elles. De plus, il résulte du rapport d'évaluation de Monsieur [A] produit par les consorts [LV] que la plus part des terres sont en brousse.
Par ailleurs et surtout, les jugements d'adjudication sont de fait la vente forcée des biens des consorts [LV] à la demande de leurs créanciers, la saisie immobilière n'ayant pas transféré les droits de propriété des consorts [LV] à leurs créanciers. Les vendeurs au jugement d'adjudication sont les époux [LV] et non leurs créanciers.
Or, il n'est pas contesté que les époux [LV] aient été propriétaires par titre des biens immobiliers objet des saisies et de la vente aux enchères. Il s'en déduit que [I] [SY], aux termes des jugements d'adjudication en date du 18 août 1993, et du 29 septembre 1993 a acquis les terres objet du jugement de leurs véritables propriétaires.
De plus, comme développé ci-dessus, les jugements d'adjudication sont entachés de nullité, nullité qui est nécessairement une nullité d'ordre public compte tenu de la gravité de l'atteinte portée à celui-ci par l'usage d'un faux en écriture authentique.
En conséquence, c'est à raison que le premier juge a retenu que le jugement d'adjudication n°1621-1345/ADD en date du 18 août 1993, transcrit le 12 octobre 1993 vol.1901 n°06 et du jugement n°1863-1568 en date du 29 septembre 1993, transcrit le 2 février 1994 vol. 1930 n°09 ne pouvaient pas constituer un juste titre. La Cour confirme le jugement en ce qu'il a débouté les consorts [SY] de leur demande de ce chef.
De même c'est en vain que les consorts [SY] invoquent la théorie de l'apparence pour se soustraire aux conséquences de la nullité des jugements d'adjudication.
En effet, en application de la théorie de l'apparence, le tiers de bonne foi, victime d'une erreur commune et invincible, qui a acquis à titre onéreux un bien auprès de la personne qui a toutes les apparences du propriétaire acquiert immédiatement la propriété du bien de sorte que le véritable propriétaire ne peut plus revendiquer son bien.
Or, en l'espèce comme démontré ci-dessus, [I] [SY] a acquis les terres objets des jugements d'adjudication de leurs véritables propriétaires, les époux [LV], et non d'un vendeur qui n'aurait eu que l'apparence d'un propriétaire.
Sur les conséquences de la nullité des jugement d'adjudication n°1621-1345/ADD en date du 18 août 1993 et n°1863-1568 en date du 29 septembre 1993 :
Il est constant que le caractère rétroactif de la nullité conduit à mettre fin aux effets à venir du contrat, mais aussi, dans le même temps, à replacer les parties dans la situation qui était la leur avant le contrat. Nullité et restitutions sont ainsi intrinsèquement liées : c'est la nullité qui est le fondement de la restitution ; la restitution est une conséquence naturelle de l'annulation. Une annulation sans restitution n'aurait aucun effet réel, et les restitutions doivent être réciproques, le vendeur ne peut obtenir restitution du bien sans avoir à en restituer le prix perçu.
La restitution du prix après annulation de la vente ne constituant pas un dommage, elle doit être poursuivie par l'acquéreur contre le seul vendeur
Les restitutions réciproques, conséquences nécessaires de la nullité d'un contrat de vente, peuvent être exécutées en nature ou en valeur.
En l'espèce, l'annulation des ventes des lots adjugés par les jugements d'adjudication n°1621-1345/ADD en date du 18 août 1993 et n°1863-1568 en date du 29 septembre 1993 conduit nécessairement à opérer des restitutions ayant pour objet de remettre les parties dans l'état antérieur aux cessions.
Ainsi, c'est à juste titre que le premier juge a dit que les consorts [LV] ont droit à la restitution des terres et biens adjugés par les jugements des 18 août 1993 et 29 septembre à feu [I] [SY] et qu'il a dit que Madame [L] [LV] née [Z], Madame [P] [LV] et Monsieur [VG] [LV] restent propriétaires des terres et biens suivants :
Les immeubles ci-après désignés, situés à VAIRAO, savoir :
$gt; LOT 6 : La terre [IA], d'une superficie de 56a 22ca,
$gt; LOT 7 : La terre VAIPINAI, d'une superficie de 79a 60ca,
$gt; LOT 8 : La terre TERUAOTU, d'une superficie de 3ha 27a 05ca,
$gt; LOT 10 : La terre TEAHORO, d'une superficie de 4ha 38a 80ca,
$gt; LOT 12 : La terre RAITIA (dite VAIOU) d'une superficie de 4ha 52a 80ca,
$gt; LOT 13 : La terre [MC], d'une superficie de 3ha 43a 60ca,
$gt; LOT 14 : La terre TENUIUHIHIKUA, d'une superficie de 36a 20ca,
Et les constructions y édifiées ;
Ainsi que Les immeubles ci-après désignés, situés à [Localité 12], savoir :
$gt; LOT 9 : Les vallées HAAPITI, VÀIHAU ou VAIOU, le tout d'un seul ensemble, d'une superficie indéterminée,
$gt; LOT 11 : La montagne RAITUPU, d'une superficie de 2ha 58a 32ca.
La Cour confirme le jugement de ce chef.
Les consorts [LV] affirment qu'ils n'ont pas à restituer le prix de la vente aux motifs qu'il s'agit d'une saisie-immobilière subie par le saisi, et fondée sur des faux en écritures authentiques par un notaire menant des opérations illicites de banque, les ventes sur adjudication étant nulles de nullité absolue, pénalement poursuivies et finalement admises comme telles ; que les adjudicataires ont été aussi les artisans actifs de leur propre dommage, puisqu'ils n'ignoraient rien de la situation corrompue et notoire qui leur permettait d'acquérir à ces conditions d'aubaine ; que c'est en ce sens qu'ils n'ignoraient pas les vices de leur acquisition depuis son origine, ce qui n'est pas sans conséquence ; que les adjudicataires seront donc irrecevables à solliciter quelque restitution que ce soit aux Consorts [LV] qui n'ont aucun lien de droit avec eux.
La Cour constate que la restitution du prix étant la conséquence de l'annulation de la vente et non une indemnité, l'affirmation par les consorts [LV] que les adjudicataires ont été les artisans actifs de leur propre dommage, est sans emport. De plus, les aléas des poursuites à l'encontre de Maître [G], qui ont conduit à sa relaxe définitive par jugement du 2 juin 1998, avant qu'il ne soit dit sur l'action civile seulement que les éléments constitutifs des délits d'exercice illégal de la profession de banquier et de faux en écriture authentique sont réunis à son encontre, démontrent qu'il ne peut pas être retenu que les adjudicataires n'ignoraient rien de la situation corrompue et notoire qui leur permettait d'acquérir à des conditions d'aubaine.
Bien que la vente de leurs biens aient fait l'objet d'une saisie immobilière et d'une vente forcée, les consorts [LV] demeuraient les propriétaires vendeurs aux jugements d'adjudication.
De plus, en la motivation de son arrêt du 14 novembre 2001, la Cour d'appel de Versailles a retenu que :
«Considérant qu'à l'égard de M. [G], même si les faits sont établis, les parties civiles appelantes en la cause ne rapportent nullement la preuve du caractère direct, et certain des préjudices qu'elles allèguent, en rapport avec l'infraction ;
Qu'en effet, il n'est pas contesté que les parties civiles ont bien reçu les sommes empruntées ; les préjudices qu'elles invoquent apparaissent directement liées aux aléas des procédures de saisies et d'exécution immobilières, lesquelles résultent du non remboursement des prêts et non des conséquences ayant pu découler directement des agissements personnels de M° [G] ; qu'il convient en outre d'observer qu'aucune expertise judiciaire n'a été mise en 'uvre au cours de l'instruction sur la vérification de l'existence des préjudices ; que certaines victimes invoquent mêmes des difficultés de gestion résultant de l'exploitation de leur patrimoine, l'évolution de leur situation matrimoniale, ou encore le passage d'un cyclone, toutes causes qui sont totalement étrangères aux conséquences matérielles et morales ayant pu découler directement des fautes commises par M° [G] ;
Que les parties civiles en la cause n'ayant réclamé l'indemnisation d'aucun préjudice moral, et la preuve d'un préjudice financier découlant directement des infractions reprochées à M° [G] n'étant pas rapportée, il y a lieu de les débouter de leurs demandes.»
Ainsi, il a été définitivement jugé que les procédures de saisies et d'exécution immobilières mises en 'uvre à l'encontre des époux [LV] résultent du non remboursement des prêts et non des conséquences ayant pu découler directement des agissements personnels de Maître [G]. Il n'est d'ailleurs pas contesté que si les époux [LV] n'ont pas perçu les prix des adjudications, c'est parce que ceux-ci ont été distribués entre leurs créanciers tels que désignés par Maître [G]. Que celui-ci ait commis un faux dans la désignation des prêteurs est sans emport quant à la réalité de la dette des époux [LV] qui a été apurée par la répartition du prix des jugements d'adjudication.
La valeur de ces prix s'est donc retrouvée dans le patrimoine des époux [LV] comme étant la contrepartie de l'extinction de leurs dettes, étant rappelé que, par l'effet de l'annulation, leur patrimoine est réputé n'avoir jamais été amputé des immeubles licités.
Il résulte de ces éléments que c'est à raison que le premier juge a dit qu'il n'y avait pas lieu a appelé dans la cause les parties poursuivantes aux jugements d'adjudication ; la Cour rajoute pas davantage les héritiers de Maître [G].
De même, en conséquence de l'annulation des jugements d'adjudication les ayants droit de [I] [SY] doivent se voir restituer le prix que leur auteur a payé aux seuls propriétaires des terres objet de la vente par licitation, les époux [LV].
C'est à raison que le premier Juge a condamné les consorts [LV] à payer aux héritiers de [I] [SY] les sommes acquittées par celui-ci lors des ventes par adjudication, soit la somme totale de 17.800.000 francs.
La Cour confirme le jugement de ces chefs.
Sur l'indemnité d'occupation réclamée par les consorts [LV] :
Comme le soutiennent les consorts [SY] en visant l'arrêt rendu en chambre mixte en date du 9 juillet 2004, la Cour de cassation a affirmé, au visa de l'article 1234 du Code civil, que la seule occupation de la chose consécutive à l'anéantissement du contrat de vente est exclue du champ des restitutions, rejetant par là même toute indemnisation.
Pour remettre les parties à un contrat de vente résolu dans leur état antérieur, seules doivent être prises en compte les prestations fournies par chacune des parties en exécution de ce contrat. Toute indemnité pour l'utilisation de la chose doit être refusée, l'usage du bien vendu (et la dépréciation qui pourrait en résulter) ne faisant pas l'objet d'une prestation dans la vente.
L'enrichissement sans cause n'est pas applicable aux restitutions consécutives à l'anéantissement d'un contrat de vente d'un bien immobilier. Le vendeur, tenu de restituer le prix qu'il a reçu, n'est pas fondé à obtenir une indemnité liée à l'utilisation de la chose vendue ou à l'usure résultant de cette utilisation, de sorte que l'effet rétroactif de la résolution de la vente n'autorise pas le vendeur à prétendre à une indemnité correspondant à la seule occupation du bien par l'acquéreur.
En l'espèce, c'est pour les avoir acquis par jugements d'adjudication que les consorts [SY] ont occupés les terres qu'ils doivent aujourd'hui restituer du fait de l'annulation des jugements d'adjudication. C'est à raison que le premier juge a débouté les consorts [LV] de leur demande de voir condamner les consorts [SY] au paiement de la somme de 81.250.000 francs à titre d'indemnité d'occupation des lots objets des décisions d'adjudication, en retenant que le vendeur n'est pas fondé à obtenir, en raison de l'effet rétroactif de l'annulation de la vente, une indemnité correspondant â la seule occupation de l'immeuble.
En conséquence, la Cour confirme le jugement de ce chef.
Sur la demande d'indemnité des consorts [LV] sur le fondement de l'article 1382 du code civil, en sa version applicable en Polynésie française :
Aux termes de l'article 1382 du code civil, dans sa version applicable en Polynésie française, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.
Lorsque la nullité de la vente est la conséquence d'une faute d'un tiers ou de l'une des parties, la réparation du préjudice d'annulation n'est pas exclue dès lors toutefois qu'il s'agit d'une nullité relative et, en cas de nullité absolue, qu'il soit question d'un vice de forme résultant de la faute d'un tiers.
En l'espèce, [I] [SY] a acquis la propriété des biens propriétés des époux [LV] à la barre du Tribunal. Il est constant que la confiance mise par l'adjudicataire en la justice qui procède à la vente conduit nécessairement celui-ci à ne pas douter des conditions de ses acquissions. L'existence de plaintes pénales déposées à l'encontre de Maître [G], et la publicité qui en était alors faîte dans les journaux de la place, ne peut suffire à démontrer une faute de [I] [SY] lorsqu'il se porte acquéreur lors des audiences du 18 août 1993 et du 29 septembre 1993.
Contrairement à ce que les consorts [LV] affirment sans le démontrer, Monsieur [SY] ne peut être considéré comme le complice de Maître [G] qui aurait agi dans l'intention de dépouiller les époux [LV] de leur patrimoine. La Cour constate qu'au contraire, il a été jugé par la Cour d'appel de Versailles que les époux [LV] ont emprunté des sommes importantes en l'étude de Maître [G] et que leur préjudice trouve sa source dans le non remboursement des prêts et non des conséquences ayant pu découler directement des agissements personnels de Maître [G].
Ainsi aucune faute de [I] [SY] n'est caractérisée devant la Cour. La Cour déboute les consorts [LV] de leur demande d'indemnisation sur le fondement de l'article 1382 du code civil.
Sur les demandes des consorts [SY] au titre de l'article 555 du code civil :
Aux termes de l'article 555 du code civil, lorsque les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers et avec des matériaux appartenant à ce dernier, le propriétaire du fonds a le droit, sous réserve des dispositions de l'alinéa 4, soit d'en conserver la propriété, soit d'obliger le tiers à les enlever.
Si le propriétaire du fonds exige la suppression des constructions, plantations et ouvrages, elle est exécutée aux frais du tiers, sans aucune indemnité pour lui ; le tiers peut, en outre, être condamné à des dommages-intérêts pour le préjudice éventuellement subi par le propriétaire du fonds.
Si le propriétaire du fonds préfère conserver la propriété des constructions, plantations et ouvrages, il doit, à son choix, rembourser au tiers, soit une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur, soit le coût des matériaux et le prix de la main-d''uvre estimés à la date du remboursement, compte tenu de l'état dans lequel se trouvent lesdites constructions, plantations et ouvrages.
Si les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers évincé qui n'aurait pas été condamné, en raison de sa bonne foi, à la restitution des fruits, le propriétaire ne pourra exiger la suppression desdits ouvrages, constructions et plantations, mais il aura le choix de rembourser au tiers l'une ou l'autre des sommes visées à l'alinéa précédent.
En l'espèce, il n'est produit aucune pièce démontrant que [K] [SY] a construit une petite maison sur la terre [IA]. Quant aux constructions de [S] [SY] sur la terre [FK], les consorts [LV] démontrent devant la Cour par la production d'un constat d'huissier avec photos que la maison de campagne et le hangar pour ranger des engins lourds sont aujourd'hui en ruine.
En conséquence, la Cour confirme le jugement en ce qu'il a constaté que les consorts [SY] ne versent aucun élément au soutien de leurs demandes qui établisse qu'ils aient procédé à des constructions sur le terrain dont s'agit, alors qu'il n'appartient pas au tribunal de palier à la carence des parties dans la charge de la preuve de sorte que les consorts [SY] seront déboutés de leur demande tendant à voir le tribunal ordonner une expertise pour évaluer la valeur des constructions et améliorations qu'ils ont réalisées sur les terrains dont s'agit, et bénéficier d'un droit de rétention.
En conséquence de l'ensemble de ces éléments, la Cour confirme le jugement du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, Tribunal foncier ' section 2, n° RG 18/00255, n° de minute 286, en date du 4 novembre 2021, en toutes ses dispositions.
Sur la rectification des erreurs matérielles entachant le jugement :
Aux termes de l'article 271 du code de procédure civile de la Polynésie française, les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande.
Le juge est saisi par simple requête de l'une des parties, ou par requête commune ; il peut aussi se saisir d'office.
Le juge statue après avoir entendu les parties ou celles-ci appelées.
Il est constant que les jugements d'adjudication soumis au Tribunal et à la Cour sont en date du 18 août 1993 et 29 septembre 1993 et non du 29 septembre, ou 2 (voir 29) février 1994.
Le jugement n°1621-1345/ADD en date du 18 août 1993 a été transcrit à la conservation des hypothèques de [Localité 2], avec le cahier des charges, PV n°459 en date du 8 juillet 1992, le 12 octobre 1993 vol.1901 n°06. Le jugement n°1863-1568 en date du 29 septembre 1993 a été transcrit, avec le cahier des charges PV n°459 en date du 8 juillet 1992, le 2 février 1994 vol. 1930 n°09.
En conséquence, la Cour rectifie le jugement du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, Tribunal foncier ' section 2, n° RG 18/00255, n° de minute 286, en date du 4 novembre 2021 en ce qu'il y a lieu de lire tant dans les motifs qu'au dispositif du jugement que les jugements d'adjudication qui sont annulés sont le jugement d'adjudication n°1621-1345/ADD en date du 18 août 1993, transcrit le 12 octobre 1993 vol.1901 n°06 et le jugement n°1863-1568 en date du 29 septembre 1993, transcrit le 2 février 1994 vol. 1930 n°09.
Sur les autres chefs de demande :
Il y a lieu d'ordonner la transcription du présent arrêt à la conservation des hypothèques au frais des consorts [LV].
Compte tenu des spécificités de l'affaire, il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les frais exposés par elle devant la Cour et non compris dans les dépens.
Les consorts [LV] qui succombent en leur appel doivent être condamnés à payer les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
DÉCLARE l'appel des consorts [LV] et l'appel incident des consorts [SY] recevables ;
CONFIRME le jugement du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, Tribunal foncier ' section 2, n° RG 18/00255, n° de minute 286, en date du 4 novembre 2021, en toutes ses dispositions ;
CONSTATE que le jugement du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, Tribunal foncier ' section 2, n° RG 18/00255, n° de minute 286, en date du 4 novembre 2021 est entaché d'erreurs matérielles ;
ORDONNE la rectification du jugement du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, Tribunal foncier ' section 2, n° RG 18/00255, n° de minute 286, en date du 4 novembre 2021 en ce qu'il y a lieu de lire, tant dans les motifs qu'au dispositif du jugement, que les jugements d'adjudication qui sont annulés sont : le jugement d'adjudication n°1621-1345/ADD en date du 18 août 1993, transcrit le 12 octobre 1993 vol.1901 n°06 et le jugement n°1863-1568 en date du 29 septembre 1993, transcrit le 2 février 1994 vol. 1930 n°09 ;
Y ajoutant,
ORDONNE la transcription du présent arrêt à la conservation des hypothèques aux frais des consorts [LV] ;
REJETTE tout autre chef de demande des parties, plus ample ou contraire au présent arrêt ;
CONDAMNE Madame [RE], [L] [Z] épouse [LV], Madame [P] [M] [LV] épouse [XA], et Monsieur [VG] [H] [ZI] [JM] [LV] aux dépens d'appel.
Prononcé à [Localité 2], le 9 février 2023.
Le Greffier, Le Président,
signé : M. SUHAS-TEVERO signé : K. SZKLARZ