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12/01/2023 | FRANCE | N°15/00438

France | France, Cour d'appel de Papeete, Cabinet a, 12 janvier 2023, 15/00438


N° 1





NT

--------------



Copie exécutoire

délivrée à :

- Me Mikou

le 16.01.2023.





Copie authentique

délivrée à :

- Me Maisonnier,

- M. [V],

le 16.01.2023.



REPUBLIQUE FRANCAISE



COUR D'APPEL DE PAPEETE



Chambre Civile





Audience du 12 janvier 2023





RG 15/00438 ;



Décision déférée à la Cour : jugement n° 272, rg 10/00816 du Tribunal civil de première instance de Papeet

e du 20 mai 2015 ;



Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 11 septembre 2015 ;



Appelantes :



La Sci Marava Nui, inscrite au Rcs sous le n° Tpi 05169C dont le siège social est sis à [Adresse 5...

N° 1

NT

--------------

Copie exécutoire

délivrée à :

- Me Mikou

le 16.01.2023.

Copie authentique

délivrée à :

- Me Maisonnier,

- M. [V],

le 16.01.2023.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D'APPEL DE PAPEETE

Chambre Civile

Audience du 12 janvier 2023

RG 15/00438 ;

Décision déférée à la Cour : jugement n° 272, rg 10/00816 du Tribunal civil de première instance de Papeete du 20 mai 2015 ;

Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 11 septembre 2015 ;

Appelantes :

La Sci Marava Nui, inscrite au Rcs sous le n° Tpi 05169C dont le siège social est sis à [Adresse 5], prise en la personne de son gérant M. [J] [U] ;

La Sci Teva Nui, inscrite au Rcs sous le n° Tpi 059C dont le siège social est sis à [Adresse 5], prise en la personne de son gérant M. [J] [U] ;

La Sci Poeva II, inscrite au Rcs sous le n° Tpi 8653C dont le siège social est sis à [Adresse 5], prise en la personne de son gérant M. [J] [U] ;

La Sci Apia Nui, inscrite au Rcs sous le n° Tpi 0552C dont le siège social est sis à [Adresse 5], prise en la personne de son gérant M. [J] [U] ;

Représentées par Me Michèle MAISONNIER, avocat au barreau de Papeete ;

Intimés :

La Société d'Aménagement et de Gestion de Polynésie française (Sagep), société anonyme d'économie mixte, inscrite au Rcs de Papeete sous le n° 01235B, prise en la personne de son liquidateur amiable, dont le siège social est sis à [Adresse 3] ;

Ayant pour avocat la Selarl Mikou, représentée par Me Mourad MIKOU, avocat au barreau de Papeete ;

M. [W] [V], représentant des créancier de la Sci Marava nui, demeurant sis [Adresse 1] ;

Ayant conclu ;

Ordonnance de clôture du 7 octobre 2022 ;

Composition de la Cour :

La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 10 novembre 2022, devant Mme TISSOT, vice-président placé auprès du premier président, désigné par l'ordonnance n° 83/OD/PP.CA/21 du Premier Président de la Cour d'Appel de Papeete en date du 15 décembre 2021 pour faire fonction de président dans le présent dossier Mme BRENGARD, président de chambre, M. RIPOLL, conseiller, qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;

Arrêt contradictoire ;

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Signé par Mme TISSOT, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A R R E T,

EXPOSE DU LITIGE :

Faits et procédure :

Par requête enregistrée au greffe le 17 août 2010, la société d'aménagement et de gestion de la Polynésie française (la SAGEP) a fait assigner les SCI MARAVA NUI, POEVA II, TEVA NUI, et APIA NUI aux fins de les voir condamner solidairement à lui payer la somme de 25 606 877 Fcfp au titre de factures de consommation d'eau d'immeubles d'habitation situés dans le domaine [Adresse 6] à [Localité 4] (Polynésie française), avec intérêts au taux légal calculés conformément à l'arrêté n°499 CM du 17 mai 1998.

Une expertise judiciaire a été confiée à M. [K] [X] par une ordonnance du juge de la mise en état du 5 septembre 2011.

Dans son rapport déposé le 11 mai 2012, l'expert judiciaire a considéré que les différentes sociétés civiles immobilières étaient redevables des factures d'eau présentées par la SAGEP pour un montant total de 54 855 325 Fcfp arrêté au 1er janvier 2012.

Le 21 février 2013, un «protocole d'accord de paiement de (ces) dépenses d'eau potable» a été signé entre les parties, conduisant les parties à envisager un désistement d'instance.

Cependant, en raison de versements irréguliers effectués par les SCI précitées en exécution de ce protocole d'accord, la SAGEP a maintenu sa demande de condamnation, actualisée à la somme de 61 532 010 Fcfp avec intérêts au taux légal à compter de la demande en justice.

Par un jugement prononcé le 29 octobre 2014, le tribunal de première instance de Papeete a invité la SAGEP à mettre en cause, par voie d'assignation, le représentant des créanciers de la SCI MARAVA NUI, placée en redressement judiciaire par un jugement du 26 mai 2014 de ce même tribunal.

Aux termes de conclusions du 29 décembre 2014, M. [W] [V], en sa qualité de représentant des créanciers de cette société, a indiqué que la SAGEP avait été admise à déclarer sa créance au passif de la SCI MARAVA NUI pour la somme de 61 862 010 Fcfp par une ordonnance de relevé de forclusion prononcée le 1er décembre 2014 par le juge commissaire.

Par jugement n° RG 10/00816 (minute n°272) en date du 20 mai 2015, le tribunal civil de première instance de Papeete a :

- déclaré M. [W] [V], en sa qualité de représentant des créanciers de la SCI MARAVA NUI, recevable en son intervention volontaire,

- déclaré mal fondées les SCI POEVA II, TEVA NUI, APIA NUI et MARAVA NUI, en leur exception de procédure,

- déclaré recevable et bien fondée la SAGEP en ses demandes,

- condamné solidairement les SCI POEVA II, TEVA NUI et APIA NUI à payer à la société la SAGEP la somme de 61 532 010 Fcfp arrêtée au 17 février 2014, déduction faite des versements opérés à hauteur de 7 321 000 Fcfp,

- constaté et fixé la créance de la SAGEP au passif de SCI MARAVA NUI à la somme de 61 532 010 Fcfp,

- débouté les SCI POEVA II, TEVA NUI, APIA NUI et MARAVA NUI de leur demande de compensation,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- ordonné l'exécution provisoire,

- et condamné les SCI défenderesses à payer à la société SAGEP la somme de 220.000 Fcfp par application de l'article 407 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Le tribunal a retenu, sur le fond, que la SAGEP justifiait de la réalité des prestations exécutées et du quantum de sa créance, et qu'il ne pouvait lui être imposé de définir sa créance à l'égard de chacune des sociétés «alors même que celles-ci composent un groupement d'usagers tel que défini, notamment, dans la convention du 2 juillet 2007».

Les SCI MARAVA NUI, POEVA II, TEVA NUI, et APIA NUI ont relevé appel de ce jugement par requête enregistrée au greffe le 11 août 2015 et assignation délivrée le 28 septembre 2015.

Par conclusions du 31 janvier 2018, les sociétés appelantes ont appelé dans la cause Maître [W] [V], ès qualités de représentant des créanciers de la SCI POEVA II, placée en redressement judiciaire par un jugement du 25 janvier 2016.

Par arrêt rendu le 11 avril 2019, la cour a, notamment :

- constaté que M. [W] [V] a été dûment appelé en cause d'appel, en sa qualité de représentant des créanciers de la SCI POEVA II, placée en redressement judiciaire par un jugement du tribunal de première instance de Papeete du 25 janvier 2016 ;

- débouté les SCI MARAVA NUI, POEVA II, TEVA NUI et APIA NUI de leur demande de "donner acte' concernant la désignation de M. [Z] [U] en qualité de gérant de l'ensemble de ces sociétés, en lieu et place de M. [J] [U], décédé en cours d'instance d'appel ;

Infirmé le jugement entrepris, mais seulement en ce qu'il a :

- condamné solidairement les SCI POEVA II, TEVA NUI et APIA NUI à payer à la SAGEP la somme de 61 532 010 Fcfp arrêtée au 17 février 2014, déduction faite des versements opérés à hauteur de 7 321 000 Fcfp,

- et constaté et fixé la créance de la SAGEP à l'encontre de la SCI MARAVA NUI à la somme de 61 532 010 Fcfp,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

- ordonné avant-dire droit une nouvelle expertise judiciaire et commis pour y procéder M. [A] [I], expert inscrit sur la liste de la cour d'appel de Papeete, avec mission de :

* après avoir pris connaissance des entiers éléments du dossier, en particulier du rapport d'expertise judiciaire déposé le 10 mai 2012 par M. [K] [X],

* convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils, et recueillir leurs observations à l'occasion de l'exécution des opérations ou de la tenue des réunions d'expertise,

* se faire remettre toutes pièces utiles à l'accomplissement de sa mission, en particulier les relevés de compteurs d'eau, les factures et tous documents techniques afférents aux consommations d'eau imputables au domaine [Adresse 6] depuis 2002,

* après avoir pris en compte les observations des parties et avoir répondu à leurs dires qui seront annexés à son rapport,

* ventiler les factures échues de la SAGEP selon les périodes suivantes :

- de 2002 jusqu'à la signature de la convention du 9 juillet 2007,

- et de la signature de cette convention jusqu'à ce jour,

* déterminer, dans le cadre de cette ventilation, l'incidence financière éventuelle de la clause de la convention du 9 juillet 2007 mentionnée dans son chapitre : « Date d'effet - Durée de la convention » et ainsi rédigée : « sa signature valide le paiement par les usagers de tous les frais occasionnés par la gestion du réseau à compter rétroactivement du 6 janvier 2005 » ;

* au regard du réseau de distribution d'eau depuis la cote 480, selon le plan de réseau annexé au rapport d'expertise judiciaire de M. [X] ou selon ses propres constatations, dire si tout ou partie de l'ensemble de ces factures est imputable à d'autres que les appelantes, et dans l'affirmative, en fixer le montant,

* concernant les factures échues jusqu'au 9 juillet 2007, déterminer le montant dû par chacune des sociétés appelantes ou, le cas échéant, par tout autre débiteur qui aurait pu s'y substituer,

* pour les factures échues depuis cette date, établir le compte actualisé des parties tenant compte notamment des paiements partiels réalisés par les appelantes en exécution du protocole d'accord du 21 février 2013,

* rapporter toutes autres constatations utiles à l'examen des prétentions des parties,

(')

- renvoyé l'affaire à une audience de mise en état,

- sursis à statuer sur les chefs infirmés,

- confirmé pour le surplus le jugement entrepris ;

Y ajoutant,

- dit n'y avoir lieu, à ce stade, d'allouer à l'une quelconque des parties une indemnité au titre de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française,

- réservé les dépens.

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 9 novembre 2020..

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 octobre 2022, et l'affaire fixée à l'audience de plaidoirie du 10 novembre 2022.

A l'issue de celle-ci, les parties ont été informées que la décision, mise en délibéré, serait rendue le 12 janvier 2023 par mise à disposition au greffe.

Prétentions et moyens des parties :

Les SCI MARAVA NUI, TEVA NUI, POEVA II et APIA NUI, appelantes, par dernières conclusions régulièrement transmises le 6 janvier 2022, demandent à la Cour de :

Vu l'article 1351 du code civil,

Vu l'article 45 du code de procédure civile de la Polynésie française,

- déclarer la SAGEP irrecevable en ses demandes tendant à voir condamner solidairement les SCI TEVA NUI et APIA NUI à lui payer la somme de 66 022 281 Fcfp et au regard de cette solidarité voir fixer au passif des SCI POEVA II et MARAVA NUI sa créance au même montant,

Au fond, vu le rapport d'expertise de M. [A] [I],

- dire et juger qu'eu égard aux règlements intervenus, la créance de la SAGEP se monte à 44 029 666 Fcfp,

- dire et juger que la SAGEP ne peut voir fixer sa créance à l'égard des SCI MARAVA NUI et POEVA II qu'au regard du nombre de logements composant leurs résidences respectives,

- inviter la SAGEP à recalculer le montant des créances qu'elle sollicite de voir fixées au passif de ces deux sociétés,

- la débouter de ses demandes à l'égard des SCI APIA NUI et TEVA NUI,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Les SCI appelantes font valoir que :

- la cour, aux termes de son arrêt mixte du 11 avril 2019, a infirmé le jugement déféré s'agissant des condamnations solidaires prononcées à l'égard des sociétés POEVA II, TEVA NUI et APIA NUI et de la fixation de la créance de la SAGEP au passif de la SCI MARAVA NUI,

- ce chef de l'arrêt, «non frappé de pourvoi a autorité de la chose jugée»,

- le rapport d'expertise de M. [I] n'a pas établi les comptes entre les parties, faute pour l'expert de connaître la répartition des 245 logements du domaine [U],

- la SAGEP ne produit aucun élément permettant d'affecter ses facturations à chaque société,

- il existe une difficulté s'agissant de l'imputation de la consommation d'eau à partir de la cote 480 qui concerne d'autres débiteurs situés en dehors du domaine,

- le domaine de [Adresse 6] comprend des immeubles appartenant à des sociétés qui ne sont pas dans la cause (SCI AVENUI propriétaire de 47 appartements, SCI POETINUI propriétaire de 37 appartements, SCI BAH propriétaire de 72 appartements),

- la SCI POEVA NUI n'est propriétaire que d'un seul immeuble (AITO 29 appartements), la SCI MARAVA NUI n'est propriétaire que de deux résidences (ACCACIA 24 appartements et GARDENIA 36 appartements), les SCI TEVA NUI et APIA NUI ne sont plus propriétaires d'aucun immeuble,

- la SAGEP occulte dans le calcul de sa créance les règlements intervenus soit la somme de 21 992 615 Fcfp arrêtée au mois d'octobre 2017, la créance de la SAGEP s'établissant alors à la somme de 44 029 666 Fcfp.

La SAGEP, intimée, par dernières conclusions régulièrement transmises le 3 septembre 2021, demande à la Cour de :

- condamner solidairement ou à défaut in solidum les SCI TEVA NUI et APIA NUI à payer à la SAGEP la somme de 66 022 281 Fcfp,

- constater et fixer au passif de la SCI POEVA II la créance de la SAGEP à la somme de 66 022 281 Fcfp,

- constater et fixer au passif de la SCI MARAVA NUI la créance de la SAGEP à la somme de 66 022 281 Fcfp,

- condamner solidairement ou à défaut in solidum les SCI TEVA NUI et APIA NUI à payer à la SAGEP une somme de 450 000 Fcfp par application de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie Française et la condamner aux entiers frais et dépens, distraits au profit de la SELARL MIKOU.

La SAGEP fait valoir que :

- l'expertise judiciaire de M. [I] a permis d'établir sa créance à fin août 2017, date à laquelle la gestion du réseau d'eau a été reprise par une autre entité, à la somme de 66 022 281 Fcfp, déduction faite de l'ensemble des règlements effectués par les SCI, et notamment ceux effectués en exécution du protocole d'accord du 21 février 2013 ; le décompte établi par l'expert, qui résulte d'une analyse des pièces produites par les SCI, n'est pas contestable,

- il est techniquement impossible de distinguer les consommations d'eau pour chaque société dans la mesure où le réseau d'eau ne comporte pas de compteur propre à chaque immeuble, ce défaut étant imputable à M. [U], promoteur du domaine [Adresse 6] et de son réseau de distribution d'eau,

- si aucune clef de répartition n'a pu être proposée par l'expert, c'est en raison de la carence des SCI à produire les éléments relatifs à la consistance des immeubles dont elles sont propriétaires,

- il est indifférent d'apprendre après expertise que certains immeubles seraient désormais détenus par d'autres SCI qui ne sont pas dans la cause ou que la SCI APIA NUI ne serait plus propriétaire d'aucun immeuble du domaine ; en effet, les SCI appelantes sont liées par la convention du 9 juillet 2007 ; elles sont désignées comme constituant un groupement appelé «le domaine de [Adresse 6]» et sont à ce titre redevables de l'ensemble de la consommation d'eau du groupement,

- le raccordement au réseau de 36 logements au-dessus de la cote 480 n'est pas établi, et en tout état de cause, n'a pas été autorisé ; en outre l'expert judiciaire a considéré qu'il n'y avait pas lieu, au regard des engagements des SCI résultant de la convention du 9 juillet 2007, de déduire la part de consommation d'eau afférente à ces logements pour la période antérieure à cette convention.

Par arrêt du 31 janvier 2019, la cour d'appel a infirmé le jugement du 12 février 2018 prononçant la résolution du plan de redressement par voie de continuation de la SCI MARAVA NUI, homologué le 6 juillet 2015, et prononçant sa liquidation judiciaire.

Par conclusions déposées au greffe le 26 février 2021, M. [W] [V], es qualité de liquidateur judiciaire de la SCI MARAVA NUI, a demandé à la cour de bien vouloir constater le montant de la créance de la SAGEP.

Par ordonnance de relevé de forclusion rendue par le juge commissaire de la SCI POEVA II le 12 décembre 2013, la SAGEP a été admise à déclarer sa créance au passif de cette société pour la somme de 61 862 010 Fcfp.

Par jugement du 14 mai 2018, le tribunal mixte de commerce de Papeete a homologué le plan de redressement par voie de continuation de la SCI POEVA II.

Pour un plus ample exposé des faits de la cause, des procédures, des prétentions et moyens dont la Cour est saisie, il est renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions d'appel des parties. L'exposé des moyens des parties, tel que requis par les dispositions de l'article 268 du code de procédure civile de la Polynésie française, sera renvoyé à la motivation ci-après à l'effet d'y répondre.

MOTIFS DE LA DECISION :

La cour rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de «constatations» ou à «dire et juger» qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions, en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques, mais uniquement des moyens.

Sur l'irrecevabilité soulevée au regard de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du 11 avril 2019 :

Selon l'article 284 alinéa 1er du code de procédure civile de la Polynésie française : «Le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche».

L'arrêt du 11 avril 2019 a infirmé le jugement entrepris en ce qu'il a :

- condamné solidairement les SCI POEVA II, TEVA NUI et APIA NUI à payer à la SAGEP la somme de 61 532 010 Fcfp arrêtée au 17 février 2014, déduction faite des versements opérés à hauteur de 7 321 000 Fcfp,

- constaté et fixé la créance de la SAGEP à l'encontre de la SCI MARAVA NUI à la somme de 61 532 010 Fcfp,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

- ordonné avant-dire droit une nouvelle expertise judiciaire,

- sursis à statuer sur les chefs infirmés,

- confirmé pour le surplus le jugement entrepris.

Si le jugement déféré est infirmé, la cour n'est cependant pas dessaisie de la contestation relative à la créance revendiquée par la SAGEP à l'égard des SCI appelantes, qui fait l'objet du litige, et que la cour n'a pas tranché. L'arrêt du 11 avril 2019 n'a donc pas autorité de la chose jugée sur ce point.

Il n'y a donc pas lieu de déclarer la SAGEP irrecevable en ses demandes.

Sur le fond :

Selon l'article 1315 du code civil dans sa rédaction en vigueur en Polynésie française, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le payement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Selon l'article 1202 alinéa du même code, la solidarité ne se présume point ; il faut qu'elle soit expressément stipulée.

En l'espèce, les parties sont liées par une convention du 9 juillet 2007 dont l'objet, selon son préambule, est de « définir les conditions dans lesquelles la SAGEP gère (le) réseau » d'eau desservant le domaine [Adresse 6].

En tête de cette convention, les quatre SCI signataires sont mentionnées comme étant «représentées par leur gérant, M. [J] [U], agissant également en qualité de porte fort de toute société civile ou de tout syndicat de propriétaires se situant sur la propriété de M. [U] en amont du domaine [Adresse 6], pour laquelle M. [U] s'était réservé des droits de raccordement aux réseaux du domaine [Adresse 6]».

Ce «groupement» ainsi «constitué» est simplement dénommé comme étant «les usagers», sans que cette notion soit clairement définie, ni aucune des obligations qui en découle dans leurs rapports entre eux et à l'égard de la SAGEP.

Certes, ladite convention indique au paragraphe : «Date d'effet - Durée de la convention», que : «sa signature valide le paiement par les usagers de tous les frais occasionnés par la gestion du réseau à compter rétroactivement du 6 janvier 2005».

Mais ni la désignation d'un «groupement d'usagers», ni cette stipulation, ni aucune autre de la convention du 9 juillet 2007, ne permet d'établir que les SCI concernées ont contracté une obligation indivisible - la solidarité ne serait alors que le résultat de l'impossibilité de déterminer les obligations respectives de chacune -, ou qu'elles seraient tenues solidairement de la dette de chacune à l'égard de la SAGEP, ou plus généralement qu'elles seraient redevables de l'ensemble des consommations d'eau du réseau, y compris celles d'usagers tiers.

Or, l'expertise judiciaire conduite par M. [I] n'a pas permis de proposer les éléments permettant la ventilation, à l'égard de chaque SCI appelante, de la créance revendiquée par la SAGEP, ni même de vérifier le quantum de la créance globale invoquée.

En effet, M. [I] a fixé la créance globale de la SAGEP de 2002 jusqu'au mois d'août 2017 à la somme de 66 022 281 Fcfp, mais il n'a pu déterminer, en particulier, s'agissant de la construction à partir de 2004 d'une troisième tranche de logements (36 logements en 2010), alimentés depuis le bassin cote 480 dont dépendent également les SCI appelantes, si la consommation de ces logements a été déduite des facturations de la SAGEP.

A cet égard, l'expert a relevé qu'il apparaît sur la facturation de l'année 2004 la déduction d'une consommation estimée de cette 3ème tranche, mais que les factures postérieures ne font mention d'aucune déduction, jusqu'en 2010, où des compteurs ont semble-t-il été installés ; en l'absence d'information sur le nombre, selon l'état d'avancement des travaux, et le type des logements construits, l'expert n'a pu estimer les déductions à réaliser, ce qui pose une difficulté, particulièrement, selon l'expert, pour les facturations postérieures à la convention du 9 juillet 2007.

Le raccordement de ces logements, qui ne concernent aucune des SCI, et que la SAGEP ne peut contester puisque, comme le relève l'expert, elle a accepté de déduire d'une de ses facturations (2004) une consommation prévisionnelle afférente à ce raccordement, pose, à elle seule, une difficulté qu'aucun élément du dossier ne permet d'écarter et qui exclut la détermination d'une créance opposable aux appelantes.

Outre cette difficulté, l'expert n'a pas non plus été en mesure d'établir, au sein du «domaine Amouyal» comprenant 245 logements selon le plan réalisé par M. [B] en 2010, une clé de répartition des consommations d'eau entre les SCI concernées, faute d'informations relatives à la répartition entre elles du parc immobilier, à la composition exacte de celui-ci, et à l'évolution dans le temps de ces éléments.

Par ailleurs, l'expert judiciaire a relevé qu'il n'existe plus aucune mention d'un relevé d'index sur les factures à partir de 2005, alors que ce n'est pas le cas pour les autres entités connectées au réseau d'eau. Aucun relevé de compteur ne lui a été transmis par la SAGEP.

Parmi d'autres difficultés encore, l'expert n'a pu identifier l'origine de certains règlements, ou a relevé des incohérences quant à l'imputation de certains d'entre eux à telle ou telle SCI.

La SAGEP ne s'explique utilement sur aucun de ces points.

Elle ne peut se contenter de relever qu'il n'existait pas de compteur propre à chaque immeuble, ni qu'il appartenait aux SCI appelantes de permettre à l'expert d'identifier les sociétés propriétaires des immeubles du domaine, alors qu'elle-même s'est abstenue de produire le moindre élément ou de faire la moindre observation à l'expert, notamment, par la voie d'un dire à réception du pré-rapport.

Outre que la propriété d'un bien immobilier est une information dont toute personne peut s'enquérir auprès de la conservation des hypothèques de [Localité 2], la gestion d'un réseau de distribution d'eau implique de connaître la personne et les besoins de ses utilisateurs.

Enfin, la SAGEP ne forme aucune demande subsidiaire s'agissant de l'exécution du protocole d'accord du 21 février 2013, lequel, en tout état de cause, ne permet pas de chiffrer une créance, sauf à interpréter la phrase le montant des sommes en litige s'élève approximativement à plus de 50 000 000 Fcfp», et à déterminer s'il peut s'agir d'un engagement solidaire, ce dont la cour n'est pas saisie.

En conséquence, la SAGEP échoue à rapporter la preuve de sa créance à l'égard des SCI MARAVA NUI, POEVA II, TEVA NUI, et APIA NUI.

Elle sera donc déboutée de ses demandes formées à l'encontre de ces sociétés.

Partant, il n'y a pas lieu de fixer la créance de la SAGEP au passif des sociétés MARAVA NUI et POEVA II.

Sur les frais et dépens :

L'arrêt du 11 avril 2019 a dit qu'il n'y avait pas lieu, à ce stade, d'allouer à l'une quelconque des parties une indemnité au titre de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française. Il a réservé les dépens.

Compte tenu de la solution adoptée, le jugement entrepris sera infirmé s'agissant des frais et dépens. La SAGEP sera déboutée de sa demande au titre de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française. Les dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais des expertises judiciaires de M. [K] [X] et de M. [A] [I], seront supportés par la SAGEP, qui succombe, conformément aux dispositions de l'article 406 du code de procédure civile de la Polynésie française.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;

RAPPELLE qu'en son arrêt n°148/add du 11 avril 2019 la cour a, notamment :

- constaté que M. [W] [V] a été dûment appelé en cause d'appel, en sa qualité de représentant des créanciers de la SCI POEVA II, placée en redressement judiciaire par un jugement du tribunal de première instance de Papeete du 25 janvier 2016 ;

- débouté les SCI MARAVA NUI, POEVA II, TEVA NUI, et APIA NUI de leur demande de "donner acte' concernant la désignation de M. [Z] [U] en qualité de gérant de l'ensemble de ces sociétés, en lieu et place de M. [J] [U], décédé en cours d'instance d'appel ;

- Infirmé le jugement n°272 (RG 10/00816) rendu par le tribunal civil de première instance de Papeete le 20 mai 2015 en ce qu'il a :

- condamné solidairement les SCI POEVA II, TEVA NUI et APIA NUI à payer à la SAGEP la somme de 61 532 010 Fcfp arrêtée au 17 février 2014, déduction faite des versements opérés à hauteur de 7 321 000 Fcfp,

- constaté et fixé la créance de la SAGEP à l'encontre de la SCI MARAVA NUI à la somme de 61 532 010 Fcfp,

Ceci rappelé,

STATUANT sur les chefs du jugement infirmé,

Vu l'arrêt n°148/add du 11 avril 2019,

Vu le rapport d'expertise judiciaire établi par M. [A] [I] le 9 novembre 2020,

DEBOUTE les SCI POEVA II, TEVA NUI, APIA NUI et MARAVA NUI de leur fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du 11 avril 2019,

En conséquence,

DECLARE recevables les demandes formées par la SAGEP à l'encontre de ces sociétés,

Au fond,

L'en DEBOUTE,

DIT n'y avoir lieu à fixer la créance de la SAGEP au passif des SCI POEVA II et MARAVA NUI,

INFIRME en outre le jugement déféré en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens,

STATUANT à nouveau de ces chefs et y ajoutant,

DEBOUTE la SAGEP de sa demande au titre des frais irrépétibles en application de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

CONDAMNE la SAGEP aux dépens, en ce compris les frais des expertises judiciaires de M. [K] [X] et de M. [A] [I].

Prononcé à Papeete, le 12 janvier 2023.

Le Greffier, Le Président,

signé : M. SUHAS-TEVERO signé : N. TISSOT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Papeete
Formation : Cabinet a
Numéro d'arrêt : 15/00438
Date de la décision : 12/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-12;15.00438 ?
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