N° 502
GR
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Copies exécutoires
délivrées à :
- Me Jannot,
- Me Kintzler,
Le 15.12.2022.
Copies authentiques
délivrées à :
- Me Quinquis,
- Me Algan,
- Me Lamourette,
- M. [W],
le 15.12.2022.
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D'APPEL DE PAPEETE
Chambre Civile
Audience du 8 décembre 2022
RG 19/00308 ;
Décision déférée à la Cour : jugement n° 325, rg n° 13/00602 du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete du 27 mai 2019 ;
Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 5 août 2019 ;
Appelants :
Mme [G] [C] veuve [Y], née le 7 mai 1964 à [Localité 13], de nationalité française, [Adresse 8] ;
M. [J] [C], né le 23 mai 1964, de nationalité française, [Adresse 7] ;
Ayant pour avocat la Selarl Jurispol, représentée par Me François QUINQUIS, avocat au barreau de Papeete ;
Intimés :
Mme [P] [C] épouse [Z], née le 23 février 1958 à [Localité 13], de nationalité française, [Adresse 6] ;
Ayant pour avocat la Selarl Kintzler & Associés, représentée par Me Diana KINTZLER, avocat au barreau de Papeete ;
La Sci Hinaraurea, [Adresse 10] ;
Représentée par Me Olivier JANNOT, avocat au barreau de Papeete ;
La Scp [R], [Adresse 3] ;
Ayant pour avocat la Selarl FMA Avocats, représentée par Me Vaitiare ALGAN, avocat au barreau de Papeete ;
Mme [P] [I] épouse [N], née le 3 janvier 1964 à [Localité 4],
de nationalité française, demeurant à [Localité 4] Titioro servitude Maraetefau, [Localité 4] ;
Représentée par Me Mathieu LAMOURETTE, avocat au barreau de Papeete ;
M. [H] [W], mandataire successorale de la succcession [C], [Adresse 5] ;
Ayant conclu ;
Ordonnance de clôture du 26 août 2022 ;
Composition de la Cour :
La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 8 septembre 2022, devant M. RIPOLL,conseiller désigné par l'ordonnance n° 83/OD/ PP.CA/21 du Premier Président de la Cour d'Appel de Papeete en date du 15 décembre 2021 pour faire fonction de Président dans le présent dossier, Mme BRENGARD, président de chambre, Mme TISSOT, vice-présidente placée auprès du premier président, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt contradictoire ;
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par M. RIPOLL, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A R R E T,
FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES :
[J] [C] et [G] [C] Vve [Y] ont assigné leur s'ur [P] [C] épouse [Z] et la SCI HINARAUREA en annulation d'une vente d'un terrain faite à cette dernière en 2002 par leurs parents décédés en 2008 et en 2011, au motif d'une absence d'autorisation du juge des tutelles et d'une donation déguisée faite à leur petite-fille [E] [Z], gérante de cette SCI. Ont été appelés en cause le notaire instrumentaire, le mandataire judiciaire de la succession [C], et [P] [I] épouse [N] ès qualités de légataire de feu [V] [C].
Par jugement rendu le 27 mai 2019, le tribunal civil de première instance de Papeete a :
Déclaré l'intervention volontaire de [P] [I] épouse [N] recevable ;
Rejeté toutes les demandes de [J] [C], [G] [C] et de [P] [I] ;
Déclaré le jugement opposable à [U] [K] ès qualités de mandataire successoral de la succession de [V] [F] [B] [C], décédé le 14 avril 2011, et de [T] [A] épouse [C], décédée le 12 août 2008 ;
Débouté pour le surplus ;
Condamné [J] [C], [G] [C] à verser à la société civile immobilière HINARAUREA une somme de 150.000 FCP au titre des frais irrépétibles ;
Condamné [J] [C], [G] [C] à verser à [P] [C] une somme de 150.000 FCP au titre des frais irrépétibles ;
Condamné [J] [C], [G] [C] aux dépens.
[G] [C] Veuve [Y] et [J] [C] ont relevé appel par requête enregistrée au greffe le 5 août 2019.
Il est demandé :
1° par [G] [C] Vve [Y] et [J] [C], appelants, dans leurs conclusions récapitulatives visées le 12 août 2020, de :
Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Vu les articles 457 anciens et 2252 anciens du Code Civil,
Dire et juger recevable l'action initiée par les requérants, ceux-ci justifiant de leur qualité à agir ;
Dire la prescription de l'article 1427 du Code Civil inapplicable à l'espèce ;
Dire et juger que la prescription de 5 ans de l'article 1304 du Code Civil n'a pu courir que du jour du décès de Madame [C] et constater que le délai de prescription n'était pas expiré à la date de la requête en nullité devant le Tribunal de Première instance ;
Prononcer l'annulation de l'acte de vente au ministère de Me [R], notaire à [Localité 4] en date du 12 décembre 2002 faute d'autorisations du juge des tutelles ou du conseil de famille pour procéder à un acte de disposition au nom de Madame [T] [C] ;
Ordonner que la présente décision sera transcrite à la conservation des hypothèques de [Localité 4] par la partie la plus diligente aux frais supportés par les défendeurs ;
À titre subsidiaire,
À défaut pour la SCI HINARAUREA de rapporter la preuve du paiement du prix de cession, prononcer la résolution de la vente pour inexécution de l'obligation à paiement du prix ;
Rejeter toutes demandes fins et conclusions des défendeurs et appelés en cause ;
Condamner les défendeurs au versement d'une somme de 500.000 F CFP en remboursement des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens avec distraction ;
2° par [P] [I] épouse [N], intervenante volontaire, dans ses dernières conclusions visées le 20 septembre 2021, de lui décerner acte en sa qualité de légataire universelle de monsieur [V] [C] qu'elle s'associe en tant que de besoin aux demandes, moyens, fins et prétentions formulés aux termes de la requête d'appel de monsieur [J] [C] et madame [G] [C] veuve [Y] ;
3° par la SCI HINARAUREA, intimée, dans ses conclusions visées le 26 février 2020, de :
Confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
Subsidiairement, statuant à nouveau,
Dire irrecevable l'intervention volontaire de [P] [N] ;
Dire irrecevables les demandes de [J] et [G] [C] ;
Vu les articles 1304 et 1427 du code civil,
Dire prescrite l'action en nullité de la vente litigieuse ;
Dire la SCI HINARAUREA fondée à invoquer à son profit la théorie de l'apparence ;
Dire en conséquence irrecevables ou en tout cas mal fondés [J] [C], [G] [C] veuve [Y] et [P] [I] épouse [N] à agir en résolution de la vente litigieuse ;
Donner acte à la concluante de ce qu'elle appelle en cause le notaire rédacteur de l'acte, Maître [S] [R] ;
Dire la décision à intervenir opposable à celui-ci ;
Subsidiairement, pour le cas où la vente serait annulée,
Condamner in solidum tous membres de la succession des époux [C] à rembourser à la SCI Hinaraurea le prix de vente de 48 millions ;
Dire qu'en cas d'impossibilité pour la SCI HINARAUREA d'obtenir restitution de tout ou partie du prix de vente, Maître [S] [R] sera tenu de garantir cette restitution ;
Vu l'article 555 du code civil,
Ordonner une expertise afin de déterminer la valeur dont le terrain objet de la vente à augmenter du fait de l'édification par la SCI Hinaraurea de la construction sise sur ledit terrain, et le coût des matériaux et de la main- d''uvre estimés à la date du remboursement ;
Surseoir à statuer sur l'indemnisation de la SCI Hinaraurea pour ses constructions, dans l'attente du rapport d'expertise précitée ;
Dire que tous membres de la succession [C] et Maître [S] [R] seront tenus de garantir la SCI Hinaraurea de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre à raison de la remise en cause des opérations de défiscalisation ;
En toutes hypothèses,
Condamner in solidum [J] [C], [G] [C] veuve [Y], et [P] [I] épouse [N] à payer à la SCI HINARAUREA la somme de 458 000 F CFP au titre de l'article 407 du code de procédure civile ;
Les condamner sous même solidarité aux dépens, tant de première instance que d'appel ;
4° Par [P] [C] épouse [Z], intervenante volontaire, dans ses conclusions visées le 26 février 2020, de :
Confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, sauf en ce qu'il déclara l'intervention volontaire de Madame [P] [I] épouse [N] recevable ;
Subsidiairement, statuant à nouveau,
Déclarer l'intervention volontaire de Mme [P] [I] épouse [N] irrecevable ;
Déclarer les demandes de Mme [G] [C] et de M. [J] [C] irrecevables ;
Déclarer l'action en nullité de Mme [G] [C] et de M. [J] [C] prescrite et en tous cas, mal fondée ;
En conséquence,
Débouter Mme [G] [C] et de M. [J] [C] de l'ensemble de leurs fins, moyens et conclusions ;
En toute hypothèse,
Condamner in solidum Mme [G] [C], M. [J] [C] et Mme [P] [I] épouse [N] à payer à Mme [P] [C] épouse [Z] la somme de 339.000 F CFP au titre de l'article 407 du Code de procédure locale ;
Les condamner sous la même solidarité aux dépens dont distraction ;
5° par la SCP [R], intimée, dans ses conclusions récapitulatives visées le 25 février 2021, de :
Vu le jugement du 27 mai 2019, vu l'article 45 du Code de procédure civile de la Polynésie française, vu les articles 1526, 1426 du Code civil d'une part et 1304 et 1427 du Code civil d'autre part, vu l'article 1382 du Code civil,
Au principal,
confirmer le jugement rendu le 27 mai 2019 ;
À titre subsidiaire,
juger irrecevable la requête d'appel de Madame [G] [C] et de Monsieur [J] [C], en ce qu'ils ne justifient pas d'une qualité à agir ;
juger irrecevable leur requête d'appel en qu'ils sont prescrits ;
juger irrecevables les demandes de Madame [P] [I] épouse [N] ;
À titre infiniment subsidiaire,
débouter en tout état de cause Madame [G] [C] et Monsieur [J] [C] de toutes leurs demandes ;
débouter la SCI HINARAUREA de toutes ses demandes, dans la mesure où elle ne démontre ni une faute du notaire, ni un préjudice, ni un lien de causalité ;
En tout état de cause,
condamner Madame [G] [C] et Monsieur [J] [C] à payer à la SCP [R] la somme de 250.000 FCFP au titre des frais irrépétibles de première instance et 250.000 FCFP au titre des frais irrépétibles d'appel ;
les condamner aux entiers dépens.
M. [H] [W], appelé en cause ès qualités de mandataire successoral pour accomplir la mission définie par une ordonnance de référé du 20 juin 2014, a fait connaître qu'il a été remplacé par Mme [U] [K] selon une décision du 29 janvier 2015. [U] [K], assignée à domicile avec avis de passage, n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 août 2022.
Il est répondu dans les motifs aux moyens et arguments des parties, aux écritures desquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
L'appel a été interjeté dans les formes et délais légaux.
Le jugement dont appel a retenu que :
-Par un acte notarié en date du 6 septembre 1988, Monsieur [V] [F] [B] [C] et Madame [T] [O] [X] [A], son épouse, mariés sous le régime de la communauté de meubles et acquêts (ancienne communauté légale), à défaut de contrat préalable à leur union célébrée à la mairie de [Localité 13] le 27 juin 1952, ont modifié le régime matrimonial et adopté le régime de la communauté universelle établi par l'article 1526 du Code civil, avec une clause d'attribution intégrale de la communauté à l'époux survivant. L'acte précisait que la communauté comprendrait tous les biens meubles et immeubles que les époux possèdent actuellement ou qui leur adviendront par la suite, à quelque titre que ce soit, notamment par succession, donation ou legs. L'acte précise que la communauté sera administrée par le mari, conformément aux dispositions des articles 1421 et suivants du Code civil. Un jugement du 8 mars 1989 a homologué l'acte notarié et le changement de régime matrimonial.
-Par jugement de tutelle en date du 11 décembre 2002, Madame [T] [X] [O] [A] épouse [C] a été placée sous le régime de la tutelle et son époux, Monsieur [V] [C], a été désigné en qualité d'administrateur légal sous contrôle judiciaire.
-Par acte notarié du 12 décembre 2002, Monsieur [V] [C] et Madame [T] [A], majeure en tutelle placée sous l'administration légale sous contrôle judiciaire de son époux Monsieur [V] [C], fonction à laquelle il a été nommé par le juge des tutelles de [Localité 4] en date du 11 décembre 2002 autorisant Monsieur [C] à être substitué dans l'exercice des pouvoirs de son épouse, ont vendu à la société civile immobilière Hinaraurea, représentée par Mademoiselle [E] [L] [Z], une parcelle de terre dépendant de la parcelle C dépendant des terres [Localité 9], [Localité 16], [Localité 11], [Localité 15], [Localité 14], [Adresse 12], d'une superficie de 8000 m2 figurant au cadastre section T[Cadastre 2] n°[Cadastre 1], pour une contenance de 80 ares, moyennant le prix de 48 millions de francs CFP, à verser au plus tard le 20 décembre 2002 au moyen d'un seul versement.
-Madame [A] est décédée le 11 août 2008. Monsieur [C] est décédé le 14 avril 2011.
-Sur l'intervention volontaire :
L'article 195 du code de procédure civile de la Polynésie française dispose : «l'intervention est formée par conclusions, communiquer aux parties pour y répondre dans le délai fixé par le juge. L'intervention ne peut retarder le jugement d'une affaire principale en l'état. Peuvent intervenir tous ceux qui justifient d'un intérêt. L'intervention peut également être ordonnée par le juge.» Intervient volontairement à titre principal à la procédure le tiers qui notifie aux parties des conclusions aux termes desquelles il élève une prétention à son profit. L'intervention doit se rattacher aux prétentions originaires par «un lien suffisant». L'intervenant doit avoir un intérêt propre à ce que la prétention de la partie principale soit reçue par le juge. L'intervention volontaire est recevable, malgré l'irrecevabilité de la demande principale. L'intervenant volontaire doit alors être considéré comme reprenant l'instance au lieu et place du demandeur principal qui a perdu sa qualité pour agir (Cour de Cassation, 2ème Chambre civile, 11 avril 2013, n° 12-18.931).
Madame [P] [I] épouse [N], est intervenue volontairement à l'instance, en qualité de légataire dans la succession de feu Monsieur [V] [C], en vertu d'un testament olographe en date du 13 février 2002. Madame [I], qui s'en est rapportée aux conclusions des requérants, justifie d'un intérêt à agir car son intervention se rattache aux prétentions originaires par un lien suffisant. L'intervention volontaire de Madame [I] est donc recevable.
-Sur les fins de non-recevoir :
Aux termes de l'article 45 du code de procédure civile de la Polynésie française : «constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfixé, la chose jugée.» Les fins de non-recevoir doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d'un grief et alors même que l'irrecevabilité ne résulterait d'aucune disposition expresse. La fin de non-recevoir peut être soulevée en tout état de cause.
-Sur la qualité à agir :
Dans le régime de la communauté universelle, tous les biens possédés par chacun des époux sont mis en commun, et, ce quelle que soit leur date d'acquisition - avant ou après le mariage ainsi que leur origine, notamment, ils incluent les biens reçus par donation ou succession, sauf clause contraire. Les époux ont la possibilité d'assortir à ce régime, une clause d'attribution intégrale au conjoint survivant en vertu de laquelle, au décès du premier époux, l'intégralité du patrimoine conjugal revient au conjoint survivant, et ce même en présence d'enfants, et sans formalités d'ouverture
de succession. Ce régime assure une protection optimale du conjoint survivant, en lui permettant de se faire attribuer, au décès de son époux, l'intégralité des biens communs. Cette situation lui permet de gérer seul l'intégralité de son patrimoine.
Monsieur [J] [C] et Madame [G] [C], en leur qualité de successibles, demandent de constater la nullité du contrat de vente en date du 12 décembre 2002, en raison de l'incapacité de leur mère à consentir à la vente, puisqu'elle était placée sous le régime de la protection judiciaire.
La nullité d'une convention est relative si seul un intérêt particulier est concerné. Seul le cocontractant peut l'invoquer, dans un délai de 5 ans à partir du jour de la conclusion du contrat. Toutefois lorsque la nullité d'une convention est demandée en raison de vices du consentement, ce délai ne court qu'à compter de la découverte du vice.
Aux termes des articles 456 et 457 du Code civil, dans leur rédaction en vigueur au moment du contrat de vente, qui s'appliquent par l'effet du renvoi de l'article 495 du Code civil relatif aux mineurs, le tuteur accomplit seul tous les actes d'administration, et ne peut, sans y être autorisé par le juge des tutelles ou le conseil de famille, faire des actes de disposition. L'action en nullité des actes passés en violation des dispositions précitées ne peut être exercée que par le majeur protégé et par ses héritiers après son décès.
Le décès de Madame [A] est intervenu le 11 août 2008. Or, par application du régime matrimonial adopté par les époux [C], aucune succession n'a été ouverte à cette date. Les biens appartenant à Madame [C], étant communs aux époux, sont devenus la propriété unique de Monsieur [V] [C], sans ouverture d'une succession de Madame [A]. et les enfants issus de leur union n'ont pas acquis la qualité d'héritiers de Madame [C].
Il convient donc de constater que Monsieur [J] [C] et Madame [G] [C] n'ont jamais acquis la qualité d'héritiers de Madame [A], leur mère, et ne peuvent agir en nullité de l'acte de vente. Ils sont donc dépourvus de qualité à agir.
En ce qui concerne Madame [I], qui est légataire dans la succession de Monsieur [V] [C], elle n'a pas la qualité d'héritier de Madame [A], son épouse, et est donc
également dépourvue de qualité à agir.
Il convient donc de rejeter toutes les demandes.
-Sur les demandes reconventionnelles :
- Sur la responsabilité du notaire :
La SCI HINARAUREA a mis dans la cause le notaire, rédacteur de l'acte de vente en date du 12 décembre 2002, afin de la garantir de toutes condamnations prononcées contre elle. Les demandes ne peuvent qu'être rejetées, par voie de conséquence.
-Sur la demande en dommages et intérêts :
La demande en dommages et intérêts présentée par le défendeur à une action en justice sur le fondement de l'action abusive du demandeur implique de caractériser la faute commise dans l'exercice du droit d'ester en justice. Le notaire doit assurer la validité et l'efficacité des actes qu'il instrumente et doit s'assurer de la capacité et des pouvoirs des parties à l'acte.
Aucune faute des requérants n'est démontrée en l'espèce. La demande du notaire, Maître [R], est donc rejetée.
Les moyens d'appel de [G] [C] Vve [Y] et de [J] [C] sont : ils ont la qualité d'héritiers de leur mère prédécédée ; l'attribution intégrale de son patrimoine à leur père n'a fait que différer leur droit à la saisine successorale ; ils sont aussi les continuateurs de la personne de Mme [C] qui était sous tutelle ; la vente dont l'annulation est demandée aurait dû être autorisée par le conseil de famille et, à défaut de constitution de celui-ci, par le juge des tutelles ; la nullité est de plein droit ; la prescription applicable est celle de l'action en nullité des actes passés par un incapable, elle est suspendue pendant la tutelle, et elle a couru à compter du décès de Mme [C] le 11/08/2008 ; l'action n'est pas prescrite ; la vente ne peut pas être validée au nom de la théorie de l'apparence car il est constant que la gérante de la SCI HINARAUREA ne pouvait que connaître l'état d'incapacité de sa grand-mère ; subsidiairement, la vente doit être résiliée faute de rapporter la preuve du paiement du prix par l'acquéreur.
Sur quoi :
Par jugement rendu le 11 décembre 2002, le juge des tutelles du tribunal de première instance de Papeete a déclaré ouverte la tutelle de [T] [A] épouse [C] et a désigné son époux [V] [C] en qualité d'administrateur légal sous contrôle judiciaire.
Ce jugement n'a pas été assorti de l'exécution provisoire et celle-ci n'était pas de droit (C.P.C.P.F., art. 308). Il n'est donc devenu définitif qu'à l'expiration du délai d'appel de 15 jours (art. 586).
Or, l'acte authentique de la vente d'immeuble à la SCI HINARAUREA dont l'annulation est demandée a été passé le 12 décembre 2002, soit le lendemain du jour où a été rendu le jugement de tutelle qui n'était pas alors exécutoire, nonobstant qu'il ait été mentionné dans l'acte.
La SCP [R], notaire instrumentaire, rappelle que par jugement du 14 novembre 2001, [V] [C] avait été autorisé à se substituer à son épouse dans l'exercice des pouvoirs de celle-ci en application des dispositions de l'article 1426 du code civil, décision qui est produite.
L'article 1426 du code civil en vigueur en Polynésie française dispose que:
Si l'un des époux se trouve, d'une manière durable, hors d'état de manifester sa volonté, ou si sa gestion de la communauté atteste l'inaptitude ou la fraude, l'autre conjoint peut demander en justice à lui être substitué dans l'exercice de ses pouvoirs. Les dispositions des articles 1445 à 1447 sont applicables à cette demande.
Le conjoint, ainsi habilité par justice, a les mêmes pouvoirs qu'aurait eus l'époux qu'il remplace ; il passe avec l'autorisation de justice les actes pour lesquels son consentement aurait été requis s'il n'y avait pas eu substitution.
L'époux privé de ses pouvoirs pourra, par la suite, en demander au tribunal la restitution, en établissant que leur transfert à l'autre conjoint n'est plus justifié.
L'article 1427 dispose que :
Si l'un des époux a outrepassé ses pouvoirs sur les biens communs, l'autre, à moins qu'il n'ait ratifié l'acte, peut en demander l'annulation.
L'action en nullité est ouverte au conjoint pendant deux années à partir du jour où il a eu connaissance de l'acte, sans pouvoir jamais être intentée plus de deux ans après la dissolution de la communauté.
C'est cette action qui constitue l'exact fondement juridique de la demande de [G] et [J] [C], et non le défaut d'autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille, puisque la vente est antérieure à la date d'ouverture de la tutelle, à défaut d'exécution provisoire du jugement du 11 décembre 2002.
Le dépassement de pouvoirs par l'époux délégué en application de l'article 1426 du code civil peut consister en une fraude, celle-ci étant notamment l'avantage d'un tiers au détriment de la communauté. La demande de [G] et [J] [C] est fondée, en fait, sur l'invocation de l'existence d'une telle fraude, au motif que la vente a été simultanément assortie d'une promesse de rachat de l'immeuble par une société [C]-[M] dans laquelle une petite-fille, [E] [Z], était associée majoritaire avec sa mère [P] [C], le paiement du prix de vente n'étant au demeurant pas justifié.
L'action prévue par l'article 1427 du code civil a été recueillie par [G] et [J] [C] dans la dévolution successorale de leur mère [T] [C] décédée le 11 août 2008. La prescription biennale de cette action a été suspendue du vivant de celle-ci par l'effet de la tutelle dont elle faisait l'objet (C. civ., art. 2252). Elle a couru à compter de son décès, la communauté étant dissoute de plein droit par la mort de l'un des époux (art. 1441 1°).
La prescription de cette action est par conséquent acquise depuis le 12 août 2010, soit avant la date de l'introduction de la présente instance par requête du 8 août 2013.
Au surplus, cette action n'a pas été autorisée par tous les coïndivisiaires, ni été exercée ou poursuivie par le mandataire successoral désigné en justice (C. civ., art. 815-3 & 813-5).
Il en résulte que :
[G] et [J] [C] ont qualité et intérêt à agir en qualité d'ayants droit de leur mère, mais leur action, qui devait être exercée par tous les coïndivisaires et le mandataire successoral, est irrecevable et prescrite.
Cette action a pour objet un dépassement de pouvoirs par feu [V] [C] dans l'administration de la communauté. Sa légataire universelle, [P] [I] épouse [N], est par conséquent recevable à intervenir.
Elle-même héritière de ses parents [V] et [T] [C], [P] [C] épouse [Z] est aussi recevable à intervenir.
D'autre part, [G] et [J] [C] demandent la résolution de la vente pour défaut de paiement du prix par l'acquéreur. La SCI HINARAUREA conclut que la créance du prix de vente a été cédée à la SCI [C]-[M] le 18 décembre 2002, que la succession des époux [C] est irrecevable à agir en paiement ou en résolution de la vente, et que l'action à ces fins est prescrite.
Si l'acheteur ne paye pas le prix, le vendeur peut demander la résolution de la vente (C. civ., art. 1654). Cette action, qui se prescrit par trente ans (C. civ. en vigueur en Polynésie française, art. 2262), a été transmise dans la succession des époux [C] à leurs héritiers, mais il existe une indivision successorale qui requiert qu'elle soit exercée avec le consentement de tous (C. civ., art. 815-3), ce qui n'est pas le cas. De plus, il a été désigné un mandataire successoral qui représente l'ensemble des héritiers (art. 813-5) et qui n'a pas poursuivi l'action.
[G] et [J] [C] sont par conséquent irrecevables à agir seuls en résolution de la vente pour défaut de paiement du prix en qualité d'héritiers des vendeurs, dont l'indivision successorale comprend d'autres héritiers et qui se trouve sous mandat judiciaire.
Il résulte de l'irrecevabilité des demandes principale et subsidiaire que les autres demandes formées par la SCI HINARAUREA sont sans objet.
Le jugement entrepris sera par conséquent confirmé par substitution de motifs.
L'équité ne commande pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française devant la cour. La partie qui succombe est condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
En la forme, déclare l'appel et les interventions recevables ;
Au fond, confirme le jugement entrepris ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française devant la cour ;
Rejette toute autre demande ;
Met à la charge de [J] [C] et [G] [C] Veuve [Y] les dépens de première instance et d'appel, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 409 du Code de procédure civile de la Polynésie française.
Prononcé à [Localité 4], le 8 décembre 2022.
Le Greffier, Le Président,
Signé : M. SUHAS-TEVERO Signé : G. RIPOLL