N° 460
MF B
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Copies exécutoires
délivrées à :
- Me Toudji,
- Me Marchand,
Le 28.11.2022.
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D'APPEL DE PAPEETE
Chambre Civile
Audience du 24 novembre 2022
RG 21/00176 ;
Décision déférée à la Cour : ordonnance de non-conciliation n° 975, rg n° 20/00068 du Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Première Instance de Papeete du 22 octobre 2020 ;
Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 27 mai 2021 ;
Appelante :
Mme [X] [R] [O], née le 11 mars 1972 à [Localité 4], de nationalité française, demeurant à [Adresse 2] ;
Représentée par Me Myriam TOUDJI, avocat au barreau de Papeete ;
Intimé :
M. [G] [V], né le 18 octobre 1962 à [Localité 5], de nationalité française, demeurant à [Adresse 3];
Représenté par Me Johan MARCHAND, avocat au barreau de Papeete ;
Ordonnance de clôture du 10 juin 2022 ;
Composition de la Cour :
La cause a été débattue et plaidée en audience non publique du 13 octobre 2022, devant Mme BRENGARD, président de chambre, M. RIPOLL, conseiller, Mme TISSOT, vice-présidente placée auprès du premier président, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt contradictoire ;
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par Mme BRENGARD, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A R R E T,
Suivant ordonnance de non-conciliation n° 975 rendue contradictoirement le 22 octobre 2020 (RG 20/000 68), le juge aux affaires familiales du tribunal de première instance de Papeete, saisi par la requête en divorce de l'épouse déposée le 22 janvier 2020 :
' a constaté la non-conciliation des époux [X] [O] épouse [V] et [G] [V] mariés depuis le 16 février 2002 à [Localité 1],
' a autorisé les époux à introduire l'instance en divorce et rappelé les termes de l'article 505 du code de procédure civile de Polynésie française selon lequel, dans les trois mois du prononcé de l'ordonnance, seul l'époux qui a présenté la requête initiale peut assigner en divorce,
' a fait défense à chacun des époux de troubler l'autre en sa résidence,
' a dit que chacun des époux pourra reprendre ses vêtements et objets personnels,
' a attribué à M. [V] la jouissance du véhicule GMC immatriculé 255 040 P et à Mme [O] le véhicule BMW immatriculé 213 930 P,
' a désigné M. [V] pour régler à titre d'avance sur la liquidation de leurs intérêts patrimoniaux, le crédit immobilier relatif à l'appartement au sein de la résidence Sky Nui,
' a débouté les parties du surplus de leurs demandes,
' a rappelé que son ordonnance était exécutoire par provision,
' a dit que les dépens seraient supportés par moitié par chacune des parties et recouvrer le cas échéant comme en matière d'aide juridictionnelle, et que la charge définitive des dépens pourra être modifiée par le juge du fond.
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Suivant requête enregistrée au greffe le 27 mai 2021, Mme [X] [O] épouse [V] a relevé appel de l'ordonnance querellée dont elle sollicite au principal, l'infirmation en ce qui concerne les dispositions relatives au rejet de la demande de provision à valoir sur ses droits dans la liquidation du régime matrimonial.
En ses conclusions récapitulatives du 11 février 2022, Mme [O] entend donc voir la cour, statuant à nouveau après réformation partielle du jugement,
- lui allouer une somme de 14 000 000 Fcfp à titre de provision à valoir sur ses droits dans la liquidation du régime matrimonial puis, condamner en tant que de besoin l'époux à lui payer cette somme,
Y ajoutant,
- désigner la SCP notariale Clemencet Pinna afin d'établir un projet d'état liquidatif du régime matrimonial,
- dire et juger que la provision à valoir sur les émoluments du notaire sera à la charge de l'époux,
- condamner M. [V] à lui payer une pension alimentaire mensuelle d'un montant de 40'000 Fcfp au titre du devoir de secours à compter de l'enregistrement de la requête d'appel, ainsi qu'une indemnité de procédure de 200'000 Fcfp en vertu de l'article 407 du code de procédure civile, en plus des entiers dépens.
Elle fait valoir que sa demande de provision est recevable en vertu des dispositions de l'article 255, 7ème alinéa du Code civil ; que le bien immobilier commun aux époux a été vendu de sorte qu'elle est fondée à demander une avance sur ses droits dans la liquidation de la communauté et que la somme sollicitée correspond à sa part dans la communauté et qu'elle se trouve en état de nécessité ;
Elle justifie sa demande de désignation d'un notaire aux fins d'établissement d'un projet d'état liquidatif par la réticence manifeste de l'époux à procéder amiablement à la liquidation du régime matrimonial;
Elle explique, s'agissant de sa demande au titre du devoir de secours qu'elle présente pour la première fois en appel, que sa rémunération moyenne s'élève à 230'000 Fcfp et que ses charges représentent la moitié de ses revenus alors que son époux, employé à la banque de Tahiti, perçoit un salaire mensuel de 339'000 Fcfp et que même s'il supporte les échéances mensuelles de l'emprunt contracté pour l'acquisition de l'appartement commun, ce règlement se fait à charge de récompense dans les opérations de liquidation à venir de sorte qu'il convient de prendre en considération la différence de revenus qui justifie sa demande de 40'000 Fcfp .
En ses conclusions récapitulatives et responsives du 13 avril 2022, M. [V] sollicite la confirmation de l'ordonnance de non-conciliation querellée ainsi que le rejet des demandes de Mme [O] et la condamnation de celle-ci au paiement d'une indemnité de procédure de 150'000 Fcfp outre les entiers dépens.
S'en remettant à la motivation de la décision querellée, il souligne qu'il existe un désaccord des époux sur le montant de la part de chacun dans la liquidation du régime matrimonial et se prévaut d'une part, du fait que le patrimoine commun est important mais résulte de placement qui ne peuvent pas être encore liquidés, d'autre part, que l'épouse n'a jamais versé ses salaires sur le compte joint du couple mais sur un compte personnel de sorte qu'elle n'est pas dans le besoin.
Il rappelle que la demande de pension alimentaire au titre du devoir de secours n'a pas été formulée devant le juge aux affaires familiales et indique qu'il n'est pas produit d'éléments justifiant qu'elle soit présentée pour la première fois en appel.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 juin 2022.
Motifs de la décision :
Sur le rejet de la demande de provision à valoir sur la liquidation du régime matrimonial :
Mme [O] a présenté cette prétention au visa de l'article 255 alinéa 7 du code civil qui prévoit effectivement que, dans le cadre des mesures provisoires avant divorce, le juge aux affaires familiales peut accorder à l'un des époux, une provision à valoir sur ses droits dans la liquidation du régime matrimonial si la situation le rend nécessaire.
Le juge, agissant dans son pouvoir d'appréciation de l'entier litige opposant les époux engagés dans la phase initiale de la procédure de divorce, a rejeté la demande de provision formulée par l'épouse aux motifs qu'il existe un désaccord sur le montant de la part de chacun que Mme [O] chiffre à 14 140 000 Fcfp et que cette dernière n'a pas justifié de son état de nécessité.
La cour relève,
- que, dans ses dernières conclusions, M. [V] déclare sans être contredit, que Mme [O] ne l'a toujours pas assigné en divorce alors que l'ordonnance de non-conciliation, qui l'autorisait à poursuivre la procédure, est datée du 22 octobre 2020,
- qu'une provision à valoir sur les droits d'un des époux dans la liquidation du régime matrominal peut être accordée par le juge, en considération de ses droits prévisibles sur l'actif commun : or, les éléments fournis en appel ne suffisent pas à trancher le désaccord des parties sur le montant actuel de leur part respective dans le partage de leurs actifs communs (bulletins de salaire 2020 et 2021; divers relevés de comptes bancaires ; décompte établi par l'épouse elle-même ; bail expirant le 10 mars 2022 ),
en outre, il ressort des écritures des parties que l'actif matrimonial a été affecté, d'un accord commun, à des placements financiers qui ne peuvent être liquidés instantanément et, du reste, l'ensemble des éléments objectifs afférents auxdits placements ne sont pas versés aux débats,
- que l'épouse qui perçoit un salaire, fournit très peu d'informations sur ses disponibilités financières actuelles ; elle ne justifie pas que sa situation rend nécessaire l'attribution d'une telle provision, car la seule différence entre ses revenus et ceux de son époux ne suffit pas à caractériser l'état de nécessité requis par les dispositions légales susvisées.
Sur la désignation d'un notaire aux fins d'établissement d'un projet d'état liquidatif :
Cette demande est prématurée car l'assignation en divorce n'est pas délivrée et, au surplus, si les époux s'opposent actuellement sur le montant de l'actif qui restera à partager après divorce et paiement de leurs dettes, rien n'indique que s'ils poursuivent la procédure, ils auront besoin qu'un notaire estime les biens meubles et immeubles qu'ils détiendront encore en commun.
Sur la demande de pension alimentaire au titre du devoir de secours :
Cette demande est fondée sur l'article 255 6ème du Code civil. Elle n'est pas nouvelle en appel car le juge l'évoque dans sa décision au paragraphe consacré à la prise en charge des prêts.
L'accomplissement du devoir de secours prend la forme d'une pension alimentaire qui est fixée en fonction des ressources et besoins de chacun des époux.
Cependant, en l'espèce, le juge aux affaires familiales a désigné M. [V] pour procéder au règlement du crédit immobilier afférent à l'achat du bien commun, et même si cette charge est supportée à titre d'avance sur la communauté, Mme [O] a été déchargée de cette dépense qui aurait pu grever mensuellement ses revenus.
Pour le surplus, comme il l'a déjà été dit plus haut, les ressources et charges réelles de Mme [O] au jour où la cour statue, ne sont pas suffisamment établies pour permettre de dégager une distorsion avec la situation financière de M. [V] qui, même s'il gère les placements communs, n'est pas autorisé à les utiliser à son seul bénéfice et devra rendre compte de sa gestion dans le cadre des opérations de liquidation.
En conséquence, la cour rejettera les demandes de Mme [O] et confirmera l'ordonnance entreprise.
Sur les frais de procédure :
Les dépens et les frais irrépétibles d'appel sont à la charge de l'appelante succombant sur l'ensemble de ses demandes.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant par mise à disposition, non publiquement, contradictoirement, en matière familiale et en dernier ressort ;
Vu l'appel de Mme [X] [O] à l'égard de l'ordonnance de non-conciliation rendue le 22 octobre 2020,
Déboute Mme [O] épouse [V] de l'ensemble de ses prétentions,
Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions,
Vu les articles 406 et 407 du code de procédure civile de Polynésie française,
Condamne l'appelante aux dépens outre le paiement à M. [G] [V] d'une indemnité de procédure de 150 000 Fcfp au titre des frais irrépétibles d'appel.
Prononcé à Papeete, le 24 novembre 2022.
Le Greffier, Le Président,
signé : M. SUHAS-TEVERO signé : MF BRENGARD