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24/11/2022 | FRANCE | N°21/00056

France | France, Cour d'appel de Papeete, Chambre des terres, 24 novembre 2022, 21/00056


N° 118





CT

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Copie exécutoire

délivrée à :

- Me Antz,

le 30.11.2022.





Copies authentiques

délivrées à :

- Me Dumas,

- Curateur,

le 30.11.2022.



REPUBLIQUE FRANCAISE



COUR D'APPEL DE PAPEETE



Chambre des Terres





Audience du 24 novembre 2022





RG 21/00056 ;



Décision déférée à la Cour : ordonnance n° 43, rg n° 20/00132 du conseiller de la mise en état de

la Cour d'Appel de Papeete du 19 février 2021, ensuite de l'appel du jugement n°24/add, g n° 08/00024 du Tribunal Civil de Première Instance de Papeeete, Tribunal Foncier de la Polynésie française, du 3 février 2020 ;



Sur requête après rad...

N° 118

CT

---------------

Copie exécutoire

délivrée à :

- Me Antz,

le 30.11.2022.

Copies authentiques

délivrées à :

- Me Dumas,

- Curateur,

le 30.11.2022.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D'APPEL DE PAPEETE

Chambre des Terres

Audience du 24 novembre 2022

RG 21/00056 ;

Décision déférée à la Cour : ordonnance n° 43, rg n° 20/00132 du conseiller de la mise en état de la Cour d'Appel de Papeete du 19 février 2021, ensuite de l'appel du jugement n°24/add, g n° 08/00024 du Tribunal Civil de Première Instance de Papeeete, Tribunal Foncier de la Polynésie française, du 3 février 2020 ;

Sur requête après radiation déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 6 août 2021 ;

Demandeur :

M. [R] [JO], né le 8 août 1955 à Los Angeles, de nationalité française et américaine, demeurant à [Adresse 5] ;

Représenté par Me Brice DUMAS, avocat au barreau de Papeete ;

Défenderesse :

Mme [EE] [NC] [DH]-[JO], née le 20 juillet 1954 à californie, de nationalité américaine, demeurant [Adresse 3] California ;

Représentée par Me Dominique ANTZ, avocat au barreau de Papeete ;

Et de la cause :

M. [WS] [MF], né le 20 février 1938 à [Localité 17], de nationalité française, demeurant à [Adresse 18] ;

M. [EP] [DH], né le 17 otobre 1953 à [Localité 13], de nationalité française, demeurant à [Adresse 16] ;

M. [PW] [GJ] [DH], né le 22 octobre 1952 à [Localité 24], de nationalité française, demeurant à [Adresse 26] ;

Mme [A] [DH] épouse [ZU], née 26 mars 1945 à [Localité 24], de nationalité française, demeurant à [Adresse 25] ;

Mme [GV] [WG] [MF], née le 1er avril 1964 à [Localité 20], de nationalité française, demeurant à [Adresse 19] ;

M. [O] [LI] [DH], né le 31 octobre 1931 à [Localité 20], de nationalité française, demeurant à [Adresse 19] ;

Mme [IS] [CK] [DH] épouse [K], née le 29 mai ... à [Localité 20], de nationalité française, demeurant à [Adresse 23] ;

M. [C] [DH], né le 6 mai 1952 à [Localité 15], de nationalité française, demeurant à [Adresse 14] ;

Mme [FB] [TY], née le 26 otobre 1977 à [Localité 20], de nationalité française, demeurant [Adresse 4] ;

Mme [VV] [N] [DH] épouse [D], née le 16 août 1955 à [Localité 20], de nationalité française, demeurant [Adresse 29] ;

Mme [MR] [OZ] [DH] épouse [TM], née le 14 février 1958 à [Localité 20], de nationalité française, [Adresse 10] ;

Mme [HS] [AW], [Adresse 11] ;

Mme [AD] [KL] épouse [ON], née le 23 avril 1960 à [Localité 20], de nationalité française, [Adresse 12] ;

Mme [V] [SP] [OC] [Z] épouse [TB], née le 12 juillet 1953 à [Localité 20], de nationalité française, demeurant [Adresse 1] ;

M. [LU] [X] [RT] [DH], né le 26 octobre 1957 à [Localité 20], de nationalité française, [Adresse 9] ;

M. [P] [U] [PK] [G] [DH], né le 14 octobre 1951 à [Localité 20], de nationalité française, demeurant à [Adresse 22] ;

M. [FM] [L] [HV], né le 17 mars 1951 à [Localité 31], de nationalité française, demeurant à [Adresse 32] ;

M. Le Curateur aux Biens et Successions Vacants, sis à [Adresse 21], pour représenter les héritiers de :

- [Y] [DH],

- [FM] [HV],

- [L] [HV],

- [E] [DH],

- [A] [DH],

- [XD] [DH] ;

Tous non comparants ;

Ordonnance de clôture du .17 juin 2022 ;

Composition de la Cour :

La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 23 juin 2022, devant Mme SZKLARZ, conseiller faisant fonction de président, M. SEKKAKI, conseiller, Mme TEHEIURA, magistrat honoraire de l'ordre judiciaire aux fins d'exercer à la cour d'appel de Papeete en qualité d'assesseur dans une formation collégiale, qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;

Arrêt par défaut ;

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Signé par Mme SZKLARZ, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A R R E T,

Par jugement du 3 février 2020 auquel il est expressément fait référence pour la procédure antérieure, le tribunal foncier de la Polynésie française section 2 a notamment :

- déclaré irrecevables les demandes formées par [R] [JO] aux fins qu'il soit jugé que la filiation et la reconnaissance de [EE] [DH]-[JO] par [SE] [JO] ne sont pas établies, et à titre subsidiaire, que [EE] [DH]-[JO] ne peut prétendre à un droit héréditaire sur la succession de [SE] [JO] ;

- rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par [EE] [DH]-[JO] ;

- rappelé que par jugement du 24 juin 2015 le tribunal a ordonné le partage de la parcelle [Cadastre 8] de la terre [Localité 7] lot 3, la parcelle [Cadastre 6] de la terre [Localité 33] lot 3, la parcelle [Cadastre 8] de la terre [Localité 27] 1 et la parcelle [Cadastre 8] de la terre [Localité 28] situées à MOOREA en huit lots d'inégale valeur ;

- ordonné le sous partage des lots issus des terres [Localité 7] lot 3, [Localité 33] lot 3 et [Localité 27] 1 parcelle [Cadastre 8] devant revenir à [W] [DH] en quatre lots d'inégale valeur ;

- ordonné le sous partage du lot issu de la terre [Localité 28] parcelle [Cadastre 8] devant revenir à [W] [DH] en cinq lots d'égale valeur ;

- ordonné le sous partage des lots issus des terres [Localité 7] lot 3, [Localité 33] lot 3 et [Localité 27] 1 parcelle [Cadastre 8] devant revenir à [C] [IG] [DH] en six lots d'inégale valeur ;

- ordonné le sous partage du lot issu de la terre [Localité 28] parcelle [Cadastre 8] revenant aux ayants droit d'[C] [VJ] [DH] en cinq lots d'égale valeur ;

- ordonné le sous partage des lots devant revenir à [JD] [P] [DH] et portant sur les terres [Localité 33] lot 3 et [Localité 27] 1 parcelle [Cadastre 8] en trois lots d'égale valeur ;

- ordonné le sous partage des lots issus des terres [Localité 7] lot 3 et [Localité 28] parcelle [Cadastre 8] devant revenir aux ayants droit de [JD] [P] [DH] en trois lots d'égale valeur ;

- ordonné une expertise afin de parvenir au partage et sous-partages.

Par requête enregistrée au greffe le 4 juin 2020, [R] [SE] [JO] a relevé appel de cette décision afin d'en obtenir l'infirmation partielle.

L'affaire a fait l'objet d'une ordonnance de radiation datée du 19 février 2021 et d'une remise au rôle de la cour d'appel sous le n° 21/00056/Terre.

Dans ses dernières conclusions récapitulatives, les demandes formées par [R] [JO] sont les suivantes :

«Dire et juger l'appel recevable,

Et,

Infirmer partiellement la décision RG/ 00024 du 3 février 2020 en ce qu'elle a :

- déclaré M. [R] [JO] irrecevable en ses demandes tendant à voir le tribunal dire que la filiation et la reconnaissance de Mme [EE] [KX]-[JO] par M. [SE] [JO] n'est pas établie, et à titre subsidiaire, à dire que Mme [EE] [DH]-[JO] ne peut prétendre à aucun droit héréditaire sur la succession de M. [SE] [JO],

Et,

Condamné M. [R] [JO] à verser à Mme [EE] [KX]-[JO] la somme de 400.000 F CFP sur le fondement de l'article 407 du Code de Procédure civile de la Polynésie française,

Et, statuant de nouveau de ce chef,

Dire et juger l'action recevable,

Et,

Dire et juger l'acte de notoriété de M. [F] [JO] établit le 16 octobre 2014, pour l'office notarial de Me [B] est nul et de nul effet,

Et,

A titre principal,

Dire et juger que la filiation et la reconnaissance de Mme [EE] [DH]- [JO] et M. [SE] [JO] n'est nullement établie par elle,

Et,

Par conséquent,

Constater que Mme [EE] [DH]-[JO] ne démontre pas être la fille de M. [SE] [JO],

Et, en tout état de cause,

Dire et juger qu'en tout état de cause, Mme [EE] [KX] ne saurait prétendre à une part de l'héritage, cette dernière ayant fait l'objet d'une adoption rompant tout bien patrimonial avec sa famille d'origine,

A titre subsidiaire,

Dire et juger qu'il n'y a pas lieu à possession d'état,

Et, Par conséquent,

Dire et juger que Mme [EE] [DH]-[JO] ne peut prétendre à aucun droit foncier dans la procédure actuelle de partage en qualité d'ayant droit de M. [SE] [JO],

Et,

Dire et juger irrecevable Mme [EE] [DH]-[JO] en son intervention et en ses demandes faute pour elle de pouvoir prétendre à la qualité d'ayant droit de M. [SE] [JO],

Ou, à tout le moins,

La juger dépourvue de droits fonciers,

Et,

La débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions,

Et,

Condamner Mme [EE] [DH]-[JO] à verser à M. [R] [JO] la somme de 440 000 FCFP au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens».

Il soutient que l'appel est recevable en application des dispositions de la délibération 2020-14 APF du 17 avril 2020 portant adaptation des procédures en matière civile et administrative ; que l'exception d'incompétence territoriale soulevée par l'intimée «est irrecevable car tardive, n'ayant pas été soulevée avant toute défense au fond et au surplus pour la première fois en cause d'appel» ; qu'en outre, elle «n'est nullement fondée, la contestation étant portée dans le cadre d'un litige foncier portant sur un bien immobilier à partager en Polynésie française» et qu'il appartient «au tribunal foncier puis à la chambre des terres de la Cour d'appel de statuer sur l'irrecevabilité de l'intervention de l'intimée dans la procédure en partage» ; que le tribunal foncier de la Polynésie française a constaté à tort «que la décision rendue le 22 décembre 2014 est frappée de l'autorité de chose jugée en ce qu'il existe une identité de cause, d'objet et de parties sur le point de savoir si Mme [EE] [RH] [KX] a vocation à hériter de [SE] [M] [F] [JO]» ; que la cour de cassation juge de façon constante que «seul le dispositif stricto sensu de la décision concernée est pris en considération pour déterminer si l'autorité de la chose jugée s'y attache» et qu' «en l'espèce, le jugement du 22 décembre 2014 ne fait mention dans son dispositif d'aucune décision concernant la filiation alléguée de Mme [EE] [RH] [KX]».

Il ajoute que «Mme [EE] [DH]-[JO] (anciennement dénommée [EE] [RH] [KX]) ne justifie aucunement de son lien de filiation» ; que «seul a été communiqué'un certificat de naissance américain non signé par le père allégué ni par la mère» qui «n'atteste donc aucunement du lien de filiation allégué» ; que, «bien au contraire, tout semble indiquer qu'elle n'a pas été reconnue par son père allégué puisqu'elle ne porte pas son nom sur l'acte de naissance transmis, mais le nom de sa mère à savoir le nom de [T] [ZI] [BG]» ; que l'intimée «a par la suite le nom de sa famille adoptive ([EE] [RH] [KX]) pour changer de nouveau son nom et finalement porter depuis 2014, le nom de [JO]» ; que «ce changement de nom ne lui confère pour autant aucun droit» ; que «cet acte s'inscrivait nécessairement dans une démarche successorale, Mme [EE] [RH] [KX] dite [DH]-[JO] s'invitant depuis peu dans les démarches amiables de revendications foncières» et qu' «en effet, la loi californienne ne permet nullement à un enfant adopté d'hériter de ses parents biologique (California Family Cod section 8616) ; qu'en tout état de cause, «bien que non mentionné dans l'acte de notoriété, il apparait que Mme [EE] [DH]-[JO] (anciennement dénommée [EE] [RH] [KX]) a été'adoptée le 23 juin 1955 par le couple [KX]» ; que cette «adoption -ayant les effets d'une adoption plénière avec changement de nom- la prive de tout droit héréditaire autre que provenant de la succession de ses parents adoptifs, à savoir les époux [KX]'au regard du droit californien» ; qu' «il est d'ordre public que l'adoption plénière est irrévocable» ; que si l'intimé maintenait ses demandes, elle devrait engager une action en reconnaissance de paternité devant le juge aux affaires familiales et qu'elle ne remplit pas les conditions de la possession d'état imposées par les articles 311-1 et 311-2 du code civil.

[EE] [DH]-[JO] demande à la cour de :

- déclarer l'appel irrecevable ;

- déclarer irrecevable et sans fondement la requête de [R] [JO] ;

- confirmer le jugement attaqué ;

- lui allouer la somme de 1 000 000 FCP à titre de dommages-intérêts pour appel abusif ainsi que celle de 400 000 FCP, sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;

- laisser à [R] [JO] la charge des entiers dépens.

Elle fait valoir que le jugement a été signifié à [R] [JO] à domicile élu chez son avocat le 11 mars 2020 ; que le délai d'appel s'achevait le 12 mai 2020 et que le recours est tardif dans la mesure où la cour n'a été saisie que le 4 juin 2020 ; que, par ailleurs, les parties sont de nationalité américaine et résident aux Etats-Unis ; que, selon les dispositions des articles 11 et suivants du code de procédure civile, la juridiction territorialement compétente est celle du lieu où demeure le défendeur ; que la question du lien de filiation entre [EE] [DH]- [JO] et [SE] [JO] relève de la compétence exclusive de la juridiction familiale et de la juridiction américaine et que, contrairement à ce que prétend l'appelant, l'exception d'incompétence territoriale a été soulevée devant le tribunal civil ; que « Monsieur [R] [JO] a saisi le Tribunal Civil afin qu'il soit dit qu'un acte de notoriété dressé par un Notaire de Papeete était nul et de nul effet, mais cette demande s'analyse en fait en une rectification de l'acte de notoriété » ; qu'« il a été jugé par le Tribunal Civil de Première Instance de Papeete qu'«aucun texte ne donne compétence à cette Juridiction pour procéder à la rectification de l'acte de notoriété, qui relève, en réalité, de la seule compétence notariale» ; que «M. [R] [JO] a épuisé ses recours puisque son action a même été rejetée par le Tribunal Foncier dans le cadre d'une action en partage de la Succession» ; qu'il «n'a fait valoir aucune opposition dans le cadre d'une procédure en partage concernant des biens de la famille [DH]-[JO] et dans laquelle Mme [EE] [DH]-[JO] a démontré pouvoir hériter de M. [SE] [JO]»; qu' «il est dit dans un jugement du 22/12/2014 que la souche [SE] [JO] «est valablement représentée par [EE] [RH] [KX] et [R] [DT] [JO]» et que «M. [R] [JO] qui a pris connaissance de l'intervention de Mme [EE] [KX] n'a émis aucune réserve à ce sujet et jugement qui est définitif depuis le 22 décembre 2016».

Elle affirme, subsidiairement, qu'elle «est née d'une relation entre M. [SE] [JO] et une jeune américaine dont les parents n'ont pas supporté l'union et encore moins le fruit de cette union» ; que, pour ne pas éluder le débat de fond, elle produit «une déclaration de sa part qui, en tant que telle, aurait une valeur déterminante devant les Juridictions Américaines'» ; «une série de photographies'» ; «une consultation juridique émanant d'un Avocat Spécialiste du Droit de l'Adoption en Californie, ainsi que sa traduction» ; «une attestation (et sa traduction) de Mme [S] [ZI] [CW] née [XO] qui connaît parfaitement» sa vie ainsi que «le consentement de [ZI] [BG] et de [SE] [JO] à l'adoption, sa transcription et l'acte de naissance de la défenderesse» ; que l'appelant sait depuis toujours qu'elle est sa s'ur ; que prétendre qu'elle «serait seulement intéressée par le patrimoine de son père est justement méconnaître totalement l'intérêt que peut avoir son patrimoine pour» elle ; qu' «au terme de partages complexes, sans fin, extrêmement discutés, et surtout coûteux, elle bénéficiera peut-être d'un lopin de terre qui n'aura, pour elle, qu'une signification purement symbolique : la reconnexion entre elle et la terre de ses ancêtres» : qu'elle «a fait un travail très important de recherche, ayant rapidement compris, pour être une enfant métisse, qu'elle devait retrouver ses racines polynésiennes» ; que le but de [R] [JO] est de lui nuire «non pas pour qu'elle n'accède pas au patrimoine de leur père commun, ce qui est indifférent à M. [R] [JO] qui n'a jamais participé aux opérations de partage, mais pour lui faire perdre ce lien qu'elle avait forgé avec toute la famille de son père» ; qu'elle «a été particulièrement choquée par la procédure engagée par son demi-frère» ; qu'elle a été «d'un formidable soutien pour sa famille puisqu'elle s'est totalement investie dans la recherche généalogique» ; que l'appelant lui reproche surtout d'avoir soutenu sa propre fille et que «l'objectif vindicatif de M. [R] [JO] rend sa requête abusive».

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 juin 2022.

Motifs de la décision :

Sur la recevabilité de l'appel :

L'article 336 du code de procédure civile de la Polynésie française dispose que :

«Le délai pour interjeter appel des jugements est de deux mois francs, se calculant de quantième à quantième en matière contentieuse ; il est de quinze jours en matière gracieuse '».

L'article 337 du même code dispose que :

«Ce délai court :

1° Pour les jugements contradictoires, du jour de la signification à personne ou à domicile réel ou d'élection'».

L'article 29 du même code dispose que :

«Le jour de la notification et le jour de l'échéance ne sont pas comptés dans les délais de procédure.»

Toutefois, compte tenu de l'état d'urgence sanitaire déclaré suivant loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 dans sa rédaction applicable en Polynésie française, la délibération 2020-14 APF du 17 avril 2020 portant adaptation des procédures en matière civile et administrative a prévu en son article 1er que :

«Les dispositions du présent titre sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l'article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19.»

et en son article 2 que :

« Tout acte, recours, action en justice, signification, opposition, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque, et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l'article 1er sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.

Il en est de même de tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l'acquisition ou de la conservation d'un droit.»

Ce texte a été modifié par la délibération n° 2020-16 APF du 14 mai 2020 dont l'article 1er est ainsi rédigé :

«À l'article 1er de la délibération n°2020-14 APF du 17 avril 2020 susvisée les mots : «l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l'article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19» sont remplacé par les mots : «le 23 juin inclus.»

Dans ces conditions, tout acte, recours, action en justice, signification, opposition, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque, et qui aurait dû être accompli entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus, est réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.

En l'espèce, le jugement rendu le 3 février 2020 a été signifié le 11 mars 2020 à domicile élu et [R] [JO] en a relevé appel le 4 juin 2020, donc durant la période juridiquement protégée.

Son recours doit ainsi être déclaré recevable.

Sur l'exception d'incompétence :

Si, dans ces dernières conclusions récapitulatives déposées le 26 avril 2022, [EE] [DH]-[JO] conteste la compétence des juridictions civiles françaises, il n'en demeure pas moins que, dans le dispositif desdites conclusions, elle ne demande pas à la cour de se prononcer sur une exception d'incompétence.

Il est exact qu'elle a soulevé une telle exception devant le tribunal de première instance de Papeete en réponse à la requête déposée par [R] [JO] qui sollicitait la nullité de l'acte de notoriété du 16 octobre 2014 et lui refusait tous droits dans la succession de [SE] [JO].

Cette instance a fait l'objet d'une jonction avec celle en partage où [EE] [DH]-[JO] apparaissait en qualité d'ayant droit de [I] [NC] [DH] mais le tribunal foncier de la Polynésie française ne s'est pas prononcé sur sa compétence.

[EE] [DH]-[JO] n'a pas saisi cette juridiction d'une omission de statuer et n'a pas relevé appel du jugement du 3 février 2020.

Dans ses premières conclusions déposées le 4 septembre 2020, elle se contente de prétendre que l'appel est tardif et, dans ses conclusions récapitulatives déposées le 6 janvier 2021, elle demande la confirmation du jugement attaqué.

Dans ces conditions, il doit être constaté que la cour n'est pas saisie d'une exception d'incompétence et dit qu'elle n'a pas à se prononcer sur une telle exception de procédure.

Sur la recevabilité des demandes formées par [R] [JO] :

Le tribunal foncier de la Polynésie française a rappelé que, par jugement du 24 juin 2015, le tribunal a ordonné le partage de la parcelle [Cadastre 8] de la terre [Localité 7] lot 3, la parcelle [Cadastre 6] de la terre [Localité 33] lot 3, la parcelle [Cadastre 8] de la terre [Localité 27] 1 et la parcelle [Cadastre 8] de la terre [Localité 28] situées à MOOREA en huit lots d'inégale valeur dont 4/32 aux ayants droit de [I] [DH].

Il n'est pas contesté que celle-ci est décédée le 19 novembre 1974 en laissant un enfant [SE] [M] [F] [JO] décédé le 21 avril 1979.

Dans un jugement du 22 décembre 2014, la chambre des terres du tribunal de première instance de Papeete a considéré que :

[SE] [M] [F] [JO] «laisse au moins deux enfants, [EE] [RH] [KX], née le 20 juillet 1954 à Los Angeles et [R] [DT] [JO], né le 8 août 1955 à Los Angeles.

[EE] [RH] [KX] a été adoptée selon la loi américaine. Il ressort des éléments versés aux débats que cette adoption ne coupe pas les liens entre les parents biologiques et les adoptés et semble s'apparenter à l'adoption simple. En conséquence, il convient de dire que [EE] [RH] [KX] a vocation à hériter de son père [SE] [M] [F] [JO].

Cette souche est donc valablement représentée par [EE] [RH] [KX] et [R] [DT] [JO]».

Toutefois, dans le dispositif de sa décision, elle a réouvert les débats en enjoignant au demandeur de procéder à des appels en cause et de produire des pièces mais ne s'est pas prononcée au fond notamment sur la filiation et les droits héréditaires de [EE] [DH]-[JO] vis-à vis de [SE] [M] [F] [JO].

Or, il est de jurisprudence constante que seul ce qui a été tranché par le dispositif d'une décision peut acquérir l'autorité de la chose jugée et que ce n'est pas le cas des motifs a fortiori lorsqu'ils n'ont pas été confirmés dans le dispositif.

Dans ces conditions, le jugement attaqué doit être infirmé en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes formées par [R] [JO] aux fins qu'il soit jugé que la filiation et la reconnaissance de [EE] [DH]-[JO] par [SE] [JO] ne sont pas établies, et à titre subsidiaire, que [EE] [DH]-[JO] ne peut prétendre à un droit héréditaire sur la succession de [SE] [JO].

Sur l'acte de notoriété :

Suivant l'acte notarié dressé le 16 octobre 2014 à la demande de [EE] [DH]-[JO], [SE] [M] [F] [JO] est décédé le 21 avril 1979 en laissant pour lui succéder [EE] [NC] [YX] [YA] [DH]-[JO] née à [Adresse 2] le 20 juillet 1954 et reconnue par son père le 21 juillet 1954 ainsi que [R] [SE] [F] [H] [FY] [DH] [YL] [JO] né à [Adresse 2] le 8 août 1955 et reconnu par son père le 8 août 1955, «ensemble pour la totalité des biens composant sa succession ou chacun indivisément pour la MOITIE (1/2) des biens meubles et immeubles composant sa succession».

L'article 730-1 du code civil dispose que :

«La preuve de la qualité d'héritier peut résulter d'un acte de notoriété dressé par un notaire, à la demande d'un ou de plusieurs ayants droits'».

Et l'article 730-4 du même code dispose:

«L'acte de notoriété ainsi établi fait foi jusqu'à preuve contraire.

Celui qui s'en prévaut est présumé avoir des droits héréditaires dans la proportion qui s'y trouve indiquée.»

Il résulte de ce dernier texte que, contrairement à ce que soutient [EE] [DH]-[JO] qui vise uniquement une action en rectification matérielle, il appartient aux juges du fond de se prononcer sur la valeur probante d'un acte de notoriété en cas de contestation des droits héréditaires qu'il mentionne.

*sur la filiation de [EE] [DH] [JO] à l'égard de [SE] [M] [F] [JO] ;

A l'appui de ses prétentions, [EE] [DH]-[JO] verse aux débats 2 documents émanant de l'institut de l'adoption datés du 23 juillet 1954 et signés par [ZI] [BG], [SE] [F] [JO], [J] [KX] et [AX] [KX] ainsi que l'acte de naissance initial de [EE] [DH]- [JO] que celle-ci a pu obtenir en vertu d'une décision judiciaire.

La valeur probante de ces documents n'est pas sérieusement contestée par l'appelant qui produit un acte de naissance, le décret de changement de nom de [EE] [DH]-[JO] et le passeport de celle-ci.

Ces pièces font ressortir que :

- [T] [ZI] [BG] est née le 20 juillet 1954 de [ZI] [BG] et de [SE] [F] [JO] ;

- le 23 juillet 1954, [ZI] [BG] a déclaré : «je suis la mère naturelle du Bébé de sexe féminin C-843, actuellement connue du nom de [T] [ZI] [BG], à laquelle j'ai donné naissance le 20 juillet 1954 à 7H20 à l'Hôpital Maternité de [30], [Adresse 2], Cal'» ;

- le 23 juillet 1954, [SE] [F] [JO] a déclaré : «je suis le père naturel du Bébé de sexe féminin C-843, actuellement connue du nom de [T] [ZI] [BG], à laquelle sa mère, [T] [ZI] [BG], a donné naissance le 20 juillet 1954 à 7H20 à l'Hôpital Maternité de [30], [Adresse 2]. Cal'» ;

- [T] [ZI] [BG] a été adoptée par les époux [KX] et s'est appelée [EE] [RH] [KX] ;

- le 24 février 2014, celle-ci a été autorisée à changer de nom par décision judiciaire du 24 février 2014 pour s'appeler [EE] [NC] [YX] [YA] [DH]-[JO] ;

- ce nom est celui mentionné sur le passeport de l'intimée.

Il est ainsi suffisamment établi que [EE] [DH]-[JO] possède un lien de filiation avec [SE] [M] [F] [JO] qui est son père biologique.

* sur les droits héréditaires de [EE] [DH]-[JO] :

Dans le document intitulé «consentement volontaire et déclaration de paternité» signé le 23 juillet 1954 par [ZI] [BG], [SE] [F] [JO] et les époux [KX], [ZI] [BG] et [SE] [F] [JO] ont déclaré :

«Je consens à l'adoption de [T] [ZI] [BG] et je l'ai confiée à l'Institut de l' Adoption afin qu'elle soit placée dans une famille adoptive. Je demande que sa famille adoptive l'informe complètement du fait qu'elle est adoptée. Je renonce en outre à mon droit de confidentialité et je consens à ce que mon nom et l'identité de ma famille soient révélés afin que tous les droits et avantages de ladite famille puissent être poursuivis en son nom».

Le 23 juillet 1954, [ZI] [BG], [SE] [F] [JO] et les époux [KX] ont également signé le document ainsi rédigé par l'institut de l'adoption :

«Nous promettons que l'enfant qui nous sera confiée par l'Institut de l'Adoption ce jour sera élevé, sachant qu'elle est adoptée. Nous reconnaissons en outre la renonciation par les parents naturels à leur droit de confidentialité et d'identité et nous donnons notre accord concernant leur désir de promouvoir tous droits et avantages au nom de la famille naturelle du Bébé de sexe féminin C-843, connue du nom de - [T] [ZI] [BG]».

Par ailleurs, le fait que [EE] [DH]-[JO] ait pu, devant les juridictions californiennes, obtenir son acte de naissance initial ainsi qu'un changement de nom, confirme que son adoption par les époux [KX] n'a pas fait disparaître les liens avec ses parents biologiques.

Au regard de la loi française qui est celle applicable au présent litige qui concerne le partage de la succession de [YX] [KA] épouse [DH], mère de [I] [NC] [DH] et grand-mère des parties, l'adoption dont [EE] [DH]-[JO] a fait l'objet est une adoption simple qui permet à l'adopté de rester dans sa famille d'origine et y conserver tous ses droits, notamment ses droits héréditaires.

Dans ces conditions, [R] [JO] ne rapporte pas la preuve du caractère erroné de l'acte de notoriété et il convient de rejeter ses demandes.

Toutefois, il n'est pas établi qu'il ait abusé du droit qui est le sien de relever appel.

La demande de dommages-intérêts formée par [EE] [DH]- [JO] sera donc rejetée.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'intimée la totalité de ses frais irrépétibles d'appel et il doit lui être alloué la somme de 400 000 FCP, sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.

La partie qui succombe doit supporter les dépens.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, par défaut, en matière civile et en dernier ressort ;

Déclare l'appel recevable ;

Dit n'y avoir lieu de statuer sur une exception d'incompétence ;

Infirme le jugement rendu le 3 février 2020 en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes formées par [R] [SE] [JO] aux fins qu'il soit jugé que la filiation et la reconnaissance de [EE] [DH]- [JO] par [SE] [JO] ne sont pas établies, et à titre subsidiaire, que [EE] [DH]-[JO] ne peut prétendre à un droit héréditaire sur la succession de [SE] [JO] ;

Rejette la totalité des demandes formées par [R] [SE] [JO] ;

Rejette la demande de dommages-intérêts formée par [EE] [DH]- [JO] ;

Dit que [R] [SE] [JO] doit verser à [EE] [DH] -[JO] la somme de 400 000 FCP, sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;

Dit que [R] [SE] [JO] doit supporter les dépens d'appel.

Prononcé à Papeete, le 24 novembre 2022.

Le Greffier, Le Président,

signé : M. SUHAS-TEVERO signé : K. SZKLARZ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Papeete
Formation : Chambre des terres
Numéro d'arrêt : 21/00056
Date de la décision : 24/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-24;21.00056 ?
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