N° 420
MF B
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Copie exécutoire
délivrée à :
- Me Eftimie-Spitz,
le 14.11.2022.
Copie authentique délivrée à :
- Me Piriou,
le 14.11.2022.
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D'APPEL DE PAPEETE
Chambre Commerciale
Audience du 10 novembre 2022
RG 20/00391 ;
Décision déférée à la Cour : jugement n° 120, rg n° 2016 001090 du Tribunal Mixte de Commerce de Papeete du 28 août 2020 ;
Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 17 décembre 2020 ;
Appelante :
Mme [C] [Z], née le [Date naissance 2] 1972 à [Localité 5], de nationalité française, [Adresse 4] ;
Représentée par Me Marie EFTIMIE-SPITZ, avocat au barreau de Papeete ;
Intimés :
M. [I] [S], né le [Date naissance 3] 1969 à [Localité 6], de nationalité française, demeurant à [Adresse 7] ;
Non comparant, assigné à Parquet du Procureur Général le 15 février 2021 ;
La Sa Eurotitrisation, inscrite au Rcs de Bobigny sous le n° 352458358 B dont le siège social est sis [Adresse 1] ;
Ayant pour avocat la Selarl Jurispol, représentée par Me Yves PIRIOU, avocat au barreau de Papeete ;
Ordonnance de clôture du 8 juillet 2022 ;
Composition de la Cour :
La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 8 septembre 2022, devant Mme BRENGARD, président de chambre, M. RIPOLL et Mme SZKLARZ, conseillers, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt par défaut ;
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par Mme BRENGARD, président et par Mme OPUTU-TERAIMATEATA, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A R R E T,
Le 10 octobre 2016, la Banque de Polynésie a engagé une action contre Mme [C] [Z] et M.[I] [S] en demandant au Tribunal Mixte de Commerce de Papeete de les condamner à lui verser des sommes impayées au titre de deux prêts qu'elle a consentis le 28 août 2013 à la Sarl Bora Diving Center et dont ils se sont portés caution.
La société Eurotitrisation est intervenue à l'instance déclarant venir aux droits de la Banque de Polynésie.
Suivant jugement n°2020/120 (RG 2016 001090) en date du 28 août 2020, le tribunal de commerce a condamné les consorts [Z] [S] à payer à la société Eurotitrisation les sommes suivantes :
- 10 226 582 Fcfp en principal, frais et intérêts, provisoirement arrêtés au 16 août 2016 et courant à compter de cette date jusqu'à complet paiement au taux conventionnel de 5,80 % au titre du prêt n°2037 737 du 21 août 2013,
- 5 667 332 Fcfp en principal, frais et intérêts, provisoirement arrêtés au 16 août 2016 et courant à compter de cette date jusqu'à complet paiement au taux conventionnel de 5,80 % au titre du prêt n°2037 741 du 21 août 2013,
- 150 000 Fcfp à titre d'indemnité de procédure outre les dépens.
Le tribunal a débouté les consorts [Z] [S] de l'ensemble de leurs moyens et prétentions, les a condamnés aux dépens a dit n'y avoir lieu de prononcer l'exécution provisoire de son jugement.
* * *
Suivant requête du 17 décembre 2020, Mme [C] [Z] a relevé appel de cette décision en intimant la société Eurotitrisation et M. [I] [S].
En ses conclusions récapitulatives du 7 juillet 2022, l'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau, de,
A titre principal,
- déclarer irrecevables les demandes de la société Eurotitrisation à défaut de qualité pour agir, et la débouter de ses demandes,
- annuler les actes de cautionnement solidaire de Mme [Z] des 28 août 2013,
A titre subsidiaire, vu les mesures recommandées par la commission de surendettement tendant à la désolidarisation de la dette de Mme [Z] avec celle de son époux, vu que ces mesures sont en voie d'être pourvues d'une force exécutoire,
- surseoir à statuer dans l'attente de la production par la société Eurotitrisation d'un décompte de sa créance tenant compte des mesures élaborées par la commission de surendettement par décision du 9 août 2017 et jusqu'à la justification par l'une ou l'autre partie de la saisine du tribunal de première instance dans cette procédure de surendettement,
A titre plus subsidiaire,
- limiter la condamnation de Mme [Z] aux mesures arrêtées par la procédure de surendettement,
- dans l'hypothèse où les demandes de la société Eurotitrisation pourraient être accueillies et même dans une faible mesure, la condamner à payer à Mme [Z] le montant des sommes qui pourraient être mises à sa charge dans la limite de 16 millions Fcfp avec intérêts au taux légal,
A titre infiniment subsidiaire, avant-dire droit,
- enjoindre la société Eurotitrisation de révéler ou au besoin de faire expertiser le montant du prix d'acquisition des dettes de la société Bora Diving Center,
- condamner la société Eurotitrisation à lui payer la somme de 500 000 Fcfp au titre des frais irrépétibles outre les entiers dépens.
Mme [Z] soutient que,
- l'intervention volontaire de la société Eurotitrisation est irrecevable,
La société Eurotitrisation n'a pas versé aux débats son extrait k-bis et ne justifie donc pas de son existence ni de sa personnalité morale ni de l'identification de son organe de représentation.
Elle ne produit pas le bordereau de cession de créances alors qu'elle y est tenue pour justifier de ses droits sur les créances en cause en vertu des articles L214-24 et suivants du code monétaire et financier et de l'article D214-227 4° du même code.
Le document que produit la société Eurotitrisation, qui est une lettre simple du 23 février 2018 adressée à la société Bora Diving Center, est inopérant puisqu'à cette date la société débitrice était dessaisie de son patrimoine et non valablement représentée.
Ce courrier n'est pas de nature à établir ses droits, ni l'information du débiteur cédé.
Il en est de même du 'réglement général du fonds commun de titrisation' dont elle ne produit qu'un extrait.
La société Eurotitrisation n'est pas désignée comme étant chargée du recouvrement de cette créance car dans la lettre du 23 février 2018, il apparaît que seule la société Eos Credirec est désignée comme chargée du recouvrement. En outre cette lettre a été adressée à la société débitrice et non à son liquidateur judiciaire.
- la créance est éteinte,
La société Eurotitrisation n'a pas justifié avoir déclaré sa créance au passif de la société Bora Diving Center, et cette situation lui interdit de poursuivre la caution pour une dette éteinte.
- la créance n'est pas exigible,
La déchéance du terme, qui n'est pas encourue par le débiteur principal mis en redressement judiciaire, ne peut être invoquée contre la caution nonobstant toute clause contraire du contrat de cautionnement. L'engagement de la caution à garantir un prêt ne permet pas de lui étendre la déchéance du terme encourue par le titre principal. La société Eurotitrisation ne justifie d'aucune déchéance du terme à l'égard de la caution.
La société Eurotitrisation ne justifie pas que le prêteur a satisfait à son obligation d'avoir à mettre en demeure l'emprunteur préalablement au constat de la déchéance du terme alors qu'il ne résulte d'aucune stipulation contractuelle qu'il en était dispensé.
Il n'est pas justifié de la clôture du compte courant.
- les actes de cautionnement sont nuls,
Les mentions manuscrites sont insuffisantes (absence d'indication du nom de la débitrice principale, absence de mention d'une limite de durée et de montant).
L'établissement de crédit, qui n'a recueilli aucune information sur son patrimoine et ses revenus et charges, a manqué à son obligation de mise en garde, alors qu'elle n'avait pas de capacités de remboursement adaptées; il en résulte une perte de chance de ne pas contracter et un préjudice moral qui doivent être indemnisés.
- la société Eurotitrisation n'apporte pas la preuve de ses créances,
Elle ne justifie pas des sommes qu'elle a pu recouvrer dans le cadre de la procédure collective de la débitrice principale ni du sort des garanties qu'elle a prises, notamment le nantissement sur le fonds de commerce.
- la société Eurotitrisation doit être déchue du droit aux intérêts,
Elle ne justifie pas de l'information annuelle des cautions prescrite par l'article L313-22 du code monétaire et financier. Le décompte de sa créance n'a pas été mis en conformité avec la sanction édictée par ce texte.
- la société Eurotitrisation n'a pas indiqué le prix réel des créances qui lui ont été cédées, elle doit être déboutée de ses demandes,
- la demande de condamnation est irrecevable à raison de la procédure de surendettement en cours, La commission de surendettement a déclaré sa demande d'ouverture d'une procédure de surendettement recevable, et des mesures ont été recommandées le 9 août 2017. Ces mesures ont été acceptées et doivent recevoir prochainement force exécutoire. Il convient donc de surseoir à statuer compte tenu du risque d'une contrariété de décisions.
Suivant conclusions récapitulatives et en réponse du 9 juin 2022, la société Eurotitrisation sollicite la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de Mme [Z] à lui verser la somme de 300 000 Fcfp au titre des frais irrépétibles outre les entiers dépens.
L'intimée réplique en faisant observer que la position de Mme [Z] est contradictoire puisque cette dernière a nécessairement reconnu sa dette dans le cadre de la procédure de surendettement l'opposant à la société Eos.
Elle fait valoir que,
- Mme [Z] a fait un aveu judiciaire en ses conclusions du 2 juin 2017 dont le dispositif indique qu'elle ne conteste pas le principe de sa dette mais qu'elle est dans l'impossibilité de s'exécuter et qu'en conséquence elle sollicite des délais. En vertu de l'article 1356 ancien du Code civil, son aveu judiciaire lie le juge.
- Elle invoque la nullité de la déchéance du terme au motif qu'elle n'aurait pas été destinataire d'une mise en demeure adressée en temps utile. Cependant l'article 13 de la convention de prêt du 28 août 2013 stipule expressément l'exigibilité immédiate et automatique des sommes dues en cas d'admission de l'emprunteur au bénéfice d'une procédure collective. En outre plusieurs mises en demeure lui ont été adressées notamment par courrier du 9 février 2015.
- Elle se plaint de ne pas avoir reçu signification de la cession de créances mais la société Bora Diving Center, débitrice principale, a bien été informée de ladite cession.
En outre la société Eurotitrisation a bien qualité pour représenter le fonds commun de titrisation qui a racheté la créance mais qui ne dispose pas de la personnalité morale et qui, selon son règlement général, est représenté régulièrement par la société de gestion du fonds.
- Elle se plaint de l'absence de déclaration de créance qui est pourtant produite dans le cadre de la présente procédure en appel.
- Elle se prévaut également de l'absence alléguée de clôture du compte courant, mais cet argument est inopérant puisque la procédure porte sur le remboursement de deux prêts.
Sur la nullité alléguée du cautionnement,
Les articles 2015 et 1326 n'imposent pas la mention manuscrite de la durée du cautionnement. La mention manuscrite comporte bien la limitation du cautionnement.
Sur les informations recueillies par la Banque,
C'est à la date de l'octroi des concours que s'apprécient les capacités financières de la caution et non selon la situation actuelle de l'intéressé. Elle s'est portée caution d'une société dont elle était cogérante et est donc une caution avertie.
Sur la déchéance du droit aux intérêts,
Mme [Z] prétend que la société intimée ne serait pas fondée à réclamer les intérêts au taux conventionnel faute d'avoir régulièrement informé la caution sur la situation de la débitrice principale. Mais d'une part l'article L312-22 du code monétaire et financier qu'elle invoque n'a été rendu applicable en Polynésie que par la loi de Pays du 11 août 2016 de sorte que la Banque n'avait pas d'obligation d'information. D'autre part l'article 2016 du code civil concerne les cautionnements indéfinis d'une obligation principale ce qui ne correspond pas à l'espèce.
Sur le droit de retrait litigieux,
Les conditions ne sont pas réunies en l'espèce et ce d'autant qu'elle a reconnu le principe de sadette et réitère dans ses dernières conclusions où elle indique qu'elle est prête à régler les échéances sans homologation.
En tout état de cause la cession a été faite pour un ensemble de 1116 créances et le prix de chacune n'est pas identifiable.
Sur la procédure de surendettement,
Mme [Z] expose elle-même qu'elle n'est pas en mesure de justifier de l'homologation des mesures qui auraient été recommandées par la commission de surendettement le 9 août 2017 et admet que ces mesures n'ont pas force exécutoire, de sorte que sa demande de sursis à statuer est sans objet.
La loi de Pays du 30 janvier 2012 conditionne la mise en 'uvre de mesures de surendettement à la bonne foi du débiteur ce qui n'est pas le cas de Mme [Z].
M.[I] [S] a été assigné par acte du 15 février 2021 remis à parquet et n'a pas constitué avocat pour se faire représenter : l'arrêt sera donc rendu par défaut en vertu de l'article 281 du code de procédure civile de Polynésie française.
Motifs de la décision :
Suivant contrat signé le 28 août 2013, la Banque de Polynésie a consenti à la société Bora Diving Center, un prêt d'un montant de 7 500 000 Fcfp remboursable en 48 mensualités d'un montant de 175 451 Fcfp chacune au taux d'intérêt de 5,80 % l'an destiné à financer un crédit de trésorerie.
Par deux actes séparés établis à la même date, Mme [Z] et son époux M. [I] [S] se sont portés caution solidaire des engagements de la société Bora Diving Center à hauteur d'un montant de 7 500 000 Fcfp en principal outre intérêts commissions frais et accessoires.
Aux termes d'un contrat du même jour, la Banque de Polynésie a consenti à la société Bora Diving Center, un prêt d'un montant de 13 400 000 Fcfp, remboursable en 48 mensualités d'un montant de 313 472 Fcfp chacune au taux d'intérêt de 5,80 % l'an destiné au financement du rachat partiel des encours d'un prêt d'équipement.
Mme [Z] et M. [S] se sont portés caution solidaire à hauteur d'un montant d'un montant de 13 400 000 Fcfp en principal outre intérêts commissions frais et accessoires.
Suivant jugement du 23 février 2015, le Tribunal Mixte de Commerce de Papeete a prononcé le redressement judiciaire de la société Bora Diving Center, procédure convertie en liquidation judiciaire suivant jugement du 11 mai 2015. La Banque de Polynésie a régulièrement déclaré sa créance entre les mains du liquidateur judiciaire suivant courrier du 18 mars 2015.
Par lettres recommandées ou remises en mains propres séparées du 21 août 2015, la Banque a mis en demeure M. [S] et Mme [Z] de payer les sommes de 5 220 286 Fcfp au titre du premier prêt et 9 422 482 Fcfp au titre du second prêt.
D'après Mme [Z], M. [I] [S] a quitté le territoire de la Polynésie française pour s'installer à l'étranger.
La Banque de Polynésie a engagé l'action devant le Tribunal Mixte du Commerce de Papeete pour obtenir paiement des sommes vainement réclamées par les mises en demeure susvisées.
Le tribunal a fait droit intégralement aux demandes de la société Eurotitrisation déclarant intervenir aux droits de la Banque de Polynésie qui lui aurait cédé la créance litigieuse.
Sur l'aveu judiciaire dont se prévaut la société Eurotitrisation :
Il est vrai que par conclusions du 2 juin 2017, Mme [Z] a indiqué qu'elle ne contestait pas le principe de sa dette à l'égard de la Banque de Polynésie et elle a sollicité des délais de grâce en invoquant sa situation financière difficile.
Cependant, après que la société Eurotitrisation ait déclaré intervenir volontairement à l'instance, Mme [Z] a demandé au tribunal de déclarer irrecevable l'action de l'intervenante en invoquant son défaut de qualité pour agir, et ce, dès ses écritures du 26 octobre 2018 et jusqu'aux dernières conclusions récapitulatives notifiées le 13 mars 2020 : dès lors, la société Eurotitrisation n'est pas fondée à invoquer à son profit, la position précédemment adoptée par Mme [Z] à l'égard de la Banque de Polynésie et son moyen sera donc rejeté.
Sur la recevabilité de l'action de la société Eurotitrisation :
Selon les articles 45 et 46 du code de procédure civile de la Polynésie française, constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt (...). Les fins de non recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.
Mme [Z] reproche en premier lieu, à la société Eurotitrisation de n'avoir pas produit son extrait k-bis et de ne pas justifier de son existence légale ni des pouvoirs de son représentant statutaire, toutes irrégularités qui ne peuvent tendre qu'à la nullité d'un acte de procédure et non à l'irrecevabilité des demandes. Mais l'appelante n'établit pas subir une atteinte clairement identifiée à ses intérêts et qui ne forme aucune prétention en rapport avec les moyens de nullité qu'elle invoque, verra ceux-ci rejetés.
En second lieu, Mme [Z] argue du défaut de qualité à agir de la société Eurotitrisation, aux motifs que celle-ci ne rapporte la preuve ni de la réalité ni de la régularité de la cession de créances dont elle déclare bénéficier et qu'elle ne justifie pas avoir été chargée du recouvrement des créances cédées, ou encore avoir donné aux débiteurs une information relative à ce transfert.
La société Eurotitrisation qui a déclaré intervenir volontairement en première instance aux droits de la Banque de Polynésie, en application des dispositions de l'article 195 du code de procédure civile de la Polynésie française, sollicite la condamnation de Mme [Z] et de M. [S] à son profit.
Elle devait donc justifier que les créances ont été cédées au fonds commun de titrisation qu'elle indique représenter, que cette cession est opposable au débiteur cédé, qu'elle a intérêt à en poursuivre le recouvrement, et qualité pour le faire.
En effet, l'article L 214-169-V-1° du code monétaire et financier dispose : «L'acquisition ou la cession de créances par un organisme de financement s'effectue par la seule remise d'un bordereau dont les énonciations et le support sont fixés par décret ... 2° Lorsqu'elle est réalisée par voie du bordereau mentionné au 1°, l'acquisition ou la cession des créances prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date apposée sur le bordereau lors de sa remise, quelle que soit la date de naissance, d'échéance ou d'exigibilité des créances, sans qu'il soit besoin d'autre formalité ...3° La remise du bordereau entraîne de plein droit le transfert des sûretés, des garanties et des autres accessoires attachés à chaque créance (...) de même que l'opposabilité de ce transfert aux tiers sans qu'il soit besoin d'autre formalité».
Ces dispositions ont été introduites par l'ordonnance n°2013-676 du 25 juillet 2013 modifiant le cadre juridique de la gestion d'actifs. Elles n'ont pas été modifiées s'agissant de l'opposabilité aux tiers des cessions de créances. Elles sont applicables en Polynésie française en application de l'article L752-6 du même code (article L743-10 depuis une ordonnance n°2022-230 du 15 février 2022).
Les mentions du bordereau de remise sont prévues par l'article D 214-227 de ce code qui impose :
- la dénomination «acte de cession de créances»,
- la mention du fait que la cession est soumise aux dispositions des articles L 214-169 à L 214-175,
- la désignation du cessionnaire,
- la désignation ou l'individualisation des créances cédées ou les éléments susceptibles d'y pourvoir.
Or, à titre d'éléments justificatifs de la cession de créances qui fonde son action, la société Eurotitrisation verse aux débats devant la cour :
-pièce 15: un extrait du réglement général du fonds commun de titrisation Credinvest daté du 27 avril 2004 (page de garde et page 10) selon lequel la société de gestion assure la gestion du fonds en général et de chaque compartiment en particulier et représente le fonds et ses compartiments dans ses rapports avec les tiers et dans toute action en justice ;
-pièce 14 : un courrier adressé par la Banque de Polynésie à la société Bora Diving Center daté du 23 février 2018 par laquelle elle l'informe de la cession de la créance rattachée au dossier 'cité en référence' ('référence EOS: 5743957, Réf Originateur : PRT0674023773700"), ayant pris effet au 28 juillet 2017, indiquant que le recouvrement de la créance est désormais confié à la société EOS Credirec, et l'invitant à transmettre tous réglements à ce dernier.
Cette pièce n°14 ne fait d'ailleurs référence qu'au prêt 'PRT0674023773700" alors qu'il existe deux emprunts distincts.
La pièce 15 est constituée de deux pages d'un document intitulé 'REGLEMENT GENERAL DU FONDS COMMUN DE TITRISATION CREDINVEST'ne portant aucun paraphe ni signature, et ne fournissant aucune information utile sur la cession de créances dont il est ici question.
Les autres pièces numérotées 1 à 14 ne concernent que les relations contractuelles entre les consorts [Z] [S] et la Banque de Polynésie, les pièces 16 à 20 sont des décisions de justice.
Il apparaît ainsi que les pièces 15 et 16 auxquelles se réfère le tribunal et qui lui ont paru suffire à caractériser l'existence et la régularité de la cession de créance (à savoir 'un acte de cession de créance mentionnant 1116 créances identifiées et individualisées en annexe...' et 'la liste des créances titrisées') ne sont pas produites en appel.
Or, les mentions du jugement retraçant succintement le contenu de ces pièces 15 et 16 produites en première instance et les pièces 14 et 15 versées en appel ne permettent pas à la cour de vérifier l'existence d'une cession de créances répondant aux exigences des articles L 214 -169 et D 214-227 précités.
La société Eurotitrisation n'a donc pas produit le bordereau de remise des créances conforme aux dispositions légales et n'a donc pas prouvé avoir qualité et intérêt à poursuivre le recouvrement des créances, cause du présent procès, aux lieu et place de la Banque de Polynésie.
Il y a lieu dans ces conditions d'accueillir la fin de non recevoir soulevée par Mme [Z] tirée du défaut de droit d'agir de la société Eurotitrisation, en conséquence de quoi, il ne peut être prononcé aucune condamnation au bénéfice de la société intimée : le jugement sera donc infirmé en toutes ses dispositions et la société Eurotitrisation sera déclarée irrecevable en son intervention volontaire.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Le jugement déféré étant infirmé, la société Eurotitrisation succombant en son action, supportera les entiers dépens de première instance et d'appel ainsi que le paiement d'une indemnité de procédure à Mme [Z].
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, par défaut, en matière commerciale et en dernier ressort ;
Vu l'appel de Mme [C] [Z] ;
Vu les articles 45 et 46 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
Infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ;
Statuant à nouveau,
Reçoit la fin de non-recevoir tiré du défaut de droit d'agir de la société Eurotitrisation ;
Déclare irrecevable, l'intervention volontaire la société Eurotitrisation ;
Condamne la société Eurotitrisation aux entiers dépens de première instance et d'appel, outre le paiement à Mme [Z] d'une indemnité de procédure de 300 000 Fcfp sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.
Prononcé à Papeete, le 10 novembre 2022.
Le Greffier, Le Président,
signé : M. OPUTU-TERAIMATEATA signé : MF BRENGARD