N° 87
KS
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Copie exécutoire
délivrée à :
- Me Wong-Yen,
le 22.09.2022.
Copie authentique
délivrée à :
- Me Lamourette,
le 22.09.2022.
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D'APPEL DE PAPEETE
Chambre des Terres
Audience du 22 septembre 2022
RG 20/00076 ;
Décision déférée à la Cour : jugement n° 35-Add/Ter, rg n° 16/00025 du Tribunal de Première Instance de Papeete, section détachée de Raiatea, Tribunal Foncier de la Polynésie française, siégeant à Raiatea, du 28 mai 2020 ;
Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 28 octobre 2020 ;
Appelante :
Mme [N] [K] épouse [E], née le 22 novembre 1949 à [Localité 3], de nationalité française, demeurant à [Adresse 7] ;
Représentée par Me Mathieu LAMOURETTE, avocat au barreau de Papeete ;
Intimé :
M. [V] [O] dit [W], né le 9 décembre 1973 à [Localité 6], de nationalité française, demeurant à [Adresse 4] ;
Ayant pour avocat la Selarl Chansin-Wong Yen, représentée par Me Stéphanie WONG-YEN, avocat au barreau de Papeete ;
Ordonnance de clôture du 4 février 2022 ;
Composition de la Cour :
La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 28 avril 2022, devant Mme SZKLARZ, conseiller faisant fonction de président, M. SEKKAKI, conseiller, Mme TEHEIURA, magistrat honoraire de l'ordre judiciaire aux fins d'exercer à la cour d'appel de Papeete en qualité d'assesseur dans une formation collégiale, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt contradictoire ;
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par Mme SZKLARZ, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A R R E T,
FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS :
Le litige concerne le lot de ville sur la terre [J] situé à [Localité 5] ([Localité 3]) cadastré section AO n° [Cadastre 1] et [Cadastre 2] sur lequel est implanté un cimetière familial.
Par requête reçue au greffe le 9 mai 2016, Monsieur [V] [O] dit [W], aux droits de l'épouse de [I] [G] par testament, a saisi le Tribunal civil de première instance de Papeete-section détachée de Raiatea afin qu'il ordonne la cessation des travaux engagés par [N] [K] épouse [E] sur le lot de ville sur [J] sis à [Localité 5] ([Localité 3]) cadastré section AO n° [Cadastre 1] et [Cadastre 2] pour une superficie respective de 105 m2 et 5501 m2.
Madame [N] [K] épouse [E] a demandé au tribunal de débouter le requérant de toutes ses demandes et de lui interdire de porter entrave à l'accès de la famille [C] aux sépultures situées sur la parcelle AO [Cadastre 2], sous astreinte de 100 000 FCP par infraction constatée. Elle a alors reconnu qu'elle et ses frères et s'urs ont renoncé à la succession de leur frère [I] [G] de sorte que le requérant a hérité des biens de celui-ci, mais a précisé que la parcelle AO n°[Cadastre 2] a été réservée pour les sépultures de sa famille et que c'est la raison pour laquelle elle a effectué les travaux contestés, pour l'entretenir, l'accès aux sépultures étant, à son sens un droit jurisprudentiel.
Par jugement n° RG 16/00025, n° de minute 35-ADD-TER en date du 28 mai 2020, le Tribunal civil de première instance de Papeete, Tribunal foncier de la Polynésie française siégeant à Raiatea, a notamment dit :
- Ordonne la remise en état du lot de ville sur la terre [J] sis à [Localité 5] ([Localité 3]) cadastré section AO n° [Cadastre 1] et [Cadastre 2], impliquant la démolition de la clôture autour de la parcelle AO [Cadastre 2], aux frais de [N] [K] épouse [E] dans le délai de deux mois à compter de la signification du jugement et, passé ce délai, sous astreinte de 10 000 FCP par jour de retard ;
Avant-dire-droit sur l'accès aux tombes situées sur la parcelle AO [Cadastre 2] dont bénéficient [N] [K] épouse [E] et sa famille,
- Ordonne une expertise et donne à [D] [F], expert géomètre, la mission de :
' Décrire et estimer les terres susmentionnées ;
' Déterminer le chemin d'accès aux dites tombes le plus court et le moins dommageable ;
' Faire toutes observations utiles à la solution du litige ;
- Fixe à 200 000 mille francs pacifique le montant de la consignation à valoir sur la rémunération de l'expert que [N] [K] épouse [E] devra verser dans un délai de DEUX MOIS suivant l'invitation qui lui en sera faite par le greffe, entre les mains du Régisseur de recettes de la Cour d'appel de Papeete
- Sursis à statuer sur les demandes formées au titre de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
- Rejette les autres demandes formées par les parties ;
- Renvoie l'affaire à une audience de mise en état ;
- Réserve les dépens.
Par requête enregistrée au greffe de la cour d'appel de Papeete le 28 octobre 2020, Madame [N] [K] veuve [E], ayant pour avocat Maître Mathieu LAMOURETTE, a relevé appel de cette décision afin d'en obtenir l'infirmation partielle.
Monsieur [V] [O], dit [W], ayant pour conseil la Selarl CHANSIN WONG-YEN, représentée par Maître Stéphanie WONG-YEN, a soulevé l'irrecevabilité de l'appel pour être hors délai.
Par arrêt n°84/add en date du 26 août 2021, la Cour d'appel a déclaré l'appel recevable et renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état.
Aux termes de ses dernières conclusions reçues par voie électronique au greffe de la Cour le 12 octobre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, des moyens et des prétentions, Monsieur [V] [O] demande à la Cour de :
Vu l'article 349 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
- Constater que la demande de Madame [N] [K] formée en cause d'appel et
tendant à se voir reconnaître des droits sur les parcelles AO n° [Cadastre 1] et [Cadastre 2] du lot de
ville [J], sis à [Localité 5], [Localité 3], est une demande nouvelle ;
Par conséquent.
- Déclarer Madame [N] [K] irrecevable en ses demandes ;
En tout état de cause,
- Confirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal Foncier de la Polynésie française le 28 mai 2020 ;
- Débouter Madame [K] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- Condamner Madame [K] à verser à Monsieur [O] la somme de 250.000 F.CFP au titre de dommages et intérêts pour abus du droit d'agir ;
- Condamner Madame [K] à payer à Monsieur [O] la somme de 365.000F.CFP au titre des frais irrépétibles ;
- Condamner la même aux entiers dépens.
Par conclusions récapitulatives reçues par voie électronique au greffe de la Cour le 31 janvier 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, des moyens et des prétentions, Madame [N] [K] épouse [E], demande à la Cour de :
- Recevoir madame [K] [N] en son appel parte in qua à l'encontre du jugement n° 16/00025 du 28 mai 2020 ;
Statuer à nouveau,
- Dire et juger que madame [N] [K] était fondée à ériger un muret de clôture sur les parcelles sises à [Localité 5] [Localité 3] cadastrées AO n°[Cadastre 1] et [Cadastre 2] en sa qualité de propriétaire indivise pour venir aux droits de son frère [I] [G] décédé sans postérité ;
- Réformer en conséquence le jugement entrepris ;
- Débouter monsieur [V] [O] dit [W] de l'ensemble de ses demandes, moyens fins et prétentions en ce qu'ils sont dirigés à l'encontre de madame [K] [N] ;
- Le condamner au paiement à celle-ci d'une somme de 350.000 F Cfp sur le fondement de l'article 407 du Code de procédure civile de la Polynésie française ;
- Le condamner également aux entiers dépens dont distraction d'usage au profit de Maître LAMOURETTE, avocat au barreau de Papeete, sur ses offres de droit.
Madame [N] [K] soutient au principal que, si le 30 août 1994, Monsieur [Y] [K] a dit agir aux noms de ses s'urs [R] et [X] ainsi que d'elle-même et a déclaré renoncer à la succession de son frère [I] [G], elle ne lui a jamais donné mandat dans ce sens. Elle affirme être propriétaire de droits indivis sur le lot de ville sur la terre [J] situé à [Localité 5] ([Localité 3]) cadastré section AO nos [Cadastre 1] et [Cadastre 2] aux droits de son frère [I] [G] acquéreur de cette terre par acte du 26 mai 1971 volume 612 n°23, de madame [P] a [B] a [A] épouse de monsieur [S] a [B].
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance en date du 4 février 2022 pour l'affaire être fixée à l'audience de la Cour du 28 avril 2022. En l'état l'affaire a été mise en délibéré au 25 août 2022, délibéré qui a dû être prorogé.
MOTIFS :
Aux termes de l'article 349 du code de procédure civile de la Polynésie Française, les juges d'appel ne peuvent se prononcer que sur les demandes qui ont été soumises aux juges de première instance et il ne peut être formé en cause d'appel aucune demande nouvelle à moins qu'elle ne soit défense ou connexe à la demande principale ou qu'il s'agisse de compensation.
La demande de Madame [N] [K] de se voir reconnue titulaire de droits indivis sur les parcelles en litige s'analyse nécessairement en un moyen de défense à l'action en cessation de troubles. En conséquence cette demande, pour être un moyen de défense, est recevable devant la Cour.
Devant le premier juge, Madame [N] [K], qui n'a pas contesté avoir donné mandat à Monsieur [Y] [K] de renoncer à la succession de son frère [I] [G], a reconnu qu'il résultait de cette renonciation que Monsieur [V] [O] dit [W] en était propriétaire pour venir au droit de sa mère adoptive, épouse de [I] [G].
Ayant avouée judiciairement être sans droit sur le lot de ville sur la terre [J] situé à [Localité 5] ([Localité 3]) cadastré section AO n° [Cadastre 1] et [Cadastre 2], Madame [N] [K] ne peut pas venir soutenir devant la Cour que cette renonciation n'est pas de son fait, d'autant plus que l'acte de renonciation en date du 30 novembre 1994 est produit devant la Cour, que le mandat en date du 14 novembre 1994 y est annexé et qu'il est sans ambiguïté quant au mandat que Madame [N] [K] épouse [E] avait alors donné à son frère Monsieur [Y] [K] : «à l'effet de se présenter au greffe du Tribunal de Première instance de Papeete, pour y déclarer que le mandant renonce purement et simplement à la succession de Monsieur [I] [G]».
En conséquence, la Cour déboute Madame [N] [K] épouse [E] de sa demande de se voir reconnue propriétaire indivise, aux droits de son frère [I] [G], des parcelles sises à [Localité 5] [Localité 3] cadastrées AO n°[Cadastre 1] et [Cadastre 2].
C'est par des motifs extrêmement pertinents, exacts et suffisants, exempts de toute erreur de droit, que la Cour s'approprie, que le premier juge a statué en respectant le droit à l'accès aux sépultures.
En conséquence, la Cour adopte les motifs du jugement du Tribunal civil de première instance de Papeete, tribunal foncier de la Polynésie française siégeant à Raiatea, n° RG 16/00025, n° de minute 35-ADD-TER en date du 28 mai 2020 et le confirme en toutes ses dispositions.
Exercer son droit d'appel ne peut être considéré comme abusif au seul motif que le frère de Madame [N] [K] actionne également Monsieur [V] [O] dit [W] en revendication de propriété. Il ne peut pas être caractérisé de faute personnelle de Madame [N] [K] épouse [E] et la demande de la voir condamnée à des dommages et intérêts doit donc être rejetée.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [V] [O], dit [W], les frais exposés par lui devant la Cour et non compris dans les dépens. La Cour fixe à 350.000 francs pacifiques la somme que Madame [N] [K] épouse [E] doit être condamnée à lui payer à ce titre.
Madame [N] [K] épouse [E] qui succombe pour le tout doit être condamnée aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
DÉCLARE l'appel recevable,
CONFIRME, par adoption de motifs, le jugement du Tribunal civil de première instance de Papeete, Tribunal foncier de la Polynésie française siégeant à Raiatea, n° RG 16/00025, n° de minute 35-ADD-TER en date du 28 mai 2020 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
DÉBOUTE Madame [N] [K] épouse [E] de sa demande de se voir reconnue propriétaire indivise, aux droits de son frère [I] [G], des parcelles sises à [Localité 5] [Localité 3] cadastrées AO n°[Cadastre 1] et [Cadastre 2] ;
CONDAMNE Madame [N] [K] épouse [E] à payer à Monsieur [V] [O] dit [W] la somme de 350.000 francs pacifiques en application de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française devant la Cour ;
REJETTE tout autre chef de demande des parties, plus ample ou contraire au présent arrêt ;
CONDAMNE Madame [N] [K] épouse [E] aux dépens d'appel ;
Prononcé à Papeete, le 22 septembre 2022.
Le Greffier, Le Président,
signé : M. SUHAS-TEVEROsigné : K. SZKLARZ