N° 86
KS
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Copie exécutoire
délivrée à :
- Me Wong-Yen,
le 22.09.2022.
Copie authentique
délivrée à :
- Me Lollichon,
le 22.09.2022.
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D'APPEL DE [Localité 15]
[Adresse 11]
Audience du 22 septembre 2022
RG 20/00046 ;
Décision déférée à la Cour : jugement n° 293, rg n° 18/00067 du Tribunal Civil de Première Instance de [Localité 15], Tribunal Foncier de la Polynésie française, du 2 septembre 2019 ;
Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 13 aôut 2020 ;
Appelant :
M. [D] [W] [M], né le 27 juillet 1933 à [Localité 13], de nationalité française, [Localité 10] ;
Ayant pour avocat la Selarl Chansin-[B] [PZ], représentée par Me Stéphanie WONG-YEN, avocat au barreau de [Localité 15] ;
Intimée :
Mme [N], [A], [I] [X] épouse [H], née le 4 janvier 1958 à [Localité 15], de nationalité française, [Adresse 9] ;
Représentée par Me Jean-Claude LOLLICHON, avocat au barreau de [Localité 15] ;
Ordonnance de clôture du 18 février 2022 ;
Composition de la Cour :
La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 28 avril 2022, devant Mme SZKLARZ, conseiller faisant fonction de président, M. SEKKAKI, conseiller, Mme TEHEIURA, magistrat honoraire de l'ordre judiciaire aux fins d'exercer à la cour d'appel de [Localité 15] en qualité d'assesseur dans une formation collégiale, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt contradictoire ;
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par Mme SZKLARZ, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A R R E T,
FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS :
Le litige concerne l'existence, ou pas, d'une servitude de passage grevant les parcelles cadastrées CO [Cadastre 2], C0 [Cadastre 3], CO [Cadastre 4] sises à [Localité 16] (Moorea).
Après avoir échoué en référé à voir aboutir ses demandes, par requête reçue au greffe le 10 juillet 2017, Monsieur [D] [M] a saisi le tribunal de première instance de [Localité 15] aux fins de voir principalement enjoindre à Madame [I] [H] d'avoir à retirer la clôture grillagée qu'elle a érigée en limite de sa propriété avec celle de Monsieur [G] [T] d'une part et avec celle de Monsieur [M] d'autre part et d'avoir à rétablir le passage côté mer permettant la desserte piétonnière de la propriété du requérant. Il a soutenu bénéficier d'une servitude conventionnelle au terme de son acte d'acquisition.
Le 9 février 2018 le Tribunal de première instance de [Localité 15] se déclarait incompétent au profit du Tribunal foncier.
Se référant à la procédure de référé, Madame [N] [X] épouse [H] a soutenu que les demandes de Monsieur [D] [M] sont sans fondement et qu'il doit en être débouté. Elle a affirmé qu'il résulte des actes et plans que la propriété cadastrée sous les numéros [Cadastre 2] et [Cadastre 3] ne supporte sur son sol aucune servitude le long de leur limite nord-ouest ; que les limites nord-ouest des parcelles CO [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4] et 36 sont alignées ; et que pour rejoindre la mer par les parcelles [Cadastre 5] et [Cadastre 6], il faut emprunter la parcelle CO [Cadastre 1] qui ne lui appartient pas.
Par jugement n° RG 18/00067, n° de minute 293 en date du 2 septembre 2019, auquel la Cour se réfère expressément pour l'exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions de première instance, le Tribunal Civil de Première Instance de [Localité 15], Tribunal foncier ' section 2, a dit :
- Déboute [D] [M] de l'ensemble de ses demandes ;
- Condamne [D] [M] à verser à [N] [H] la somme de 180.000 francs en application des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile ;
- Condamne [D] [M] aux dépens.
Par requête enregistrée au greffe de la Cour le 13 août 2020, à laquelle il y a lieu de se référer pour l'exposé des motifs et des prétentions, Monsieur [D] [M], ayant pour conseil LA SELARL CHANSIN-[B] [PZ] ' Maître [R] [B] [PZ], a interjeté appel de cette décision qui n'a pas été signifiée.
Monsieur [D] [M] a indiqué par conclusions en date du 29 octobre 2021 appelé en la cause, à la demande de l'intimée, la Société DESRIAC, acquéreuse en cours de procédure des droits de Madame [N] [X] épouse [H] sur les parcelles CO [Cadastre 2], CO [Cadastre 3], CO [Cadastre 4] ; mais maintenir ses demandes à l'encontre seulement de Madame [N] [X] épouse [H]. La Cour n'a pas retrouvé à son dossier l'assignation de la Société DESRIAC qui n'a pas constitué avocat.
Par conclusions récapitulatives reçues par voie électronique au greffe de la Cour le 28 octobre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions, Monsieur [D] [M], demande à la Cour de :
Vu l'article 686 du code civil ;
Vu les pièces versées aux débats ;
- Déclarer recevable l'appel interjeté par Monsieur [D] [M] à l'encontre du jugement n°293 rendu par le Tribunal Foncier de la Polynésie française le 02 septembre 2019 ;
- Le déclarer bien-fondé ;
En conséquence,
- Infirmer ledit jugement en toute ses dispositions ;
Statuant à nouveau :
- Déclarer que le fonds de Monsieur [D] [M], cadastré section CO n° [Cadastre 7], bénéficie de l'usage de la servitude constituée le 27 janvier 1997 au profit de la SCI [Localité 17] et existant sur les parcelles [Cadastre 7] à [Cadastre 5] (limite Nord-Est) et les parcelles [Cadastre 2] à [Cadastre 4] (limite Nord-Ouest) ;
- Constater que ce chemin de servitude a été obstrué par Madame [H] supprimant ainsi le droit de passage et l'accès à la mer ;
Par conséquent,
- Enjoindre à Madame [I] [H] et toute personne de son chef d'avoir à retirer la clôture grillagée qu'elle a érigée en limite de sa propriété avec celle notamment de Monsieur [M] ;
- A défaut pour Madame [H] de déférer à cet ordre, Autoriser Monsieur [M] à retirer cette clôture grillagée ;
- Enjoindre à Madame [H] et toute personne de son chef d'avoir à rétablir le libre passage de la servitude et notamment le passage côté mer permettant la desserte piétonnière de la propriété du requérant ;
- A défaut pour Madame [H] de déférer à cet ordre, Autoriser Monsieur [M] à rétablir ce passage ;
- Dire que l'arrêt à intervenir sera assorti d'une astreinte de 50.000F.CFP par jour de retard à compter de sa signification ;
- Débouter Madame [H] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- Adjuger à Monsieur [M] l'entier bénéfice de ses demandes ;
- Condamner Madame [H] à verser à Monsieur [M] la somme de 420.000 francs pacifiques sur le fondement de l'article 407 du Code de Procédure Civile de la Polynésie française ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions reçues par voie électronique au greffe de la Cour le 11 août 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions, Madame [N] [A] [I] [X] épouse [H], ayant pour avocat Maître [P] [E], demande à la Cour de :
- Débouter Monsieur [M] de sa demande qui est irrecevable à l'égard de Madame [H], et sans objet ;
Subsidiairement sur le fond,
- Débouter Monsieur [M] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
En conséquence,
- Confirmer le jugement entrepris ;
- Condamner Monsieur [M] à payer à Madame [H] une somme de 250 000 FCP au titre des frais irrépétibles et aux dépens comme de droit.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance en date du 18 février 2022 pour l'affaire être fixée à l'audience de la Cour du 28 avril 2022. En l'état l'affaire a été mise en délibéré au 25 août 2022, délibéré qui a dû être prorogé.
MOTIFS :
La recevabilité de l'appel n'est pas discutée devant la Cour et aucun élément de la procédure ne permet à la Cour d'en relever d'office l'irrégularité.
Monsieur [D] [M] a dirigé en première instance son action en rétablissement d'une servitude de passage à l'encontre de Madame [N] [X] épouse [H] soutenant que celle-ci est à l'origine de l'entrave au passage. Ses demandes à son encontre devant la Cour sont donc nécessairement recevables, qu'important que, par acte de vente authentique en date du 24 mai 2017, transcrit le 6 juin 2017 au volume 4532 n°15, Madame [N] [X] épouse [H] ait cédé les parcelles CO n° [Cadastre 2] à [Cadastre 4] à la société DESRIAC, celle-ci étant seule responsable de l'entrave au droit de passage si l'existence d'une servitude conventionnelle devait être reconnue. De plus, l'acte de vente mentionne expressément, en page 5, que le vendeur, Madame [H], «déclare au sujet de cette servitude qu'il y a une procédure judiciaire en cours et qu'il prendra en charge toutes les conséquences et notamment judiciaires en résultant, de manière à ce que l'acquéreur et ses associés ne soient jamais inquiétés ni recherchés à ce sujet.»
Aux termes de l'article 686 du code civil, il est permis aux propriétaires d'établir sur leurs propriétés, ou en faveur de leurs propriétés, telles servitudes que bon leur semble, pourvu néanmoins que les services établis ne soient imposés ni à la personne, ni en faveur de la personne, mais seulement à un fonds et pour un fonds, et pourvu que ces services n'aient d'ailleurs rien de contraire à l'ordre public.
L'usage et l'étendue des servitudes ainsi établies se règlent par le titre qui les constitue ; à défaut de titre, par les règles ci-après.
En l'espèce, il résulte des actes produits devant la Cour que :
Par acte dressé par devant Me [J], notaire à [Localité 15], les 15 décembre 1998 et 14 janvier 1999, Monsieur [D] [M] a acquis de Mesdames [Z] [U] épouse [O] et [Y] [S] épouse [F] une parcelle de terre issue de la terre [Localité 17] - [Localité 8] lot B de la parcelle A, sise à [Localité 16], commune de Moorea lieu-dit «[Localité 14]», cadastrée section CO n° [Cadastre 7] d'une superficie de 11 ares 55 centiares.
Cet acte, produit devant la Cour, prévoit expressément en sa page 3 «Désignations» que : «Cette parcelle bénéficie d'une servitude de passage donnant accès piéton à la mer».
Il est également indiqué à l'acte de propriété de Monsieur [M] :
«RAPPEL DE SERVITUDE : Aux termes d'un acte reçu aux présentes minutes le 27 janvier 1997, contenant vente par Madame [F] et Madame [O] au profit de la SCI [Localité 17], il a été constitué une servitude de passage dans les termes ci-après littéralement transcrits :
«CONSTITUTION DE SERVITUDE : Pour permettre à l'ACQUEREUR ou successeurs ou ayants droit un accès à la mer, le VENDEUR constitue sur le surplus de ladite propriété dont il est propriétaire, à titre de servitude réelle et perpétuelle, un droit de passage qui s 'exercera sur une bande de terrain d'une largeur d'UN mètre CINQUANTE (1,50m) et sur toute la longueur de la limite Nord-Est puis Nord-Ouest du surplus de ladite propriété, telle qu'elle figure sur un plan au 1/500 annexé aux présentes.
Cette servitude dont le propriétaire de la parcelle sur laquelle elle est située devra constamment laisser le libre accès, pourra être exercée en tous temps et à toute heure par les ayants droit, les membres de leurs famille et personnels.»
L'Acquéreur sera subrogé purement et simplement dans tous les droits et obligations du vendeur à l'égard des servitudes ci-dessus énoncées».
Il est constant, et non contesté devant la Cour, que les parcelles acquises par la SCI [Localité 17] au termes de l'acte du [Cadastre 1] janvier 1997, produit devant la Cour, et par Monsieur [M], comme les parcelles cadastrées CO [Cadastre 2], CO [Cadastre 3], CO [Cadastre 4] sises à [Localité 16] (Moorea) ont une origine de propriété commune, à savoir :
Suivant acte du 13 juillet 1990, Monsieur [P] [U] a fait donation entre vifs et en avancement d'hoirie à ses deux enfants mineurs, représentés par leur mère, Madame [Y] [S], des biens suivants :
' A Madame [Z] [U], une parcelle de terre sise à [Localité 16] dépendant des terres [Localité 17] et AUAMURE, dénommée parcelle A d'une superficie de 2.720 m2 ;
' A Monsieur [K] [U], une parcelle de terre sise au même lieu dépendant des mêmes terres dénommée parcelle B, d'une superficie de 2.692 m2 ;
Cet acte de donation précise en origine de propriété que ces parcelles données dépendent d'un immeuble de plus grande importance qui appartient à Monsieur [P] [U] par suite de l'acquisition qu'il en fait de la société [Adresse 12] aux termes d'un acte reçu par Me [C] les 29 août et 19 septembre 1985.
L'acte du 27 janvier 1997 auquel il est fait référence à l'acte de Monsieur [D] [M] comme ayant constitué une servitude de passage, précise que la parcelle de terrain détachée de la terre [Localité 17] d'une superficie de 1200 m2 appartient en propre à Madame [Z] [U] épouse [O], comme dépendant d'un ensemble de plus grande importance, par suite de la donation que lui en a fait son père, Monsieur [P] [U], aux termes d'un acte reçu par Me [V] [C] notaire à [Localité 15] le 13 juillet 1990 transcrit le 24 juillet suivant au volume 1670 n° 08.
Il est par ailleurs produit devant la cour plusieurs actes de vente de parcelles détachées du domaine acquis par Monsieur [P] [U] où il est également fait mention d'un droit de passage tel que mentionné à l'acte de Monsieur [D] [M], droit de passage, «qui s'exercera sur une bande de terrain d'une largeur d'UN mètre CINQUANTE (1,50m) et sur toute la longueur de la limite Nord-Est puis Nord-Ouest du surplus de ladite propriété».
La société MELVA, auteur de Madame [N] [X] épouse [H], a acquis les parcelles CO n° [Cadastre 2] à [Cadastre 4] de Madame [Y] [S] épouse [F] et de Monsieur [K] [U] suivant acte authentique en date du 4 novembre 1998 et transcrit le 26 dudit mois au volume 2326 n° 11.
Comme les autres actes concernant le démembrement de la propriété acquise par Monsieur [P] [U], cet acte de vente contient un paragraphe intitulé «RAPPEL DE SERVITUDE» avec les mentions suivantes :
«Aux termes d'un acte reçu aux présentes minutes le 27 janvier 1997, contenant vente par Madame [F] et Madame [O] au profit de la SCI [Localité 17], il a été constitué une servitude de passage dans les termes ci-après littéralement transcrits :
«CONSTITUTION DE SERVITUDE : Pour permettre à l'ACQUEREUR ou successeurs ou ayants droit un accès à la mer, le VENDEUR constitue sur le surplus de ladite propriété dont il est propriétaire, à titre de servitude réelle et perpétuelle, un droit de passage qui s'exercera sur une bande de terrain d'une largeur d'UN mètre CINQUANTE (1,50m) et sur toute la longueur de la limite Nord-Est puis Nord-Ouest du surplus de ladite propriété, telle qu'elle figure sur un plan au 1/500 annexé aux présentes.
Cette servitude dont le propriétaire de la parcelle sur laquelle elle est située devra constamment laisser le libre accès, pourra être exercée en tous temps et à toute heure par les ayants droit, les membres de leurs famille et personnels.»
L'Acquéreur sera subrogé purement et simplement dans tous les droits et obligations du vendeur à l'égard des servitudes ci-dessus énoncées».
Suivant acte authentique en date du 13 mai 2002, transcrit le 06 juin suivant au volume 2646 n° 06, Madame [N] [I] [X] épouse [H] a acquis de la société MELVA les parcelles cadastrées CO [Cadastre 2], CO [Cadastre 3], CO [Cadastre 4] sises à [Localité 16] (Moorea).
Il est indiqué en page 3 de cet acte que :
«Et qu'il résulte d'un acte reçu aux minutes de Me [L] [J], notaire à [Localité 15], le [Cadastre 1] janvier 1997, une constitution de servitude de passage au profit de la SCI [Localité 17], grevant la parcelle cadastrée section CO n° [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 4] dans les termes ci-après littéralement transcrits :
« CONSTITUTION DE SERVITUDE,
Pour permettre à l'ACQUEREUR ou successeurs ou ayants droit un accès à la mer, le VENDEUR constitue sur le surplus de ladite propriété dont il est propriétaire, à titre de servitude réelle et perpétuelle, un droit de passage qui s'exercera sur une bande de terrain d'une largeur d'UN mètre CINQUANTE (1,50m) et sur toute la longueur de la limite Nord-Est puis Nord-Ouest du surplus de ladite propriété, telle qu'elle figure sur un plan au 1/500 annexé aux présentes.
Cette servitude dont le propriétaire de la parcelle sur laquelle elle est située devra constamment laisser le libre accès, pourra être exercée en tous temps et à toute heure par les ayants droit, les membres de leurs famille et personnels.»
L'Acquéreur sera subrogé purement et simplement dans tous les droits et obligations du vendeur à l'égard des servitudes ci-dessus énoncées».
Ainsi, l'acte d'acquisition de la société MELVA mentionne «Aux termes d'un acte reçu aux présentes minutes le 27 janvier 1997, contenant vente par Madame [F] et Madame [O] au profit de la SCI [Localité 17], il a été constitué une servitude de passage dans les termes ci-après littéralement transcrits » alors que l'acte d'acquisition de Madame [N] [X] épouse [H] à la société MELVA « Et qu'il résulte d'un acte reçu aux minutes de Me [L] [J], notaire à [Localité 15], le 27 janvier 1997, une constitution de servitude de passage au profit de la SCI [Localité 17], grevant la parcelle cadastrée section CO n° [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 4] dans les termes ci-après littéralement transcrits.»
L'acte du 4 novembre 1998 est clair et il ne peut qu'être compris que lorsqu'il est indiqué «Aux termes d'un acte reçu aux présentes minutes le 27 janvier 1997, contenant vente par Madame [F] et Madame [O] au profit de la SCI [Localité 17]», c'est la vente qui est au bénéfice de la SCI [Localité 17] et non la servitude. La servitude est quant à elle bien décrite comme grevant un fonds au bénéfice d'un autre : « Cette servitude dont le propriétaire de la parcelle sur laquelle elle est située devra constamment laisser le libre accès».
C'est donc nécessairement par erreur de plume que le notaire a écrit dans l'acte de 13 mai 2002 que l'acte du [Cadastre 1] janvier 1997 constitue une servitude de passage au profit de la SCI [Localité 17], une servitude conventionnelle grevant un fond au bénéfice de plusieurs autres ne pouvant évoluer en servitude au bénéfice d'une personne alors qu'il n'est pas permis aux propriétaires d'établir sur leurs propriétés, ou en faveur de leurs propriétés, des services établis imposés à une personne ou en faveur d'une personne.
Ainsi, sauf à être de mauvaise foi, l'acte de propriété de Madame [N] [X] épouse [H] doit se lire en référence à l'acte de son auteur, la société MELVA, et il s'en déduit que les parcelles acquises, les parcelles cadastrées CO [Cadastre 2], CO [Cadastre 3], CO [Cadastre 4] sises à [Localité 16] (Moorea), sont grevées d'un droit de passage qui s'exercera sur une bande de terrain d'une largeur d'UN mètre CINQUANTE (1,50m) et sur toute la longueur de la limite Nord-Est puis Nord-Ouest du surplus de ladite propriété, à savoir la propriété démembrée par Madame [F] et Madame [O].
De plus, le plan annexé à l'acte authentique du 13 mai 2002, par lequel Madame [N] [X] épouse [H] a acquis des droits de propriété sur les parcelles cadastrées CO [Cadastre 2], CO [Cadastre 3], CO [Cadastre 4], plan que la Cour intègre à son arrêt pour une meilleure compréhension, fait apparaître très clairement un chemin de servitude de 1,50 mètre qui grève les lots acquis en 2002. Cette servitude longe par ailleurs un autre chemin sur la parcelle contigüe de 2,5 mètres mais s'en distingue très clairement.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments l'existence certaine d'une servitude conventionnelle grevant les parcelles cadastrées C0 n°[Cadastre 2], CO n°[Cadastre 3] et CO n°[Cadastre 4] sises à [Localité 16], droit de passage piétonnier dont bénéficie Monsieur [D] [M], cette servitude étant établie notamment pour le fond dont il est propriétaire, la parcelle CO 40 sises à [Localité 16] tel qu'il résulte de son acte de propriété.
En conséquence, la Cour infirme le jugement du Tribunal Civil de Première Instance de [Localité 15], Tribunal foncier ' section 2, n° RG 18/00067, n° de minute 293 en date du 2 septembre 2019 en toutes ses dispositions.
Aux termes des articles 701 et 702 du code civil, le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l'usage, ou à le rendre plus incommode. Ainsi, il ne peut changer l'état des lieux, ni transporter l'exercice de la servitude dans un endroit différent de celui où elle a été primitivement assignée.
En l'espèce, il résulte du constat d'huissier produit devant la Cour en date du 17 septembre 2015 que l'accès au chemin de servitude permettant le passage vers la mer a été condamné par la pose d'une clôture. Madame [N] [X] épouse [H] n'a pas contesté devant le premier juge, ni devant la Cour être l'auteur de cette entrave au droit de passage grevant les parcelles cadastrées CO [Cadastre 2], CO [Cadastre 3], CO [Cadastre 4].
Il y lieu d'enjoindre à Madame [N] [I] [X] épouse [H], et toute personne de son chef, de rétablir le libre passage de la servitude permettant la desserte piétonnière vers le lagon, notamment en veillant au retrait de la clôture grillagée, et ce dans un délai de un mois à compter de la signification de la présente décision. Si dans le délai de un mois le passage n'est pas libéré, la Cour autorise Monsieur [D] [M] à déplacer les seuls éléments qui entraveraient encore le passage, et ce en présence d'un huissier de justice. Monsieur [D] [M] étant autorisé à déplacer les éléments entravant le passage, il n'y a pas lieu à astreinte.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [D] [M] les frais exposés par lui et non compris dans les dépens. La Cour fixe à 420.000 francs pacifiques la somme que Madame [N] [X] épouse [H] doit être condamnée à lui payer à ce titre.
Madame [N] [X] épouse [H] qui succombe pour le tout doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
DIT l'appel recevable ;
DIT les demandes formulées à l'encontre de Madame [N] [X] épouse [H] recevables pour avoir été formulées en première instance ;
INFIRME en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal Civil de Première Instance de [Localité 15], Tribunal foncier ' section 2, n° RG 18/00067, n° de minute 293 en date du 2 septembre 2019, en toutes ses dispositions ;
Et statuant à nouveau,
DIT certaine l'existence d'une servitude conventionnelle grevant les parcelles cadastrées CO n°[Cadastre 2], CO n°[Cadastre 3] et CO n°[Cadastre 4] sises à [Localité 16] (Moorea), droit de passage piétonnier vers le lagon, dont bénéficie Monsieur [D] [M], cette servitude étant établie notamment pour le fond dont il est propriétaire, la parcelle CO [Cadastre 7] sises à [Localité 16] tel qu'il résulte de son acte de propriété ;
CONSTATE que ce chemin de servitude a été obstrué depuis plusieurs années par Madame [N] [X] épouse [H], supprimant ainsi le droit de passage et l'accès à la mer ;
ENJOINT à Madame [N] [I] [X] épouse [H], et toute personne de son chef, de rétablir le libre passage de la servitude permettant la desserte piétonnière vers le lagon, tel que décrit ci-dessus et tel qu'elle existe au plan annexée à l'acte d'acquisition en date du 13 mai 2002 de Madame [N] [X] épouse [H], notamment en veillant au retrait de la clôture grillagée, et ce dans un délai de un mois à compter de la signification de la présente décision ;
AUTORISE Monsieur [D] [M], si dans le délai de un mois le passage n'est pas libéré, à déplacer les seuls éléments qui entraveraient encore le passage, et ce en présence d'un huissier de justice ;
DIT n'y avoir pas lieu à astreinte, Monsieur [D] [M] étant autorisé à déplacer les éléments entravant le passage ;
Y ajoutant,
CONDAMNE Madame [N] [I] [X] épouse [H] à payer à Monsieur [D] [M] la somme de 420.000 francs pacifiques en application de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
REJETTE tout autre chef de demande des parties, plus ample ou contraire au présent arrêt ;
CONDAMNE Madame [N] [I] [X] épouse [H] aux dépens de première instance et aux dépens d'appel.
Prononcé à [Localité 15], le 22 septembre 2022.
Le Greffier, Le Président,
signé : M. SUHAS-TEVEROsigné : K. SZKLARZ