N° 83
KS
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Copies exécutoires
délivrées à :
- Me Jacquet,
- Me Dumas,
- Me Maisonnier,
le 22.09.222.
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D'APPEL DE PAPEETE
Chambre des Terres
Audience du 22 septembre 2022
RG 19/00087 ;
Décision déférée à la Cour : jugement n° 18-TER/2019, rg n° 12/00004 du Tribunal de Première Instance de Papeete, section détachée de Raiatea, Tribunal Foncier de la Polynésie française siégeant à Raiatea du 20 juin 2019 ;
Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 18 septembre 2019 ;
Appelant :
M. [X] [Y], né le 9 mai 1935 à Amuri Cook, de nationalité française, demeurant à [Adresse 9] ;
Représenté par Me Thierry JACQUET, avocat au barreau de Papeete ;
Intimés :
Mme [T] [BS] épouse [LZ], née le 8 février 1959 à [Localité 8], de nationalité française, demeurant à [Adresse 10] ;
Non comparante, assignée à personne le 31 mars 2021 ;
Mme [Z] [C] [BF] épouse [WU], née le 2 août 1955 à [Localité 3], de nationalité française, demeurant à [Localité 7] ;
M. [G] [K], né le 5 août 1952 à [Localité 4], de nationalité française, demeurant à [Localité 4] - Huahine ;
Représentés par Me Brice DUMAS, avocat au barreau de Papeete ;
Mme [I] [H] [JC] épouse [L], née le 8 février 1943 à [Localité 11] - Rarotonga, demeurant [Adresse 6] ;
Représentée par Me Michèle MAISONNIER, avocat au barreau de Papeete ;
M. [V] [JC], né le 21 mai 1930 à Rarotonga, serait décédé ;
Non comparant, assignation transfomée en procès-verbal de recherches du 18 octobe 2019 ;
Ordonnance de clôture du 18 février 2022 ;
Composition de la Cour :
La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 28 avril 2022, devant Mme SZKLARZ, conseiller faisant fonction de président, M. SEKKAKI, conseiller, Mme TEHEIURA, magistrat honoraire de l'ordre judiciaire aux fins d'exercer à la cour d'appel de Papeete en qualité d'assesseur dans une formation collégiale, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt par défaut ;
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par Mme SZKLARZ, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A R R E T,
FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS :
Par requête datée du 12 janvier 2012, Monsieur [X] [Y] a saisi le tribunal civil de première instance de Papeete, section détachée de Raiatea, aux fins de voir convoquer Monsieur le curateur aux biens et successions vacants en représentation des ayant droits inconnus de Monsieur [O] a [J], né en 1859 à Huahine et décédé le 20 avril 1914 à [Localité 5] (Huahine), pour voir reconnaître qu'il a prescrit par possession utile la terre [M] sise à [Localité 8]- HUAHINE depuis plus de 30 années et subsidiairement ordonner un transport sur les lieux avec audition des témoins à l'effet de lui permettre de justifier de son occupation de ladite terre. Il a précisé qu'il a été adopté à l'âge de 7 ans par les époux [X] a [JC] et [LA] a [O] aux îles Cook qui l'ont amené à Huahine ; qu'il a vécu sur la terre depuis 1942, d'abord avec ses parents adoptifs jusqu'à leur décès respectifs en 1956 et 1959 et qu'il a ensuite continué à entretenir la terre et l'occuper au vu et au su de tous.
Deux héritières de [O] a [J] ont été identifiées par le curateur et assignées le 10 juillet 2013 à savoir :
- Madame [T] [BS] épouse [LZ] (fille de [LA] un des enfants du revendiquant) et
- Madame [Z] [BF] épouse [WU] (fille de [E] un des enfants du revendiquant).
Monsieur le curateur aux biens et successions vacants a demandé sa mise hors de cause.
Madame [Z] [BF] épouse [WU] s'est opposé aux revendications de Monsieur [X] [Y] expliquant que les héritiers de [O] a [J] ont créé une association de famille depuis plus de cinq ans et ont projeté le partage de la terre [M] et ce bien avant que Monsieur [X] [Y] fasse connaître sa revendication.
Madame [T] [BS] s'est également opposé aux demandes de Monsieur [X] [Y] en contestant l'occupation trentenaire de ce dernier.
Par jugement du 4 septembre 2014, le Tribunal a mis le curateur aux biens et successions vacants hors de cause et ordonné une enquête aux fins de permettre à [X] [Y] de rapporter la preuve de son usucapion de la terre [M], PV de bornage 106 située à [Localité 8] à HUAHINE.
L'enquête sur les lieux s'est déroulée le 30 janvier 2015, un procès-verbal a été dressé.
Monsieur [X] [Y] a soutenu que l'enquête démontrait sa possession. Il a contesté la qualité d'ayant droit de [O] a [J] des défendeurs ainsi que le titre de propriété de [O] a [J]. Il a soutenu que les défendeurs n'ont pas accepté la succession de leur auteur et leur a opposé la prescription de l'article 789 du code civil.
Madame [T] [BS] a soutenu que l'exploitation de la terre a été faîte par ses grands-parents et que certains témoignages sont mensongers
Madame [I] [H] [JC] est intervenue volontairement pour contester les conditions de l'occupation de Monsieur [X] [Y].
Monsieur [G] [W] [K] a également demandé au tribunal de débouter Monsieur [X] [Y] de ses demandes, les conditions dans lesquelles il a occupé la terre ne lui permettant de prescrire.
Par jugement n° RG 12/00004, n° de minute 18-TER/2019, en date du 20 juin 2019, auquel la Cour se réfère expressément pour l'exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions de première instance, le Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, Tribunal foncier siégeant à Raiatea, a dit :
Vu le jugement du 4 septembre 2014,
Vu le procès-verbal d'enquête sur les lieux du 30 janvier 2015,
- Déclare [I] [H] [JC] irrecevable en son intervention volontaire ;
- Déclare [G] [W] [K] recevable en son intervention volontaire ;
- Déboute [X] [Y] de sa demande d'usucapion de la terre [M], cadastrée PL[Cadastre 1] et PL[Cadastre 2] pour une superficie respective de 5 hectares, 24 ares et 92 centiares,
et 1 are et 64 centiares ;
- Ordonne la transcription du présent jugement au Bureau des Hypothèques de Papeete ;
- Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile ;
- Condamne [X] [Y] aux dépens de l'instance.
Par requête enregistrée au greffe de la Cour le 18 septembre 2019, Monsieur [X] [Y], ayant pour conseil Maître Thierry JACQUET, a interjeté appel de cette décision dont il n'est rien dit de la signification.
Par conclusions reçues par voie électronique au greffe de la Cour le 5 août 2020, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des faits, des moyens et des prétentions, Mme [I] [H] [JC] épouse [L], ayant pour avocat Maître Michèle MAISONNIER, forme appel incident et demande à la Cour de :
1°/ Sur la demande de réformation du jugement entrepris concernant la déclaration d'irrecevabilité de Mme [I] [H] [JC] en son intervention volontaire :
Vu les actes d'état civil produits aux débats par Madame [I] [H] [JC] épouse [L],
- La recevoir en son appel incident ;
- Constater que les actes d'état civil qu'elle produit aux débats établissent sa filiation à l'égard de sa mère, [LA] a [O] épouse de [X] a [JC], fille de Feu [O] dit [U] a [J], revendiquant de la terre [M], sise à HUAHINE, district de [Localité 8] ;
Partant.
- Réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déclarée irrecevable en son intervention, faute par elle de produire le justificatif de sa filiation à l'égard de [LA] a [O], fille du revendiquant ;
Statuant à nouveau,
- La déclarer recevable et fondée à se prévaloir de sa qualité d'ayant droit de Monsieur [O] a [J] connu sous le nom de [U], revendiquant de la terre [M], sise à HUAHINE, district de [Localité 8] ;
2°/ Sur la prescription trentenaire de la terre [M] revendiquée par Monsieur [X] [Y] :
Vu l'article 2261 du code civil,
Considérant que Monsieur [X] [Y] reconnaît que lorsqu'il avait 7 ans, ses parents adoptifs qui ne sont autres que les propres parents de la concluante, se sont installés sur la Terre [M], sise à [Localité 8] HUAHINE, avec lui, c'est-à-dire en 1942 ;
Considérant cependant que l'adoption de Monsieur [X] [Y] par les parents de la concluante n'a jamais été officialisée, qu'il s'agit d'une adoption «faamu» qui ne confère à ce dernier aucun droit successoral ;
Considérant que, prenant possession de la terre en 1942 c'est-à-dire 28 ans après le décès du revendiquant, grand-père de la concluante, les parents adoptifs de [X] [Y] c'est-à-dire les propres parents de la concluante, ont fait acte d'acceptation de la succession du revendiquant ;
Considérant qu'il ressort de l'enquête diligentée sur les lieux que la terre [M] a été occupée par un groupe familial à savoir non seulement les parents adoptifs de [X] [Y], mais d'autres membres de la famille, dont le frère de la maman «faamu», Monsieur [PV] qui serait décédé en 1969 ;
Considérant dès lors que c'est à tort que Monsieur [X] [Y] prétend que les ayants droit du revendiquant ne justifient pas avoir accepté sa succession ;
Considérant au demeurant qu'il ressort des pièces versées par l'appelant que la revendication n'a non seulement été publiée au Journal Officiel mais aussi clairement enregistrée ;
Considérant par ailleurs que les témoins ont clairement énoncé que Monsieur [X] [Y] se partageait entre une terre familiale appartenant à son épouse, la terre [B] et la Terre [M] ;
Considérant in fine, que Monsieur [X] [Y] ne peut ignorer que son installation sur les lieux résulte de sa qualité d'enfant «faamu» de [LA] a [O] épouse de [X] a [JC], fille de Feu [O] dit [U] a [J], revendiquant de la terre [M], sise à HUAHINE, district de [Localité 8] ;
En conséquence.
Vu l'article 2261 du code civil,
- Voir dire et juger que Monsieur [X] [Y] n'établit pas avoir occupé la Terre [M] dans les conditions requises pour acquérir la prescription trentenaire, c'est-à-dire avoir une possession continue et non interrompue, paisible, publique et non équivoque et à titre de propriétaire durant trente ans ;
Par suite.
- Le débouter de sa requête d'appel et de toutes ses demandes ;
Partant.
- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur [X] [Y] de sa demande de prescription acquisitive trentenaire de la terre [M] sise à HUAHINE, district de [Localité 8], cadastrée PL[Cadastre 1] et PL[Cadastre 2] pour une superficie de 5ha 24a 92ca et la 64ca ;
- Voir dire et juger que la Terre [M] - PV de bornage n° 106 du 17 mai 1946, d'une superficie de 4ha 98a 80ca est la propriété des ayants droit du revendiquant [O] a [J] connu sous le nom de [O] [U] dit [J] ;
- Condamner Monsieur [X] [Y], par application de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie Française, à payer à Madame [I] [H] [JC] épouse [L], la somme de 320.000 FCP ;
- Le condamner aux entiers dépens dont distractions d'usage.
Par conclusions déposées électroniquement au greffe de la Cour le 15 octobre 2021, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des faits, des moyens et des prétentions, Madame [Z] [C] [BF] épouse [WU], et Monsieur [G] [W] [K], ayant pour avocat Maître Brice DUMAS, demandent à la Cour de :
- Confirmer en toutes ses dispositions la décision de première instance ;
Ou, à tout le moins,
Vu l'absence de mise en cause de tous les propriétaires indivis des terres objets de la demande d'usucapion,
- Juger l'action en demande d'usucapion irrecevable ;
Ou,
Vu les articles 2261 et 2265 du Code civil,
Vu la qualité d'enfant [P] de M. [X] [Y],
- Juger que M. [X] [Y] ne peut se prévaloir des bénéfices de l'article 2265 du Code civil ;
Et,
- Juger que M. [X] [Y] ne justifie pas d'une occupation trentenaire continue, ininterrompue et à titre de propriétaire de la terre [M], cadastrée PL[Cadastre 1] et PL[Cadastre 2] ;
Et,
- Débouter M. [X] [Y] de sa demande d'usucapion de la terre [M], cadastrée PL[Cadastre 1] et PL[Cadastre 2] pour une superficie de 5Ha, 24 a et 92 ca, et la et 64 ca ;
Et, en tout état de cause,
- Condamner M.[X] [Y] au paiement de la somme de 339.000 F CFP au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens d'instance.
Par conclusions récapitulatives reçues par voie électronique au greffe de la Cour le 10 juin 2021, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des faits, des moyens et des prétentions, Monsieur [X] [Y] demande à la Cour de :
- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau,
- Dire et juger Monsieur [X] [Y] propriétaire de la terre [R] sise à [Localité 8] Huahine ( PV 106) par prescription trentenaire ;
- Dire et juger les défendeurs irrecevables et infondés en leurs prétentions contraires ;
- Ordonner la transcription du jugement ;
- Condamner les défendeurs au paiement d'une somme de 350 000 xpf HT au titre des frais irrépétibles ;
- Les condamner aux dépens.
Par conclusions en date du 21 janvier 2022, Monsieur [X] [Y] indique appeler en la cause le Curateur aux biens et successions vacants pour représenter les autres héritiers de [O] a [J]. Cependant, aucune assignation en ce sens n'a été retrouvée au dossier.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance en date du 18 février 2022 pour l'affaire être fixée à l'audience de la Cour du 28 avril 2022. En l'état l'affaire a été mise en délibéré au 25 août 2022, délibéré qui a dû être prorogé.
MOTIFS :
Sur la recevabilité de l'appel :
La recevabilité de l'appel n'est pas discutée et aucun élément de la procédure ne permet à la Cour d'en relever d'office l'irrégularité.
Sur l'origine de propriété de la terre [M] sise à HUAHINE, district de [Localité 8], cadastrée PI [Cadastre 1] et PI [Cadastre 2] :
Le premier juge et les parties devant la Cour mentionnent comme référence cadastrale de la terre en litige PL [Cadastre 1] et PL [Cadastre 2]. Or, l'extrait de plan cadastral remis à la Cour mentionne comme référence cadastrale PI [Cadastre 1] et PI [Cadastre 2]. Ceux sont les références cadastrales que la Cour retient.
Selon certificat de propriété non daté produit devant la Cour, la terre [M] a été revendiquée par [O] a [J] le 25 octobre 1899 devant la Commission de l'arrondissement de Huahine, déclaration publiée au journal officiel le 7 décembre 1899 n°795 sans opposition et par décision de la Commission de Huahine en date du 9 octobre 1901, la terre [M] a été attribuée à [O] a [J] à qui un titre de propriété exclusive est délivré par le certificat de propriété.
Le procès-verbal de bornage n°106 du 17 mai 1947 mentionne ce certificat de propriété.
Lors de sa requête en revendication de propriété par prescription acquisitive trentenaire, Monsieur [X] [Y] a appelé en cause le curateur au biens et successions vacants pour représenter les ayants droit de [O] a [J], qu'il a alors considéré et présenté comme le propriétaire par titre.
La Cour rappelle que l'action en revendication de propriété par prescription acquisitive a nécessairement pour défendeur à l'action le titulaire de droit par titre. Ainsi, si la Cour disait, comme le soutient maintenant Monsieur [X] [Y], que [O] a [J] n'est pas le propriétaire originel, elle en déduirait nécessairement que Monsieur [X] [Y] est irrecevable en son action de revendication de propriété par prescription acquisitive pour ne pas l'avoir dirigée contre les titulaires de droits de propriété.
Par ailleurs, la Cour n'est pas sans ignorer les difficultés de conservation des archives en Polynésie française et de tenue des registres au début du 20ième siècle. En l'absence de conflit de titre de de propriété, la Cour dit établi que la terre [M] sise à HUAHINE, district de [Localité 8], aujourd'hui cadastrée PI [Cadastre 1] et PI [Cadastre 2] a été attribuée le 9 octobre 1901 à [O] a [J].
Les informations de la matrice cadastrale mentionnent à titre de propriétaire «indivis entre les ayants droit de [O] a [J] né en 1859 à Huahine, décédé le 20 avril 1914 époux de Madame [N] a [F] née le 5 août 1869 à Huahine». Il s'en déduit que le service du cadastre n'a pas retrouvé d'acte translatif de droits de propriété depuis la délivrance du certificat de propriété à [O] a [J].
C'est donc à juste titre que le premier juge a retenu que le propriétaire par titre de la terre [M] est [O] a [J]. Toute action en revendication de propriété par prescription acquisitive trentenaire de la terre doit donc être dirigée contre ses ayants droit.
Devant la Cour, Madame [I] [H] [JC] produit les actes d'état civil nécessaires et suffisants pour démontrer être née le 8 février 1943 à TITIKAVEKA (RAROTANGA), fille de [X] et [LA] [JC].
Sa mère, [LA] [O], épouse de [X] a [JC], est née à Huahine le 15 mars 1897 de [O] [U] de [D] âgé de 38 ans et de [N] Moe de [D] âgée de 28 ans.
Les parties s'accordent pour dire que [O] a [J] est dit également [U].
Ainsi, Madame [I] [H] [JC] établit sans conteste venir aux droits de l'attributaire de la terre, [O] a [J], pour être sa petite-fille.
En conséquence, la Cour infirme le jugement du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, Tribunal foncier siégeant à Raiatea, n° RG 12/00004, n° de minute 18-TER/2019, en date du 20 juin 2019, en ce qu'il a déclaré [I] [H] [JC] irrecevable en son intervention volontaire.
Devant la Cour, il n'est pas contesté que [T] [BS] vienne également aux droits de [LA] [O] pour être fille de son fils [V] [JC] né le 21 Mai 1930 à Amuri Aitutaki (îles COOK).
De même, il est acquis aux débats que [G] [W] [K] vient aux droits de [ZR] [K] né à Huahine le 15 Juin 1907, et que [Z] [C] a [BF] vient aux droits de [S] [A] [K], [ZR] et [S] [A] [K] venant aux droits de [E] [J] née à Huahine le 27 Février 1892.
Selon son acte de naissance [E] [J] est fille de [O] [U] (dit [O] a [J]), le revendiquant, et de [N] [U].
Ainsi, Madame [I] [H] [JC], Madame [T] [BS], Madame [Z] [C] a [BF] et Monsieur [G] [W] [K] sont descendants de [O] a [J], propriétaire originel par titre.
Sur l'application de l'article 789 du code civil aux ayant droit de [O] a [J] et de [LA] [O] :
Monsieur [X] [Y] oppose aux intimés la prescription de l'article 789 du code civil ; il soutient qu'ils ne justifient pas de l'acceptation de la succession de [LA] a [J] décédé le 27 septembre 1956 dont la succession n'a été acceptée par quiconque dans le délai de 30 ans, soit avant le 27 septembre 1986, que ce soit de manière expresse ou même tacite. Il souligne que les dits ayants droits ne se sont manifestés que dans le cadre de la procédure qu'il a initiée en 2012 soit 56 ans plus tard. Il en déduit que les intimés sont dès lors sans droit ni titre de sorte que leurs prétentions à la propriété par titre de la terre ne peuvent qu'être rejetée étant précisé qu'il n'a été justifié d'aucun motif légitime à l'absence d'acceptation de la succession de [LA] a [J].
Monsieur [X] [Y] ne demande pas à la Cour de constater que [G] [W] [K] et [Z] [C] a [BF] n'ont pas accepté la succession de leur auteur qui est [E] [J] et non [LA] [O].
En application de l'article 789 ancien du code civil, applicable en Polynésie française, la faculté d'accepter ou de répudier une succession se prescrit par le laps de temps requis pour la prescription la plus longue des droits immobiliers.
La faculté d'accepter se prescrit par 30 ans à compter de l'ouverture de la succession ; dès lors, passé ce délai, l'héritier prétendu resté inactif pendant 30 ans doit être considéré comme étranger à la succession et son défaut de qualité peut conformément à l'article 2225 du Code civil, lui être opposé par toute personne y ayant intérêt. C'est à celui qui réclame une succession ouverte depuis plus de 30 ans de justifier que lui-même ou ses auteurs l'ont accepté au moins tacitement avant l'expiration du délai. Toutefois, compte tenu des inconvénients pratiques qu'une telle solution engendre à l'égard des héritiers de rang subséquent, il est admis que les héritiers subséquents puissent bénéficier des causes de suspension du délai de prescription qui leur sont propres telle la minorité.
En l'espèce, [O] a [J], attributaire de la terre [M], est décédé le 20 avril 1914 à Huahine (îles sous le vent) et sa fille, [LA] a [J], auteur de Madame [I] [H] [JC] et de [T] [BS] est décédée le 27 septembre 1956.
Au temps du décès du revendiquant de la terre [M], les Lois Codifiées de l'Archipel des Iles Sous le Vent s'appliquaient à Huahine, lieu d'ouverture de sa succession le 20 avril 1914, le code civil n'étant entré en vigueur que le 1er août 1945 dans l'archipel des Iles Sous le Vent.
Outre que l'article 2 du code civil, en vigueur en 1945, dispose que «la loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif», le décret du 5 avril 1945 qui abroge les lois codifiées dans les Iles Sous le Vent, en ses dispositions transitoires, prévoit dans son article 4 : «Les successions ouvertes avant la date de mise en vigueur du présent décret, seront dévolues conformément aux Lois et Coutumes indigènes.»
Ces Lois Codifiées ne prévoyaient aucun mécanisme d'acceptation des successions, et à défaut la succession était appréhendée automatiquement par les héritiers sans quelconque formalité, la dévolution s'entendant tant de la détermination de qui est héritier que des règles de transfert du patrimoine du de cujus vers celui de ses héritiers.
Ainsi, aux îles sous le vent, le délai prévu par l'article 789 ancien du code civil ne peut s'appliquer qu'aux successions ouvertes à compter du 1er août 1945, date à partir de laquelle les natifs des ISVL ont été soumis au régime légal de l'acceptation successorale et à son formalisme tels que prévus par le code civil.
Dès lors, le délai trentenaire prévu par l'article 789 dans sa rédaction antérieure à la loi du 23 juin 2006 est inapplicable à la succession de [O] a [J]. En l'absence de mécanisme d'option successorale et de formalisme d'acceptation particulier, sa succession a été dévolue automatiquement à ses héritiers, dont [E] [J], auteur de [G] [W] [K] et [Z] [C] a [BF] et [LA] [O], auteur de Madame [I] [H] [JC] et de [T] [BS].
Il est acquis aux débats que Monsieur [X] [Y] est l'enfant faamu de [LA] [O] qui est la mère de [I] [H] [JC]. Celle-ci réside à Huahine, tout comme Monsieur [X] [Y]. Il résulte par ailleurs des témoignages recueillis durant l'enquête qu'ils ont grandi ensemble sur la terre, les témoins indiquant que les filles ont quitté la terre au décès de [LA] [O] puis de son époux.
De ce fait, il est surprenant qu'en première intention, Monsieur [X] [Y] ait dirigé son action contre le Curateur en représentations des héritiers inconnus de [O] a [J] alors que sa s'ur faamu résidait sur la même île que lui.
[I] [H] [JC] est née le 8 février 1943, elle est devenue majeure le 8 février 1964. La prescription ayant été interrompue par la minorité, elle bénéficiait d'un délai de trente ans à compter de cette date pour accepter la succession de sa mère décédée le 27 septembre 1956, soit le 8 février 1994. Devant la Cour, Madame [I] [H] [JC] a seulement conclu sur l'acceptation tacite de la succession de [O] a [J] par sa mère, mais elle n'a pas conclu sur sa propre acceptation de la succession de sa mère.
Cependant, si l'héritier prétendu resté inactif pendant 30 ans doit être considéré comme étranger à la succession et que son défaut de qualité peut lui être opposé par toute personne y ayant intérêt, et que c'est à celui qui réclame une succession ouverte depuis plus de 30 ans de justifier que lui-même ou ses auteurs l'ont accepté au moins tacitement avant l'expiration du délai, il doit être retenu en l'espèce que Madame [I] [H] [JC] ne réclame pas la succession de [LA] [O] mais défend, es-qualité d'ayant-droit du revendiquant, à l'action en revendication de propriété par prescription acquisitive trentenaire introduite par Monsieur [X] [Y].
En conséquence, la Cour dit que Madame [I] [H] [JC], Madame [T] [BS], Madame [Z] [C] a [BF] et Monsieur [G] [W] [K], pour venir aux droits de [O] a [J], propriétaire originel par titre, ont bien qualité et intérêt à agir en défense à l'action en revendication de propriété par prescription acquisitive trentenaire de Monsieur [X] [Y]. Ils représentent les deux souches issues de [O] a [J], les recherches du curateur en première instance n'ont pas permis d'identifier davantage d'héritiers. La Cour dit qu'ils sont en capacité de défendre les droits de l'indivision face à la revendication par usucapion, sans qu'il soit indispensable d'appeler en la cause les autres éventuels indivisaires.
Ainsi, l'action de Monsieur [X] [Y] en revendication de propriété par prescription acquisitive trentenaire de la terre [M] sise à HUAHINE, district de [Localité 8], cadastrée PI [Cadastre 1] et PI [Cadastre 2] est recevable.
Sur la revendication de propriété, par prescription acquisitive trentenaire, de la terre [M] sise à HUAHINE, district de [Localité 8], cadastrée PI [Cadastre 1] et PI [Cadastre 2] par Monsieur [X] [Y] :
Aux termes des articles 711 et 712 du code civil, la propriété des biens s'acquiert et se transmet par succession, par donation entre vifs ou testamentaire, et par l'effet des obligations. La propriété s'acquiert aussi par accession ou incorporation, et par prescription.
Il résulte de l'articulation des articles 2229, 2234, 2235 et 2262 du Code civil, dans leur rédaction applicable en Polynésie française, qu'il faut, pour pouvoir prescrire, une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire durant 30 ans, en joignant le cas échéant sa possession à celle de son auteur, de quelque manière qu'on lui ait succédé, le possesseur actuel qui prouve avoir possédé antérieurement, étant présumé avoir possédé dans le temps intermédiaire, sauf preuve contraire.
Et aux termes des articles 2230, 2231 et 2232 du code civil, dans leur rédaction applicable en Polynésie française, on est toujours présumé posséder pour soi, et à titre de propriétaire, s'il n'est prouvé qu'on a commencé à posséder pour un autre. Quand on a commencé à posséder pour autrui, on est toujours présumé posséder au même titre, s'il n'y a preuve contraire. Les actes de pure faculté et ceux de simple tolérance ne peuvent fonder ni possession ni prescription.
Ainsi, la possession légale utile pour prescrire un bien immobilier ne peut s'établir à l'origine que par des actes matériels continus d'occupation réelle. Elle se conserve tant que le cours n'en est pas interrompu ou suspendu, la possession pouvant se poursuivre par la seule intention du possesseur si elle n'est pas interrompue avant l'expiration du délai de prescription par un acte ou un fait contraire, tel que l'abandon volontaire ou la prise de possession de l'immeuble par un tiers.
En l'espèce, il résulte de l'enquête diligentée par le premier juge le 30 janvier 2015 que les témoins, tant de Monsieur [X] [Y] que des intimés, s'accordent pour dire que Monsieur [X] [Y] et les siens se sont installées sur la terre à la mort de [AM] [J] dit [PV] le 22 septembre 1969, celui-ci étant le frère de [LA] [O], la terre étant précédemment habitée et exploitée par le groupe familial issu de [O] a [J].
C'est donc à partir de 1969 que Monsieur [X] [Y] peut faire valoir des actes d'occupation matériels qui lui soient propres.
La Cour retient par ailleurs pour l'analyse des actes d'occupation de Monsieur [X] [Y] qu'il ne peut pas être retenu qu'il a la qualité d'indivisaire ; celui-ci ne venant pas à la succession de [LA] [O] qui ne l'a pas adopté par jugement.
Aux dires de l'ensemble des témoins, et de ce qu'à constater le juge lors du transport, personne d'autre que Monsieur [X] [Y] et les siens n'occupe et n'a occupé la terre depuis le décès de [PV], la présence d'une maison de prière ne pouvant pas être considérée comme une occupation concurrente. Il est par ailleurs constant qu'au jour de la requête et de l'enquête, Monsieur [X] [Y] et son fils résident sur la terre [M]. De même, plusieurs témoins font état de la présence de Monsieur [X] [Y] sur la terre dans les années 1990, ce qui démontre la persistance des actes d'occupation matériels du requérant à l'usucapion pendant plusieurs décennies.
Ainsi, il est démontré que Monsieur [X] [Y] a effectué durant plus de trente ans (de 1969 à 2007) des actes matériels de possession en construisant, plantant, cultivant la terre [M] sise à HUAHINE, district de [Localité 8], cadastrée PI [Cadastre 1] et PI [Cadastre 2], se comportant en propriétaire de la terre et ce sans être troublé en sa possession, les ayants droits de [O] a [J] n'ayant créé une association familiale en vue du partage de cette terre qu'à la fin des années 2000. Il est d'ailleurs à noter que devant le premier juge, [G] [W] [K] indiquait avoir proposé à Monsieur [X] [Y] de lui accorder un lot dans le partage pour préserver ses habitations.
La grande majorité des témoins a par ailleurs indiqué lors de leurs auditions qu'au cours de ces quarante années, Monsieur [X] [Y] avait pu aller vivre régulièrement sur la terre de sa belle-famille, la terre [B], ce qui conduit les intimés à soutenir que sa possession n'est pas continue.
Cependant, la possession légale utile pour prescrire, qui ne peut s'établir à l'origine que par des actes matériels d'occupation réelle, se conserve tant que le cours n'en est pas interrompu ou suspendu. En l'absence d'abandon de la terre ou de prise de possession par autrui, la possession de Monsieur [X] [Y], qui n'a pas été interrompue avant l'expiration du délai de prescription par un acte ou un fait contraire, s'est poursuivie par la seule intention, la preuve en étant de son retour régulier sur la terre durant ces quarante années.
Par contre, la Cour constate que la parcelle cadastrée PI [Cadastre 1], sur laquelle sont implantée les constructions occupées par Monsieur [X] [Y] et sa famille, a une superficie de 52 492 m2. Si la terre a fait l'objet d'un entretien certain pour le jour du transport, il n'est pas démontré devant la Cour que Monsieur [X] [Y] soit à l'origine des nombreuses plantes et arbres fruitiers présents sur la terre. Au contraire, plusieurs témoins indiquent que [PV], et les parents adoptifs de Monsieur [X] [Y], sont à l'origine de beaucoup des plantations.
De l'ensemble de ces éléments, il résulte que Monsieur [X] [Y] occupe seulement partiellement la terre [M] depuis plus de trente ans, de manière continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire durant 30 ans.
En conséquence, la Cour infirme le jugement du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, Tribunal foncier siégeant à Raiatea, n° RG 12/00004, n° de minute 18-TER/2019, en date du 20 juin 2019 en toutes ses dispositions.
Statuant de nouveau, la Cour dit que Monsieur [X] [Y] est propriétaire par prescription acquisitive d'une parcelle de 2.000 m2 à détacher de la parcelle cadastrée PI [Cadastre 1] de la terre [M] sise à HUAHINE, district de [Localité 8], parcelle qui devra englober les constructions principales, un chemin d'accès entre la route et le reste de la terre [M], d'au moins 8 mètres de large, devant être réservé et maintenu sur le surplus de la parcelle PI [Cadastre 1].
Si une action en partage de la terre [M] venait à être engagée par les ayants droits de [O] a [J], il appartiendra à Monsieur [X] [Y] de demander que, dans le cadre de l'expertise qui serait nécessairement ordonnée pour la constitution des lots du partage, l'expert détache préalablement de la parcelle PI [Cadastre 1] la parcelle de 2.000 m2 d'un seul tenant, où sont implantée les constructions.
À défaut, il appartiendra à Monsieur [X] [Y] d'agir en bornage de cette parcelle devant le tribunal foncier.
Sur les autres chefs de demande :
Il y a lieu d'ordonner la transcription du présent arrêt à la conservation des hypothèques de Papeete à la charge de Monsieur [X] [Y].
Compte tenu des spécificités du litige, il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés par elle devant la Cour et non compris dans les dépens.
Les dépens d'appel et de première instance doivent être partagés entre Monsieur [X] [Y], Mme [I] [H] [JC], Madame [Z] [C] [BF] et Monsieur [G] [W] [K].
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, par défaut, en matière civile et en dernier ressort ;
DÉCLARE l'appel recevable ;
INFIRME le jugement du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, Tribunal foncier siégeant à Raiatea, n° RG 12/00004, n° de minute 18-TER/2019, en date du 20 juin 2019 en toutes ses dispositions ;
Statuant de nouveau,
DIT que, par décision de la Commission de Huahine en date du 9 octobre 1901, la terre [M] sise à HUAHINE, district de [Localité 8], aujourd'hui cadastrée PI [Cadastre 1] et PI [Cadastre 2], a été attribuée à [O] a [J] et que certificat de propriété lui a été délivré ;
DIT que Madame [I] [H] [JC], Madame [T] [BS], Madame [Z] [C] a [BF] et Monsieur [G] [W] [K], pour venir aux droits de [O] a [J], propriétaire originel par titre, ont bien qualité et intérêt à agir en défense à l'action en revendication de propriété par prescription acquisitive trentenaire de Monsieur [X] [Y] ;
DIT que, pour représenter les deux souches identifiées, issues de [O] a [J], revendiquant de la terre, Madame [I] [H] [JC], Madame [T] [BS], Madame [Z] [C] a [BF] et Monsieur [G] [W] [K] sont en capacité de défendre les droits de l'indivision face à la revendication par usucapion, sans qu'il soit indispensable d'appeler en la cause les autres éventuels indivisaires ;
DIT recevable l'action de Monsieur [X] [Y] en revendication de propriété par prescription acquisitive de la terre [M] sise à HUAHINE, district de [Localité 8], cadastrée PI [Cadastre 1] et PI [Cadastre 2] ;
DIT que Monsieur [X] [Y] est propriétaire par prescription acquisitive trentenaire d'une parcelle de 2.000 m2 à détacher de la parcelle cadastrée PI [Cadastre 1] de la terre [M] sise à HUAHINE, district de [Localité 8], parcelle à détacher qui devra englober les constructions principales, un chemin d'accès entre la route et le reste de la terre [M], d'au moins 8 mètres de large, devant être réservé et maintenu sur le surplus de la parcelle PI [Cadastre 1] ;
DIT que, si une action en partage de la terre [M] venait à être engagée par les ayants droit de [O] a [J], il appartiendra à Monsieur [X] [Y] de demander que, dans le cadre de l'expertise qui serait nécessairement ordonnée pour la constitution des lots du partage, l'expert détache préalablement de la parcelle PI [Cadastre 1] la parcelle de 2.000 m2 d'un seul tenant, où sont implantée les constructions, propriété aux termes du présent arrêt de Monsieur [X] [Y] ;
DIT qu'à défaut, il appartiendra à Monsieur [X] [Y] d'agir en bornage de cette parcelle devant le tribunal foncier ;
Y ajoutant,
REJETTE tout autre chef de demande des parties, plus ample ou contraire au présent arrêt ;
PARTAGE les dépens d'appel et de première instance entre Monsieur [X] [Y], Madame [I] [H] [JC], Madame [Z] [C] [BF] et Monsieur [G] [W] [K].
Prononcé à Papeete, le 22 septembre 2022.
Le Greffier, Le Président,
signé : M. SUHAS-TEVEROsigné : K. SZKLARZ