N° 81
KS
---------------
Copies exécutoires
délivrées à :
- Me Chansin-Wong,
- Me Revault,
le 22.09.2022.
Copie authentique
délivrée à :
- Me Antz,
le 22.09.2022.
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D'APPEL DE PAPEETE
Chambre des Terres
Audience du 22 septembre 2022
RG 18/00089 ;
Décision déférée à la Cour : jugement n° 357, rg n° 17/00126 du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, Tribunal Foncier de la Polynésie française, du 23 août 2018 ;
Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 20 novembre 2018 ;
Appelante :
Mme [I] [S] épouse [K], née le 5 janvier 1945 à [Localité 6], de nationalité française, [Adresse 2];
Représentée par Me Dominique ANTZ, avocat au barreau de Papeete ;
Intimés :
M. [P] [R] [S] [W], né le 5 février 1947 à [Localité 5], de nationalité française, retraité, demeurant à [Adresse 4] ;
Ayant pour avocat la Selarl Chansin-Wong Yen, représentée par Me Stella CHANSIN-WONG, avocat au barreau de Papeete ;
M. [M] [G], géomètre, [Adresse 3] ;
Ayant pour avocat la Selarl Jurispol, représentée par Me Esther REVAULT, avocat au barreau de Papeete ;
M. [E] [H], né le 8 novembre 1979 à [Localité 6], de nationalité française, gérant de société, demeurant à [Adresse 7] ;
Mme [T] [F], née le 13 mars 1988 à [Localité 6], de nationalité française, assistante de direction, demeurant à [Adresse 7] ;
Tous deux non comparants et ayant conlu en personne, M. [H] assigné à domicile et Mme [F] assignée à personne le 8 mars 2019 ;
Ordonnance de clôture du 4 février 2022 ;
Composition de la Cour :
La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 28 avril 2022, devant Mme SZKLARZ, conseiller faisant fonction de président, M. SEKKAKI, conseiller, Mme TEHEIURA, magistrat honoraire de l'ordre judiciaire aux fins d'exercer à la cour d'appel de Papeete en qualité d'assesseur dans une formation collégiale, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt par défaut ;
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par Mme SZKLARZ, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A R R E T,
FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS :
Au terme d'un acte de donation-partage passé en l'étude de Maître [J] [Z], Notaire à [Localité 6], le 20 août 1981, Madame [N] [S] a fait donation à ses enfants, Madame [I] [S] et à Monsieur [P] [W] de deux lots contigus, composant le lot n°6 de la propriété [S] sise à [Adresse 8], d'une superficie chacun de 1 hectare 51 ares et 10 centiares pour Madame [S] et de 1 hectare 44 ares et 50 centiares pour Monsieur [W] ; Madame [N] [S] se réservant expressément l'usufruit de l'immeuble sa vie durant ; son décès est intervenu le 17 avril 2014. À cet acte de donation-partage est annexé un plan dressé le 23 mai 1981 par le géomètre [U] [O].
Par requête déposée le 26 octobre 2015, Madame [I] [S] épouse [K] a saisi le Tribunal de Première Instance de Papeete afin de principalement voir, sous le visa des articles 1108, 1109, 1110, 1112 et 1116 suivants du Code Civil :
- Prononcer l'annulation des opérations réalisées par [M] [G] à la demande de Monsieur [P] [W] consistant, en violation du plan du 23 mai 1981 dressé par le Géomètre [U] [O] en annexe de l'acte de donation-partage du 20 août 1981, à modifier l'emprise et la superficie de la servitude dans le but d'accroître la superficie du lot de Monsieur [W] et de modifier totalement l'emprise de la servitude ;
- Annuler le document d'arpentage n°4700057 du 03 mars 2015 et toutes les opérations subséquentes réalisées par [M] [G], [P] [W] et le Service du Cadastre sur la base de ce document d'arpentage ;
- Condamner les défendeurs solidairement à payer à la requérante la somme de 10 Millions de FCP à titre de dommages et intérêts.
Monsieur [M] [G] a conclu au débouté de Madame [S] de l'ensemble de ses demandes, précisant que la servitude litigieuse n'a pas bougé depuis 2004 ; que Madame [S] épouse [K] a cédé 799 m2 pour la création de cette servitude tandis que Monsieur [W] en a cédé 1433 m2 ; que les piquets séparatifs ont été posés sur la limite extrême de la servitude qui appartient à Monsieur [W], de sorte qu'aucun piquet n'a été posé sur la parcelle de la requérante. Quant au document d'arpentage, Monsieur [G] a soutenu que Madame [S] épouse [K] a signé ce document en connaissance de cause et sans réticence.
Monsieur [P] [R] [S] [W] s'est joint aux arguments développés par Monsieur [G].
Par jugement n° RG 17/00126, n° de minute 357, en date du 23 août 2018, auquel la Cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions de première instance, le Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, Tribunal foncier ' section 1, a dit :
- Révoque l'ordonnance de clôture et admet aux débats les conclusions des consorts [H] et [F] en date du 08 juin 2018 ;
- Déboute Madame [I] [S] épouse [K] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de [M] [G] et de M. [P] [W];
- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
- Condamne Madame [I] [S] épouse [K] aux entiers dépens.
Par requête enregistrée au greffe de la Cour le 20 novembre 2018, Madame [I] [B] [S] épouse [K], ayant pour conseil Maître Dominique ANTZ, a interjeté appel de cette décision qui a été signifiée à sa personne par acte d'huissier en date du 1er octobre 2018.
Par conclusions récapitulatives reçues par voie électronique au greffe de la Cour le 13 octobre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions, Monsieur [M] [G], ayant pour avocat la SELARL JURISPOL, Maître Esther REVAULT, demande à la Cour de :
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement en date du 23 Août 2018 ;
- Condamner Madame [I] [S] épouse [K] au paiement de la somme de 200.000 F CFP à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- Condamner Madame [I] [S] épouse [K] au paiement de la somme de 300.000 F CFP au titre des frais irrépétibles.
Par conclusions récapitulatives reçues par voie électronique au greffe de la Cour le 13 juillet 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions, Monsieur [P] [R] [S] [W], représenté par LA SELARL CHANSIN-WONG YEN ' Maître Stella CHANSIN-WONG, demande à la Cour de :
Vu l 'article 8 du code de procédure civile local,
Vu l'article 41 alinéas 4 et 5 de la loi du 29 juillet 1981 sur la liberté de la presse,
- Confirmer le jugement rendu le 23 août 2018 par le Tribunal Foncier de la Polynésie française dans toutes ses dispositions ;
- Débouter Madame [I] [S] épouse [K] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- Adjuger à Monsieur [W] l'entier bénéfice de ses écritures ;
- Condamner Madame [S] épouse [K] à payer à Monsieur [W] la somme de 390.000 XPF à titre de dommages et intérêts ;
- Condamner Madame [S] épouse [K] à payer à Monsieur [W] la somme de 420.000 XPF au titre des frais irrépétibles ;
- Condamner la même aux entiers dépens.
Par conclusions récapitulatives reçues par voie électronique au greffe de la Cour le 27 décembre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions, Madame [I] [S] épse [K] demande à la Cour de :
- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement de Première Instance dont appel ;
Vu les Articles 1108, 1109, 1110, 1112 et 1116 suivants du Code Civil ;
Vu l'erreur sur la substance même de la chose qui en est l'objet, en l'espèce l'atteinte à la superficie de la propriété immobilière de la requérante et à sa desserte ;
Vu les man'uvres dolosives auxquelles se sont adonnées les Consorts [G] et [W] pour convaincre l'appelante d'apposer sa signature sur un document en blanc, sans explication ;
Vu la fragilité contemporaine de la requérante et les violences subies pour la dissuader de remettre en cause son consentement vicié ;
À titre subsidiaire et avant-dire-droit :
- Ordonner la comparution personnelle des parties, de Monsieur [X] [Y] et de son épouse ;
En tout état de cause :
- Prononcer l'annulation des opérations réalisées par [M] [G] à la demande de Monsieur [P] [W] consistant, en violation du plan du 23 mai 1981 dressé par le Géomètre [U]. [O] en annexe de l'acte de donation-partage du 20 août 1981, à modifier l'emprise et la superficie de la servitude dans le but d'accroître la superficie du lot de Monsieur [W] et de modifier totalement l'emprise de la servitude ;
- Annuler le document d'arpentage n°4700057 du 3 mars 2015 et toutes les opérations subséquentes réalisées par [M] [G], [P] [W], le Service du Cadastre et le Service de l'Urbanisme sur la base de ce document d'arpentage ;
- Condamner les deux intimés solidairement à payer à l'appelante la somme de 10 Millions de FCP à titre de dommages et intérêts ;
- Condamner solidairement les deux intimés à payer à l'appelante la somme de 400.000 FCP sur le fondement de l'Article 407 du Code de Procédure Civile de la Polynésie française ;
- Condamner solidairement les deux intimés aux entiers dépens ;
- Ordonner la transcription de l'arrêt à intervenir à la Conservation des Hypothèques.
Assignés, les consorts [H] et [F], acquéreur d'une parcelle détachée du lot n°2 à Monsieur [P] [W], ont écrit à la Cour mais n'ont pas constitué avocat.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance en date du 4 février 2022 pour l'affaire être fixée à l'audience de la Cour du 28 avril 2022. En l'état l'affaire a été mise en délibéré au 25 août 2022, délibéré qui a dû être prorogé.
MOTIFS :
Sur la recevabilité de l'appel :
La recevabilité de l'appel n'est pas discutée et aucun élément de la procédure ne permet à la Cour d'en relever d'office l'irrégularité.
Sur la demande de comparution personnelle de Monsieur [X] [Y] et de son épouse :
Madame [I] [S] expose à la Cour que Monsieur [X] [Y], qui est le locataire de Monsieur [P] [W] et qui dépend de lui pour ses chantiers, a accepté, à la demande de [M] [G] de prétendre qu'il manifestait son désaccord avec l'attestation précédente qu'il lui avait remise pour attester des pressions exercées par Monsieur [P] [W] sur Monsieur [M] [G]. Elle constate que Monsieur [Y] a alors adopté pleinement les intérêts adverses alors que la première attestation a été rédigée en présence de son épouse et tout ce qui y est décrit est strictement ce qu'il a vu et entendu. Elle indique qu'elle a même dû faire procéder à son expulsion d'un terrain qu'il occupait et qui lui appartenait sans son accord ; qu'elle a fait dresser plusieurs rapports et lui a fait adresser une sommation de quitter les lieux le 12 janvier 2021.
Madame [I] [S] soutient que la Cour ne saurait admettre qu'un témoin important fasse l'objet de menaces ou de promesses dans le but de lui faire changer son attestation et demande à la Cour, dans ses conditions, d'ordonner la comparution personnelle des parties, de Monsieur [X] [Y] et de son épouse.
Il est constant que Monsieur [X] [Y] a remis à chacune des parties des attestations contradictoires entre elles.
La Cour constate que Madame [I] [S] dénonce des pressions qui seraient exercées par Monsieur [P] [W] sur Monsieur [X] [Y] et les liens d'affaires qui les unissent et qu'elle dit avoir fait délivrer une sommation de quitter les lieux à celui qu'elle souhaite être entendu par la Cour.
En de telles circonstance, la Cour ne voit pas bien comment Monsieur [X] [Y], soumis à tant de pressions d'un côté comme de l'autre, pourrait témoigner en sincérité devant la Cour, d'autant plus que par courrier en date du 11 mars 2020, il demande à ce qu'on le laisse tranquille. Les éléments que pourraient apportés Monsieur [X] [Y] à la Cour seraient nécessairement, du fait des pressions, fort peu probants. Il n'y a pas lieu de placer Monsieur [X] [Y] dans une telle situation.
Sur la demande d'annulation du document d'arpentage n°4700057 du 3 mars 2015 et des opérations réalisées par [M] [G] à la demande de Monsieur [P] [W] consistant, en violation du plan du 23 mai 1981 dressé par le Géomètre [U]. [O] en annexe de l'acte de donation-partage du 20 août 1981, à modifier l'emprise et la superficie de la servitude dans le but d'accroître la superficie du lot de Monsieur [W] et de modifier totalement l'emprise de la servitude :
Sur les violences et l'abus de faiblesse :
Madame [I] [S] soutient que ce document d'arpentage n°4700057 du 3 mars 2015 qui lui fait grief doit être annulé du fait des man'uvres dolosives auxquelles se sont adonnées les Consorts [G] et [W] pour la convaincre d'apposer sa signature sur un document en blanc, sans explication ; et du fait de sa fragilité contemporaine et des violences subies pour la dissuader de remettre en cause son consentement vicié.
Comme l'a constaté le premier juge au visa des articles 1109, 1110, 1112 et 1116 suivants du Code Civil, les violences démontrées entre les parties commencent en juillet 2015 alors que le document d'arpentage dont il est demandé l'annulation est en date du 3 mars 2015. Par ailleurs, si Madame [I] [S] affirme que sa signature lui a été extorquée par l'apposition d'une feuille calque sur une feuille blanche, elle ne le démontre pas.
La Cour ne peut pas davantage retenir les fragilités de Madame [I] [S] liées à son état de santé au temps de la signature, le certificat médical produit étant en date du 23 septembre 2015 et faisant état de : «un état de choc suite à l'agression dont aurait été victime son petit-fils le 27 août 2015 et la patiente présentant un tableau anxio- dépressif, depuis des mois, suite au différent foncier intra-familial, nécessitant un traitement psychotrope et hypnotique». Ainsi, la dégradation de la santé de Madame [I] [S] prend sa source dans la violence du conflit qui l'oppose à son frère. Il ne peut se déduire de ce certificat que le 3 mars 2015, Madame [I] [S] était en état de fragilité.
Sur la modification de l'emprise et de la superficie de la servitude dans le but d'accroître la superficie du lot de Monsieur [W] :
Madame [I] [S] ne sollicite pas d'expertise pour faire constater la spoliation dont elle se dit victime. Monsieur [P] [W] et Monsieur [M] [G] ne formulent pas davantage une telle demande. La Cour doit donc procéder par elle-même à l'analyse des documents, analyse que la simplicité des documents lui permet de réaliser par elle-même.
Des termes de la donation-partage en date du 20 août 1981, il se comprend que la servitude a été définie littéralement à l'acte comme suit :
«SERVITUDE : il a été créé entre les lots n°1 et n°2 présentement donnés un chemin de servitude de six mètres de largeur allant de la route de ceinture à la mer. Ainsi que l'assiette dudit chemin figure au plan ci-annexé.»
L'existence de cette servitude est également précisée dans la délimitation des lots :
Le lot n°1, donné à Madame [I] [S], a pour limite vers l'Est : «par le lot n°2 ci-après désigné, séparé par une route de six mètres de largeur, sur quatre cent huit mères cinquante (408 m50).»
Le lot n°2, donné à Monsieur [P] [W], a pour limite vers l'Ouest : «par le lot n°1 ci-dessus désigné, séparé par une route de six mètres de largeur, sur quatre cent cinq mètres.»
Le plan dressé le 23 mai 1981 par le géomètre [U]. [O] fait bien apparaître cette servitude qui traverse en ligne droite la parcelle partagée en deux lots dans le cadre de la donation-partage. Le géomètre a tracé au milieu de la servitude un trait qui marque nécessairement la limite entre le lot n°1 et le lot n°2, chacun étant grevé de la servitude conventionnelle d'une bande de 3 mètres pour permettre le passage de la route à la mer. Ce plan est conforme au énonciations littérales de l'acte quant à l'emprise de la servitude.
Le document d'arpentage établi le 3 mars 2015, tel qu'il est produit devant la Cour, respecte les limites de propriété défini à l'acte ainsi que la servitude de 3 mètres de large sur le lot n°2 propriété de Monsieur [P] [W]. Le prolongement jusqu'à la mer de la servitude de 3 mètres sur le lot n°1, propriété de Madame [I] [S], n'est par contre pas dessiné, en contradiction avec le titre.
Par ailleurs, il résulte de l'extrait cadastral en date du 24 septembre 2015 que le chemin de servitude est aujourd'hui mentionné au cadastre sous le numéro de parcelle AY [Cadastre 1] qui part de la route de ceinture jusqu'à la mer, et son tracé est là conforme au plan annexé à l'acte de donation-partage grevant sur 3 mètres de large chacun des lots n° 1 et n°2 de la route de ceinture à la mer.
Il s'en déduit que l'emprise et la superficie de la servitude n'ont pas été modifiées aux termes de opérations de Monsieur [M] [G] en 2015.
Cependant, la Cour constate qu'en 2004, les plans dressés par Monsieur [M] [G] à la demande de Madame [I] [S], interrompait le chemin de servitude à 58 mètres de la mer et prévoyait la création d'une parcelle dite lot c d'une superficie de 407 mètres carrés empiétant sur le lot n°2, parcelle qui disparait dans le document d'arpentage contesté par Madame [I] [S]. La Cour comprend que c'est ces plans qui conduisent Madame [I] [S] à se croire abusée par son frère ; or ces plans de 2004 ne sont pas conformes à l'acte de donation-partage du 20 août 1981 qui constitue le titre de Madame [I] [S] et de Monsieur [P] [W].
Par ailleurs, il résulte du courrier en date du 20 février 2016, adressé par Monsieur [A] [K], époux de Madame [I] [S], au Président du Tribunal civil de première instance de Papeete, produit devant la Cour en pièce 17 de Maître ANTZ, que « '' les 407 mètres carrés que [P] devait donner sous forme de don devait servir à réparer les dettes qu'il devait d'être resté dans la maison de sa s'ur'' Ces dettes qu'il avait contracté de 1982 à l'an 1999'''''. En outre, si la transcription de l'arpentage de 407 mètres carrés n'a pu se faire dans les temps du vivant de leur mère [N] [S]''. est que Monsieur [G] [M] n'a jamais transmis les plans d'arpentage attendu par le bureau notarial [J] [Z] pour officialiser dans les temps impartis.»
La Cour comprend de ce courrier que le litige se situe en réalité au tour de cette donation de 407 mètres carrés à laquelle Monsieur [P] [W] semble avoir renoncé alors que Madame [I] [S] s'estimait déjà propriétaire de cette parcelle. La preuve en est que la fille de Madame [I] [S] a alerté les autorités lorsque Monsieur [P] [W] a coupé un manguier sur cette parcelle en affirmant qu'il ne pouvait pas le faire compte tenu du litige foncier, et ce alors qu'au terme de l'acte de donation partage, cet arbre était incontestablement sis sur le lot n°2. Ainsi, la solidarité familiale dont a pu bénéficier Monsieur [P] [W] devant se payer à hauteur de 407 mètres carrés de terre d'après Monsieur [A] [K], cette renonciation à donner de Monsieur [P] [W] semble avoir susciter une vive ranc'ur de la part de Madame [I] [S], de son époux et de sa fille mais aussi, et c'est en soit inquiétant, des épisodes de violence important entre les deux familles.
Il n'en reste pas moins que le document d'arpentage en date du 3 mars 20015, que conteste Madame [I] [S], est d'apparence conforme au titre de propriété de Madame [I] [S] et de Monsieur [P] [W], à savoir la donation-partage du 20 août 1981 et au plan dressé le 23 mai 1981 par le géomètre [U] [O] qui y est annexé.
Ainsi, si Monsieur [P] [W] n'a pas tenu sa promesse de donner à sa s'ur une superficie de 407 mètres en bord de mer dans la continuité de la servitude établie par l'acte de donation-partage, il n'est pas démontré qu'il a spolié sa s'ur lors de l'établissement du document d'arpentage en date du 3 mars 2015.
En conséquence de l'ensemble de ces éléments, c'est avec pertinence que le premier juge a débouté Madame [I] [S] de l'ensemble de ses demandes.
La Cour rajoute que les derniers constats d'huissier produits devant elle, constats qui retracent les dires de la fille de Madame [I] [S] quant aux relations avec les acquéreurs des lots de Monsieur [P] [W] et l'état de la servitude qui se dégraderait du fait des camions nécessaires à la construction des maisons sur les lots vendus par Monsieur [P] [W], sont sans rapport avec le litige soumis à la Cour. Si le litige opposant Madame [I] [S] et Monsieur [P] [W] évoluent sur l'entretien de la servitude, la Cour ne peut que rappeler aux parties qu'il leur est possible de contracter sur les conditions d'entretien de la servitude commune qui résulte de leur titre ou d'actionner en justice pour trouble anormal du voisinage s'il a été fait un usage inapproprié du chemin de servitude qui en entrave l'usage et qu'il n'a pas été procédé à sa réfection après les travaux de construction.
En conséquence, la Cour confirme le jugement du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, Tribunal foncier ' section 1, n° RG 17/00126, n° de minute 357, en date du 23 août 2018, en toutes ses dispositions.
Sur la demande de retrait des propos de l'appelante qui décrivent Monsieur [W] comme un manipulateur, un lâche, un menteur et voleur :
Devant la Cour, Monsieur [P] [W] demande à la Cour de retirer les propos suivants tenus par Madame [S] épouse [K], ces propos étant diffamatoires, injurieux et calomnieux :
«- La situation devient d'autant inacceptable que Monsieur [W] s'est empressé de vendre les lots détachés en omettant surtout de préciser, auprès des acquéreurs potentiels, la difficulté concernant le chemin de servitude ;
- C'est bien parce que le consentement de la requérante a été obtenu par surprise et à l'aide de man'uvres dolosives, que Monsieur [P] [W] n'a pas admis que son stratagème puisse être dénoncé et qu'il a ensuite, malgré la procédure manifestant clairement de la part de la requérante son désaccord avec la signature qui lui avait été arrachée, malgré tout poursuivi sur sa lancée sur la base des documents d'arpentage obtenus dans les conditions frauduleuses déjà évoquées ;
- Avec une certaine lâcheté, dans le cadre de la procédure de première instance, il se dissimule derrière les conclusions de Monsieur [G] ;
- En fait, il confirme que c'est sur instructions de Monsieur [P] [W] que Monsieur [G] a agi, si la procédure est avant tout dirigée contre Monsieur [M] [G] qui est l'auteur des man'uvres ayant donné lieu à un vice du consentement, ces man'uvres ont eu lieu au bénéfice et à la demande de Monsieur [P] [W] ;
- En tout cas, le comportement de [P] [W], postérieurement à la saisine du Tribunal, par sa volonté de vendre les lots à la superficie erronée sans, bien sûr, apprendre à ses cocontractants, l'existence d'une procédure pouvant remettre en cause la superficie de leurs lots, la réalisation de travaux sans autorisation administrative, le tout dans la précipitation et avec violence, démontre bien les circonstances frauduleuses dans lesquelles le consentement de la requérante a été obtenu ;
- (...) plutôt que de reconnaître que c'est le fruit de ses manipulations, il n'hésite pas à menacer Madame [K] de coupure imminente de ce réseau d'eau.»
Madame [I] [S], soutenant devant la Cour avoir été victime de man'uvres dolosives et de spoliation, les termes utilisés dans ses conclusions, bien que graves sont nécessaires à sa démonstration et il reste possible de les tenir dans le cadre restreint des débats devant le Juge civil. Il n'y a pas lieu à les retirer.
Sur les demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive :
L'abus du droit d'action en justice résulte de la preuve rapportée par le défendeur d'une faute génératrice d'un préjudice, cette faute ne résultant pas de la seule légèreté dans l'action mais de la démonstration de la mauvaise foi du demandeur ou tout au moins « d'une erreur grossière équipollente au dol », selon la jurisprudence dominante.
En l'espèce, la Cour comprend que les tensions de famille sont telles que Madame [I] [S], qui semble bien mal conseillée par sa fille, ait pu se tromper dans la lecture de son acte de propriété compte tenu des plans modifiant la servitude établie en 2004 et de la promesse de donation, plan et donation qui n'ont pas été enregistrés devant notaire, ce dont elle n'avait peut-être pas pleinement conscience. Ainsi, sa mauvaise foi n'est pas certaine et son comportement fautif pas totalement caractérisé. La Cour d'appel ne peut donc pas considérer que son action en justice à dégénérer en abus de droit. Il doit cependant être rappelé à Madame [I] [S], à son mari et à sa fille qu'ils doivent pour l'avenir se montrer plus prudent dans l'expression de leur ranc'ur et veiller à ne pas accuser de faits graves sans preuve.
Sur les autres demandes :
Il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [P] [W] et de Monsieur [M] [G] les frais exposés par eux devant la Cour et non compris dans les dépens. La Cour fixe à 420.000 francs pacifiques la somme que Madame [I] [S] doit être condamnée à payer à Monsieur [P] [W] à ce titre et 300.000 francs pacifiques la somme que Madame [I] [S] doit être condamnée à payer à Monsieur [M] [G] à ce titre.
Madame [I] [S] qui succombe pour le tout doit être condamnée aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, par défaut, en matière civile et en dernier ressort ;
CONFIRME le jugement du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, Tribunal foncier ' section 1, n° RG 17/00126, n° de minute 357, en date du 23 août 2018, en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
DÉBOUTE Monsieur [P] [W] et Monsieur [M] [G] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
CONDAMNE Madame [I] [S] à payer à Monsieur [P] [W] la somme de 420.000 francs pacifiques en application de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française devant la Cour ;
CONDAMNE Madame [I] [S] à payer à Monsieur [M] [G] la somme de 300.000 francs pacifiques en application de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française devant la Cour ;
REJETTE tout autre chef de demande des parties, plus ample ou contraire au présent arrêt ;
CONDAMNE Madame [I] [S] aux dépens d'appel.
Prononcé à Papeete, le 22 septembre 2022.
Le Greffier, Le Président,
signé : M. SUHAS-TEVEROsigné : K. SZKLARZ