N° 290
GR
--------------
Copie exécutoire
délivrée à :
- Me Paméla Céran J,
le 11.08.2022.
Copie authentique
délivrée à :
- Me Dumas,
- Etude [T],
le 11.08.2022.
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D'APPEL DE PAPEETE
Chambre Civile
Audience du 11 août 2022
RG 21/00021 ;
Décision déférée à la Cour : jugement n° 273, rg n° 17/00128 du Tribunal Civil de Première Instance de Papete du 13 mai 2019 ;
Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 19 janvier 2021 ;
Appelant :
M. [H] [I], né le 16 juillet 1963 à [Localité 6], de nationalité française, demeurant à [Adresse 5] ;
Représenté par Me Brice DUMAS, avocat au barreau de Papeete ;
Intimée :
Mme [P] [X], née le 8 novembre 1962 à [Localité 1]
de nationalité française, demeurant à [Localité 8] Chez sa fille [W] [C] à [Adresse 9] ;
Représentée par Me Paméla CERAN-JERUSALEMY, avocat au barreau de Papeete ;
Ordonnance de clôture du 25 mars 2022 ;
Composition de la Cour :
La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 12 mai 2022, devant M. RIPOLL, conseiller désigné par l'ordonnance n° 83/OD/PP.CA/21 du Premier Président de la Cour d'Appel de Papeete en date du 15 décembre 2021 pour faire fonction de Président dans le présent dossier, Mme BRENGARD, président de chambre, Mme TISSOT, vice-présidente placée auprès du premier président, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt contradictoire ;
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par M. RIPOLL, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A R R E T,
Faits, procédure et demandes des parties :
Maître [T], notaire à [Localité 6], assisté de [D] [G] [Z], secrétaire, épouse de [S] [BG], interprète ad hoc pour la langue tahitienne, en présence de 1°) [N] [J], sans profession, épouse de [V] [U], avec lequel elle demeure à [Adresse 7], née à [Localité 6] le 17 janvier 1936 2°) et [M] [A] [UP], étudiant, célibataire majeur, demeurant à [Adresse 3], actuellement sous les drapeaux n°91-300 né à [Localité 2] le 7 mai 1947, témoins instrumentaires requis conformément à la loi, choisis et appelés par le testateur, a reçu par acte notarié du 6 janvier 1969, le testament de [O] [I], né à [Localité 4] le 25 juin 1932, marié avec [F] à [Localité 4] le 19 décembre 1962.
[O] [I] est décédé le 12 juillet 2010 à [Localité 6].
Il résulte d'un acte de notoriété dressé devant notaire le 1er mars 2013, que Monsieur [I], veuf de Madame [Y] [E] [F] et non remarié, a laissé pour héritiers : [P] [B] [X], née à [Localité 1] le 8 novembre 1962, enfant adoptif en la forme de l'adoption simple suivant jugement rendu par le tribunal civil de première instance de Papeete le 11 décembre 2002 ; [R] [I], né le 16 juillet 1963 à [Localité 6], enfant naturel reconnu. Le notaire a mentionné le testament authentique reçu le 6 janvier 1969 par Maître [T], enregistré à [Localité 6] le 30 octobre 2012 folio 6 bordereau 159/1, par lequel le testateur a légué à Madame [F], son épouse, l'usufruit de l'universalité de tous ses biens meubles et immeubles, et la nue-propriété de ses biens meubles et immeubles à [R] [I], mineur.
[P] [X] a formé en 2017 une action en annulation du testament dirigée contre [R] [I].
Par jugement rendu le 13 mai 2019, le tribunal de première instance de Papeete a :
Prononcé la nullité du testament en date du 6 janvier 1969 de Monsieur [O] [I] établi en la forme authentique par Maître [T], notaire à [Localité 6] ;
Débouté pour le surplus ;
Dit que les dépens seront supportés par moitié entre les parties.
[R] [I] a relevé appel par requête enregistrée au greffe le 19 janvier 2021.
Il est demandé :
1° par [R] [I], appelant, dans ses conclusions récapitulatives visées le 26 novembre 2021, de :
Vu l'absence de signification de la décision contestée, vu l'introduction de l'instance dans un délai inférieur à deux ans après le rendu de la décision contestée,
Juger l'appel recevable ;
Et,
Infirmer la décision du 13 mai 2019 en toutes ses dispositions ;
Et,
À titre principal,
Vu l'article 1304 du Code civil et la prescription quinquennale applicable, vu la prescription décennale applicable en tout état de cause aux actes authentiques, vu l'absence d'inscription en faux et l'article 1319 du Code civil,
Dire et juger l'action irrecevable,
Ou,
À titre subsidiaire, si par extraordinaire l'action venait à être jugée recevable,
Vu l'absence de tout grief sérieux,
La dire et juger mal fondée,
Et, en tout état de cause,
Condamner Mme [P] [X] à verser la somme de 339 000 FCFP au titre de frais irrépétibles d'appel ainsi qu'aux entiers dépens ;
2° par [P] [X], intimée, dans ses conclusions visées le 10 mai 2021, de :
Confirmer le jugement entrepris ;
Débouter l'appelant de ses demandes ;
Le condamner aux dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 mars 2022.
Il est répondu dans les motifs aux moyens et arguments des parties, aux écritures desquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé.
Motifs de la décision :
L'appel a été interjeté dans les formes et délais légaux. Il est recevable.
Le jugement dont appel a retenu que :
-Sur la fin de non-recevoir :
Aux termes de l'article 45 du code de procédure civile de la Polynésie française : «constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfixé, la chose jugée.» Les fins de non-recevoir doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d'un grief et alors même que l'irrecevabilité ne résulterait d'aucune disposition expresse.
Monsieur [I] oppose le délai de prescription pour agir en nullité du testament.
L'action en nullité d'un testament pour insanité d'esprit se prescrit par cinq ans, pour une succession ouverte en Polynésie française. Toutefois, les dispositions de l'article 1304 du code civil ne sont pas applicables à l'action en nullité pour d'autres causes, notamment pour vice du consentement, pour lesquelles la règle de droit commun s'applique.
Le délai pour agir accordé à l'héritier est de trente ans, par application de l'article 2262 du Code civil applicable en Polynésie française, à partir du décès ou à partir du jour où le titulaire d'un droit a connaissance de l'acte ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son action en contestation de la validité d'un testament.
Monsieur [I] est décédé le 2 juillet 2010. Cependant, le testament n'a été enregistré que le 30 octobre 2012, date à laquelle il est devenu opposable.
L'action en contestation de la validité du testament qui a été introduite par assignation du 21 mars 2017 est donc recevable.
-Sur la nullité du testament :
Aux termes de l'article 1001 du code civil, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'acte authentique du 6 janvier 1969 qui dispose : «Les formalités auxquelles les divers testaments sont assujettis par les dispositions de la présente section et de la précédente doivent être observées à peine de nullité.» Le testament authentique peut donc être annulé sur le fondement de vices de forme, indépendamment de toute procédure en inscription de faux.
- La présence de deux témoins :
L'article 971 du code civil dispose : «le testament par acte public est reçu par deux notaires ou par un notaire assisté de deux témoins.»
Le testament de Monsieur [O] [I] a été reçu par devant Maître [T], notaire à [Localité 6], en présence de Mme [J] et de M. [UP], témoins instrumentaires.
L'identité précise des témoins est apposée à l'acte avec mention de leur profession, de leur domicile. L'acte authentique précise : «sur l'interpellation qui leur en a été adressée par le notaire soussigné, les témoins ont expressément et séparément déclaré être français et majeurs, savoir signer et avoir la jouissance de leurs droits civiques, et n'être ni parents ni alliés à un degré prohibé par la loi, soit du testateur, soit des personnes envers lesquelles vient d'être fait dispositions testamentaires.»
Les témoins étaient donc bien présents à l'acte. La mention «sous les drapeaux» indique que Monsieur [UP] se trouvait en Polynésie au moment de la rédaction du testament, dans le cadre d'un engagement militaire.
L'article 980 du code civil, dans sa rédaction alors en vigueur, précise : «Les témoins appelés pour être présents aux testaments devront être Français et majeurs, savoir signer et avoir la jouissance de leurs droits civils. Ils pourront être de l'un ou de l'autre sexe, mais le mari et la femme ne pourront être témoins dans le même acte».
Or, sur l'interpellation qui leur en a été adressée par le notaire, les témoins ont expressément et séparément déclaré être français et majeurs, savoir signer, avoir la jouissance de leurs droits civiques, et n'être ni parents ni alliés à un degré prohibé par la loi, soit du testateur, soit des personnes envers lesquels il vient d'être fait les dispositions testamentaires.
Les dispositions du Code civil ont donc été respectées.
- La présence d'un interprète :
Les dispositions nouvelles introduites par la loi du 16 février 2015 relatives à la présence d'un interprète, à la compréhension de la langue française par le testateur, les témoins et le notaire, n'étaient pas applicables lors de la réception du testament le 6 janvier 1969.
Mais, il résulte d'une jurisprudence antérieure à la loi du 16 février 2015 que le statut du notariat en Polynésie française impose la présence d'un interprète assermenté, même si le notaire connaît la langue tahitienne.
Aux termes de l'article 20 alinéa 1er du décret n° 57-1002 du 12 septembre 1957 déterminant le statut du notariat en Polynésie française : «toutes les fois qu'une personne ne parlant pas la langue française sera partie ou témoin dans un acte, le notaire devra être assisté d'un interprète assermenté, qui expliquera l'objet de la convention avant toute écriture, expliquera de nouveau l'acte rédigé, le traduira littéralement et signera comme témoin additionnel.».
Une telle disposition est destinée à permettre au signataire d'un acte authentique de connaître le contenu exact et la portée de l'acte rédigé en langue française alors qu'il ne maîtrise pas cette langue.
Il est mentionné à l'acte du 6 janvier 1969 que le testament a été dicté en langue tahitienne à l'interprète qui l'a aussitôt traduit littéralement au notaire, en la présence des témoins.
Il résulte du testament qu'un interprète, pris en la personne de Madame [D] [Z], secrétaire, était présent, en conformité avec les dispositions sus-citées du décret du 12 septembre 1957.
- Les conditions de rédaction et de lecture :
II ne suffit pas que les formalités prescrites soient observées. Il faut également, à peine de nullité, que mention soit faite de leur accomplissement.
L'article 972, dans sa rédaction alors en vigueur au moment de la rédaction du testament, précise : «Si le testament est reçu par deux notaires, il leur est dicté par le testateur ; l'un de ces notaires l'écrit lui-même ou le fait écrire à la main ou mécaniquement. S'il n'y a qu'un notaire, il doit également être dicté par le testateur ; le notaire l'écrit lui-même ou le fait écrire à la main ou mécaniquement. Dans l'un et l'autre cas, il doit en être donné lecture au testateur. Il est fait du tout mention expresse.»
L'acte authentique en date du 6 janvier 1969 mentionne que monsieur [I] a dicté en langue tahitienne à l'interprète ad hoc qui l'a aussitôt traduit littéralement au notaire soussigné, en la présence des témoins : «Au fur et à mesure de la traduction que lui en a faite l'interprète, après dictée par le testateur, Maître [T] a fait immédiatement écrire à la machine par sa secrétaire Madame [L] [K].» ; «aussitôt après, le notaire soussigné en a donné lecture en français au testateur, puis l'interprète en a fait la traduction orale en langue tahitienne à ce dernier qui a déclaré en sa langue, ainsi que l'interprète l'a rapporté au notaire soussigné le bien comprendre et reconnaître qu'il exprime exactement ses volontés, le tout en la présence réelle, simultanée et non interrompue des deux témoins.»
Les mentions exigées par le code civil pour le testament authentique, ont été respectées par Maître [T] qui a indiqué que la dictée a été effectuée par le testateur.
Les mentions apposées sur le testament sont donc conformes aux prescriptions du code civil.
- Les signatures :
L'article 973 du Code civil prévoit que le testament doit être signé par le testateur, en présence des témoins et du notaire. L'article 974 du même code précise que le testament doit être signé par les témoins et par le notaire. Selon le statut du notariat, l'interprète doit, en outre, signer l'acte en qualité de témoin additionnel.
L'acte authentique du 6 janvier 1969 précise que : «après lecture faite entièrement des présentes par Maître [T], au testateur, et leur traduction par l'interprète à ce dernier, celui-ci a signé avec les témoins, l'interprète et le notaire».
L'article 20 du décret précité du 12 septembre 1957 précise que l'interprète est compris comme témoin additionnel. Or, quatre signatures seulement ont été apposées au bas de l'acte, et les initiales reportées en paraphe sur chacune des pages de l'acte authentique sont également au nombre de quatre. Si la signature du testateur, Monsieur [O] [I] est clairement identifiable, ainsi que celle de Madame [J], et si celle de l'autre témoin, [M] [UP] peut se deviner, la quatrième signature n'est pas identifiable. En tout état de cause, une signature est manquante.
Dès lors, le testament du 6 janvier 1969 ne répond pas aux exigences légales de forme imposées par les dispositions du code civil. Les conditions de la validité d'un testament authentique ne sont donc pas remplies.
En conséquence, il convient de prononcer la nullité du testament du 6 janvier 1969 établi en la forme authentique par Maître [T], notaire à [Localité 6].
Les moyens d'appel sont : l'irrecevabilité de l'action à défaut d'inscription préalable de faux authentique ; la prescription quinquennale de l'action ; subsidiairement, son mal fondé en l'absence de nullité textuelle et de grief.
L'intimée conclut à la confirmation du jugement.
Aux termes des dispositions du code civil qui étaient en vigueur au moment du testament reçu le 6 janvier 1969 en la forme authentique :
On ne pourra disposer de ses biens, à titre gratuit, que par donation entre vifs ou par testament, dans les formes ci-après établies (art. 893).
Un testament pourra être olographe ou fait par acte public ou dans la forme mystique (art. 969).
Le testament par acte public est reçu par deux notaires ou par un notaire assisté de deux témoins (art. 971).
Si le testament est reçu par deux notaires, il leur est dicté par le testateur ; l'un de ces notaires l'écrit lui-même ou le fait écrire à la main ou mécaniquement.
S'il n'y a qu'un notaire, il doit également être dicté par le testateur ; le notaire l'écrit lui-même ou le fait écrire à la main ou mécaniquement.
Dans l'un et l'autre cas, il doit en être donné lecture au testateur.
Il est fait du tout mention expresse (art. 972).
Ce testament doit être signé par le testateur en présence des témoins et du notaire ; si le testateur déclare qu'il ne sait ou ne peut signer, il sera fait dans l'acte mention expresse de sa déclaration, ainsi que de la cause qui l'empêche de signer (art. 973).
Le testament devra être signé par les témoins et par le notaire (art. 974).
Ne pourront être pris pour témoins du testament par acte public, ni les légataires, à quelque titre qu'ils soient, ni leurs parents ou alliés jusqu'au quatrième degré inclusivement, ni les clercs des notaires par lesquels les actes seront reçus (art. 975).
Les témoins appelés pour être présents aux testaments devront être Français et majeurs, savoir signer et avoir la jouissance de leurs droits civils. Ils pourront être de l'un ou de l'autre sexe, mais le mari et la femme ne pourront être témoins dans le même acte (art. 980).
Les formalités auxquelles les divers testaments sont assujettis par les dispositions de la présente section et de la précédente doivent être observées à peine de nullité (art. 1001).
Il résulte de ces dernières dispositions et d'une jurisprudence constante que l'inobservation des règles de forme est sanctionnée par la nullité de l'acte (v. p. ex. Cass. 1re civ., 28 mai 2015, n° 14-14.506, Cass. 1re chambre civile, 13 janvier 2016 - n° 14-29.833).
Suivant une jurisprudence de la Cour de cassation, l'absence ou l'irrégularité d'une mention obligatoire contenue dans un acte authentique doit être contestée par une action en nullité, et la fausseté des déclarations, par la procédure d'inscription de faux (Civ. 2e, 3 févr. 1977, D. 1977. IR 229, obs. Julien).
En l'espèce, l'absence de signature de l'acte par l'une des cinq personnes qu'il mentionne, ainsi que le défaut de mention d'assermentation de la secrétaire désignée comme interprète, permettent, ainsi que l'a fait valoir la requérante, de mettre en doute l'intervention d'un interprète habilité «témoin instrumentaire requis conformément à la loi, choisi et appelé par le testateur», aux termes de l'acte. Le grief de fausse déclaration dans l'acte est encouru.
La demande de nullité du testament formée par [P] [X] contient par conséquent dans ses moyens une demande d'inscription de faux, laquelle peut être incidente (C.P.C.P.F., art. 190).
Et [R] [I] n'est pas bien fondé à soutenir qu'une action principale en inscription de faux serait une condition préalable à l'exercice de l'action en nullité d'un testament, ce qui ne résulte d'aucun texte.
L'action en nullité d'un testament est ouverte aux héritiers dont les intérêts sont lésés. Il s'agit d'une nullité relative qui entre, ainsi que le soutient à bon droit l'appelant, dans les prévisions de l'article 1304 du code civil en vigueur en Polynésie française, aux termes duquel : Dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.
Ainsi a-t-il été jugé par la Cour de cassation que : «Vu les art. 1304 et 2262 c. civ., ce dernier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ; - Attendu que la nullité d'un testament-partage incluant des biens dont l'ascendant n'a pas la propriété et la libre disposition, qui ne peut être invoquée que par ceux dont les intérêts particuliers ont été atteints, est une nullité relative soumise à la prescription abrégée du premier de ces textes» et non à la prescription trentenaire (Civ. 1re 3 févr. 2010 n° 08-18.196).
Le délai de prescription de cinq ans a couru à compter, non du jour du décès du testateur comme le soutient l'appelant, mais à compter du jour où l'héritier a eu connaissance du testament. Il s'agit en l'espèce, au vu des pièces produites, de la date de l'acte de notoriété après décès de [O] [I], lequel a été dressé le 1er mars 2013 à la requête et en présence de [P] [X], et mentionne le testament du 6 janvier 1969. Celui-ci n'a été enregistré que le 30 octobre 2012, soit plus de deux ans après le décès de [O] [I].
L'action formée par requête en date du 8 mars 2017 n'est donc pas atteinte par la prescription quinquennale. Mais les motifs de l'arrêt sont sur ce point substitués à ceux du jugement.
Ensuite, par des motifs complets et pertinents, que ne remettent pas en cause les moyens d'appel, et que la cour adopte, le jugement entrepris a exactement et à bon droit retenu que l'absence de signature du testament par tous les témoins ne répond pas aux exigences légales de forme prescrites par les dispositions du code civil.
En effet, dès lors qu'il s'évince de l'acte que le testateur en a dicté les termes «en langue tahitienne à l'interprète qui les a aussitôt littéralement traduits au notaire en la présence réelle des témoins», les dispositions de l'article 20 alinéa 1 du décret n° 57-1002 du 12 septembre 1957 déterminant le statut du notariat en Polynésie française, alors en vigueur, étaient applicables. Elles prescrivent que : Toutes les fois qu'une personne ne parlant pas la langue française sera partie ou. témoin dans un acte, le notaire devra être assiste' d'un interprète assermente', qui expliquera l'objet de la convention avant toute écriture, expliquera de nouveau l'acte rédigé', le traduira littéralement et signera comme témoin additionnel.
Il a été jugé par la Cour de cassation que le refus d'application de ce texte par la cour d'appel est un motif de cassation d'un arrêt rejetant la demande d'annulation d'un testament (Civ. 1re 12/12/2006 n° 04-17.823).
Et ces dispositions font corps avec celles précitées de l'article 974 du code civil, puisque l'article 11-1° du décret du 12 septembre 1957 renvoie à celles-ci à l'égard des testaments.
L'appelant n'est donc pas bien fondé à soutenir que l'inobservation des formes prescrites par ce décret ne peut constituer une cause de nullité textuelle en application de l'article 1001 du code civil. Et cette inobservation suffit à établir l'atteinte portée aux intérêts de ceux à qui le testament est opposable, à l'instar de [P] [X] héritière.
Le jugement entrepris sera donc confirmé pour ses motifs et pour ceux de l'arrêt.
Il y sera ajouté, dans les termes du dispositif de l'arrêt, une déclaration de faux du testament querellé. L'intimée a conclu justement que, l'interprète devant être assermenté, les indications du testament selon lesquelles le notaire était assisté de Mme [D] [Z] épouse [BG], secrétaire, «interprète ad 'hoc pour la langue tahitienne», permettent de solliciter la nullité du testament. Ce grief constitue une demande incidente d'inscription de faux, puisque seulement quatre signatures figurent sur l'acte alors que celui-ci aurait dû en comporter cinq, dont celle de l'interprète. L'absence d'une signature suffit ainsi à altérer la sincérité de l'acte quant au respect de la formalité substantielle d'intervention en qualité de témoin d'un interprète assermenté en langue tahitienne.
[R] [I] succombant sera débouté de sa demande de frais irrépétibles et sera condamné aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
En la forme, déclare l'appel recevable ;
Déboute [R] [I] de ses fins de non-recevoir ;
Au fond, confirme le jugement entrepris ;
Y ajoutant :
Déclare faux le testament en date du 6 janvier 1969 de feu [O] [I] établi en la forme authentique par Me [T], notaire à [Localité 6] ;
Vu l'article 193 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
Dit que l'arrêt sera mentionné en marge dudit testament, que la minute de l'acte restera conservée en l'étude du notaire, et que les copies resteront déposées au greffe ;
Rejette toute autre demande ;
Met à la charge de [R] [I] les dépens d'appel, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 409 du Code de procédure civile de la Polynésie française.
Prononcé à Papeete, le 11 août 2022.
Le Greffier, Le Président,
signé : M. SUHAS-TEVEROsigné : G. RIPOLL