N° 51
KS
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Copie exécutoire
délivrée à :
- Me Quinquis,
Le 30.06.2022.
Copies authentiques
délivrées à :
- Me Vergier,
- Me Dumas,
le 30.06.2022.
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D'APPEL DE PAPEETE
[Adresse 10]
Audience du 23 juin 2022
RG 18/00043 ;
Décision déférée à la Cour : jugement n° 50 - rg n° 15/00036 - 14 A - du Tribunal Foncier de la Polynésie française - siégeant à Papeete - section 1 - en date du 7 février 2018 ;
Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 4 mai 2018 ;
Appelantes :
L'Eurl [J] [F] [YP], inscrite au Rcs de Papeete sous le n° 9897-B, n° Tahiti 682013, représentée par ses cogérants M. [B] [V] [W] [J] [F] [YP] et Mme [N] [T] [Y], [Adresse 9] ;
La Sci [Localité 11] [Adresse 18], inscrite au Rcs de Papeete sous le n° 05225-C, n° Tahiti 747568, représentée par ses cogérants M. [B] [V] [W] [J] [F] [YP] et Mme [N] [T] [Y] épouse [J] [F] [YP], [Adresse 9]a ;
Ayant pour avocat la Selarl Jurispol, représentée par Me François QUINQUIS, avocat au barreau de Papeete ;
Intimés :
M. [S] [M] [U], né le 28 octobre 1968 à [Localité 16], de nationalité française, demeurant à [Adresse 20], nanti de l'aide juridictionnelle totale suivant décision numéro BAJ 2018/001443 du 24 septembre 2018 ;
Le Syndicat de copropriétaire et exploitant agricole dénommé [Adresse 13], représenté par son Président Monsieur [SS] [CL], dont le siège social est sis [Adresse 17] ;
Représentés par Me Jean-Michel VERGIER, avocat au barreau de Papeete ;
Interventions volotaires :
M. [B] [IJ] [CA], né le 10 octobre 1963 à [Localité 15], de nationalité française, et
Mme [FK] [DM] [HY] épouse [CA], née le 29 février 1964 à [Localité 8], de nationalité française, demeurant à [Adresse 13] ;
Représentés par Me Brice DUMAS, avocat au barreau de Papeete ;
Ordonnance de clôture du [Cadastre 5] novembre 2021 ;
Composition de la Cour :
La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 24 février 2022, devant Mme SZKLARZ, conseiller faisant fonction de président, M. SEKKAKI, conseiller, Mme TISSOT, vice-présidente placée auprès du premier président, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt contradictoire ;
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par Mme SZKLARZ, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A R R E T,
FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS :
Par requête enregistrée le 13 juillet 2015, Monsieur [S] [M] [U], se disant ayant droit de feue [E][M]I, et le syndicat des propriétaires et exploitants agricoles 'HAA MAITAI IA [Localité 14]', représenté par son président Monsieur [SS] [CL], ont saisi le Tribunal de Première Instance de Papeete afin de voir en substance ordonner l'arrêt du transport de tout venant à travers leurs terres depuis la zone d'extraction sise au fond de la vallée de [Localité 19] dans l'attente de la rédaction d'une convention avec l'EURL [J] [F] [YP] et la SCI [Localité 11] [Adresse 18], et de se voir indemniser des dégradations générées par le passage des camions transportant des agrégats extraits du curage du lit de la rivière TEVAIFAARA.
Il était reproché aux sociétés [J] [F] [YP] et [Localité 11] [Adresse 18] de traverser la terre [Localité 16], propriété indivise de Monsieur [S] [U], et les autres terres de la vallée sans aucune autorisation des propriétaires des fonds servants et en des conditions qui portent atteinte à l'intégrité des parcelles traversées par de très nombreux camions. Les requérants ont soutenu que le chemin de desserte de la vallée [Localité 19] a un caractère privé ; qu'il n'est ni communal, ni territorial ; que si la commune a réalisé le bétonnage du chemin, la municipalité n'a jamais acquis l'assise foncière, ni à l'amiable, ni par expropriation.
Les parties ont multiplié les procédures en référé et devant le juge de la mise en état, s'opposant sur le passage.
Les sociétés [J] [F] [YP] et [Localité 11] [Adresse 18] ont soutenu que les demandes de Monsieur [S] [U] et le syndicat des propriétaires et exploitants agricoles 'HAA MAITAI IA [Localité 14]' sont irrecevables pour défaut de qualité à agir. Elles ont affirmé que Monsieur [S] [U] est le seul à entraver leur liberté de circulation sur le chemin de desserte de la vallée [Localité 19] qui est pourtant constituée de très nombreuses parcelles appartenant à des propriétaires individuels. Elles ont souligné avoir participé au désenclavement du fond de la vallée en prolongeant le chemin bétonné par la Maire, ce qui est profitable à tous ; le fait que la route ait été tracée sur des propriétés privées étant, à leur sens, absolument pas incompatible avec son caractère de voie ouverte à la circulation publique.
Par jugement n° RG 15/00036, n° de minute 50 en date du 7 février 2018, auquel la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de la procédure, des moyens et des prétentions de première instance ainsi que de la motivation, le Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, Tribunal foncier ' section 1, a dit :
- Déboute l'EURL [J] [F] [YP] [B] et la SCI [Localité 11] [Adresse 18] de leur fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité pour agir ;
- Déboute l'EURL [J] [F] [YP] [B] et la SCI [Localité 11] [Adresse 18] de leur demande de sursis à statuer ;
- Interdit à l'EURL [J] [F] [YP] [B] et la SCI [Localité 11] [Adresse 18] d'utiliser la route privée de la vallée [Localité 19] à [Adresse 13], et à tous le moins la Terre [Localité 16], propriété de Monsieur [S] [U] avec des camions de plus de 3 tonnes, ce sous astreinte de 100.000 F CFP par infraction constatée, astreinte commençant à courir à compter de la signification du présent jugement, et courant pendant 6 mois ;
- Condamne l'EURL [J] [F] [YP] [B] et la SCI [Localité 11] [Adresse 18] à payer à l'association «Haa maitai ia [Localité 14]» la somme de 40 millions de francs CFP en indemnisation du préjudice subi, à charge pour elle de procéder à la réfection de la route traversant la vallée,
- Condamne l'EURL [J] [F] [YP] [B] et la SCI [Localité 11] [Adresse 18] à payer à Monsieur [S] [U] la somme de 1 000 000 CFP à titre de dommages et intérêts pour les nuisances subies ;
- Déboute en l'état Monsieur [S] [U] et l'association «Haa maitai ia [Localité 14]» de leur demande de dommages et intérêts au titre de la violation des termes de l'ordonnance de mise en état du 21 janvier 2016 ;
- Déboute en l'état Monsieur [S] [U] et l'association «Haa maitai ia [Localité 14]» de leur demande d'indemnisation du préjudice résultant des inondations et des frais de remise en état après bornage des propriété érodées suite au manque de consolidation des berges ;
- Déboute en l'état Monsieur [S] [U] de sa demande d'indemnisation du préjudice résultant de l'introduction de la fourmi de feu ;
- Déboute Monsieur [S] [U] et l'association «Haa maitai ia [Localité 14]» de leurs demande au titre du préjudice moral et de leurs demandes au titre des propos diffamatoires ;
- Condamne l'EURL [J] [F] [YP] [B] et la SCI [Localité 11] [Adresse 18] à payer à Monsieur [S] [U] et de l'association «Haa maitai ia [Localité 14]» la somme de 310.000 F CFP au titre de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
- Condamne l'EURL [J] [F] [YP] [B] et la SCI [Localité 11] [Adresse 18] aux entiers dépens.
Par requête d'appel enregistrée au greffe de la Cour le 4 mai 2018, l'EURL [J] [F] [YP], RCS 9897 B PAPEETE, n° TAHITI 682013, représentée par ses cogérants Monsieur [B] [V] [W] [J] [F] [YP] et Madame [N] [T] [Y], et la SCI [Localité 11] [Adresse 18], RCS 05225 C, n° TAHITI 747568 représentée par ses cogérants Monsieur [B] [V] [W] [J] [F] [YP] et Madame [N] [T] [Y] (les appelantes ou les sociétés), ayant pour avocat la SELARL JURISPOL sous la signature de Maître [BM] [G] , ont interjeté appel de cette décision qui leur a été signifiée par acte d'huissier en date du 20 mars 2018.
Dans leurs dernières écritures récapitulatives enregistrée par voie électronique au greffe de la Cour d'appel le [Cadastre 4] septembre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions, les appelantes demandent à la Cour de :
- Infirmer le jugement rendu par le Tribunal foncier le 7 févier 2018, ensemble l'ordonnance du juge de la mise en état du 20 janvier 2016, sauf en ce qu'il a débouté les requérantes de leurs demandes au titre de l'indemnisation du préjudice subi du fait de l'introduction de la fourmi de feu et des dommages liés aux travaux réalisés sur les berges de la rivière TEVAIFAARA ;
Et statuant à nouveau :
- Prendre acte de ce que Monsieur [SS] [CL], président de l'association syndicat HAA MAITAI IA [Localité 14] a renoncé à toutes demandes, y compris au titre du jugement du 7 février 2018 ;
- Dire et juger que les intimés ne justifient pas de leur qualité pour agir à l'encontre de la SCI [Localité 11] [Adresse 18] ainsi que de l'EURL [J] [F] [YP] ;
- Dire et juger irrecevable l'action du syndicat HAA MAITAI IA [Localité 14] et de Monsieur [S] [U] ;
- Déclarer nulle la désignation de Monsieur [S] [U] en qualité de Président du syndicat HAA MAITAI IA [Localité 14] ;
Subsidiairement, si Monsieur [S] [U] était regardé comme justifiant de droits, indivis sur la terre [Localité 16],
- Dire et juger que ses demandes indemnitaires sont irrecevables en ce qu'elles excédent le champ des actes de conservation visés à l'article 815-2 du code civil ;
Subsidiairement,
- Dire et juger que la voie d'accès desservant la vallée [Localité 19] présente la caractéristique d'une voie de circulation ouverte au public et d'une voie de desserte d'intérêt public ;
De manière plus subsidiaire,
- Autoriser les parties à saisir le Tribunal administratif de la Polynésie française d'un recours préjudiciel relatif à la domanialité publique de la voie d'accès desservant la vallée [Localité 19] ;
- Surseoir à statuer dans l'attente d'une décision du Tribunal administratif de la Polynésie française sur la question préjudicielle posée à la demande de la partie la plus diligente ;
De manière encore plus subsidiaire,
- Dire et juger qu'il existe un chemin de servitude permettant l'accès à la propriété de la SCI [Localité 11] [Adresse 18] ;
- Dire et juger qu'il n'existe pas d'enclave ;
En tout état de cause,
- Dire et juger qu'il n'y a pas lieu à restriction pour la SCI [Localité 11] [Adresse 18] et pour l'EURL [J] [F] [YP] quant à l'utilisation du chemin de servitude d'accès à la vallée [Localité 19] à [Adresse 13] ;
- Dire et juger qu'il n'y a pas lieu à restriction de l'usage normal de cette voie de circulation aux engins lourds de l'EURL [J] [F] [YP] ;
- Enjoindre aux intimés et à toute personne de leur chef de s'abstenir de faire entrave à la circulation des véhicules des appelants sous astreinte de 500.000 FCP par infraction constatée ;
- Dire et juger que les appelantes n'ont commis aucune faute et ne sont l'auteur d'aucun trouble anormal du voisinage ;
- Dire et juger que les intimés ne subissent aucun préjudice ;
En conséquence,
- Débouter le syndicat IA MAITIA IA [Localité 14] et Monsieur [S] [U] de l'ensemble de leurs prétentions et conclusions indemnitaires ;
- Dire et juger que les appelantes ne sont pas tenues de prendre à leur charge des travaux de réfection de la route ;
- Débouter les intimés de l'ensemble de leurs demandes à cet égard ;
À titre très subsidiaire,
- Dire et juger qu'il n'y a pas lieu à solidarité entre la SCI [Localité 11] [Adresse 18] et l'EURL [J] [F] [YP] ;
- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur [U] et le syndicat des propriétaires et exploitants agricoles 'HAA MAITAI IA [Localité 14]' de leurs demandes tendant à l'indemnisation du préjudice allégué résultant des inondations et des frais de remise en état après bornage des propriétés érodées suite au manque de consolidation des berges et résultant de l'introduction prétendue de la fourmi de feu ;
- Dire et juger que la SCI [Localité 11] [Adresse 18] et l'EURL [J] [F] [YP] ont subi un préjudice important du fait des entraves à la circulation sur le chemin de servitude desservant la vallée [Localité 19] et du fait la communication belliqueuse du syndicat HAA MAITAI IA [Localité 14] et de Monsieur [U] ;
- Condamner Monsieur [U] à payer la somme de 5.000.000 FCP à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par l'EURL [J] [F] [YP] ;
- Condamner Monsieur [U] à payer la somme de 5.000.000 FCP à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la SCI [Localité 11] [Adresse 18] ;
- Condamner le syndicat HAA MAITAI IA [Localité 14] et Monsieur [U] à indemniser les concluantes de l'intégralité des frais exposés pour payer les cinq constats d'huissier versés aux débats ;
- Condamner le syndicat HAA MAITAI IA [Localité 14] et Monsieur [U] à payer chacun la somme de 500.000 FCP au titre de l'article 407 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Par conclusions récapitulatives enregistrées par voie électronique au greffe de la Cour le [Cadastre 3] avril 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions, Monsieur [S] [M] [U], bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale et le Syndicat de copropriétaires et exploitants agricoles dénommé HAA MAITAI IA [Localité 14], ayant pour conseil Maître [Z] [ZB], demandent à la Cour de :
- Débouter l'EURL [J] [F] [YP] et la SCI [Localité 11] [Adresse 18] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
- Débouter M. [CA] [B] [IJ] et Mme [DM] [HY] de leurs demandes, fins et conclusions d'intervenants volontaires ;
- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions tant à l'égard de M. [U] qu'à l'égard du Syndicat de copropriétaires et exploitants agricoles dénommé HAA MAITAI IA [Localité 14] à l'exception dec celles ayant débouté M. [U] de ses demandes indemnitaires ;
Statuant à nouveau,
- Condamner in solidum l'EURL [J] [F] [YP] et la SCI [Localité 11] [Adresse 18] à payer à M. [U] la somme de 2.500.000 FCFP au titre de son préjudice pour le coût des traitements chimiques destinés à éradiquer la Petite fourmi de feu, introduite sur ses terres par les mouvements des camions de l'EURL [J] [F] [YP] pour l'exploitation de la SCI [Localité 11] [Adresse 18] ;
- Condamner in solidum l'EURL [J] [F] [YP] et la SCI [Localité 11] [Adresse 18] à payer à M. [U] la somme de 5.000.000 FCFP au titre de son préjudice pour le coût des bornages et de consolidation des berges, auxquelles il a été porté atteinte par les mouvements des camions de l'EURL [J] [F] [YP] pour l'exploitation de la SCI [Localité 11] [Adresse 18] ;
Y ajoutant,
- Condamner in solidum l'EURL [J] [F] [YP] et la SCI [Localité 11] [Adresse 18] au paiement de la somme de 400.000 FCFP au titre de l'article 407 du CPCPF, au bénéfice des intimés ;
- Ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me [ZB], Avocat aux offres de droit.
Par conclusions reçues par voie électronique au greffe de la Cour le 18 février 2021, Monsieur [B] [IJ] [CA] et Madame [FK] [DM] [HY] (les époux [CA]), ayant pour avocat Maître [X] [K] interviennent volontairement à l'instance. Aux termes de leurs conclusions récapitulatives enregistrées par voie électronique au greffe de la Cour le 17 septembre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions, ils demandent à la Cour de :
- Ecarter des débats les attestations produites par M. [S] [U] et rédigées au nom de Mme [FK] [DM] [HY] et M. [B] [CA] ;
- Les mettre hors de cause du présent contentieux ;
- Condamner M. [S] [U] à leur verser la somme de 60 000 FCFP au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens de l'instance.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance en date du [Cadastre 5] novembre 2021 pour l'affaire être fixée à l'audience de la Cour du 24 février 2022. En l'état l'affaire a été mise en délibéré au 23 juin 2022.
MOTIFS :
Sur la recevabilité de l'appel :
La recevabilité de l'appel n'est pas discutée et aucun élément de la procédure ne permet à la Cour d'en relever d'office l'irrégularité.
Sur la recevabilité des demandes :
Aux termes de l'article 1er du code de procédure civile de la Polynésie française, l'action est le droit pour l'auteur d'une prétention de la soumettre au juge afin qu'il la dise bien ou mal fondée et pour son adversaire le droit de discuter de ce bien-fondé. L'action n'est ouverte qu'à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention et sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé.
Et aux termes des articles 45 et 46 du code de procédure civile de la Polynésie française, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfixé, la chose jugée. Les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.
Pour demander à être mis hors de cause de la présente instance, les époux [CA] doivent nécessairement être déclarés irrecevables en leur intervention volontaire. Ils ne peuvent avoir intérêt à agir en la présente instance si c'est pour demander à être mis hors de cause.
Devant la Cour, Monsieur [S] [U] produit les pièces nécessaires et suffisantes pour prouver qu'il est propriétaire indivis de la terre [Localité 16] cadastrée AD [Cadastre 6] et AD [Cadastre 7]. Il résulte de ces pièces que Monsieur [S] [U] vient aux droits, avec ses frères et s'urs, de sa mère [E] [M], elle-même aux droits de [OH] a [M]. La terre [Localité 16] est inscrite à la matrice cadastrale avec pour propriétaire les ayants droits de [OH] a [M] époux de [H] [EZ] et les ayants droits de [I] [LU] [VR] [WN]. Au temps du procès-verbal de bornage n°95 en date du 30 octobre 1930, c'est l'auteur de Monsieur [S] [U] qui a signé en qualité de propriétaire, T. [M]. Il est mentionné au procès-verbal de bornage un acte de vente sous seing privé en date du 13 juin 1925. Cet acte de vente est produit devant la Cour. Aux termes de celui-ci, il est établi que [OH] a [M] a acquis la terre [Localité 16].
Aux termes de l'article 815-2 du code civil, tout indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis même si elles ne présentent pas un caractère d'urgence. Il s'en déduit qu'en cas d'accaparation de la terre indivise ou d'usage de celle-ci faisant grief à l'indivision, tout indivisaire a qualité à agir pour faire respecter les droits de propriété de l'indivision.
En conséquence, la Cour dit Monsieur [S] [U] recevable en ses demandes pour être propriétaire indivis de la terre [Localité 16] et agir en conservation du bien indivis.
Le syndicat des propriétaires et exploitants agricoles 'HAA MAITAI IA [Localité 14]' ne dispose par contre d'aucun droit de propriété dans la vallée [Localité 19]. Il n'a pas pour objet social la protection de la vallée [Localité 19], son champ d'intervention étant particulièrement large.
La Cour constate par ailleurs qu'il n'est pas démontré devant la Cour que Monsieur [S] [U] a mandat d'agir en justice pour cette association en la présente action, d'autant plus qu'il est produit des attestations dont il résulte que les conditions de son élection à la Présidence du Syndicat sont contestées, le président qui représentait le Syndicat en première instance ayant fait part de son souhait de se désister de son action.
En conséquence, la Cour dit le syndicat des propriétaires et exploitants agricoles 'HAA MAITAI IA [Localité 14]' irrecevable en son action à l'encontre des sociétés [J] [F] [YP] et [Localité 11] [Adresse 18].
Sur le chemin de desserte de vallée [Localité 19] :
Aux termes de l'article 5 du code de procédure civile de la Polynésie française, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.
Aux termes des articles 682 et 683 du code civil, le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue, ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner.
Le passage doit régulièrement être pris du côté où le trajet est le plus court du fonds enclavé à la voie publique. Néanmoins, il doit être fixé dans l'endroit le moins dommageable à celui sur le fonds duquel il est accordé.
Aux termes de l'article 690 du Code civil les servitudes continues et apparentes s'acquièrent par titre, ou par la possession de trente ans.
L'effet acquisitif attaché à la prescription ne se limite pas seulement à la constitution de la servitude, il est également susceptible de s'étendre à ses modes d'exercice.
S'il ressort de cette disposition que les servitudes sont susceptibles de faire l'objet d'usucapion, pour que la prescription produise son effet acquisitif, plusieurs conditions doivent donc être réunies : la possession doit porter sur des servitudes continues et apparentes, être utile et s'être prolongée pendant une durée de trente ans.
Les servitudes continues sont celles dont l'usage est, ou peut-être continuel, sans avoir besoin du fait actuel de l'homme. Il s'agit, autrement dit, des servitudes dont l'exercice ne suppose pas une action du propriétaire du fonds dominant. Il n'est pas nécessaire que l'utilité de cette servitude soit permanente, celle-ci pouvant être intermittente.
Pour être considérée comme apparente, une servitude doit être suffisamment visible pour être connue du propriétaire du fonds servant, notamment s'annoncer par des ouvrages extérieurs.
Et aux termes de l'article 691 du Code civil, les servitudes continues non apparentes, et les servitudes discontinues apparentes ou non apparentes, ne peuvent s'établir que par titres. La possession même immémoriale ne suffit pas pour les établir.
Ainsi, le propriétaire d'un fonds bénéficiant d'une servitude conventionnelle de passage ne peut prétendre avoir prescrit par une possession trentenaire une assiette différente de celle originairement convenue.
Il en résulte que le droit de passage, qui est nécessairement une servitude discontinue, ne peut faire l'objet d'aucune prescription acquisitive et ne peut s'établir que par titre, ou pour cause d'enclave.
Si l'état d'enclave du fonds est démontré, il est cependant possible de se prévaloir d'une prescription de 30 ans mais uniquement pour fixer l'assiette du passage.
L'article 544 du Code civil dispose que «la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'[F] n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements».
Et aux termes de l'article 545 du code civil, nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.
Cependant, si le droit de propriété est un droit absolu, exclusif et perpétuel, il est constant que l'abus du droit de propriété peut être sanctionné par les mesures nécessaires pour faire cesser l'abus ou le versement de dommages et intérêts. Il en est de même pour les troubles anormaux du voisinage.
En l'espèce, par acte notarié en date du 5 juillet 2005, la SCI [Localité 11] [Adresse 18] a acquis de Madame [O] [WN] [AH] la terre [Adresse 18] ou [Adresse 18] (plan parcellaire n° [Cadastre 2]) et la terre [Localité 11] (plan parcellaire n°[Cadastre 1]) sise Commune de [Adresse 13].
Il est indiqué à l'acte que «Il est ici précisé qu'[F] accède à ces terrains par un chemin de servitude qui ne semble pas avoir été créé par titre. L'acquéreur déclare vouloir en faire son affaire personnelle.»
Ces terres sont aujourd'hui cadastrées MH [Cadastre 3], MH [Cadastre 4] et MH [Cadastre 5]. Elles sont situées au fond de la vallée [Localité 19], à environ 3 kilomètres de la route de ceinture.
Monsieur [S] [U] est propriétaire indivis de la terre [Localité 16], cadastrée AD [Cadastre 6] et AD [Cadastre 7]. Cette terre est également située dans la vallée [Localité 19], à environ 1 kilomètre de la route de ceinture.
La vallée est desservie par un chemin bétonné qui remonte la vallée sur un kilomètre sept cent, puis par un chemin compacté avec du «tout venant». Il est acquis aux débats devant la Cour que ce chemin traverse de nombreuses terres dont les propriétaires ne sont pas dans la cause. Il coupe en son milieu la terre [Localité 16] ; la terre ayant une superficie de 3ha 46a 82ca pour la parcelle AD [Cadastre 6] et [Cadastre 4]a [Cadastre 5] ca pour la parcelle AD [Cadastre 7], l'assiette du chemin ne déprécie pas en soit la terre [Localité 16].
Des éléments produits devant la Cour, il peut être retenu que le bétonnage du chemin a été mis en 'uvre par la commune sur 1,7 km dans les années 2010 pour desservir la vallée où résident 80 familles. La Commune de [Localité 12] a assuré les frais des travaux en affirmant à la presse que le chemin était conçu pour permettre le passage de tout véhicule en ceux compris des engins lourds.
Il résulte de plusieurs attestations que, avec l'accord des propriétaires du fond de la vallée, le chemin bétonné par la commune a été poursuivi jusqu'au fond de la vallée par la société [J] [F] [YP] avec du «tout venant» compacté.
Il est par ailleurs attesté le [Cadastre 4] septembre 2014 par Monsieur [L] [D] que la société [J] [F] [YP] a restauré le passage sur la servitude alors qu'un éboulement avait fermé le passage et contraint les agriculteurs a abandonné leurs cultures.
Monsieur [S] [U] soutient devant la Cour que l'assiette du chemin, dans sa traversée de la terre [Localité 16], est sa propriété privée et qu'il est donc en droit d'en restreindre l'usage. Les sociétés [J] [F] [YP] et [Localité 11] [Adresse 18] soutiennent qu'il s'agit d'un chemin ouvert à la circulation publique, toutes les voies carrossables remontant les vallées ou se dirigeant vers l'intérieur de l'île étant des chemins vicinaux aux termes d'un arrêté en date du 3 juin 1932. C'est l'objet principal du litige soumis à la Cour.
Il est constant que le chemin de desserte de la vallée [Localité 19] n'était pas carrossable en 1932, ayant été rendu carrossable seulement dans les années 2010 comme vu ci-dessus. Ce chemin peut donc difficilement être considéré comme un chemin vicinal au sens de ce texte de 1932, au temps où la Polynésie française était gérée par la puissance coloniale et que les droits des « indigènes » pouvaient faire l'objet de discriminations aujourd'hui contraires aux conventions internationales dont la France est signataire.
Par ailleurs, la Cour constate que la société [Localité 11] [Adresse 18], propriétaire du fond exploité par la société [J] [F] [YP], ne dispose pas de servitude par titre sur aucun des fonds traversés par le chemin de desserte de la vallée [Localité 19]. Les termes de son acte d'acquisition sont clairs sur ce point : «Il est ici précisé qu'[F] accède à ces terrains par un chemin de servitude qui ne semble pas avoir été créé par titre. L'acquéreur déclare vouloir en faire son affaire personnelle.»
Le fonds propriété de la société [Localité 11] [Adresse 18] ne bénéficie donc pas d'une servitude de passage conventionnelle sur les fonds traversés par le chemin de la route de ceinture jusqu'au fond de la vallée.
Le 19 mars 2004, [E] [M], mère de Monsieur [S] [U] aux droits de qui il vient sur la terre [Localité 16], a signé à la Commune de [Localité 12] une autorisation formulée en ces termes : «Nous soussignés, propriétaires des terres sises à [Localité 14], dans la vallée [Localité 19], commune de [Localité 12], île de Tahiti, autorisons la commune de [Localité 12] à réaliser sur le chemin de servitude desservant nos propriétés les travaux de bétonnage sur lesdites terres comprenant également son entretien. Les travaux comprendront une emprise de 5 m de large sur ledit chemin ; Les arbres gênant éventuellement le passage de cette route devront être élagués ou abattus sans indemnité. L'évacuation (nettoyage et transport) sera assurée par la Commune.»
Cette autorisation a également été signée par d'autres propriétaires des terres destinées aux termes de cet acte à supporter l'assiette du chemin de desserte bétonné de la vallée [Localité 19].
Il est constant que, aux termes de cette autorisation, les propriétaires signataires n'ont pas cédé à la Commune de [Localité 12] l'emprise foncière du chemin.
Si cette autorisation en peut pas s'analyser comme un acte créant une servitude conventionnelle aux droits des fonds sis à l'intérieur de la vallée, il s'en déduit cependant que les propriétaires des fonds ont reconnu alors que la desserte de la vallée se faisait sur ce tracé et ont donné leur accord pour que la desserte bétonnée de la vallée se fassent sur cette assiette.
Il résulte par ailleurs de cette autorisation que l'entretien du chemin est dit être à la charge de la Commune. Monsieur [S] [U] ne peut donc pas demander à être indemnisé par les sociétés [J] [F] [YP] et [Localité 11] [Adresse 18] des dégradations subies par le chemin des engins lourd, et le syndicat des propriétaires et exploitants agricoles 'HAA MAITAI IA [Localité 14]' ne pouvait pas davantage être indemnisé à hauteur de 40 millions de francs pacifique, même en mettant la réfection de la route à la charge du syndicat des propriétaires et exploitants agricoles 'HAA MAITAI IA [Localité 14]'.
Seule la Commune, chargé de l'entretien du chemin, est en mesure de demander une participation à l'entretien du chemin aux sociétés [J] [F] [YP] et [Localité 11] [Adresse 18] si elle estimait que celles-ci ont un usage anormal de la route.
En conséquence, la Cour infirme le jugement du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, Tribunal foncier ' section 1, n° RG 15/00036, n° de minute 50 en date du 7 février 2018 en ce qu'il a condamné l'EURL [J] [F] [YP] [B] et la SCI [Localité 11] [Adresse 18] à payer à l'association «Haa maitai ia [Localité 14]» la somme de 40 millions de francs CFP en indemnisation du préjudice subi, à charge pour elle de procéder à la réfection de la route traversant la vallée.
Les pièces produites au dossier, et notamment une pétition signée par plusieurs dizaines de propriétaires ou riverains de la vallée [Localité 19] qui font état de l'action bénéfique de la société [J] [F] [YP] pour l'entretien de la rivière et l'accès au fond de la vallée, démontrent que la majorité des propriétaires des fonds supportant l'assiette du chemin de desserte de la vallée accepte ce chemin, n'en conteste pas le tracé et le considère comme indispensable pour que chacun puisse jouir des terres de cette vallée.
Compte tenu des termes des attestations produites, les tensions sont incontestablement vives entre Monsieur [S] [U] et les autres propriétaires de la vallée qui défendent le libre passage sur le chemin, reconnaissant tous en leurs attestations ou en signant la pétition que si ce chemin grève leur fond, il est indispensable à la desserte de la vallée [Localité 19]. Aucun autre propriétaire de fonds ne s'est joint à la procédure de Monsieur [S] [U]. Seul Monsieur [C] [A] a également mis en 'uvre des opérations de blocage très haut dans la vallée.
Ainsi, le chemin de desserte de la vallée [Localité 19] est contesté par une extrême minorité de propriétaires des terres qu'il traverse. Son utilité publique est affirmée par tous ceux qui témoignent en faveur des appelantes et les signataires de la pétition.
La Cour ne peut que regretter que la puissance publique n'ait pas mis en 'uvre une procédure d'expropriation pour utilité publique qui aurait permis la clarification du statut de ce chemin de desserte de la vallée [Localité 19], et de ce fait l'apaisement des tensions qui nuisent à la tranquillité de tous les habitants et utilisateurs de la vallée. Il n'en reste pas moins qu'en l'état, la partie qui traverse la terre [Localité 16] est la propriété des ayants droit de [E] [M], dont Monsieur [S] [U].
Il est cependant démontré devant la Cour, sans contestation de l'intimé, que Monsieur [S] [U] réserve sa volonté de restreindre l'usage du chemin aux seules sociétés [J] [F] [YP] et [Localité 11] [Adresse 18]. Il est produit devant la Cour une autorisation d'extraction sur la rivière TEVAIFAARA, vallée [Localité 19], délivrée par l'autorité publique à l'EURL EPC, dont le gérant est Monsieur [P] [R]. Cette société exerce la même activité que la société [J] [F] [YP] également avec des engins lourds. Or, Monsieur [S] [U] ne s'oppose pas à la circulation des camions de cette société sur le chemin de desserte de la vallée [Localité 19]. Il s'en déduit que son opposition est réservée aux sociétés [J] [F] [YP] et [Localité 11] [Adresse 18] pour lesquelles il nourrit une animosité démontrée par les propos qu'il a pu tenir à la presse locale dont les articles sont produits devant la Cour.
Par ailleurs, la Cour souligne que, aux termes de ses conclusions, Monsieur [S] [U] conteste au principal les autorisations d'extractions qui sont délivrées par l'autorité publique à la société [J] [F] [YP] sans souci du respect de la tranquillité des habitants de la vallée. Or, la Cour ne peut connaître de ces actes qui ne peuvent être contestés que devant le Tribunal administratif, de même que le respect d'une procédure en expropriation avec indemnisation ne peut être sollicitée qu'auprès du Gouvernement de la Polynésie française.
Ainsi, outre que sa mère a autorisé le bétonnage du chemin de desserte de la vallée [Localité 19] indispensable au désenclavement de nombreux fonds, et qu'il n'est pas sérieusement contestable que son fonds en bénéficie pour être sis à plus de un kilomètres de la route de ceinture, le refus de passage, ou de restriction d'usage, aujourd'hui opposé par Monsieur [S] [U] aux seules sociétés [J] [F] [YP] et [Localité 11] [Adresse 18] s'analyse en un abus de droit, l'action de Monsieur [S] [U] n'ayant pas pour but exclusif de protéger son droit de propriété mais de nuire aux sociétés dont il recherche à restreindre l'usage d'un chemin de plus de 3 kilomètres dont il n'est propriétaire que d'une partie très restreinte de l'assiette. Il ne peut donc pas être fait droit à ses demandes de voir interdire à l'EURL [J] [F] [YP] et à la SCI [Localité 11] [Adresse 18] d'utiliser la route privée de la vallée [Localité 19] à [Adresse 13], avec des camions de plus de 3 tonnes, et ce sous astreinte. Afin de sécuriser le passage de la société [J] [F] [YP] pour l'avenir, il y a lieu d'enjoindre à Monsieur [S] [U], et à toute personne de son chef, de s'abstenir de faire entrave à la circulation des véhicules, quel qu'ils soient, des sociétés [J] [F] [YP] et [Localité 11] [Adresse 18] et ce sous astreinte de 500.000 FCP par infraction constatée par huissier de justice, policier municipal ou gendarme.
En conséquence, la Cour infirme le jugement du du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, Tribunal foncier ' section 1, n° RG 15/00036, n° de minute 50 en date du 7 février 2018, en ce qu'il a interdit à l'EURL [J] [F] [YP] [B] et la SCI [Localité 11] [Adresse 18] d'utiliser la route privée de la vallée [Localité 19] à [Adresse 13], et à tous le moins la Terre [Localité 16], propriété de Monsieur [S] [U] avec des camions de plus de 3 tonnes, ce sous astreinte de 100.000 F CFP par infraction constatée, astreinte commençant à courir à compter de la signification du présent jugement, et courant pendant 6 mois.
Statuant de nouveau, la Cour dit que :
- Dit qu'il n'y a pas lieu à restriction pour la SCI [Localité 11] [Adresse 18] et pour l'EURL [J] [F] [YP] quant à l'utilisation du chemin de desserte de la vallée [Localité 19] à [Adresse 13] ;
- Dit qu'il n'y a pas lieu à restriction de l'usage normal de cette voie de circulation aux engins lourds de l'EURL [J] [F] [YP] ;
- Enjoins à Monsieur [S] [U], et à toute personne de son chef, de s'abstenir de faire entrave à la circulation des véhicules, quel qu'ils soient, des sociétés [J] [F] [YP] et [Localité 11] [Adresse 18] et ce sous astreinte de 500.000 FCP par infraction constatée par huissier de justice, policier municipal ou gendarme.
Sur le trouble anormal du voisinage dont Monsieur [S] [U] demande réparation :
Il est constant que le chemin de desserte de la vallée [Localité 19] traverse la terre [Localité 16] en son centre. Devant la Cour, la société [J] [F] [YP] reconnait le passage de deux à trois camions, deux à trois fois par jour, soit au moins 8 passages par jour et jusqu'à 18 par jour, ce qui entraîne nécessairement une dégradation de la qualité de vie sur la propriété de Monsieur [S] [U], et ce durant plusieurs mois, voir années. Le nombre de passage des camions de la société [J] [F] [YP] constitue de sorte un trouble anormal du voisinage. De ce chef, il y a lieu de confirmer le jugement du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, Tribunal foncier ' section 1, n° RG 15/00036, n° de minute 50 en date du 7 février 2018, en ce qu'il a condamné la société [J] [F] [YP] à payer la somme de 1.000.000 francs pacifiques à Monsieur [S] [U] ; le jugement étant cependant infirmé en ce qu'il a également condamné la SCI [Localité 11] [Adresse 18] dont il n'est pas démontré qu'elle ait participé des nuisances subies.
Sur les demandes d'indemnisation des préjudices résultant de l'infestation par les fourmis de feu, des inondations et des frais de remise en état après bornage des propriétés érodées suite au manque de consolidation des berges :
Aux termes de l'article 1382 du code civil, dans sa version applicable en Polynésie française, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.
En l'espèce, comme l'a retenu pertinemment le premier juge, Monsieur [S] [U] ne démontre pas que la société [J] [F] [YP] a commis une faute dans les conditions de mise en 'uvre des autorisations d'extractions dont elle a bénéficié, ni de faute dans la mise en 'uvre de la consolidation des berges de la rivière pour laquelle elle a été missionnée par la puissance publique. Il n'est pas davantage démontrer le lien de causalité entre l'action autorisée de la société [J] [F] [YP] et les inondations ou l'érodage des propriétés tel que ces dégâts sont dénoncés mais non démontrés.
Il en est de même pour ce qui est de l'infestation par les fourmis de feux de la propriété de Monsieur [S] [U]. Il n'est fourni à la Cour qu'un document en noir et blanc, sans mention cadastrale, qui indique les lieux d'infestation. Ce document est bien insuffisant pour apporter la preuve que l'infestation par la fourmi de feux de la terre [Localité 16], fourmi qui se répands malheureusement de manière très inquiétante sur l'île de Tahiti, est de la seule responsabilité de la société [J] [F] [YP], ni sa faute, ni même sa négligence, n'étant caractérisée devant la Cour.
En conséquence, la Cour confirme le jugement du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, Tribunal foncier ' section 1, n° RG 15/00036, n° de minute 50 en date du 7 février 2018, en ce qu'il a débouté Monsieur [S] [U] de ses demandes à ce titre.
Sur la demande de dommages et intérêts des sociétés [J] [F] [YP] et [Localité 11] [Adresse 18] :
Comme démontré ci-dessus, Monsieur [S] [U] a commis un abus de son droit de propriété dans le but de nuire aux sociétés [J] [F] [YP] et [Localité 11] [Adresse 18]. Il en a résulté pour la société [J] [F] [YP] un préjudice certain, celles-ci ayant était empêché d'exercer son activité économique pendant plusieurs mois. L'accès en véhicule léger ayant été maintenu, il doit par contre être considéré que la société [Localité 11] [Adresse 18] a toujours pu accéder à sa propriété. Il y a lieu d'allouer à la société [J] [F] [YP] la somme de 1.000.000 francs pacifiques en réparation de son préjudice.
Sur les autres chefs de demande :
Certains des constats d'huissier ont été établis dans une procédure opposant les appelantes à Monsieur [C] [A] ou à l'encontre du syndicat des propriétaires et exploitants agricoles 'HAA MAITAI IA [Localité 14]', il n'y a donc pas lieu à la prise en charge de ces constats d'huissiers par Monsieur [S] [U].
Il serait inéquitable de laisser à la charge des sociétés [J] [F] [YP] et [Localité 11] [Adresse 18] les frais exposés par elle et non compris dans les dépens. La Cour fixe à 300.000 francs pacifiques la somme que Monsieur [S] [U] doit être condamnés à lui payer à ce titre.
Monsieur [S] [U] doit être condamné aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
DÉCLARE l'appel recevable ;
DÉCLARE les époux [CA] irrecevables en leur intervention volontaire ;
CONFIRME le jugement du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, Tribunal foncier ' section 1, n° RG 15/00036, n° de minute 50 en date du 7 février 2018, seulement en ce qu'il a :
- Débouté l'EURL [J] [F] [YP] [B] et la SCI [Localité 11] [Adresse 18] de leur demande de sursis à statuer ;
- Condamné l'EURL [J] [F] [YP] [B] à payer Monsieur [S] [U] la somme de 1 000 000 CFP à titre de dommages et intérêts pour les nuisances subies;
- Débouté en l'état Monsieur [S] [U] et l'association «Haa maitai ia [Localité 14]» de leur demande de dommages et intérêts au titre de la violation des termes de l'ordonnance de mise en état du 21 janvier 2016 ;
- Débouté en l'état Monsieur [S] [U] et l'association «Haa maitai ia [Localité 14]» de leur demande d'indemnisation du préjudice résultant des inondations et des frais de remise en état après bornage des propriété érodées suite au manque de consolidation des berges ;
- Débouté en l'état Monsieur [S] [U] de sa demande d'indemnisation du préjudice résultant de l'introduction de la fourmi de feu ;
- Débouté Monsieur [S] [U] et l'association «Haa maitai ia [Localité 14]» de leurs demande au titre du préjudice moral et de leurs demandes au titre des propos diffamatoires ;
INFIRME le jugement du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, Tribunal foncier ' section 1, n° RG 15/00036, n° de minute 50 en date du 7 février 2018 en ce qu'il a :
- Débouté l'EURL [J] [F] [YP] [B] et la SCI [Localité 11] [Adresse 18] de leur fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité pour agir ;
- Interdit à l'EURL [J] [F] [YP] [B] et la SCI [Localité 11] [Adresse 18] d'utiliser la route privée de la vallée [Localité 19] à [Adresse 13], et à tous le moins la Terre [Localité 16], propriété de Monsieur [S] [U] avec des camions de plus de 3 tonnes, ce sous astreinte de 100.000 F CFP par infraction constatée, astreinte commençant à courir à compter de la signification du présent jugement, et courant pendant 6 mois ;
- Condamné l'EURL [J] [F] [YP] [B] et la SCI [Localité 11] [Adresse 18] à payer à l'association «Haa maitai ia [Localité 14]» la somme de 40 millions de francs CFP en indemnisation du préjudice subi, à charge pour elle de procéder à la réfection de la route traversant la vallée,
- Condamné la SCI [Localité 11] [Adresse 18] à payer Monsieur [S] [U] la somme de 1 000 000 CFP à titre de dommages et intérêts pour les nuisances subies
- Condamné l'EURL [J] [F] [YP] [B] et la SCI [Localité 11] [Adresse 18] à payer à Monsieur [S] [U] et de l'association «Haa maitai ia [Localité 14]» la somme de 310.000 F CFP au titre de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
- Condamne l'EURL [J] [F] [YP] [B] et la SCI [Localité 11] [Adresse 18] aux entiers dépens.
Statuant de nouveau,
DÉCLARE Monsieur [S] [U] recevable en ses demandes pour être propriétaire indivis de la terre [Localité 16] et agir en conservation du bien indivis ;
DÉCLARE le syndicat des propriétaires et exploitants agricoles 'HAA MAITAI IA [Localité 14]' irrecevable en son action à l'encontre des sociétés [J] [F] [YP] et [Localité 11] [Adresse 18] ;
DIT qu'il n'y a pas lieu à restriction pour la SCI [Localité 11] [Adresse 18] et pour l'EURL [J] [F] [YP] quant à l'utilisation du chemin de desserte de la vallée [Localité 19] à [Adresse 13] ;
DIT qu'il n'y a pas lieu à restriction de l'usage normal de cette voie de circulation aux engins lourds de l'EURL [J] [F] [YP] ;
ENJOINS à Monsieur [S] [U], et à toute personne de son chef, de s'abstenir de faire entrave à la circulation des véhicules, quel qu'ils soient, des sociétés [J] [F] [YP] et [Localité 11] [Adresse 18] et ce sous astreinte de 500.000 FCP par infraction constatée par huissier de justice, policier municipal ou gendarme ;
CONDAMNE Monsieur [S] [U] à payer, en deniers ou quittances, à la société [J] [F] [YP], prise en son représentant légal, la somme de 1.000.000 francs pacifiques en réparation de son préjudice du fait de l'entrave de circulation dont elle a été victime ;
Y ajoutant,
CONDAMNE Monsieur [S] [U] à payer aux sociétés [J] [F] [YP] et [Localité 11] [Adresse 18], prises en leur représentants légaux, la somme de 300.000 francs pacifiques en application de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
REJETTE tout autre chef de demande des parties, plus ample ou contraire au présent arrêt ;
CONDAMNE Monsieur [S] [U] aux dépens d'appel.
Prononcé à Papeete, le 23 juin 2022.
Le Greffier, Le Président,
signé : M. SUHAS-TEVEROsigné : K. SZKLARZ