N° 50
CT
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Copie exécutoire
délivrée à :
Me Dubois,
le 30.06.2022.
Copie authentique
délivrée à :
- Me Tauniua Céran J.,
- Me Chansin-Wong,
- Me Guilloux,
le 30.06.2022.
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D'APPEL DE PAPEETE
Chambre des Terres
Audience du 23 juin 2022
RG 17/00090 ;
Décision déférée à la Cour : jugement n° 388, rg n° 12/000097 du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, Chambre des Terres, du 20 septembre 2017 ;
Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 11 décembre 2017 ;
Appelant :
M. [C] [B] [E], né le 11 avril 1962 à [Localité 11], de nationalité française, demeurant à [Adresse 10] ;
Ayant pour avocat la Selarl Fenuavocats, représentée par Me Vincent DUBOIS, avocat au barreau de Papeete ;
Intimés :
M. [V] [ME], né le 15 octobre 1986 à [Localité 11], de nationalité française, fonctionnaire de police, demeurant à [Adresse 13] ;
Représenté par Me Tauniua CERAN-JERUSALEMY, avocat au barreau de Papeete ;
Mme [J] [L], née le 17 avril 1942 à [Localité 12], de nationalité française, demeurant [Adresse 3] ;
Ayant pour avocat la Selarl Chansin Wong Yen, représentée par Me Stella CHANSIN-WONG, avocat au barreau de Papeete ;
M. [P] [G] [U]
né le 30 décembre 1985 à [Localité 14], de nationalité française, surfeur professionnel, et
Mme [BG] [S] [T] [A] épouse [U], née le 15 juin 1985 à [Localité 11], de nationalité française, chef d'entreprise, demeurant à [Adresse 9] ;
Représentés par Me Olivier GUILLOUX, avocat au barreau de Papeete ;
Mme [O] [K] [KY] [W], née le 30 novembre 1986 à [Localité 11], de nationalité française, [Adresse 2] ;
Non comparante, assignée à personne le 26 juin 2018 ;
Ordonnance de clôture du 17 septembre 2021 ;
Composition de la Cour :
La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 27 janvier 2022, devant Mme SZKLARZ, conseiller faisant fonction de président, M. SEKKAKI, conseiller, Mme TEHEIURA, magistrat honoraire de l'ordre judiciaire aux fins d'exercer à la cour d'appel de Papeete en qualité d'assesseur dans une formation collégiale, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt contradictoire ;
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par Mme SZKLARZ, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A R R E T,
Le litige concerne deux parcelles de terre voisines : une parcelle détachée de la terre [I] située à [Localité 8] cadastrée section [Cadastre 6] d'une superficie de 5a 21ca et une parcelle détachée de la terre [I] située à [Localité 8] cadastrée section [Cadastre 1] d'une superficie de 10a.
Par acte notarié du 16 janvier 2009, [N] [M] [Z] [SD] et [J] [D] [L] ont vendu à [C] [B] [E] :
«1) une parcelle de la terre [I] sise commune de [Localité 8] cadastrée section [Cadastre 6] pour une contenance de 5a 21ca.
2) Les constructions y édifiées consistant en une maison d'habitation vétuste.»
Par acte notarié du 29 juillet 2011, [J] [D] [L] a vendu à [V] [R] [ME] et [O] [K] [KY] [W], «une parcelle de terrain détachée de la terre [I] sise à [Localité 8] d'une superficie de MILLE METRES CARRES (1.000 m2) figurant au cadastre de la manière suivante :
section [Cadastre 1] pour une contenance de 10a 00 ca».
Le 20 septembre 2017, le tribunal foncier de la Polynésie française section 1 a rendu le jugement suivant :
«Constate l'empiétement des constructions édifiées par M. [C] [E] sur le fonds de M. [V] [ME] et Mme [O] [W] ;
Condamne [C] [E] à démolir le mur et le débarras empiétant sur la parcelle, propriété de [V] [ME] et [O] [W] sous astreinte de 30.000 XPF par jour de retard à compter de la signification de la présente décision ;
Condamne M. [C] [E] à verser à M. [V] [ME] la somme de 111 000 XPF à titre d'indemnité d'occupation pour la période du 29 juillet 2011 au 28 septembre 2017;
Dit qu'en l'état de l'astreinte prononcée, il n'y a pas lieu à maintenir l'indemnité d'occupation au-delà ;
Ordonne l'exécution provisoire.
Condamne [C] [E] aux entiers dépens.»
Par requête enregistrée au greffe le 11 décembre 2017, [C] [B] [E] a relevé appel de cette décision afin d'en obtenir l'infirmation.
Par acte notarié du 7 mai 2019, [V] [R] [ME] et [O] [K] [KY] [W] ont vendu à [P] [U] et [BG] [S] [T] [A], son épouse :
«Une propriété bâtie comprenant, savoir :
1 °) Une parcelle de terre détachée de la terre [I] sise à [Localité 8] figurant sous les références cadastrales section [Cadastre 1] pour une contenance de 10a 00ca.
2°) les constructions y édifiées consistant en une maison en dur couverte en tôles, composée de trois chambres, un dressing et deux salles d'eau avec WC, un séjour, une cuisine, une buanderie, une terrasse couverte et un garage de 4 places.
Une clôture fermant la propriété et un portail automatique.
3°) Et les BIENS mobiliers pris dans leur état garnissant le BIEN sus-désigné, décrits et estimés, par les parties elles-mêmes article par article en un liste demeurée ci-annexée.»
Dans ses dernières conclusions récapitulatives, [C] [E] demande à la cour de :
« INFIRMER, en toutes ses dispositions, le Jugement n° 12/00097 rendu le 20 septembre 2017 (minute n°388) par le Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, Chambre des Terres;
Statuant à nouveau, à titre principal :
CONSTATER que les Epoux [P] et [BG] [U] ont acquis de M. [V] [ME] et Mme [O] [W] la parcelle de terre détachée de la terre [I], cadastrée section [Cadastre 1], d'une superficie de 1.000 m2, suivant Acte de vente signé le 07 mai 2019 en l'étude de Me [H], notaire à [Localité 11] ;
CONSTATER que M. [V] [ME] et Mme [O] [W] ont sciemment cherché à dissimuler cette vente à la juridiction de céans ;
CONSTATER que M. [V] [ME] et Mme [O] [W] n'ont donc plus ni qualité ni intérêt pour agir dans le cadre du présent litige ;
CONSTATER que les Epoux [P] et [BG] [U] ont confirmé par écrit qu'ils ne sollicitaient pas la destruction de la maison de M. [C] [E], une telle demande ne pouvant émaner que de leur part, en leur qualité d'actuels et seuls propriétaires, s'agissant de l'exercice d'un droit patrimonial réel, puisque pleinement rattaché à leur droit de propriété ;
En conséquence :
DEBOUTER M. [V] [ME] et Mme [O] [W] de l'intégralité de leurs prétentions et demandes, celles-ci étant manifestement infondées et injustifiées ;
CONDAMNER solidairement M. [V] [ME] et Mme [O] [W] à remettre en état les lieux, et donc à poser une nouvelle clôture et à replanter une haie d'arbres sur toute la largeur de la limite Nord de la propriété de M. [E], et ce sous astreinte de 50 000 FCP par jour de retard passé un délai d'un (1) mois suivant la signification de l'arrêt à intervenir ;
CONDAMNER solidairement M. [V] [ME] et Mme [O] [W] au paiement d'une somme de 500 000 FCP à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi ;
A titre subsidiaire. en tant que de besoin :
FAIRE INJONCTION à Mme [J] [L] d'avoir à indiquer précisément la situation précise des lieux et des constructions ainsi vendues à M. [C] [E] au jour de la vente du 16 janvier 2009 ;
ORDONNER une enquête sur les lieux avec audition de témoins et audition des parties, lesquelles seront tenues de comparaitre personnellement, y compris Mme [J] [L] ;
En toutes hypothèses :
CONDAMNER solidairement M. [V] [ME] et Mme [O] [W] à payer à M. [C] [E] une somme de 500 000 FCP, au titre des frais irrépétibles, sur le fondement de l'article 407 du Code de procédure civile de la Polynésie française ;
CONDAMNER solidairement M. [V] [ME] et Mme [O] [W] aux entiers dépens, de 1ère instance et d'appel, dont distraction au profit de la Selarl Fenuavocats (Me Vincent DUBOIS).
Il soutient que le couple [ME]-[W], qui n'est plus propriétaire et a dissimulé la vente survenue en mai 2019 espérant «ainsi pouvoir obtenir des sommes considérables», n'a plus qualité ni intérêt à former des demandes de destruction et d'astreinte ; que «seuls les nouveaux propriétaires, les Epoux [U], seraient susceptibles de reprendre à leur compte de telles demandes, mais ces derniers ont clairement indiqué ne pas souhaiter la destruction de» son «bien'qui soi-disant empièterait sur leur parcelle, empiètement vivement contesté'» ; qu' «il importe peu désormais que cet empiètement existe ou pas, dès lors que non seulement les Epoux [U] ne s'en plaignent pas et ne sollicitent aucune destruction, mais encore il apparaît qu'ils envisagent désormais d'acheter (s)a parcelle.., un compromis ayant été signé en ce sens, de sorte que les Epoux [U] seront donc propriétaires des deux parcelles litigieuses' » et qu'en toute hypothèse, il considère la «demande de destruction comme parfaitement infondée tant en droit qu'en fait,'ayant acquis le bien dont s'agit en l'état, sans avoir rien modifié, ni construit depuis, de sorte que le bien actuel correspond strictement à celui loué à Mme [L] pendant plus de 10 ans' ».
Il rappelle qu'il «était antérieurement locataire de la maison et du terrain', et ce pendant plus de 10 années, avant de l'acquérir en janvier 2009, de sorte qu'il avait une pleine connaissance des limites apparentes de son terrain, et notamment sa limite Nord matérialisée par une très ancienne haie d'arbres faisant séparation naturelle avec le terrain voisin» ; que l'attestation de [VN] [X], locataire de la terre vendue aux consorts [ME]-[W] en 2011 établit «de manière indiscutable qu'il existait bien une séparation végétale et une clôture entre les deux propriétés, permettant de séparer de manière claire et visuelle les deux parcelles, et ce depuis plus de 10 ans au moins avant le rachat'en 2009, de la propriété (terrain + maison)' » ; qu'il «occupait et occupe toujours des constructions strictement identiques à celles qui préexistaient à son arrivée en 1999'notamment'la partie de la maison objet du litige (comme empiétant prétendument sur la parcelle des Consorts [ME]- [W]), partie de la maison qui existait déjà bien avant 1999, et qui ne constitue aucunement un simple débarras' » ; que «[V] [ME] s'est clairement fait justice lui-même en détruisant un bien d'autrui, à savoir la haie et la clôture de son voisin ; que «les plans cadastraux et les plans de délimitation ont été modifiés en quelques mois à peine, précisément, sinon uniquement, en ce qui concerne justement la limite Nord» de son terrain ; que le plan de délimitation dressé en juin 2011, bien qu'apparemment contresigné par le vendeur et les acheteurs, n'est pas le «document d'arpentage dressé par le géomètre [F] en date du 25 avril 2011, et enregistré par le service du cadastre sous le numéro 10098995», visé à l'acte de vente de 2011 ; que le «document d'arpentage n° 100064480, toujours dressé par le géomètre [F], et ce apparemment «le 27 aout 2007'n'a jamais été produit lors de la signature chez le Notaire et n'a donc jamais été porté à » sa connaissance ; que l'acte de vente du 16 janvier 2009 précise que le bien acquis est notamment composé des «constructions y édifiées consistant en une maison d'habitation vétuste» ; que, «soit M. [ME] et Mme [W] se méprennent totalement sur leurs prétentions juridiques'soit, en tout état de cause, cela signifierait alors que ses venderesses l'aurait ainsi trompé en lui vendant un terrain amputé sur sa limite Nord d'une bande de terre rattachée au terrain voisin et ce pour avoir fait modifier les limites'de telle sorte que l'habitation cédée avec le terrain se trouverait désormais pour partie à cheval sur le fonds de M. [ME] et Mme [W], y compris une partie non négligeable de la «maison vétuste» pourtant vendue' » et qu'il «a pu se procurer un plan établi par le géomètre [F] en septembre 2007, soit postérieurement à celui prétendument visé à son propre acte de vente (mais jamais transmis et jamais signé) et qui montre une configuration des lieux conforme à la connaissance qu'il en a toujours eu, c'est à dire une maison d'habitation implantée sur sa parcelle et non sur celle de son voisin».
Il ajoute que «le document d'arpentage établi par [Y] [F] le 03 mai 2007'joint à l'acte de vente» que vise le tribunal foncier de la Polynésie française a été joint à l'acte de vente par le notaire hors sa présence et qu'il n'en a pris connaissance que dans le cadre de la présente instance ; qu'il possède un autre plan de délimitation, «plan dressé en septembre 2007» qui fait apparaître une «limite non linéaire'respectant'les constructions déjà existantes depuis de très nombreuses années, à savoir l'habitation existante'et respectant en outre les limites apparentes, et notamment la haie ancienne d'arbres, sur plus de 20 mètres au moins» ; que, surtout, il n'a jamais signé le document d'arpentage du 3 mai 2007 et que celui-ci ne peut donc valoir contrat ; qu'en outre, «l'acte de vente évoque un autre document d'arpentage, datant non pas du «03 mai 2007», mais au contraire du «27 août 2007» ; qu' «en réalité, le seul document d'arpentage établi par [Y] [F] concernant ledit terrain (à savoir le document d'arpentage portant le numéro 100064480) n'est ni en date du «03 mai 2007», ni davantage en date du «27 août 2007» mais du 27 juillet 2007, «la date du «03 mai 2017» correspondant en réalité à la date du plan cadastral' » ; que le « document d'arpentage de M. [F] n° 100064480 a cependant été modifié ultérieurement comme le confirme une mention manuscrite dans le coin droit en bas : «Modifié le 27/06/08», soit près d'une année plus tard» ; que «cette modification du «27/06/2008» intervient surtout plusieurs mois après l'établissement, en septembre 2007, du plan de délimitation'qui mentionne de manière claire et incontestable une limite de propriété au nord qui est «non linéaire» et qui respecte et englobe» sa maison et qu'il «n'a eu connaissance ni du document d'arpentage d'origine, du 27 juillet 2007, ni davantage du document d'arpentage « modifié le 27/06/08» ; qu' «alors même que l'acte de vente de M. [ME] et Mme [W] mentionne effectivement et expressément l'existence d'un document d'arpentage dressé par le géomètre [F] en date du 25 avril 2011, et enregistré par le service du cadastre sous le n°10098995, qui serait ainsi «joint aux présentes en vue des formalités d'inscription», aucun document de ce type n'est joint à l'acte, puisqu'au contraire c'est uniquement le plan'de délimitation dressé en juin 2011 qui était annexé à leur acte de vente» et que, «n'ayant jamais pris connaissance du «document d'arpentage établi par [Y] [F] le 25 avril 2011», lequel n'a jamais été produit aux débats, le 1er juge ne pouvait, sans commettre d'erreur matérielle, prétendre que ledit document serait «conforme à celui qu'il avait établi en 2007».
Il souligne également qu'il «n'a jamais reconnu «la réalité de l'empiètement sur le fonds voisin» ; que le «Plan de délimitation de juin 2011 produit par les Consorts [ME]-[W]'résulte d'une «Mise à jour cadastrale le 01/07/11 DA n° 98995», mise à jour qui semble ainsi avoir modifié l'état des lieux cadastral existant » et qui «est très postérieure à l'acquisition faite'en 2009, de sorte qu'elle ne lui est nullement opposable, puisqu'elle porte atteinte à ses droits de propriété, définitivement acquis depuis 2009» ; que «les Consorts [ME]- [W] ont acquis selon leur acte de vente une parcelle de terrain nue «section [Cadastre 1] pour une contenance de 10a 00ca», soit 1.000 m2, et ne démontrent aucunement que cette superficie achetée ne serait pas respectée» ; que, dès lors que la «maison d'habitation vétuste» acquise par lui «préexistait en l'état depuis plusieurs années, qu'elle a été vendue'dans la configuration actuelle, et que cette vente est antérieure à près de 2 années à la vente du terrain voisin aux Consorts [ME]-[W], lesquels ont acquis leur parcelle de la même venderesse, soit Mme [L], aucune disposition légale ou règlementaire ne prévoit la destruction de la maison dans une telle hypothèse» ; qu'il a «justifié de ses actes de possession non seulement ' et évidemment - par son acte de propriété, datant de janvier 2009, soit antérieur de plus de 2 années à celui des intimés, mais encore par la circonstance, nullement contestée par M. [V] [ME] et Mme [O] [W], de ce qu'il a occupé les lieux pendant plus de 10 ans en qualité de propriétaire» ; qu' «il a également démontré, par une attestation de la précédente locatrice, que la clôture et la haie existaient déjà depuis de très nombreuses années, en l'occurrence depuis plus de 30 ans, soit déjà durant les années 70» ; que les plans topographiques et les photographies aériennes versées aux débats confirment ses observations ; que [V] [ME] et [O] [W] ont détruit la haie d'arbres et la clôture lui appartenant ; qu'ils devront réparer les dommages causés par cette destruction volontaire de biens d'autrui et qu'il «n'a réalisé du côté de la limite nord-ouest (donc du côté de M. [ME]) aucune construction complémentaire au bien immobilier préexistant à son acte de vente».
[V] [ME] demande à la cour de :
«Débouter M. [C] [E] de l'ensemble de ses moyens, fins et conclusions.
Confirmer le jugement n°12/00097 en date du 20 septembre 2017 en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne la fixation de l'indemnité d'occupation.
Fixer l'indemnité d'occupation due par M. [C] [E] au titre de son empiètement à la somme de 15.000 xpf par mois.
Condamner M. [C] [E] à verser à M. [V] [ME] la somme de 1.080.000 xpf à titre d'indemnité d'occupation pour la période du 29 Juillet 2011 au 28 Juillet 2018.
Condamner M. [C] [E] à verser à M. [V] [ME] la somme de 15.000 xpf par mois à compter du 29 Juillet 2018 jusqu'à la libération de sa propriété.
Condamner M. [C] [E] à verser à M. [V] [ME] la somme de 350.000 xpf au titre de l'article 407 du Code de Procédure Civile de Polynésie française.
Condamner M. [C] [E] aux entiers dépens.»
Il fait valoir que, lorsqu'il a pris possession du terrain acquis le 29 juillet 2011, il a constaté que son voisin, [C] [E], avait construit un mur en parpaing et un débarras en pinex empiétant sur sa propriété ; que les contestations de l'appelant concernant l'acte authentique du 16 janvier 2009 sont vaines dans la mesure où aucune action en inscription de faux n'a été engagée et que ledit acte constitue une preuve parfaite ; que «le document d'arpentage est un plan qui précise effectivement les (nouvelles) limites de la ou des parcelles du ou des propriétaires concernés par ledit document» ; que le «document d'arpentage N°100064480 dressé par Monsieur [Y] [F], géomètre à [Localité 11] (Ile de Tahiti), le 27 août 2007» mentionné dans l'acte de vente du 16 janvier 2009, «fait clairement apparaître une limite rectiligne entre la parcelle numérotée [Cadastre 6] et celle numérotée [Cadastre 5]» ; qu' «en vertu de l'acte de vente'en date du 29 Juillet 2011, cette dernière parcelle numérotée [Cadastre 5] va être morcelée pour donner naissance à trois parcelles :
«Numéro 94 pour une contenance de 8a 41ca,
Numéro 95 pour une contenance de 9a 54ca,»
Numéro 96 pour une contenance de 10a 00ca,'
«Ainsi que le tout résulte d'un document d'arpentage dressé par Monsieur [Y] [F] en date du 25 avril 2011 enregistré par le service du cadastre sous le Numéro 100098995.
Ce document d'arpentage est joint aux présentes en vue des formalités de transcription » ; que la comparaison des deux documents d'arpentage N°100064480 et N° 100098995 issus de deux actes authentiques permet de constater que les parcelles [Cadastre 1] et [Cadastre 6] sont contigües et que la limite séparative est rectiligne ; que, «si le premier juge évoque un document d'arpentage en date du 03 Mai 2007, il ne s'est pas mépris sur le document d'arpentage N°100064480 puisque ce document comporte trois dates», celle du 3 mai 2007 relative à l' «Etat ancien (en noir) conforme au plan cadastral, celle de 27 août 2007 relative à l' «Etat nouveau (en rouge) certifié exact et établi par M [Y] [F] Géomètre » et celle du 27 juin 2008 relative à une modification émanant du géomètre ; que le plan de délimitation «dressé en septembre 2007» produit par l'appelant fait ressortir que la délimitation a été faite sur plan et non in situ ; qu'y est inscrite «la mention suivante: «Bornage non encore effectué à cause de problèmes d'accès répétés» ainsi que la mention «DA:100051440», numéro ne correspondant pas à celui du document d'arpentage indiqué dans l'acte de vente du 16 janvier 2009 ; qu'il ne concerne pas la parcelle acquise par l'appelant ; qu'il «n'est donc pas celui annexé à l'acte authentique de M. [C] [E] lequel seul vaut force de loi» et que l'appelant ne rapporte aucune preuve de ses actes de possession.
[J] [L] présentent les demandes suivantes :
«Dire que Mme [L] n'est pas du tout concernée par la présente action ;
En tout état de cause,
Prendre acte de ce que Mme [L] a déféré à l'injonction formée à son encontre par M. [C] [E] ;
Débouter M. [E] de ses demandes formées à l'encontre de Mme [L] ;
Condamner M. [E] à payer à Mme [L] la somme de 365.000F. CFP par application des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile local, outre les entiers dépens d'instance avec distraction d'usage au profit du Conseil soussigné sous due affirmation.»
Elle expose qu' «elle a vendu aux parties à l'instance l'emplacement qu'ils occupent par actes passés devant notaire dans le respect de la réglementation en vigueur avec notamment document d'arpentage suivi d'un bornage par le cabinet Topo Pacifique retenu pour son expertise et qu'aucune réserve n'a été émise lors de la signature des actes de vente» ; que, si effectivement avant l'acquisition de la parcelle [Cadastre 6], M. [E] a occupé les lieux en qualité de locataire et que la limite Nord de cette parcelle était à cette époque matérialisée par la clôture et la haie végétale, soit une limite non linéaire, cette limite n'était pas celle prévue au moment de la signature de l'acte de vente» ; qu' «en effet, la limite fixée par les venderesses était une ligne droite, ce que M. [E] a accepté» ; que « c'est d'ailleurs ce qui ressort du document d'arpentage n°100064480 dressé par M. [F] le 27 août 2007 et annexé à l'acte de vente de M. [E]» ; que « le document d'arpentage est un document qui formalise la division d'une parcelle de terrain, de sorte qu'il ne s'agit pas de constater et de matérialiser les limites entre des parcelles existantes mais bien de créer, par division foncière, de nouvelles parcelles à l'intérieur d'une même propriété» ; que « la parcelle [Cadastre 6] acquise par Monsieur [E] provient de la division d'une parcelle plus importante originairement cadastrée sous le [Cadastre 7] de la section AR pour une contenance de 67a 50ca qui a été annulée pour donner naissance aux numéros suivants : - [Cadastre 4] de la section AR pour une contenance de 33a l7ca - [Cadastre 5] de la section AR pour une contenance de 27a 95ca - [Cadastre 6] de la section AR pour une contenance de 5a 21 ca, objet de la vente» ; que, concernant les «constructions vendues, il s'agissait bien de la maison d'habitation qui était en location et qui est devenue vétuste» ; que «M. [E] ne saurait valablement soutenir qu'il n'a jamais eu connaissance du document d'arpentage mentionné dans son acte de vente ou bien encore contesté les stipulations de son acte de vente» ; qu' «en effet, cet acte a été rédigé par-devant notaire, de sorte qu'il est revêtu de la force probante, qui ne peut être combattue que par la procédure d'inscription de faux» que [C] [E] ne démontre pas avoir engagée ; que le plan de délimitation de septembre 2007 dressé par le Cabinet TOPO PACIFIQUE n'est pas annexé à l'acte de vente authentique de l'appelant et que «l'expert géomètre a expressément mentionné sur son plan «bornage non encore effectué à cause de problème d'accès répétés».
[P] [G] [U] et [BG] [S] [T] [A], son épouse, qui sont volontairement intervenus à l'instance d'appel, forment les demandes suivantes :
«DECERNER ACTE aux Epoux [P] et [BG] [U] de ce qu'ils ne sollicitent pas la destruction de la maison de M. [C] [E], une telle demande ne pouvant émaner que des seuls propriétaires, à savoir les concluants désormais, s'agissant de l'exercice d'un droit patrimonial réel, puisque pleinement rattaché à leur droit de propriété ;
DECERNER ACTE aux Epoux [P] et [BG] [U] de ce qu'ils laissent aux Consorts [ME]-[W] le soin de former et/ou de maintenir, le cas échéant, leur demande indemnitaire à l'encontre de M. [C] [E], s'ils estiment notamment avoir subi un préjudice du fait de l'empiètement qu'ils allèguent, pour la période où ils étaient effectivement propriétaires (soit sauf erreur entre juillet 2011 et mai 2019), ce droit à indemnisation étant un droit qui leur est propre et personnel ;
Dire et juger que la partie perdante supportera les entiers dépens de la présente instance».
Ils exposent qu'«ils ont toujours connu la maison de M. [E] dans le même état et dans la même configuration que celle actuelle, et ce depuis plus de 10 ans au moins ; qu'ils ont été informés succinctement de l'existence du présent litige qui fait l'objet d' «une clause spécifique, rédigée comme suit :
PROCEDURE JUDICIAIRE
Le VENDEUR déclare qu'une procédure a été intentée en 2011 à l'encontre du propriétaire de la parcelle voisine, en raison d'un empiètement par ce dernier sur le terrain, objet des présentes. En conséquence, le VENDEUR a demandé la démolition de la partie de la construction qui empiétait sur son terrain.
Les parties conviennent que le VENDEUR prendra en charge la procédure judiciaire en cours ou celles à venir relatives à ce procès, de manière à ce que l'ACQUEREUR ne soit pas inquiété ni recherché à ce sujet.
A toutes fins utiles, l'ACQUEREUR consentira au vendeur tous pouvoirs afin de poursuivre, la procédure, et dont les frais et conséquences favorables ou défavorables seront la perte ou le profit du VENDEUR» ;
qu' «ils ne pensaient pas que les Consorts [ME]-[W] allaient maintenir, pour leur compte, une demande de démolition (sous astreinte), alors qu'une telle demande relève évidemment et exclusivement du seul droit patrimonial des actuels propriétaires,'ce droit patrimonial, et surtout ce droit réel, ne pouvant évidemment être «délégué» à des tiers' » ; qu'ils ne souhaitent pas la démolition de la maison de [C] [E] ; qu'en effet, s'il y a empiètement, celui-ci serait extrêmement minime puisqu'il s'agirait d'un empiètement de moins d'1 mètre de large tout le long de la limite Sud de leur propriété ; qu'il ne leur cause pas de véritable gêne actuellement ; qu'à leur connaissance, la maison existait lorsque [C] [E] l'a acquise et qu'ils ont signé avec ce dernier un compromis de vente de son terrain et de sa maison.
[O] [K] [KY] [W], bien que régulièrement assignée à personne, n'a pas comparu.
La présente décision sera rendue contradictoirement, en application des dispositions de l'article 440-2 du code de procédure civile de la Polynésie française.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 septembre 2021.
Motifs de la décision :
Sur la recevabilité de l'appel :
La recevabilité de l'appel n'est pas discutée et aucun élément de la procédure ne permet à la cour d'en relever d'office l'irrégularité.
Sur l'objet actuel du litige :
Le 7 mai 2019, [V] [ME] et [O] [W] ont vendu aux époux [U] le bien immobilier situé à [Localité 8] section [Cadastre 1].
Ne possédant désormais aucun droit sur ce bien, ils n'ont plus qualité, ni intérêt pour engager, ni maintenir une action destinée à obtenir la démolition du mur et du débarras qui empiéteraient sur leur ancienne propriété ainsi qu'une astreinte contraignant [C] [E] à effectuer cette démolition.
Par ailleurs, les époux [U], actuels propriétaires du fonds voisin de celui de [C] [E], ne forment aucune demande de destruction à l'encontre de l'appelant.
Dans ces conditions, le jugement attaqué sera infirmé en ce qu'il a enjoint sous astreinte à [C] [E] de démolir un mur et un débarras.
Il n'en demeure pas moins que la cour doit se prononcer sur l'existence de l'empiétement dénoncé par [V] [ME] dans la mesure où celui-ci sollicite le paiement d'une indemnité d'occupation du 29 juillet 2011 jusqu'à la libération de sa propriété et qu'il possède qualité et intérêt pour le faire du 29 juillet 2011 au 6 mai 2019, période durant laquelle il était propriétaire de la parcelle cadastrée section [Cadastre 1] de la commune de [Localité 8].
Sur l'empiètement :
Il doit être, en premier lieu, souligné que [V] [ME] reproche à [C] [E] la construction d'un mur et d'un cabanon léger sur sa propriété et que le litige ne concerne pas la maison vétuste incontestablement vendue à l'appelant.
Il appartient à [V] [ME] qui se prévaut d'un empiétement de son voisin sur sa propriété de rapporter la preuve d'une telle situation.
Si les 2 photographies qu'il verse aux débats font deviner la présence d'un mur et d'une cabane, elles ne permettent pas de situer l'implantation de ceux-ci.
Et [V] [ME] ne produit aucun constat d'huissier précisant cette implantation et décrivant précisément les constructions litigieuses.
Par ailleurs et surtout, [V] [ME], qui se réfère à des documents d'arpentage, ne justifie pas d'un bornage amiable, ni judiciaire qui aurait délimité les parcelles [Cadastre 6] et [Cadastre 1].
Ainsi, la cour ne dispose d'aucun procès-verbal, ni plan de bornage informant de la superficie réelle et de la limite des parcelles voisines.
Et le plan de délimitation dressé en septembre 2007 fourni par [C] [E] établit qu'à cette date, le bornage n'était pas encore effectué.
Or, un document d'arpentage, à caractère administratif, n'est pas de nature à certifier les limites d'un bien immobilier et à prouver sa superficie.
En outre, le document d'arpentage n° 100064480 du 27 août 2007 visé à l'acte de vente du 16 janvier 2009 signé par [C] [E] et au plan cadastral du 3 mai 2007 n'est pas versé aux débats.
Et il en est de même du «document d'arpentage dressé par M. [Y] [F] en date du 25 avril 2011 enregistré par le service du cadastre sous le Numéro 100098995» visé à l'acte de vente du 29 juillet 2011 signé par les consorts [ME]-[W].
Dans ses conditions les pièces imprécises et dépourvues de valeur probante produites par [V] [ME] n'établissent pas que [C] [E] a construit un mur et un cabanon sur la propriété voisine.
Le jugement attaqué sera donc infirmé en toutes ses dispositions.
Toutefois, [C] [E] ne verse aux débats aucune pièce, attestations, constat d'huissier, devis, facture démontrant que [V] [ME] et [O] [W] sont responsables de la destruction d'une haie d'arbres et d'une clôture.
Il ne démontre pas non plus que [V] [ME] et [O] [W] aient agi de mauvaise foi et dans l'intention de lui nuire.
Les demandes de remise en état des lieux et d'indemnisation formées par [C] [E] seront ainsi rejetées.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'appelant la totalité des frais irrépétibles exposés pour sa défense et [V] [ME] ainsi que [O] [W] devront lui verser in solidum la somme de 300 000 FCP, sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.
La demande en paiement de frais exposés pour sa défense et non compris dans les dépens formée par [J] [L] à l'encontre de [C] [E] sera rejetée.
[V] [ME] et [O] [W], qui succombent à l'instance, en supporteront les entiers dépens.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
Déclare l'appel recevable ;
Infirme le jugement rendu le 20 septembre 2017 par le tribunal foncier de la Polynésie française section 1 en toutes ses dispositions ;
Rejette la demande de remise en état des lieux et la demande en paiement de la somme de 500 000 FCP, à titre de dommages-intérêts, formées par [C] [E] ;
Rejette la demande en paiement formée par [J] [L] sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
Dit que [V] [ME] et [O] [W] doivent verser in solidum à [C] [E] la somme de 300 000 FCP, sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
Rejette toutes autres demandes formées par les parties ;
Dit que [V] [ME] et [O] [W] doivent supporter in solidum les dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la Selarl Fenuavocats (Me Vincent Dubois).
Prononcé à Papeete, le 23 juin 2022.
Le Greffier, Le Président,
signé : M. SUHAS-TEVEROsigné : K. SZKLARZ