N° 196
MF B
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Copie exécutoire
délivrée à :
- Me Neuffer,
le 09.06.2022.
Copie authentique délivrée à :
- Me Grattirola,
le 09.06.2022.
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D'APPEL DE PAPEETE
Chambre Civile
Audience du 9 juin 2022
RG n° 20/00136 ;
Décision déférée à la Cour : ordonnance n° 95, rg n° 19/00232 du Juge des Référés du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete du 4 mai 2020 ;
Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 12 juin 2020 ;
Appelant :
M. [S] [O] [B], né le 23 ou 28 février 1963 à Ruutia, de nationalité française, demeurant à [Localité 2] ;
Représenté par Me Miguel GRATTIROLA, avocat au barreau de Papeete ;
Intimée :
Mme [W] [V] veuve [K], née le 11 août 1939 à [Localité 5], de nationalité française, demeurant à [Adresse 4] ;
Représentée par Me Philippe Temauiarii NEUFFER, avocat au barreau de Papeete ;
M. [A] [X], demeurant [Adresse 3]a ;
Non comparant, assigné à personne le 30 juin 2020 ;
Ordonnance de clôture du 14 janvier 2022 ;
Composition de la Cour :
La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 14 avril 2022, devant Mme BRENGARD, président de chambre, Mme PINET -URIOT, conseiller, Mme TISSOT, vice-présidente placée auprès du premier président, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt contradictoire ;
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par Mme BRENGARD, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A R R E T,
Saisi par requête délivrée par Mme [W] [V] veuve [K] produisant son titre de propriété des parcelles en cause, le président du tribunal de première instance de Papeete statuant par ordonnance de référé rendue contradictoirement le 4 mai 2020, a :
- ordonné l'expulsion de M. [S] [O] [P] [T] [B], de M. [A] [X] et de tout occupant de leur chef, au besoin avec la force publique, sous astreinte chacun, de 10'000 Fr. CFP par jour de retard dans le délai de 15 jours suivant la signification de la décision, des terres dénommées [Localité 6] 1 et 2 parcelle R3 [Cadastre 1] sises à [Localité 2] ( île de Tahiti),
- rejeté la demande d'indemnité d'occupation formulée par Mme [V] ainsi que les autres prétentions des parties,
- condamné MM. [B] et [X] à payer in solidum à Mme [V] la somme de 100'000 Fr. CFP au titre des frais irrépétibles et à payer les entiers dépens.
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Le 12 juin 2020 M. [S] [O] [B] a formé appel de cette décision suivant requête enregistrée au greffe en sollicitant l'infirmation de la décision entreprise et le débouté des demandes de Mme [V].
En ses conclusions récapitulatives et responsives déposées le 17 décembre 2021, M. [B] entend voir la cour recevoir son appel et le dire bien-fondé, puis statuant à nouveau, débouter Mme [V] de ses demandes et la condamner au paiement d'une indemnité de procédure de 226'000 Fr. CFP. en plus des dépens.
L'appelant fait valoir que Mme [V] se prévaut d'un acte notarié de propriété sur les terres en litige établi le 6 juin 1969, mais qu'elle ne prouve pas que la chaîne des titres n'a pas été rompue depuis l'origine de propriété car le notaire rédacteur de l'acte s'est arrêté à [L] [C] vendeur le 22 mars 1920 sans remonter davantage dans le temps alors que la terre litigieuse a été revendiquée au nom de [Y] a [T] dont il est le descendant car, contrairement à la thèse de Mme [V], celui-ci n'est pas décédé sans postérité.
Pour lui, il existe un doute sur la force probante de l'acte authentique question, ainsi que sur la force probante de l'acte sous seing privé transcrit le 22 mars 1920 signé du vendeur [L] [C].
En ses dernières conclusions du 24 septembre 2021, Mme [V] veuve [K] demande à la cour :
- de dire irrecevable l'appel pour absence d'intérêt juridiquement protégé de l'appelant,
- prononcer la radiation de l'affaire pour non exécution du jugement frappé d'appel et liquider l'astreinte pour un montant de 3'600'000 Fr. CFP,
- confirmer en conséquence l'ordonnance du 4 mai 2020 en toutes ses dispositions.
Elle réplique essentiellement :
- qu'elle a acquis les terres en litige d'une superficie totale de 3 ha 16 heures et 32 centiares suivant l'acte notarié du 6 juin 1969,
- que suivant constat du 1er août 2018,l'huissier a constaté sur sa propriété, la présence non autorisée de M. [S] [O] [P] [T] et que l'occupation illégale était matérialisée par des inscriptions mentionnées sur les poteaux ainsi que par des grillages et des chaînes rendant inaccessibles les parcelles situées en amont,
- que le 6 août 2018, une sommation de déguerpir a été délivrée au défendeur sans succès,
- qu'en ce qui concerne M. [X], un constat de la police municipale du 18 avril 2019 a montréqu'il occupait illégalement les lieux en construisant de cabane dans lesquelles il installe ses amis,
- que le nombre de squatters augmente de sorte qu'elle a saisi le tribunal pour faire cesser cette situation.
Pour elle,
l'appel est irrecevable car l'action a pour objet de permettre le maintien d'une situation illicite.
L'affaire doit être radiée pour défaut d'exécution du jugement.
L'action est sans fondement puisque ses contradicteurs n'ont pas de titres à faire valoir sur sa propriété, son acte de propriété ayant été publié et enregistré il y a plus de 30 ans.
M. [A] [X] a été régulièrement assigné à sa personne pour comparaître devant la cour suivant acte d'huissier remis à sa personne le 30 juin 2020 qu'il a refusé de signer. Il n'a pas constitué avocat. L'arrêt sera rendu contradictoirement en application de l'article 281 alinéa 2 du code de procédure civile de Polynésie française.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 janvier 2022.
Motifs de la décision :
Sur la recevabilité de l'appel :
M. [B] a intérêt à agir puisqu'il a été condamné à l'expulsion par l'ordonnance de référé qu'il conteste par la voie de l'appel.
Sur le bien-fondé de l'appel :
L'article 432 du code de procédure civile dispose que le président peut toujours prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'impose, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dès lors, les motifs développés par M. [B] devant la cour qui statue en référé, sont inopérants car :
- il n'est pas contesté que Mme [V] a un titre constitué par un acte notarié régulièrement publié pour établir son droit de propriété sur les terres occupées par M. [B],
- de son côté, l'appelant n'est pas en mesure de se prévaloir d'un titre de valeur probante équivalente, ni même d'un faisceau d'éléments concrets pour étayer ses allégations d'une erreur du notaire dans l'établissement de l'historique de la chaine des propriétaires de la terre [Localité 6] 1 et 2,
- en tout état de cause, le juge des référés n'est pas compétent pour trancher le problème de fond invoqué par M.[B] au titre d'une revendication de propriété, mais il a compétence au sens de l'article 432 pour constater que la partie adverse justifie d'une atteinte à sa propriété et prescrire les mesures de remise en état qui s'imposent,
- l'occupation illicite dont se plaint Mme [V] est confirmée par les constatations d'un huissier de justice (pv du 21 février 2021) illustrant les actes apparents de prise de possession : par exemple, l'implantation au début du chemin d'accès à la parcelle, ainsi libellé : 'entrée interdite [Localité 6] 2 PRIVEE TERRE [T] [P] - SOUS POURSUITES !!'.
La demande d'expulsion de MM. [O] [P] [T] et de M. [A] [X] était donc fondée puisque les occupants étaient sans droit ni titre les autorisant à se maintenir sans autorisation sur la propriété de Mme [V]. Du reste, M. [X] bien que régulièrement assigné, n'a pas souhaité se faire représenter devant la cour, ce qui induit qu'il a acquiescé à la décision de première instance.
Dans ces conditions, il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise.
Sur les autres demandes de Mme [V] :
La cour ne peut liquider l'astreinte qui constitue l'une des dispositions de l'ordonnance qui lui est déférée par l'appel de M. [B], et qui, en tout état de cause, demeure de la compétence du premier juge.
La cour n'a pas compétence pour radier pour non exécution, la décision qui est frappée d'appel.
Sur les frais de procédure :
M. [S] [O] [B] dont l'appel est totalement dépourvu de fondement, sera condamné aux dépens d'appel et au paiement d'une indemnité de procédure d'appel à Mme [V].
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
Vu l'appel de M. [S] [O] [B] ;
Le déclare recevable en la forme ;
Au fond déboute l'appelant des causes de son appel dépourvu de fondement ;
Confirme l'ordonnance dont appel, en toutes ses dispositions ;
Déboute Mme [V] de ses plus amples demandes ;
Condamne, en outre, M. [B] appelant, au paiement des dépens d'appel ainsi que d'une somme de 200 000 Fr. au titre des frais irrépétibles d'appel.
Prononcé à Papeete, le 9 juin 2022.
Le Greffier, Le Président,
signé : M. SUHAS-TEVEROsigné : MF BRENGARD