N° 58
MF B
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Copies authentiques
délivrées à :
- Me Bouyssie,
- Me Piriou,
le 09.06.2022.
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D'APPEL DE PAPEETE
Chambre Sociale
Audience du 9 juin 2022
RG 20/00041 ;
Décision déférée à la Cour : arrêt n°678 FC-D de la Cour de Cassation de Paris di 17 avril 2019 ayant cassé l'arrêt n° 75, rg n° 15/00365 de la Cour d'Appel de Papeete du 6 juillet 2017 ensuite de l'apel du jugement n°15/00125, rg n° F 14/00009 du Tribunal du Travail de Papeete du 20 juillet 2015;
Sur requête après cassation reçue au greffe de la Cour d'Appel de Papeete sous le n° 41/SOC/2020 le 17 mars 2020 ;
Demanderesse :
L'Association Médecine du Travail de la CGPM de la Polynésie fançaise, Te Pupu o te Ohipa dont le siège social est sis à [Adresse 1], prise en la personne de son Président;
Représentée par Me Benoît BOUYSSIÉ, avocat au barreau de Papeete ;
Intimé :
M. [Z] [G], né le 27 avril 1942 à [Localité 3], de nationalité française, médecin, demeurant [Adresse 4] ;
Ayant pour avocat la Selarl Jurispol, représentée par Me Yves PIRIOU, avocat au barreau de Papeete ;
Ordonnance de clôture du 11 février 2022 ;
Composition de la Cour :
Vu l'article R 312-9 du code de l'organisation judiciaire ;
Dit que l'affaire, dont ni la nature ni la complexité ne justifient le renvoi en audience solennelle, sera jugée, en audience ordinaire publique du 14 avril 2022, devant Mme BRENGARD, président de chambre, Mme PINET-URIOT et M. SEKKAKI, conseillers, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt contradictoire ;
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par Mme BRENGARD, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A R R E T,
Par contrat de travail à durée indéterminée de médecin du travail relevant des services interentreprises, M. [G] a été engagé par l'association Médecine du travail de la CGPME de Polynésie française - Te Pupu Taote Ohipa (l'association) à compter du 6 octobre 2003, en qualité de médecin du travail.
Par lettre du 25 avril 2013, l'association a informé le salarié de son intention de le mettre à la retraite. S'agissant d'un salarié protégé, l'association a sollicité l'autorisation de l'inspection du travail de procéder à la mise à la retraite de M. [G] mais par décision du 9 octobre 2013, elle lui a été refusé. Par lettre du 24 octobre 2013, l'association a donc écrit à M. [G] qu'au regard de la décision de l'inspection du travail, elle lui confirmait que la relation de travail les unissant, devait se poursuivre dans les conditions contractuellement prévues.
Cependant, le 4 décembre 2013, M. [G] a pris acte de la rupture du contrat de travail par une lettre remise en mains propres à son employeur le même jour, libellée comme suit:
«J'ai le regret, aux termes des présentes, de vous notifier ma décision de prise d'acte de rupture de mon contrat de travail à compter, de ce jour, 4 décembre 2013, au terme de dix années de bons et loyaux services, où, en ma qualité, notamment de coordinateur médical, j'ai toujours souhaité privilégier la communication interne, médecin- direction, afin d'assurer la bonne marche du service, dans le souci constant du respect du Code du travail et de la déontologie médicale, au service des adhérents et des salariés.
"Je vous rappelle notamment que je n'ai jamais été absent et ai toujours fait preuve d'une disponibilité permanente, animé d'une volonté constante d'assurer la cohésion du service pour offrir aux adhérents un soutien de qualité.
"Néanmoins, depuis quelques mois et à la suite de deux incidents, objectivement dérisoires, nos relations se sont, de votre seul fait, détériorées et ont débouché sur une tentative d'éviction dans des conditions particulièrement choquantes, qui m'ont gravement affecté et que j'ai vécues comme une véritable trahison.
"Lors de mon retour de congés à la mi-septembre 2012, j'ai trouvé mes confrères (je vous rappelle que je suis médecin coordinateur) dans un état de quasi fronde. Ils étaient particulièrement affectés et émus par la circonstance qu'avait été engagée, en qualité de secrétaire médicale, la compagne du Président de l'Association, sans avoir été consultés préalablement, alors que les fonctions de secrétaire médicale à l'AMT/CGPME requièrent des compétences spécifiques dont la personne retenue manquait manifestement.
"Ils m'ont alors présenté une pétition, dont les termes particulièrement vifs, voire virulents, m'ont amené à penser qu'il était de mon rôle de coordinateur, de les modérer, même si sur le fond, je partageais leurs préventions.
"C'est donc dans ces conditions que j'ai été amené à adresser à Monsieur le Président de l'Association, le 9 novembre 2012, une correspondance aux termes de laquelle j'exposais les réserves des médecins et indiquais que les praticiens étaient légitimement fondés à prétendre être associés et consultés dans le cadre du processus de sélection.
"Certes, j'ai commis, j'en prends conscience aujourd'hui, «l'erreur» de substituer à une pétition une correspondance exclusivement signée de moi, en ma qualité de médecin coordinateur.
"Avec le recul, il est manifeste qu'à compter de cet échange, je n'étais plus «en odeur de sainteté».
"J'en ai encore eu confirmation lors d'un incident particulièrement dérisoire qui s'est produit en avril 2013 à mon retour de congés.
"J'ai repris le travail avec deux jours de retard en raison d'un report de vol dont je n'ai été informé que lors de mon transit à [Localité 2], la veille du départ. Je n'ai pas été en mesure de joindre la direction par téléphone pour l'informer de ce contre temps. Cet incident me paraissait d'ailleurs bénin et je ne m'en suis pas inquiété.
"Dès mon retour, j'ai été accaparé par des consultants. Je n'ai donc pas pu rencontrer la direction.
alors que dans les moments de disponibilité, notamment à la pause de midi, vous étiez absent et le soir, votre bureau était fermé. Le vendredi 26 avril au matin, des consultations étaient programmées jusqu'à 10 heures, je prévoyais donc de terminer les examens cliniques avant de me présenter à vous. Ce projet a été contrecarré par votre irruption dans mon bureau, entre deux consultations, me remettant :
- un document de régularisation en congés de mes deux jours de retard,
- une lettre m'informant de ma mise à la retraite, sans aucune explication ni commentaire.
"J'ai dû attendre un mois pour bénéficier d'un entretien et recevoir quelques vagues explications, il en ressortait que la direction avait été «vexée» de n'avoir pas été informée de mon retour retardé.
"Il m'a explicitement été exposé que cette démarche constituait la sanction de mon absence et que la direction avait été déçue par mon comportement.
"Je vous ai fait part de ma surprise, il s'agit d'un euphémisme, et vous ai rappelé que j'avais tenté en vain de vous prévenir comme de vous rencontrer à mon retour, mais nos impératifs respectifs ne nous en avaient pas laissé le temps.
"Vous avez par ailleurs totalement négligé le fait qu'en ma qualité de médecin du travail, j'avais la qualité de salarié protégé.
"Il a donc fallu, ce que vous n'aviez pas prévu, demander l'autorisation de procéder à ma mise à la retraite, après consultation du Médecin Inspecteur.
"Après une enquête contradictoire, Madame l'Inspecteur du Travail vous a notifié, le 9 octobre 2013, une décision de refus dont les motivations ne laissent aucun doute sur le sens de la démarche entreprise à mon encontre.
"Il est relevé que :
- La demande de mise à la retraite ne s'inscrit pas dans un plan général de réorganisation du service, aucune explication justifiant l'organisation n'a été fournie.
- Je ne suis pas le médecin le plus âgé, deux autres confrères, plus âgés, ne sont pas visés par une demande de mise à la retraite.
- L'existence d'un lien entre mon statut protecteur et la demande de mise à la retraite.
- L'existence d'une discrimination à mon préjudice.
"Bien que vous ayez en définitive été contraint, face à la décision de l'Inspection du Travail et à ses motivations, de renoncer à ma mise à la retraite, puisque vous m'avez notifié, le 24 octobre 2013, que vous acceptiez cette décision, je considère que vous avez gravement manqué à vos obligations. Il n'est en effet pas raisonnablement envisageable que je poursuive mon activité dans un tel climat de suspicion et de défiance puisqu'aussi bien est-il manifeste que vous avez tenté de m'évincer de manière injustifiée et infondée, sous couvert d'une prétendue mise à la retraite, dans les conditions relevées par l'Inspection du Travail, conditions que vous ne contestez d'ailleurs pas.
"J'ajoute que j'éprouve actuellement une véritable souffrance mentale au travail. Je suis donc dans l'obligation, pour me protéger et prévenir d'éventuelles complications, d'interrompre sans délai ma collaboration.
"Je vous informe donc que je cesserai mon activité le 4 décembre prochain».
***
Dans ce courrier, M. [G] reprochait donc à son employeur une tentative d'éviction dans des conditions qu'il estimait particulièrement choquantes.
***
Suivant requête du 7 janvier 2014, M. [G] a saisi le tribunal du travail de Papeete, aux fins d'obtenir principalement que sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail soit jugée comme produisant les effets d'un licenciement nul et abusif et qu'il lui soit alloué des indemnités en rapport avec ce licenciement irrégulier et également, pour non-respect de son statut protecteur.
Par requête du 8 janvier 2014, l'association a saisi le tribunal administratif de la Polynésie française aux fins d'annulation de la décision de refus de mise à la retraite prise par l'inspection du travail le 9 octobre 2013. Par jugement du 4 novembre 2014, le juge administratif a rejeté la requête de l'association.
***
En son jugement n° 15/00125 du 20 juillet 2015 (RG N°F 14/00009), le tribunal du travail de Papeete a,
- dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur ;
- alloué à [Z] [G] :
*la somme de 3 812 000 Xpf bruts, à titre d'indemnité compensatrice de préavis, avec intérêts au taux légal à compter du 9 janvier 2014, date de l'enregistrement de la requête introductive d'instance,
*la somme de 381 200 Xpf bruts, à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, avec intérêts au taux légal à compter du 9 janvier 2014, date de l'enregistrement de la requête introductive d'instance,
* la somme de 953 000 Xpf, à titre d'indemnité légale de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du 9 janvier 2014, date de l'enregistrement de la requête introductive d'instance,
* la somme de 11 436 000 Xpf, à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
* la somme de 5 718 000 Xpf, à titre d'indemnité pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
* la somme de 953 000 Xpf, à titre d'indemnité pour licenciement abusif, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;
- ordonné l'exécution provisoire de la décision ;
- alloué à [Z] [G] la somme de 200 000 Xpf, sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
- mis les dépens à la charge de l'association «Médecine du Travail de la CGPME de Polynésie française».
***
Aux termes d'un arrêt n°75 rendu le 6 juillet 2017 (RG 15/00365), la cour d'appel de Papeete a confirmé le jugement précité, sauf en ses dispositions relatives à l'indemnité pour violation du statut protecteur et au montant de l'indemnité pour licenciement abusif, et, l'infirmant sur ces points, a rejeté la demande formée par le salarié au titre de l'indemnisation de la violation du statut protecteur et dit que l'association doit verser au salarié la somme de 4 000 000 Xpf à titre d'indemnité pour licenciement abusif.
***
Sur le pourvoi principal de l''association et le pourvoi incident de M. [G], la chambre sociale de la Cour de cassation, statuant par arrêt n°678 rendu le 17 avril 2019 ( pourvoi n° 17-26.702), a jugé comme suit :
'Vu la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble le principe de la séparation des pouvoirs ;
(...)
Attendu que, pour dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail du salarié doit s'analyser en un licenciement nul, l'arrêt retient que ce serait méconnaître le principe de séparation des pouvoirs et l'autorité de la chose décidée par l'autorité administrative que de ne pas constater le caractère discriminatoire du projet conçu par l'association «Médecine du Travail de la CGPME de Polynésie française » à propos de sa relation de travail avec le salarié et que les motivations de ce projet de mise à la retraite, auquel l'association n'a renoncé qu'en raison du défaut d'autorisation et auquel elle attachait de l'importance puisqu'elle a formé un recours contre la décision de l'inspectrice du travail, constituent un manquement grave à ses obligations contractuelles ;
Qu'en se déterminant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'association de médecine du travail, employeur, avait renoncé à la mise à la retraite du salarié, que la rupture du contrat de travail résultait de la prise d'acte par ce dernier de la rupture du contrat, que le salarié était âgé de plus de 70 ans lors de cette prise d'acte, par des motifs insuffisants à établir l'existence de manquements de l'employeur rendant impossible la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail liant M. [G] à l'association Médecine du travail de la CGPME de Polynésie française produit les effets d'un licenciement nul et, en conséquence, condamne l'association Médecine du travail de la CGPME de Polynésie française à payer à M. [G] les sommes de 3 812 000 Xpf bruts d'indemnité compensatrice de préavis, de 381 200 Xpf bruts d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis et de 953 000 Xpf d'indemnité légale de licenciement et la somme de 4 000 000 Xpf, à titre d'indemnité pour licenciement abusif, l'arrêt rendu le 6 juillet 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Papeete, autrement composée ; (...)'
***
Suivant mémoire d'appel après cassation déposé le 17 mars 2020, l'association Médecine du travail de la CGPME de Polynésie française - Te Pupu Taote Ohipa a saisi la cour d'appel de renvoi et en ses conclusions récapitulatives du 6 septembre 2021, elle demande à la cour, statuant après infirmation du jugement en ce qu'il a dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail liant M. [G] à l'association produisait les effets d'un licenciement nul et en ce qu'il a alloué une indemnité pour licenciement abusif à M. [G],
- de dire et juger que la mise en 'uvre à compter du 25 avril 2013, de la procédure de mise à la retraite de M. [G] ne procède d'aucune discrimination,
- constater que la prise d'acte de rupture intervenue le 4 décembre 2013 ne repose sur aucun manquement de l'employeur faisant obstacle à la poursuite du travail est produit les effets d'une démission,
- débouter, en tout état de cause, M. [G] de toutes ses demandes indemnitaires fondées sur le licenciement,
- le condamner en tant que de besoin à restituer à l'association les sommes allouées au titre des indemnités de licenciement, en ce compris l'indemnité de licenciement de 4 000 000 XPF versée en exécution de l'arrêt annulé, et à payer la somme de 500'000 XPF au titre de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française outre les dépens de l'instance.
À l'appui de son recours, l'association fait valoir, en substance, que,
- au vu de la décision prise le 9 octobre 2013 par l'inspection du travail de refuser l'autorisation de mise à la retraite de M.[G], elle a renoncé à son projet de rompre le contrat avec celui-ci dans ces conditions, et que par courrier du 24 octobre 2013, elle lui a signifié sans ambiguïté que leur relation de travail devait se poursuivre normalement ;
- le 29 octobre 2013 elle a établi une note de service pour rappeler à son personnel que toute visite en milieu de travail exigeait le remplissage d'un formulaire et le dépôt de ce formulaire 72 heures avant le déplacement prévu, et celui d'un autre formulaire à retourner après le déplacement dans les 48 heures du déplacement, mais que par une note du 7 novembre 2013 le Docteur [G] s'est opposé à cette note avec une violence invraisemblable et un grand mépris ;
- le 7 novembre 2013, à la suite d'une nouvelle note dans laquelle la direction de l'association tentée d'optimiser son efficacité tout en ménageant sa trésorerie, M.[G] s'est plaint d'une avalanche de décisions brutales, en y ajoutant des propos insultants, si bien que l'association a annulé cette note pour apaiser le litige ;
- néanmoins, le 4 décembre 2013, M.[G] adressait le courrier de prise d'acte de la rupture du contrat de travail avec effet immédiat ;
- par courrier en réponse du 27 décembre 2013, l'association réfutait point par point les griefs du médecin, qui n'a pas pris la peine de répondre à cette correspondance, mais saisissait le tribunal pour demander près de 37 millions de francs d'indemnités diverses ;
- dans le jugement frappé d'appel, le tribunal a fait droit à toutes les demandes du salarié ; elle s'est acquittée du paiement des condamnations assorties de l'exécution provisoire de droit soit la somme de 3 812 000 xpf , mais pour le surplus a obtenu l'autorisation du Premier président de suspendre l'exécution provisoire en attendant le jugement sur le fond, puis elle a encore réglé la somme supplémentaire accordée en appel au titre de l'augmentation de l'indemnité pour licenciement abusif soit 4 millions xpf.
Elle soutient ainsi,
- Sur la prise d'acte, que le tribunal a considéré à tort que le projet de mise à la retraite portait en lui-même un caractère discriminatoire en ce que l'association n'y avait renoncé qu'en raison du refus administratif de l'autorisation de licenciement et qu'ainsi la prise d'acte produisait les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur ;
- que la cour d'appel y a ajouté que ce serait méconnaître le principe de séparation des pouvoirs et de l'autorité de la chose jugée par l'autorité administrative de ne pas constater le caractère discriminatoire du projet de mise à la retraite, alors qu'il appartient précisément au juge judiciaire d'apprécier les motifs qui sont le soutien nécessaire de la décision administrative pour dire si la prise d'acte constitue ou pas un licenciement nul ;
- que la cour d'appel a été censurée par la Cour de cassation pour ne pas avoir vérifié si le salarié invoquait des faits graves à l'encontre de l'employeur de nature à justifier une prise d'acte produisant les effets d'un licenciement nul, sans s'arrêter à la décision administrative elle-même ;
- Sur l'absence de discrimination, que la différence de traitement fondée sur l'âge ne constitue pas une discrimination lorsqu'elle est est objectivement et raisonnablement justifiée dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment de politique de l'emploi, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires ; qu'en tout état de cause le salarié a pris acte de la rupture de contrat de travail au motif que l'employeur envisageait de le mettre à la retraite avant d'y renoncer ;
- que les conditions légales de mise à la retraite telle que fixées aux articles LP 1223-6 et suivants de la loi du pays de la Polynésie française étaient réunies, contrairement à ce qu'a jugé l'administration en retenant que des salariés plus âgés n'avaient pas été concernés par le projet de retraite ou qu'un plan de réorganisation de service n'était pas présenté ou encore que la demande de mise à la retraite faisait suite à un conflit entre l'employeur et le salarié ; qu'un employeur peut incontestablement choisir le salarié qui souhaite mettre à la retraite ;
- Sur les conséquences de la prise d'acte, la cour de renvoi est liée par la motivation de l'arrêt de la Cour de cassation et ne pourra donc que constater que la prise d'acte produit les effets d'une démission et non d'un licenciement nul.
En ses conclusions en réponse du 3 juin 2021, M. [Z] [G] entend voir la cour,
Confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la prise d'acte de rupture produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur,
Dire et juger que le licenciement est nul et abusif,
Condamner l'association au paiement des sommes suivantes :
= indemnité compensatrice de préavis :3'812'000xpf
= indemnité compensatrice de congés sur préavis : 381'200xpf =indemnité pour licenciement nul 9'530'000xpf = dommages-intérêts pour licenciement abusif9'530'000xpf = indemnité légale de licenciement :953'000xpf
Dire que les sommes dues au titre du préavis, de l'indemnité compensatrice du préavis et légal de licenciement porteront de plein droit intérêt à compter de la requête introductive d'instance et que les autres sommes porteront intérêt à compter du jugement,
Condamner l'association au paiement de la somme de 550'000xpf au titre des frais irrépétibles, en plus des entiers dépens.
Pour M. [Z] [G],
- Il prend acte de ce que la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel qui avait infirmé le jugement ayant accordé une indemnité pour violation du statut protecteur, et ne réclame plus une telle indemnité devant la cour de renvoi ;
- en revanche, la cassation remet en état la qualification de la prise d'acte et ses conséquences, et il est donc fondé à réclamer des indemnités pour licenciement nul car contrairement à ce que soutient l'association, en sa qualité de médecin du travail, il était salarié protégé;
- il n'a jamais envisagé de prendre sa retraite et seuls, les faits imputables à son employeur l'ont résolu à prendre acte de la rupture ;
- en sa qualité de salarié protégé, il était fondé à prendre acte de la rupture aux torts de son employeur dont il a établi les manquements graves ne permettant pas la poursuite du contrat de travail ; à cet égard la décision de rejet de l'autorisation de l'inspection du travail est édifiante en ce qu'elle relève d'une part, un lien entre la demande et le statut protecteur de M.[G], et d'autre part, une discrimination ;
- la mise à la retraite exclusivement fondée sur l'âge constitue également une discrimination ;
- le principe de séparation des pouvoirs interdit au judiciaire d'apprécier la légalité de la décision de rejet du 9 octobre 2013 du fait de l'autorité de chose décidée, de sorte qu'il est établi qu'il a été victime de discrimination et que la demande d'autorisation de mise à la retraite est liée à son statut et à son activité de médecin du travail, de sorte que l'association a bien méconnu les dispositions essentielles régissant le contrat de travail ;
- l'employeur ne dispose pas d'un droit discrétionnaire à la mise à la retraite d'un salarié et le tribunal administratif a jugé que la demande relevait d'une discrimination fondée sur l'âge, ce qui rend discriminatoire, la tentative d'éviction dont il a été victime sous couvert d'une demande d'autorisation de mise à la retraite;
- le projet de son éviction s'est concrétisé à son retour de vacances le 25 avril 2013 après qu'il soit revenu avec deux jours de retard dû un décalage de vol imprévu au départ de [Localité 2] et sans qu'il ait pu prévenir son directeur malgré plusieurs appels téléphoniques, et à partir de cet évènement, l'employeur n'a eu de cesse de se débarrasser de lui ;
- il n'avaitjamais envisagé de prendre sa retraite et la négociation des conditions de son départ est une initiative prise par son employeur après une convocation du 1er août 2013 par le médecin inspecteur du travail ;
- en réalité l'employeur a tenté de l'évincer pour diverses raisons, en particulier le fait qu'il ait été perçu, à tort, comme un opposant à l'évolution recherchée par la direction; l'employeur avait également pris pour prétexte, la réorganisation et une adaptation à la nouvelle réglementation, mais entre 1998 et 2003, il avait participé activement à la réforme de la médecine du travail de sorte qu'il était titulaire d'une solide connaissance théorique et d'une expérience appliquée à cette évolution. Son excellence professionnelle est d'ailleurs attestée par ses confrères dont l'un le Docteur [J] est plus âgé que lui.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 février 2022.
Motifs de la décision :
Devant la cour d'appel de céans, cour de renvoi après cassation, M. [G] déclare ne pas contester la portée de l'arrêt de cassation partielle et ne sollicite plus d'indemnité pour violation du statut protecteur.
Il réclame le paiement d'indemnités de licenciement en faisant valoir que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail, dans le contexte de ses relations avec l'association, équivaut à un licenciement nul.
Dans le dispositif de ses conclusions, il sollicite encore la confirmation du jugement 'en ce qu'il a dit que la prise d'acte de rupture produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur' après avoir longuement argumenté sur les agissements de son employeur qui, sous couvert d'un projet irrégulier de mise à la retraite, auraient eu pour finalité de le licencier en raison de son statut de salarié protégé .
Pour autant, la cour constate que M. [G] renonce à demander l'indemnité forfaitaire spéciale allouée pour un licenciement pour violation du statut protecteur d'un salarié protégé et qu'il indique prendre acte de la motivation de l'arrêt de la cour de cassation, et enfin, qu'il demande également à la cour de 'Dire et juger' que le licenciement est nul et abusif, se plaçant ainsi sur le terrain juridique du licenciement sans cause réelle et sérieuse .
Il est en effet acquis que la prise d'acte produit, s'agissant de salariés non protégés, les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire d'une démission; Si le salarié est protégé, la prise d'acte justifiée produit les effets d'un licenciement nul.
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M. [G] fonde son argumentation, sur la décision de l'inspection du travail ayant refusé sa mise à la retraite et sur le jugement du tribunal administratif ayant confirmé le bien-fondé de cette décision, en rejetant la requête en annulation de l'association.
L'inspection du travail a retenu en substance, que M. [G] n'était pas le salarié le plus âgé et que la demande de mise à la retraite était motivée par la mise en oeuvre d'un plan général de réorganisation dont la réalité n'était pas justifiée par l'employeur et que l'enquête contradictoire avait permis d'établir un lien entre la demande de mise à la retraite et le statut protecteur de M. [G] de sorte qu'il existait une discrimination.
Le juge administratif a confirmé cette analyse en insistant sur le caractère discriminatoire de la mesure de mise à la retraite envisagée contre M. [G] qui n'est pas le plus âgé des médecins du travail et qui a fait l'objet de ce projet de mise à la retraite à partir du 25 avril 2013, après son retour de congé différé de 2 jours, et dans un contexte de relations tendues avec la direction à propos d'un litige sur le recrutement d'une secrétaire médicale.
Or, le juge judiciaire doit rechercher en premier lieu, si la prise d'acte de la rupture du contrat de travail était équivoque.
En l'espèce, la cour relève les éléments suivants :
- A la date à laquelle il a rédigé et envoyé sa lettre du 4 décembre 2013 développant divers griefs à l'égard de son employeur et prenant finale-ment acte de la rupture de leur relation contractuelle, il était informé depuis le 24 octobre 2013 de ce que son employeur avait renoncé à son projet de mise à la retraite. M.[G] l'admet d'ailleurs à la fin de son courrier.
Si M. [G] a ensuite soutenu que l'employeur n'avait finalement pas renoncé à son projet puisqu'il avait saisi le tribunal administratif de l'annulation de la décision de refus de l'inspection du travail, il est donc acquis qu'au jour de la prise d'acte, il l'ignorait encore. Et du reste, l'employeur n'a saisi le tribunal administratif que par requête du 8 janvier 2014, soit postérieurement à la requête présentée par M. [G] le 7 janvier au tribunal du travail.
Dès lors, comme le fait observer l'association, son projet de mettre le salarié à la retraite ne pouvait être pris en compte par M. [G] puisqu'elle y avait renoncé et avait, de manière claire, exprimé son intention de se conformer à la décision de refus de l'inspection du travail et de poursuivre ses relations professionnelles avec le salarié .
En outre, dans ses conclusions, M. [G] ne précise pas en quoi le seul fait que l'association ait envisagé de se passer de ses services en le mettant à la retraite, a rendu psychologiquement, moralement ou affectivement, impossible, la poursuite du contrat de travail étant rappelé qu'à ce stade la poursuite matérielle était acceptée par l'employeur. Il est bien produit aux débats une attestation du Docteur [V] déclarant que son confrère, M. [G] a été considérablement déstabilisé par la situation qu'il a vécu comme une vexation, avec beaucoup d'amerture et de souffrance mentale, mais ceci ne décrit que l'état d'esprit du sujet et n'apporte aucun élément concret à l'appui de la thèse de l'intimé.
- Quoiqu'il en soit, M. [G] ne justifie pas avoir adressé de courrier à son employeur - avant la lettre de prise d'acte - pour se plaindre des actes décrits dans ladite lettre. Il admet dans une certaine mesure que la situation s'est dégradée après son retour de métropole tardif et non excusé du 25 avril 2013, mais ne verse pas de pièce de nature à corroborer ses allégations selon lesquelles le projet de retraite visait en réalité, à le sanctionner pour ce manquement. En effet, s'il indique que la remise en mains propres d'une lettre, le 26 avril 2013 à son retour de congé constituait une sanction pour son retard, rien ne vient corroborer ses assertions puisqu'il n'a été l'objet d'aucune sanction même légère à la suite de cet incident.
Dans sa lettre de prise d'acte, M. [G] invoque, en termes vagues, 'un climat de suspicion et de défiance' dû à la tentative d'éviction, mais sans produire les pièces permettant d'identifier les éléments concrets correspondant.
Du reste, le salarié n'a pas répondu au courrier que lui a adressé l'association en réponse à sa lettre de prise d'acte, en discutant point par point, les affirmations qui y étaient contenues.
- Au surplus,à la date du projet de mise à la retraite M. [G] qui était âgé de 70 ans ( pour être né le 27 avril 1942) , n'établit pas par les éléments juridiques adéquats, que le projet était discriminatoire à son égard, ce qui aurait pu rendre moralement impossible la poursuite des relations de travail.
En effet, c'est à tort qu'il affirme que,
- la prise en compte de l'âge constitue une discrimination en application de la Loi de Pays n°2013-6 du 21 janvier 2013 ayant modifié l'article Lp 1121-2 du code du travail : en effet, ce texte ne s'applique qu'à l'offre d'emploi et non à un projet de retraite,
- l'article Lp 1121-2 interdit la discrimination dans différentes procédures de recrutement, stage, formation, etc..., en cours d'exécution mais ne vise pas non plus la mise à la retraite.
Pour sa part l'association justifie sa position en se prévalant de l'application des articles Lp 1223-2 et suivants du code du travail de Polynésie française, qui autorise l'employeur à envisager de mettre fin au contrat de travail d'un salarié qui est âgé de plus de 65 ans quand il réunit les conditions d'une durée d'assurance ouvrant droit à pension de retraite dite de la tranche A du régime de retraite des salariés de Polynésie française.
Enfin, peu importe que d'autres médecins du travail aient été plus âgés que M. [G], dès lors que ce dernier n'établit pas par des éléments matériels concrets, qu'ils étaient dans une situation comparable et qu'en tout état de cause, la différence de traitement entre les retraités selon la date de liquidation de leur retraite, n'est pas une discrimination .
Dès lors, il apparaît que M. [G] a décidé de mettre fin à ses relations de travail avec l'association, en dépit du fait que celle-ci lui avait notifié avoir renoncé à demander sa mise à la retraite. Il conclut d'ailleurs sa lettre de prise d'acte, par des termes équivoques : ' Je suis donc dans l'obligation, pour me protéger et prévenir d'éventuelles complications, d'interrompre sans délai ma collaboration.' . Or, M. [G] a été réembauché par l'association Sistra (Service Interentreprises de Santé du Travail) dès le 26 mai 2014 et même si son nouvel employeur atteste d'avoir lui-même contacté le salarié après avoir appris son départ de l'association AMT CGPME, il s'est écoulé moins de 6 mois entre la prise d'acte de rupture du contrat de travail à effet immédiat notifiée le 4 décembre 2013 et son nouvel emploi.
En conséquence, sans avoir égard aux autres moyens, la cour, statuant dans les limites de sa saisine, infirmant le jugement entrepris, constatant que la prise d'acte de la rupture des relations de travail notifiée par M.[G] le 4 décembre 2013 est une démission, rejettera l'ensemble des demandes de celui-ci.
Il n'y a pas lieu d'ordonner la restitution des sommes reçues par M. [G] au titre de l'exécution provisoire, la signification du présent arrêt anéantissant le jugement entrepris, rendant sans cause la perception desdites sommes indues.
M. [G] succombe et devra supporter les dépens. Pour autant, au regard de la nature sociale du litige et de sa complexité, la cour déboutera l'association de sa demande présentée au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière sociale et en dernier ressort ;
Vu l'appel de l'Association Médecine du Travail de la CGPME ;
Vu l'arrêt rendue le 6 juillet 2017 par la chambre sociale de la cour d'appel de Papeete ;
Vu l'arrêt de cassation partielle rendu par la chmabre sociale de la Cour de cassation le 17 avril 2019 ;
Statuant dans les limites de sa saisine après renvoi ;
Infirmant le jugement entrepris et statuant à nouveau ;
Dit que la prise d'acte de rupture du contrat de travail notifiée par M. [G] le 4 décembre 2013 produit les effets d'une démission ;
Déboute en conséquence, M. [G] de ses demandes indemnitaires présentées au titre du licenciement nul et abusif ;
Condamne M. [G] aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
Rejette les autres demandes plus amples ou contraires y compris celles au titre de l'article 407 du code de procédure civile de Polynésie française.
Prononcé à Papeete, le 9 juin 2022.
Le Greffier, Le Président,
signé : M. SUHAS-TEVEROsigné : MF BRENGARD