N° 153
MF B
--------------
Copie exécutoire
délivrée à :
- Me Lamourette,
le 12.05.2022.
Copie authentique
délivrée à :
- Me Dumas,
le 12.05.2022.
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D'APPEL DE PAPEETE
Chambre Civile
Audience du 12 mai 2022
Rg n° 18/00389 ;
Décision déférée à la Cour : jugement n° 26, rg n° 15/00523 du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete du 13 février 2018 ;
Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 9 octobre 2018 ;
Appelante :
Mme [LN] [F], née le 7 septembre 1992 à [Localité 6], de nationalité française, demeurant à [Adresse 4] ;
Représentée par Me Mathieu LAMOURETTE, avocat au barreau de Papeete ;
Intimés :
Mme [S] [B], née le 9 octobre 1995 à [Localité 6], demeurant à [Adresse 3] ;
Représentée par Me Brice DUMAS, avocat au barreau de Papeete ;
Mme [Z] [H] [F], épouse [C], née le 9 octobre 1995 à [Localité 6], de nationalité française, demeurant à [Adresse 5]
M. [P] [B], demeurant à [Adresse 3] ;
Mme [X] [B], demeurant à [Adresse 3] ;
Mme [W] [B], demeurant à [Adresse 3] ;
Mme [M] [B], demeurant à [Adresse 3];
M. [Y] [B], demeurant à [Adresse 3] ;
Mme [K] [B], demeurant à [Adresse 3] ;
Représentés par Me Mathieu LAMOURETTE, avocat au barreau de Papeete ;
Ordonnance de clôture du 11 février 2022 ;
Composition de la Cour :
Après communication de la procédure au ministère public coformément aux articles 249 et suivants du code de procédure civile de la Polynésie française, et après que la cause ait été débattue et plaidée en audience non publique du 10 mars 2022, devant Mme BRENGARD, président de chambre, M. RIPOLL, conseiller, Mme TISSOT, vice-présidente placée auprès du premier président, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt contradictoire ;
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par Mme BRENGARD, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A R R E T,
Suivant requête enregistrée le 21 mai 2015, Mme [LN] [F] née le 7 septembre 1992 a saisi la chambre de la famille du tribunal de première instance de Papeete aux fins de faire établir sa filiation à l'égard de M .[T] [B] décédé depuis le 13 octobre 2009.
Elle prétend être née des relations de sa mère, [Z] [F] épouse [C], qui l'a reconnue et du défunt [T] [B].
La requérante a fait assigner Mme [S] [B] en sa qualité d'ayant droit de feu [T] [B], et plus précisément sa fille 'unique' née le 9 octobre 1995.
Ont également été appelés en cause : Mme [Z] [F] - mère de la demanderesse - et les consorts [P], [X], [W], [M], [O] et [K] [B], enfants légitimés de [I] [B] dont [T] [B] était le fils naturel.
***
Par jugement avant-dire droit du 13 octobre 2015, le tribunal civil de première instance de Papeete a déclaré recevable l'action en recherche de paternité engagée par Mme [LN] [F], et ordonné une mesure d'instruction aux fins de procéder à l'examen comparé de l'ADN de la demanderesse à l'action et de Mme [S] [B].
L'expert désigné, M. [G] [ZH] [J] a, suivant courrier en date du 4 août 2016, indiqué au tribunal qu'après analyse et exploitation statistique des résultats, il avait obtenu une probabilité de 98 % que Mme [LN] [F] et Mme [S] [B] soient demi-s'urs. Il a cependant ajouté que ce résultat ne permettait pas de conclure de façon certaine sur la filiation de Mme [LN] [F] et qu'il serait nécessaire qu'il puisse analyser soit l'ADN d'autres membres de la famille du défunt de [T] [B] (père, mère, frère ou s'ur...soit celui des mères respectives de Mme [LN] [F] et de Mme [S] [B].
***
Par jugement du 13 février 2018, le tribunal a finalement débouté Mme [LN] [F] de ses demandes, au motif qu'il n'existait pas d'éléments de preuve suffisants d'un lien de filiation entre la requérante et le défunt [T] [B].
***
Par requête enregistrée au greffe le 9 octobre 2018 et conclusions récapitulatives du 10 juillet 2019, Mme [LN] [F] a relevé appel dudit jugement en intimant Mme [S] [B] et les autres consorts [B] .
Le 9 octobre 2018, le dossier concernant une recherche de paternité a été communiqué au ministère public.
***
Par arrêt rendu le 30 janvier 2020, la cour, a notamment, :
- constaté l'intervention volontaire de Mme [Z] [H] [F] épouse [C] ;
Puis infirmant le jugement déféré,
- ordonné avant-dire droit une mesure d'instruction aux fins de procéder à l'examen comparé de l'ADN de Mme [LN] [F], et de celui des personnes suivantes : Mme [Z] [F] épouse [C], [P] [B], [X] [B], [W] [B], [M] [B] , [O] et [K] [B], mineurs représentés par leur mère [RT] [N] veuve [I] [E] [B],
- ordonné que le docteur [V] [L] procède aux prélèvements salivaires à effectuer sur ces personnes et en assurera la transmission à l'expert ;
- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état et réservé les dépens.
***
Le Dr [V] [L] a fait part de l'impossibilité de remplir sa mission car deux des personnes visées par l'expertise, Mme [S] [B] et sa mère ont refusé de se soumettre au prélèvement salivaire. Estimant que les prélèvement ne pouvaient être analysés sans ceux de [S] [B] et de sa mère, l'expert a indiqué ne pas pouvoir poursuivre sa mission.
L'affaire a été rappelée devant la cour en cet état.
***
Suivant conclusions récapitulatives du 9 février 2022, Mme [LN] [F] entend voir la cour,
Décerner acte à Mme [Z] [H] [F] épouse [C] de son intervention volontaire à la présente instance et lui décerner également acte de son accord de se soumettre à une analyse par L'institut [1],
Décerner acte aux frères et soeurs de [T] [B] de leur accord eux-mêmes soumis à une analyse de l'Institut [1],
Au fond,
Allouer à Mme [LN] [F] l'entier bénéfice de sa requête introductive d'instance et la recevoir en sa demande tendant à l'établissement de sa filiation paternelle à l'égard de M. [T] [B],
Réformant le jugement du 13 février 2018, et statuant à nouveau,
Dire et juger dès lors que Mme [LN] [F] née le 7 octobre 1992 de [Z] [H] [F] est la fille de M. [T] [R] [A] [B] né le 15 décembre 1969 décédé le 13 octobre 2009,
Dire et juger que l'arrêt à intervenir sera porté en marge du répertoire civil ainsi qu'en marge de l'acte de naissance de Mademoiselle [LN] [F],
Dire et juger que celle-ci portera désormais le patronyme [F]-[B],
Condamner [S] [B] au paiement à [LN] [F] de la somme de 350.000 Fr. CFP sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française, outre les entiers dépens.
Par message RPVA du 8 février 2022, le conseil de [S] [B] a informé la cour de ce qu'en l'absence d'instructions données par sa cliente, il ne déposait pas d'autres conclusions et se trouvait donc en état.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 février 2022.
Motifs de la décision :
L'expertise ordonnée par la cour d'appel de céans n'a pu avoir lieu du fait du refus de Mme [S] [B] de s'y soumettre.
En revanche, les frères et s'urs de [T] [B] ont accepté de participer à l'expertise ADN et, en tout état de cause, ils sont représentés par le même conseil que [LN] [F] et que sa mère, [Z] [F] épouse [C].
Ainsi que l'indique l'appelante dans ses conclusions, le juge peut tirer toutes les conséquences du comportement de la partie qui se soustrait à une expertise ADN ayant pour objet d'établir si elle est de la même famille que la partie qui revendique le lien de filiation querellé.
Il est manifeste que l'expert ne peut pas obtenir le prélèvement salivaire de Mme [S] [B] contre son gré. Or, dans son courrier électronique du 6 juin 2021, M. [V] [L] écrivait à la cour qu'en dépit de tous ses efforts, et contrairement aux autres membres de la fratrie [B], [S] [B] et sa mère ont refusé de se soumettre à l'expertise ADN et indiquait que sa mission était impossible à réaliser sans ces prélèvements.
[S] [B] n'a pas fait déposer de nouvelles conclusions après l'arrêt avant dire droit du 30 janvier 2020 et ne s'est donc pas expliquée sur les motifs de sa résistance à la mesure d'instruction ordonnée par la cour.
Dès lors, l'interprétation du refus de la fille légitime du défunt [T] [B] doit être faite au regard des autres éléments du dossier.
[LN] [F] a produit une attestation - authentifiée par la mairie de la commune de [Localité 2] - qui a été signée le 26 mars 2015 par Mme [RT] [D] [N] laquelle certifie que [T] [B] était le père de Mme [LN] [F]. Or, Mme [N] est la veuve de [I] [B] lequel était le père naturel de [T] [B], de sorte que son témoignage en faveur de Mme [LN] [F] est un élément déterminant.
Deux autre personnes ont cosigné l'attestation dont Mme [RO] [RR] [U] qui était la mère de [T] [B] et qui admet ainsi être la grand-mère de l'appelante.
Au surplus, M. [G] [ZH] [J] expert de L'institut [1] a conclu à une probabilité de 98 % d'un lien collatéral entre Mle [S] [B], fille légitime du défunt [T] [B] et Mme [LN] [F].
Enfin, les autres consorts [B] - frères et soeurs du défunt [T] [B], enfants légitimés de feu [I] [B] - ne s'opposent pas aux prétentions de Mme [LN] [F] qui demande pourtant à faire partie de leur famille et qui affirme donc être leur nièce et la soeur de [S] [B].
Par conséquent, la cour considèrant qu'elle dispose de suffisamment d'éléments de preuve de ce que Mme [LN] [F] était la fille naturelle de M. [T] [B] décédé le 13 octobre 2009, fera droit aux demandes de celle-ci dans les termes du dispositif ci-après.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
Vu l'appel de Mme [LN] [F] ;
Vu l'arrêt avant dire droit n° 56 ( RG 18/00369) rendu le 30 janvier 2020 ;
Déclare que Mme [LN] [F] née à [Localité 6] (Tahiti) le 7 septembre 1992 de [Z] [H] [F], sa mère qui l'a reconnue, est également la fille de feu [T] [R] [A] [B] né le 15 décembre 1969 décédé le 13 octobre 2009 ;
Déclare que Mme [LN] [F] portera désormais le patronyme de '[F]-[B]' ;
Ordonne que le présent arrêt soit porté en marge du répertoire civil ainsi qu'en marge de l'acte de naissance de Mme [LN] [F] ;
Dit n'y avoir lieu d'appliquer l'article 407 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Condamne Mme [S] [B] aux dépens, qui pourront être distraits au profit de Maître Mathieu LAMOURETTE, avocat au barreau de Papeete qui en fait la demande.
Prononcé à Papeete, le 12 mai 2022.
Le Greffier, Le Président,
signé : M. SUHAS-TEVEROsigné : MF BRENGARD