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26/05/2011 | FRANCE | N°56/CIV/06

France | France, Cour d'appel de Papeete, Chambre civile, 26 mai 2011, 56/CIV/06


No 331

RG 56/ CIV/ 06

Copies authentiques délivrées à Mes Lollichon-Barle et Gaultier le 26. 07. 2011.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D'APPEL DE PAPEETE
Chambre Civile

Audience du 26 mai 2011

Monsieur Pierre MOYER, conseiller à la Cour d'Appel de Papeete, assisté de Madame Maeva SUHAS-TEVERO, greffier ;

En audience publique tenue au Palais de Justice ;
A prononcé l'arrêt dont la teneur suit :
Entre :
Monsieur Tehio X..., steward à Air France, demeurant...-98711 Paea ;
Appelant par requête en date du 6 février 2006

, déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'Appel le 9 février 2006, sous le numéro de rôle 06/ 00056, ensuite...

No 331

RG 56/ CIV/ 06

Copies authentiques délivrées à Mes Lollichon-Barle et Gaultier le 26. 07. 2011.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D'APPEL DE PAPEETE
Chambre Civile

Audience du 26 mai 2011

Monsieur Pierre MOYER, conseiller à la Cour d'Appel de Papeete, assisté de Madame Maeva SUHAS-TEVERO, greffier ;

En audience publique tenue au Palais de Justice ;
A prononcé l'arrêt dont la teneur suit :
Entre :
Monsieur Tehio X..., steward à Air France, demeurant...-98711 Paea ;
Appelant par requête en date du 6 février 2006, déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'Appel le 9 février 2006, sous le numéro de rôle 06/ 00056, ensuite d'un jugement no 04/ 00846 rendu par le Tribunal Civil de première instance de Papeete le 17 octobre 2005 ;
Représenté par Me LOLLICHON-BARLE, avocat au barreau de Papeete ;
d'une part ;
Et :
Monsieur Jean-Jacques Y..., né le 10 juillet 1956 à Toulon (83000), enseignant, demeurant...-98711 Paea ;
Intimé ;
Représenté par Me Brigitte GAULTIER, avocat au barreau de Papeete ;
d'autre part ;
Après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique du 14 avril 2011, devant M. SELMES, président de chambre, M. MOYER et M. RIPOLL, conseillers, assistés de Mme SUHAS-TEVERO, greffier, le prononcé de l'arrêt ayant été renvoyé à la date de ce jour ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

A R R E T,
I-EXPOSE DES ELEMENTS NECESSAIRES A LA COMPREHENSION DU LITIGE ET A SA SOLUTION :
1- Exposé succinct du litige :
Le litige oppose deux voisins, Tehio X... et Jean-Jacques Y... à propos de la servitude qui sépare leurs deux propriétés.
À l'origine, le terrain appartenait à Melle Claude Z..., qui le 2 avril 1979 a vendu à M. et Mme Lucien X..., un lot dans le lotissement qu'elle avait créé. Le 10 octobre 1980 M. et Mme Lucien X... ont fait donation à leurs deux enfants, en deux lots, de la terre qu'ils avaient acquise. Le 20 juin 1991, M. Teva X..., frère de Tehio X..., a vendu son lot à M. Y....
Tehio X... estime que la servitude d'accès à la mer doit avoir deux mètres de large. Il se fonde sur le cahier des charges du lotissement et sur un acte administratif. M. Y... estime quant à lui que le sentier piétonnier d'accès à la mer doit avoir un mètre de large et il se fonde sur les titres de propriété.
Ce litige intervient dans un climat conflictuel qui oppose les deux parties depuis longtemps.
2- Résumé des demandes initiales et de la décision déférée :
Par requête en date du 22 octobre 2004, Tehio X... faisait citer Jean-Jacques Y... devant Ie tribunal de première instance de Papeete.
Au soutien de sa demande, il faisait valoir qu'il était propriétaire d'un lot du lotissement situé à PAEA PK 22, 200 voisin du lot du défendeur et séparé de ce dernier par une servitude donnant un accès piétonnier à la mer, laquelle suivant décision du 10 octobre 1979 publiée au JOPF du 31 octobre 1979, devait être d'une largeur de 2 mètres ; qu'il avait grevé sa propriété d'un mètre pour permettre Ie passage indiqué, mais que Ie défendeur avait laissé un passage de 50 centimètres, édifiant un mur de clôture surmonté de tôles ; qu'en outre, il autorisait des pêcheurs à venir sur les lieux pour accéder à la mer, lesquels garaient leur véhicule en obstruant Ie passage.
II demandait par conséquent au tribunal de :
- constater que Ie passage de deux mètres était constitutif d'une servitude de 1 mètre sur chaque fond, que la clôture édifiée par Ie défendeur était irrégulière ; d'en ordonner Ie reculement, et qu'elle ne pouvait être surmontée d'une palissade en tôle ;
- dire et juger que Ie passage était piétonnier ;
- condamner Ie défendeur à la démolition de la clôture, à son reculement de 1 mètre, sous astreinte de 20. 000 FCFP par jour de retard ;
- interdire au défendeur d'autoriser tout tiers à stationner sur Ie chemin dont s'agit sous astreinte de 50 000 FCFP par infraction constatée ;
- condamner Ie défendeur à lui payer 200. 000 FCFP au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens.
M. Y... s'est opposé à cette demande ; il a exposé que l'acte de vente conclu avec Mme D... précédent propriétaire faisait mention d'une servitude de passage de 1 mètre grevant les lots mitoyens de 0, 50 mètres ; que Ie demandeur n'avait aucun intérêt à agir, les fonds dominants étant les lots n'ayant pas accès à la mer à I'inverse de monsieur X... qui bénéficiait d'un accès direct ; qu'il n'avait pas qualité pour agir, la propriété de I'accès restant appartenir à la venderesse ; qu'en tout état de cause, Ie code de I'aménagement public disposait que les règles d'urbanisme contenues dans Ie règlement approuvé d'un lotissement non intégré à son cahier des charges, cessaient de s'appliquer au terme de 10 années à compter de I'autorisation de lotir ; que la disposition de 1979 dont se prévaut le demandeur était donc devenue caduque ; qu'il avait en outre toujours occupé sa parcelle dans les Iimites indiquées et pouvait se prévaloir de la prescription acquisitive de I'article 2265 du Code Civil. II se défendait avoir autorisé l'accès et Ie stationnement de véhicules aux abords de cette servitude et exposait au contraire, avoir pris des mesures propres à interdire ce stationnement.
II demandait que Ie défendeur sort condamné à lui verser 200. 000 FCFP au titre de la procédure abusive qui lui était intentée outre 200. 000 ¨ FCFP au titre des frais irrépétibles et aux dépens avec distraction d'usage.
Par décision en date du 17 octobre 2005, le Tribunal de première instance de Papeete a notamment, statuant publiquement, en premier et dernier ressort, par jugement contradictoire,
- déclaré M. X... irrecevable à I'action ;
- condamné M. X... à verser 80. 000 FCFP à M. Y... au titre des frais irrépétibles ;
- condamné M. X... aux entiers dépens, Ie tout avec distraction d'usage au profit de Maître GAULTIER.
3- Exposé succinct de la présente procédure :
Par requête déposée au greffe le 9 février 2006, M. X... a interjeté appel de cette décision.
M. Y... était représenté à l'instance.
Par ordonnance en date du 25 janvier 2009, le conseiller de la mise en état a ordonné un transport sur les lieux qui s'est déroulé le 8 juin 2009.

Lors du transport il a été constaté que : « les deux propriétés sont délimitées du côté de M. X... par un mur en béton et du côté de M. LE TALLEC d'une palissade en tôle. Entre ces deux séparations se trouve un chemin de gravillon de 1, 50 m de large qui donne accès à la mer. L'accès à la mer est malaisé, il est très haut par rapport au chemin. Dans Ie prolongement de cet accès en allant vers la route, une bordure de bloc ciment amovible a été aménagée, ce bout de chemin est large de 2 mètres. Nous avons pu voir un accès aménagé pour bateau qui part de la propriété de M. X.... Nous avons pu constater que les deux propriétés sont assez grandes pour pouvoir accueillir des invités avec leurs automobiles à I'intérieur de chacune. Les parties désirent que Ie coin « noté 49 sur Ie plan » reste un rond point afin que les voitures, qui s'y aventurent, puissent faire demi tour ».

Après le transport, les parties ont conclu.
La procédure a été clôturée le 18 mars 2011.
4- Résumé des moyens et exposé des prétentions des parties :
A-Exposé des prétentions et résumé des moyens de M. X... :
Il demande à la Cour de : « Infirmer le jugement du 17 octobre 2005 et statuant à nouveau, Constater qu'il résulte tant de la décision du Haut Commissaire de la République en Polynésie Française en date du 10 octobre 1979, que du cahier des charges applicable au lotissement dit Lotissement BAMBRIDGE, que l'accès à la mer est réalisé par un passage piétonnier de 2 mètres de largeur, constitutif d'une servitude d'1 mètre de largeur sur chacun des lots de Messieurs X... et LE TALLEC. Constater que la clôture édifiée par M. Y... est irrégulière et qu'il convient d'en ordonner Ie reculement sur 50 centimètres de large, et de dire et juger de plus que cette clôture, constituée par un muretin, ne peut être surmontée d'une palissade en tôles. Condamner en conséquence M. Y... à procéder à la démolition de sa clôture et à son reculement à 1 mètre à compter de sa limite séparative, ceci sous une astreinte de 20 000 FCFP par jour de retard. Dire et juger que l'usage du chemin est piétonnier et que fût-ce à titre occasionnel, les véhicules ne peuvent y passer ni s'y garer, qu'il s'agisse des co-lotis ou de tiers. S'entendre faire interdiction à M. Y... d'autoriser tout tiers à stationner sur Ie chemin dont s'agit, de même que sur l'aire d'évolution et de demi-tour prévue audit cahier des charges, et ce, sous une astreinte de 50 000 FCFP par infraction constatée. Condamner M. Y... à payer à M. X... une somme de 300. 000 F au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appeI, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître LOLLICHON, avocat aux offres de droit ».

Au soutien de son appel il reprend les moyens et arguments soulevés devant le premier juge et il précise :- que contrairement à ce qu'a décidé le premier juge, il a bien un intérêt à agir que ce soit pour faire respecter les règles d'urbanisme ou les règles du cahier des charges du lotissement ou parce qu'il est propriétaire de deux lots, le lot 152 et le lot 153 ;- que dans l'acte de vente du 2 avril 1979, il était expressément stipulé et accepté par les parties qu'au cas ou les autorités administratives exigeraient une modification de ce lotissement, notamment en ce qui concerne l'assiette du chemin d'accès, les acquéreurs en acceptaient d'avance ces modifications sans indemnité ; qu'un avenant de précision reçu par Maître SOLARI Ie 16 octobre 1979 et transcrit Ie 08 novembre 1979 volume 981, no 17, rappelait que l'assiette du sol du chemin menant à la mer appartenait bien à M. et Mme X..., et non au lotisseur ;- que toutefois, ce lotissement avait été autorisé sous la réserve suivante : « L'accès à la mer entre les lots 1 et 4 aura une emprise de 2 mètres et sera exclusivement piétonnier » ; cette réserve avait fait l'objet d'une information donnée par Ie Notaire ; que les ventes allaient alors se trouver grevées par une servitude de passage de 2 mètres de largeur, prise sur 1 mètre sur chacun des lots 1 et 4 ; qu'il s'était quant à lui, et depuis longtemps, conformé à cette largeur, abandonnant une bande d'un mètre tout au long de ses deux lots, pour conduire à la mer, ce que n'avait pas fait son voisin qui n'a laissé qu'une bande de 50 centimètres de terrain à I'extérieur de sa clôture ;- que ses autres demandes relatives à la palissade en tôle et au stationnement gênant sont justifiées ;

En réponse à M. Y..., il ajoute :- que les stipulations du Cahier des charges, notamment les servitudes, ayant fait l'objet d'une publicité foncière, s'imposent à titre réel aux co-Iotis, même si ces stipulations ne figurent pas dans leur titre de propriété ; qu'en I'espèce, Ie Cahier des charges a bien été transcrit au bureau des hypothèques Ie 1er février 1982 et il s'impose donc à l'intimé, bien que son titre de propriété soit contraire ; que M. Y... doit donc reculer sa clôture de 50 centimètres afin de respecter Ie Cahier des charges ;- que les servitudes sont exclues du domaine de l'usucapion ;- que M. Y... a acquis d'autres lots dans ce même lotissement et il ne peut pas prétendre ignorer les conditions gouvernant les voies de passages.

B-Résumé des moyens et exposé des prétentions de M. Y... :
Il demandait à la Cour de : « Constater que M. X... ne justifie d'aucune qualité à agir lui permettant d'exiger Ie recul de la clôture dont l'emplacement a été parfaitement respecté par Ie concluant depuis son acquisition ; Vu l'article D 141-24 du code de l'aménagement, Constater que la décision de 1999 d'autorisation du lotissement est devenue caduque ; Vu l'article 2265 du Code civil, Constater que Ie concluant est propriétaire de sa parcelle telle qu'elle est matérialisée depuis son acquisition ; En conséquence, Débouter M. X... de sa demande tendant au recul de la clôture limitant la parcelle du concluant ; Donner acte au concluant de ce qu'il a toujours tout mis en œ uvre pour éviter les stationnements sauvages de tiers au lotissement sur l'assiette de la route ou du chemin de servitude Constater que la palissade édifiée par le concluant respecte les dispositions applicables ;

A titre subsidiaire, et s'il était fait droit à la demande de M. X..., relative à la démolition sous astreinte de cette palissade, ordonner sous la même astreinte la démolition du mur de clôture de l'appelant ; Débouter M. X... de toutes ses demandes, fins et conclusions ; Constater que sa demande est pour Ie moins abusive et Ie condamner à payer au concluant la somme de 500. 000 FCP à titre dommages et intérêts à cette fin ; Le condamner encore à payer au concluant la somme de 300. 000 FCFP au titre de ses frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction d'usage ».

Puis dans des conclusions postérieures, il a demandé à qu'ils contestent formellement la cour de : « Constater que M. X... verse sciemment aux débats un cahier des charges totalement inapplicable à la situation de l'espèce ; Le condamner à verser au concluant une somme de 1. 000. 000 FCFP à titre de dommages et intérêts de ce chef ; Enjoindre à M. X... de procéder à la démolition de sa rampe d'accès sous astreinte de 100. 000 FCFP par jour de retard passé un délai de un mois suivant la signification de l'arrêt à intervenir ; Faire interdiction à M. X... d'ouvrir son portail sur l'extérieur de sa propriété sous astreinte de 50. 000 FCFP par infraction constatée et ce dès la signification de l'arrêt à intervenir ; Pour Ie surplus, adjuger de plus fort au concluant l'entier bénéfice de ses précédentes écritures. »

Au soutien de ses demandes, il reprend les moyens et arguments soulevés devant le premier juge et il précise :- que M. X... n'a aucunement l'utilité du chemin de servitude litigieux, qu'il n'utilise évidemment pas puisque sa parcelle est située directement en bord de mer, et qu'il a réalisé des aménagements sur la plage ; que les propriétaires des fonds dominants à l'égard du chemin piétonnier n'ont jamais émis de réserve quant à sa largeur ; que M. X... n'a aucun intérêt à agir en vue de l'élargissement du chemin piétonnier qui ne lui profite en aucun cas ; qu'en outre, il ne peut pas invoquer la propriété de deux fonds car sa position se heurte aux dispositions de l'article 705 du code civil, en vertu duquel : « toute servitude est éteinte lorsque Ie fonds à qui elle est due, et celui qui la doit, sont réunis dans la même main » ;- que l'acte de vente de 1979 prévoyait expressément l'existence d'une servitude d'accès d'une largeur d'un mètre, pour se rendre à la plage, grevant sur 50 centimètres de large Ie terrain objet de la vente ; que de même, l'acte de donation stipulait « une servitude d'accès d'une largeur de un mètre, pour se rendre a la plage, grevant sur cinquante centimètres de large Ie terrain présentement donné » ; qu'enfin, l'acte de vente établi Ie 20 juin 1991 prévoyait l'existence « d'un chemin d'accès privé à la mer d'un mètre de largeur, qui restera dans I'état où il se trouve actuellement et que la venderesse n'a pas à clôturer » ; qu'était annexé à cet acte de vente un plan matérialisant précisément un tel chemin pour une largeur d'un mètre ;- qu'en outre, les cinq actes translatifs de propriété applicables aux terrains en cause confirment sans aucune ambigüité la réalisation d'un chemin d'accès à la mer d'un mètre de large et ne reprennent pas la décision d'autorisation du lotissement datée du 10 octobre 1979 qui prévoit une emprise de deux mètres ;

- que la demande de M. X... n'est fondée que sur la décision administrative de 1979 qui n'a jamais produit effet ; que cette décision est devenue inapplicable ; qu'en effet, l'article D 141-24 du code de l'aménagement prévoit « lorsqu'un plan général d'aménagement ou un plan d'aménagement de détail a été approuvé, les règles d'urbanisme contenues dans Ie règlement approuvé d'un lotissement non intégré à son cahier des charges, cessent de s'appliquer aux termes de dix années à compter de la délivrance de I'autorisation de lotir » ; que tel est le cas en l'espèce ; qu'une décision d'urbanisme intervenue postérieurement à la constitution d'un lotissement, non reprise par un quelconque cahier des charges ni, surtout, dans les actes translatifs de propriété postérieurs, n'a strictement aucune vocation à s'appliquer ;- qu'à titre superfétatoire, il a toujours occupé sa parcelle dans la limite actuellement existante et peut ainsi se prévaloir de la prescription acquisitive abrégée par application de l'article 2265 du code civil ;- qu'il conteste formellement avoir permis à des tiers de stationner leurs véhicules sur les voies d'accès ; que sa clôture respecte les règles d'urbanisme et que « s'il fallait admettre qu'il serait imposé en cet emplacement la seule réalisation d'une haie vive, force serait de constater que M. X... aurait également enfreint cette règIe dans des conditions beaucoup plus importantes, en édifiant un haut mur en béton, non peint …. que regrettant d'être contraint d'en arriver à une telle extrémité, Ie concluant ne peut que solliciter, reconventionnellement, et s'il était par impossible fait droit aux demandes de M. X..., relativement à la démolition de sa clôture, de former une demande similaire à son encontre … »

En réponse à M. X..., il ajoute :- que le cahier des charges versé au débat ne concerne pas leur lotissement ;- que la rampe d'accès de M. X... a été construite en toute illégalité ; que celle-ci a toutefois été démolie par la suite.

II-DISCUSSION :
1- A propos de la recevabilité de l'appel :
La recevabilité de l'appel n'est pas contestée ; en outre, l'appel a été interjeté dans les conditions et selon les délais prévus aux articles 327 et suivants du nouveau code de procédure civile de Polynésie française. L'appel est donc recevable.
2- A propos de l'intérêt à agir :
M. X... demande l'application de règles propres au lotissement dont il fait partie. De ce fait il y a intérêt et qualité pour agir.
Il convient en conséquence d'infirmer la décision déférée de ce chef.
3- A propos des règles applicables en ce qui concerne la servitude d'accès à la mer :
Le litige oppose M. X... qui invoque le cahier des charges du lotissement à M. Y... qui invoque les stipulations contenues dans les actes de vente.
La Cour de Cassation a jugé que les clauses du cahier des charges d'un lotissement engagent les colotis entre eux pour toutes les stipulations qui y sont contenues et qui prévalent sur les stipulations contraires des actes individuels de vente.
Toutefois en l'espèce, M. Y... affirme que le lotissement a été créé suivant la procédure simplifiée à l'époque applicable en 1979 et qu'il n'existe aucun cahier des charges au lotissement créé. M. X..., après avoir produit dans sa requête d'appel, un « extrait du cahier des charges lotissement BAMBRIDGE », a produit un cahier des charges dont il a reconnu par la suite qu'il n'était pas applicable à la situation de M. Y.... Ce n'est donc pas sur ce fondement que M. X... peut prétendre à l'application d'une servitude de deux mètres de largeur.
M. X... fonde également sa demande sur l'application d'une décision administrative du 10 octobre 1979, publiée au journal officiel de la Polynésie française le 31 octobre 1979 autorisant ce lotissement sous la réserve suivante : « L'accès à la mer entre les lots 1 et 4 aura une emprise de 2 mètres et sera exclusivement piétonnier ». Il précise que ce point est mentionné dans l'acte d'acquisition initial de M. Y... et qu'il lui a été rappelé par le notaire. C'est toutefois à bon droit que M. Y... s'oppose à cette demande aux motifs suivants : cette décision est devenue inapplicable ; en effet, l'article D 141-24 du code de l'aménagement prévoit « lorsqu'un plan général d'aménagement ou un plan d'aménagement de détail a été approuvé, les règles d'urbanisme contenues dans Ie règlement approuvé d'un lotissement non intégré à son cahier des charges, cessent de s'appliquer aux termes de dix années à compter de la délivrance de I'autorisation de lotir » ; que tel est le cas en l'espèce ; qu'une décision d'urbanisme intervenue postérieurement à la constitution d'un lotissement, non reprise par un quelconque cahier des charges ni, surtout, dans les actes translatifs de propriété postérieurs, n'a strictement aucune vocation à s'appliquer.
Il convient en conséquence de débouter M. X... de sa demande.
4- A propos des autres demandes de M. X... :
M. X... affirme que le mur qui a été établi par M. Y... avec un permis de construire a été ensuite modifié, surélevé par une palissade en tôle interdite et irrégulière et en tout cas non autorisée, ni par le permis de construire, ni par le règlement de copropriété et qu'en outre, cette palissade en tôle est à l'origine d'un trouble insupportable causé par le bruit des ballons et au surplus engendré par le passage des personnes accédant à la mer.
M. Y... s'oppose à cette demande aux motifs suivants : la clôture est conforme aux règles de d'urbanisme. Par ailleurs s'il devait être fait application des titres de propriété respective des parties, il conviendrait que les clôtures soient constituées par des haies vives et il faudrait alors ordonner la démolition des clôtures des deux parties.
M. X... ne justifie pas en quoi la clôture de M. Y... ne serait pas conforme aux règles d'urbanisme et il ne sollicite pas la démolition de la clôture de M. Y... sur le fondement des titres de propriété respectifs.
Il convient en conséquence de débouter M. X... de sa demande formée de ce chef.
M. X... demande à la cour de dire que l'usage du chemin est piétonnier et que fût-ce à titre occasionnel, les véhicules ne peuvent y passer, ni s'y garer, qu'il s'agisse des co-lotis ou de tiers. M. Y... indique qu'il n'a jamais autorisé des véhicules à passer ou à stationner sur le chemin d'accès à la mer.
La cour n'a pas vocation à statuer parfois dispositions générales. Par ailleurs, il n'est pas établi que M. Y... a autorisé des véhicules à passer ou à stationner sur le chemin d'accès à la mer.
Il convient en conséquence de débouter M. X... de sa demande formée de ce chef.
5- A propos des demandes de M. Y... :
M. Y... demande à la cour de constater que M. X... verse sciemment aux débats un cahier des charges totalement inapplicable à la situation de l'espèce et de le condamner à verser au concluant une somme de 1. 000. 000 FCFP à titre de dommages et intérêts de ce chef.
M. X... a reconnu qu'il s'agissait d'une erreur et il n'y a pas lieu à versement de dommages-intérêts de ce chef.
M. Y... demande à la cour de d'enjoindre à M. X... de procéder à la démolition de sa rampe d'accès sous astreinte de 100. 000 FCFP par jour de retard passé un délai d'un mois suivant la signification de l'arrêt à intervenir.
M. X... a affirmé et cela n'est pas contesté que la rampe d'accès avait été démolie. Il n'y a donc pas lieu de statuer de ce chef.
M. Y... demande à la cour de faire interdiction à M. X... d'ouvrir son portail sur l'extérieur de sa propriété sous astreinte de 50. 000 FCFP. Il précise que le portail de M. X... était constamment ouvert et que cela lui cause une gêne dans la mesure où cela lui interdit pratiquement de marcher le long de la plage outre que cela lui obstrue toute perspective sur la plage et le lagon. M. X... ne répond pas de ce chef. En l'espèce, il ressort de deux photographies que le portail de la propriété de M. X... est grand ouvert et de ce fait obstrue partiellement le passage sur la plage. Toutefois ces deux photographies sont insuffisantes pour justifier la demande de M. Y....
6- A propos de la demande en dommages et intérêts pour procédure abusive :
Le droit d'appel peut donner lieu à des dommages et intérêts lorsqu'il revêt un caractère abusif et dilatoire. L'allocation de dommages et intérêts suppose l'existence d'une faute et d'un préjudice.
En l'espèce, il n'est pas établi que l'appelant a, par une présentation de moyens manifestement infondés, commis une faute constitutive d'un appel abusif ou dilatoire.
Il convient en conséquence de débouter M. Y... de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif.
7- A propos des demandes fondées sur les dispositions de l'article 407 du nouveau code de procédure civile de Polynésie française :
Chacune des parties succombant partiellement dans ses demandes il n'y a pas lieu à application de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
Déclare l'appel recevable ;
Infirme la décision déférée ;
Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Déboute M. X... de l'ensemble de ses demandes ;
Déboute M. Y... de l'ensemble de ses demandes ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 407 du nouveau code de procédure civile de Polynésie française ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens.
Prononcé à Papeete, le 26 mai 2011.
Le Greffier, Le Président,
Signé : M. SUHAS-TEVEROsigné : JP. SELMES


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Papeete
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 56/CIV/06
Date de la décision : 26/05/2011
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Civile

Analyses

Pourvoi n° W1217800 du 18.04.2012 (AROB°


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.papeete;arret;2011-05-26;56.civ.06 ?
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