No 259
RG 241/ SOC/ 10
Copie exécutoire délivrée à Me Pasquier-Houssen
le 03. 05. 2011
Copie authentique délivrée à
-Me Bourion
le 03. 05. 2011
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D'APPEL DE PAPEETE
Chambre Sociale
Audience du 28 avril 2011
Madame Catherine TEHEIURA, conseillère à la Cour d'Appel de Papeete, assistée de Mademoiselle Ida PAULO, faisant fonction de greffier ;
En audience publique tenue au Palais de Justice ;
A prononcé l'arrêt dont la teneur suit :
Entre :
Monsieur François Y..., né le 24 janvier 1978 à Papeete, de nationalité française, demeurant à ...98702 Faa'a ;
Appelant par déclaration d'appel reçue au greffe du Tribunal du Travail de Papeete sous le numéro 10/ 00040 avec transmission du dossier le 12 mai 2010, déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'Appel le 18 mai 2010, sous le numéro de rôle 241/ SOC/ 10, ensuite d'un jugement no 09/ 00133 rendu par le Tribunal du travail de Papeete le 20 juillet 2009 ;
Représenté par Me Dominique BOURION, avocat au barreau de Papeete ;
d'une part ;
Et :
La SA TAHITIENNE DES SERVICES PUBLICS (TSP), inscrite au registre du commerce et des sociétés de Papeete sous le no 2645 B, dont le siège social est sis route de Tipaerui, BP 4644-98713 Papeete, prise en la personne de son gérant ;
Intimée ;
Représentée par Me Astrid PASQUIER-HOUSSEN, avocat au barreau de Papeete ;
d'autre part ;
Après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique du 3 mars 2011, devant M. SELMES, Président de chambre,
Mme TEHEIURA et M. RIPOLL, conseillers, assistés de Melle PAULO, faisant fonction de greffier, le prononcé de l'arrêt ayant été renvoyé à la date de ce jour ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
A R R E T,
Par acte sous seing privé du 26 novembre 2004, François Y...a été engagé par la SA Tahitienne de Services Publics (TSP) à compter du 1er décembre 2004 en qualité d'agent de propreté.
Par lettre du 20 septembre 2007 mentionnant la possibilité de se faire assister par une personne appartenant au personnel de l'entreprise, il a été convoqué à un entretien préalable à une sanction disciplinaire.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 27 septembre 2007 envoyée le même jour, il a été licencié pour fautes graves.
La SA TSP lui reproche de s'être présenté le 18 septembre 2007 aux environs de 13 heures au service d'exploitation en état d'ébriété ; d'avoir insulté la secrétaire d'exploitation ; d'avoir menacé un chef de secteur et d'avoir adopté un comportement similaire en début d'année lors d'une journée récréative.
Par jugement rendu le 20 juillet 2009, le tribunal du travail de Papeete a :
- dit le licenciement irrégulier mais fondé sur une faute grave ;
- alloué à François Y...la somme de 228 232 FCP, à titre d'indemnité pour licenciement irrégulier ainsi que celle de 90 000 FCP, au titre des frais irrépétibles ;
- dit que chaque partie supportera ses dépens.
Par déclaration déposée au greffe du tribunal du travail de Papeete le 12 mai 2010, François Y...a relevé appel de cette décision afin d'en obtenir l'infirmation partielle.
Il demande à la cour de dire que le licenciement est irrégulier et dénué de cause réelle et sérieuse et de lui allouer la somme de 1 683 211, 58 FCP, à titre d'indemnité pour défaut de respect de la procédure de licenciement, du préavis et de l'ancienneté ainsi que celle de 200 000 FCP, sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.
Il soutient qu'ayant été convoqué à un entretien préalable à une sanction disciplinaire, il ne pouvait être licencié et que son licenciement est nul et abusif ; que les faits qui lui sont reprochés se sont produits en dehors de ses heures de travail ; qu'ils ne concernent pas la qualité de ses prestations et que les attestations versées aux débats par la SA TSP ne sont pas probantes.
La SA Tahitienne de Services Publics sollicite la confirmation du jugement attaqué et le paiement de la somme de 200 000 FCP, sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.
Elle fait valoir que le licenciement constitue une sanction disciplinaire et que le défaut de respect de la procédure n'entraîne pas la nullité du licenciement ; que « les faits se sont produits soit sur le lieu de travail au service d'exploitation, soit à l'encontre de … collègues de travail dans le cadre d'une sortie organisée par l'entreprise » et que les attestations produites établissent la réalité des griefs ainsi que le caractère justifié du licenciement.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 janvier 2011.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la recevabilité de l'appel :
La recevabilité de l'appel n'est pas discutée et aucun élément de la procédure ne permet à la cour d'en relever d'office l'irrégularité.
Sur la procédure de licenciement :
L'article 13 de la délibération no 91-2 AT du 16 janvier 1991 dispose que « l'employeur qui envisage de licencier un salarié doit respecter la procédure suivante :
… Avant toute décision, l'employeur doit convoquer l'intéressé à un entretien par lettre recommandée avec avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge.
Cette lettre de convocation doit indiquer à l'intéressé que son licenciement est envisagé et la nature personnelle ou économique de celui-ci, ainsi que la date, l'heure et le lieu de l'entretien.
Elle précise qu'il peut se faire assister lors de l'entretien par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise, ou, avec l'accord du chef d'entreprise, par une personne extérieure à l'entreprise.
L'entretien ne peut avoir lieu moins de deux jours francs et plus de quinze jours francs, dimanche et jour férié exclus, après la présentation de la lettre recommandée ou sa remise en main propre. »
En ce qu'il est protecteur des intérêts d'un salarié susceptible de perdre son emploi, ce texte doit être scrupuleusement respecté par l'employeur.
Or, dans la lettre du 20 septembre 2007, l'employeur s'est contenté de faire référence à une sanction disciplinaire sans préciser qu'il s'agissait de la plus pénalisante.
Toutefois, sa carence équivaut à une absence d'entretien préalable à un licenciement, ce qui confère à la rupture du contrat de travail un caractère irrégulier, mais non pas nul ni dénué de cause réelle et sérieuse.
En outre, le salarié doit donc être informé de toutes les possibilités offertes par la loi pour assurer sa défense et de son droit de proposer qu'une personne extérieure à l'entreprise l'assiste au cours de l'entretien préalable.
En ne faisant pas référence, dans la lettre de convocation, à l'assistance d'une personne extérieure à l'entreprise, l'employeur n'a donc pas respecté l'obligation mise à sa charge par l'article 13 susvisé.
Le jugement attaqué doit ainsi être confirmé en ce qu'il a dit le licenciement irrégulier.
Sur le licenciement :
Les attestations concordantes d'Andréa A..., Lewis B..., Ronny C...et Ruben D...ainsi que la fiche d'incident versées aux débats établissent que, le 18 septembre 2007, François Y...s'est présenté au bureau d'exploitation de la société TSP en état d'ébriété et qu'en présence de plusieurs collègues, il a insulté la secrétaire d'exploitation qui lui demandait d'attendre le comptable pour obtenir un acompte sur salaire.
Ces faits se sont déroulés dans le cadre et sur le lieu du travail.
Le comportement de François Y...a été particulièrement humiliant pour la secrétaire d'exploitation qui a subi des injures publiques et choquant pour les salariés ayant assisté à l'agression.
Par ailleurs, l'appelant ne conteste pas sérieusement s'être fait, au début de l'année 2007, expulser d'une journée récréative par des collègues en raison d'un comportement similaire.
Le fait que François Y...n'hésitait pas à consommer de l'alcool sur le lieu de travail et à se montrer violent à l'égard de ses collègues constitue une faute de nature à perturber gravement le fonctionnement de l'entreprise et à justifier le départ immédiat du salarié.
Dans ces conditions, la décision attaquée doit être confirmée en toutes ses dispositions.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'intimée la totalité de ses frais irrépétibles d'appel et il doit ainsi lui être alloué la somme de 100 000 FCP, sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.
La partie qui succombe doit supporter les dépens.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière sociale et en dernier ressort ;
Déclare l'appel recevable ;
Confirme le jugement rendu le 20 juillet 2009 par le tribunal du travail de Papeete en toutes ses dispositions ;
Dit que François Y...doit verser à la SA Tahitienne de Services Publics la somme de CENT MILLE (100 000) FRANCS PACIFIQUE, sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
Rejette toutes autres demandes formées par les parties ;
Dit que François Y...doit supporter les dépens d'appel.
Prononcé à Papeete, le 28 avril 2011.
Le Greffier, Le Président,
Signé : I. PAULO Signé : JP. SELMES