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28/04/2011 | FRANCE | N°10/00105

France | France, Cour d'appel de Papeete, Chambre sociale, 28 avril 2011, 10/00105


No 258
RG 105/ SOC/ 10

Copie exécutoire délivrée à Me GAULTIER le 02. 05. 2011

Copie authentique délivrée à la PF le 02. 05. 2011

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D'APPEL DE PAPEETE
Chambre Sociale

Audience du 28 avril 2011

Monsieur Guy RIPOLL, conseiller à la Cour d'Appel de Papeete, assisté de Mademoiselle Ida PAULO, faisant fonction de greffier ;

En audience solennelle tenue au Palais de Justice ;
A prononcé l'arrêt dont la teneur suit :
Entre :
Madame Sylviane Y..., née le 15 mai 1966 à Papeete, de nationalitÃ

© française, ingénieur, demeurant ..., ...;
Demanderesse aux fins de sa requête en reprise d'instance après cassation...

No 258
RG 105/ SOC/ 10

Copie exécutoire délivrée à Me GAULTIER le 02. 05. 2011

Copie authentique délivrée à la PF le 02. 05. 2011

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D'APPEL DE PAPEETE
Chambre Sociale

Audience du 28 avril 2011

Monsieur Guy RIPOLL, conseiller à la Cour d'Appel de Papeete, assisté de Mademoiselle Ida PAULO, faisant fonction de greffier ;

En audience solennelle tenue au Palais de Justice ;
A prononcé l'arrêt dont la teneur suit :
Entre :
Madame Sylviane Y..., née le 15 mai 1966 à Papeete, de nationalité française, ingénieur, demeurant ..., ...;
Demanderesse aux fins de sa requête en reprise d'instance après cassation en date du 1er mars 2010, déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'Appel le 8 mars 2010, sous le numéro de rôle 10/ 00105, ensuite d'un arrêt no 184 F-D de la Cour de Cassation de Paris en date du 20 janvier 2010 ;
Représentée par Me Brigitte GAULTIER, avocat au barreau de Papeete ;
d'une part ;
Et :
La Polynésie française, dont le siège social est sis ..., prise en la personne de son Président en exercice ;
Défenderesse ;
Concluante ;
d'autre part ;
Après communication de la procédure au ministère publique conformément à l'article 249 et suivants du code de procédure civile de la Polynésie française et après que la cause ait été débattue et plaidée en audience solennelle du 3 mars 2011, devant M. SELMES et M. THIBAULT-LAURENT, Présidents de chambre, M. RIPOLL et Mme PINET-URIOT, conseillers et Mme PRENEL, régulièrement appelé à compléter la Cour en l'absence des autres magistrats de cette juridiction empêchés ou absents du Territoire, assistés de Mme PAULO, faisant fonction de greffier, le prononcé de l'arrêt ayant été renvoyé à la date de ce jour ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
A R R E T,
FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES :
Vu les faits de la cause et la procédure antérieure, exposés aux motifs du jugement entrepris auxquels la cour se réfère expressément ;
Vu la requête d'appel de Sylviane Y...enregistrée le 20 novembre 2006 concernant le jugement rendu le 6 novembre 2006 par lequel le tribunal du travail de Papeete a débouté celle-ci de sa demande aux fins de bénéficier de la prime de diplôme telle que prévue par la convention collective des ANFA ;
Vu l'arrêt confirmatif rendu par la cour d'appel de Papeete, chambre sociale, le 13 décembre 2007 ;
Vu l'arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, en date du 20 janvier 2010, qui a :
- cassé et annulé, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 décembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ; remis, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Papeete autrement composée ;
- condamné la POLYNÉSIE FRANÇAISE aux dépens ;
Vu la requête après cassation de Sylviane Y...enregistrée le 8 mars 2010, portant constitution de Maître GAULTIER, avocat ;
Vu l'assignation devant la cour délivrée le 16 mars 2010 au siège de la présidence de la POLYNÉSIE FRANÇAISE portant signification de ladite requête ;
Vu la communication de la procédure au ministère public ;
Vu, en leurs moyens, les conclusions d'appel des parties, aux termes desquelles elles ont respectivement demandé à la cour :
1o) Sylviane Y..., appelante, dans sa requête enregistrée le 8 mars 2010 et dans ses conclusions visées le 11 octobre 2010, de :
- vu le principe d'égalité de traitement énoncé à l'article 16 de la convention collective des ANFA ;
- vu la convention collective des ANFA et notamment l'annexe II ;
- vu l'article 1er du décret no 90-722 du 8 août 1990 ;
- vu la décision de la chambre sociale de la Cour de cassation rendue le 20 janvier 2010 ;

- dire et juger que Mme Y...est titulaire d'un diplôme lui permettant de bénéficier de la prime de majoration prévue à l'annexe II 2o de la convention collective des ANFA ;

- dire et juger que Mme Y...doit bénéficier de la majoration de diplôme depuis son recrutement soit depuis l'année 2000, à l'exception de la période comprise entre le 25 janvier 2007 et le 23 novembre 2008 ;
- condamner la POLYNÉSIE FRANÇAISE à lui payer la somme de 300 000 XPF au titre des frais irrépétibles ;
2o) La POLYNÉSIE FRANÇAISE, intimée, dans ses conclusions visées le 8 septembre 2010 et le 9 décembre 2010, de :
- rejeter la demande de Mme Y...concernant la demande de majoration de diplôme ;
- rejeter la demande de condamnation aux frais irrépétibles ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 4 février 2011 ;
Sylviane Y...est employée comme ingénieur par la POLYNÉSIE FRANÇAISE depuis le 11 décembre 2000. Son contrat de travail prévoit l'application de la convention collective de travail des agents non-fonctionnaires de l'administration (ANFA) du 10 mai 1968. Mme Y...a été affectée au service du développement rural, puis au service de la pêche à compter du 16 janvier 2006. Elle a par la suite occupé notamment les fonctions de chef du service du développement (25 janvier 2007), de directeur de cabinet auprès du ministre de l'agriculture (31 mars 2008), et d'agent contractuel de 1re catégorie au service de la pêche (24 novembre 2008).
Étant titulaire d'un diplôme d'études approfondies (DEA) de cinétique chimique appliquée délivré le 12 juin 1996 par l'université d'Orléans, Sylviane Y...a demandé, le 18 mars 2002, à bénéficier de la majoration de diplôme égale à deux fois le SMIG mensuel prévue par les dispositions de l'annexe II de la convention collective. Un refus lui a été opposé au motif que son DEA ne figurait pas dans la liste des diplômes énumérés par celle-ci.
Saisi le 29 novembre 2005 par Sylviane Y..., le tribunal du travail, pour rejeter sa demande, a apprécié que :
- Mme Y...était titulaire d'un diplôme d'études approfondies de l'université d'Orléans. Les diplômes ouvrant droit à une prime qui figuraient dans la liste de la convention collective se trouvaient parmi les plus prestigieux et, s'agissant des diplômes d'ingénieur, étaient tous délivrés par les grandes écoles qui accueillent des étudiants sur concours. À cet égard, un DEA de cinétique chimique délivré par l'université d'Orléans ne leur était manifestement pas assimilable ;
- S'il n'était pas contestable que la pratique de la POLYNÉSIE était de ne pas considérer la liste de l'annexe II comme limitative, les précédents cités par Mme Y...montraient que les intéressés étaient titulaires d'un diplôme d'ingénieur de l'Institut national des sciences appliquées de Lyon et d'un diplôme d'ingénieur de l'École nationale d'ingénieurs de Brest. La liste du 12 août 2003 des diplômes ayant ouvert droit à majoration pour diplôme produite par la POLYNÉSIE FRANÇAISE n'intégrait que des diplômes délivrés par des écoles d'ingénieurs ou des doctorats. Un DEA n'était équivalent ni à un doctorat, ni, faute de dispositions à cet égard, à un diplôme d'une école d'ingénieurs ;
- À défaut de dispositions légales ou de précédents équivalents, Mme Y...ne pouvait ainsi se voir appliquer le principe selon lequel, à conditions égales de travail et de qualification professionnelle, le salaire des agents non-fonctionnaires de l'administration devait être égal.
Pour confirmer cette décision, la cour, par arrêt en date du 13 décembre 2007, avait retenu que Sylviane Y...n'était pas titulaire de l'un des diplômes énumérés par l'annexe II 2o de la convention collective, dans une liste claire et précise dont il n'était nullement indiqué qu'elle ne serait pas exhaustive ; que cette liste n'incluait que des diplômes médicaux, paramédicaux ou délivrés par les grandes écoles qui accueillent des étudiants sur concours ; que les textes invoqués par Mme Y...ne rendaient pas son diplôme équivalent à ceux-ci ; que l'égalité de traitement prévue par l'article 16 de la convention collective était respectée, car la juridiction sociale ne saurait valider d'éventuelles pratiques administratives contraires à la réglementation, d'autant que Mme Y...ne contestait ni sa classification, ni la fixation d'un salaire conforme à celle-ci.
Sylviane Y...s'est pourvue en cassation contre cet arrêt aux motifs que :
- Le décret no 90-722 du 8 août 1990, qui fixe les conditions de recrutement des ingénieurs territoriaux, place dans une même catégorie les diplômes délivrés par les écoles d'ingénieurs, et ceux à caractère technique national reconnu et visé par l'État appartenant à la liste des diplômes de troisième cycle, ou ceux d'un niveau équivalent ou supérieur à cinq années d'études supérieures après le baccalauréat, sanctionnant une formation à caractère scientifique ou technique. La cour d'appel avait violé ces dispositions en déboutant Mme Y...de sa demande au motif que les textes de loi dont elle se prévalait ne rendaient pas son DEA équivalent aux diplômes figurant dans l'annexe II 2o de la convention collective ;
- L'article 16 de la convention collective édicte un principe d'égalité de traitement à conditions égales de travail, de qualification professionnelle et de rendement. La cour d'appel avait constaté que la pratique de la POLYNÉSIE consistait à ne pas considérer la liste de l'annexe II comme limitative, et à attribuer des primes de majoration à des agents non titulaires des diplômes figurant sur cette liste, et non titulaires d'un diplôme délivré par une école d'ingénieurs, ce qui était de nature à porter atteinte au principe d'égalité de traitement. Mais elle n'en avait pas tiré les conséquences légales.
La cassation est intervenue par arrêt en date du 20 janvier 2010, au motif d'une violation du principe « à travail égal, salaire égal », car :
- le DEA dont Mme Y...est titulaire figure, notamment aux côtés de ceux délivrés par les écoles d'ingénieurs, parmi les diplômes permettant de s'inscrire au concours de recrutement des ingénieurs territoriaux ;- la cour d'appel avait constaté qu'en pratique, la POLYNÉSIE FRANÇAISE considérait que la liste ouvrant droit à la majoration pour diplôme n'était pas limitative, et que celle-ci était versée à d'autres ingénieurs territoriaux n'ayant aucun des diplômes énumérés sur la liste de l'annexe II de la convention collective.

Dans sa requête après cassation enregistrée le 8 mars 2010, Sylviane Y...fait valoir, essentiellement, que :
- Le principe d'égalité de traitement n'a pas été respecté puisque d'autres agents non titulaires, n'ayant aucun des diplômes figurant à l'annexe II de la convention collective, qui n'est pas limitative, ont bénéficié de la prime de majoration. C'est le cas de M. B...(diplôme de l'Institut national des sciences appliquées de Lyon) et de M. C...(école nationale d'ingénieurs de Brest). Ses qualités professionnelles personnelles ont au demeurant été reconnues par sa nomination comme chef de service ;
- Le décret du 8 août 1990 modifié établit une équivalence entre les diplômes de troisième cycle et les diplômes délivrés par les écoles d'ingénieurs. Tous permettent de s'inscrire au concours de recrutement des ingénieurs territoriaux.
La POLYNÉSIE FRANÇAISE, dans ses conclusions visées le 8 septembre 2010, fait valoir, en substance, que la convention collective prévoit que la majoration pour diplôme n'est accordée que si le bénéficiaire accomplit les fonctions correspondant au diplôme de docteur ès-sciences dont il est titulaire ; que ce n'est pas le cas de Mme Y..., dont les fonctions successives (ingénieur chef de projet arboriculture fruitière, chef du département de développement de l'agriculture, attachée de direction au service de la pêche, chef du service du développement rural, gestionnaire du personnel au service du personnel et de la fonction publique, directeur de cabinet auprès du ministre de l'agriculture, attachée de direction au service de la pêche) n'ont jamais été en adéquation directe avec son diplôme en cinétique chimique.
Dans ses conclusions visées le 11 octobre 2010, Sylviane Y...réplique que ce diplôme sanctionne des études de chimie appliquée à l'agriculture, que ses connaissances ont été mises en œ uvre dans ses différentes fonctions, et que le poste de chef de service est avant tout essentiellement technique.
La POLYNÉSIE FRANÇAISE, dans ses conclusions visées le 9 décembre 2010, conteste cette appréciation, et maintient que Mme Y...occupe depuis 2000 des fonctions que tout cadre de l'administration pourrait exercer.
Il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs demandes, moyens et arguments.
MOTIFS DE LA DÉCISION,
La recevabilité de l'appel, interjeté dans les formes et délais légaux, n'est pas discutée.
Il appartient à Sylviane Y...de présenter les éléments de fait susceptibles de caractériser l'inégalité de rémunération qu'elle invoque (v.- p. ex. Soc. 20 oct. 2010 no 08-19748). Toute différence doit reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence (v.- p. ex. Soc. 1er juill. 2009 B. V no 168), étant observé que sont considérés comme ayant une valeur égale des travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse (v.- p. ex. Soc. 6 juill. 2010 no 09-40021).
Mme Y...occupe depuis le 11 décembre 2000 les fonctions d'ingénieur employé contractuellement par la POLYNÉSIE FRANÇAISE. Elle est titulaire d'un diplôme d'études approfondies de cinétique chimique appliquée.
Aux termes des dispositions de l'article 1er du décret n o 90-722 du 8 août 1990 fixant les conditions d'accès et les modalités d'organisation des concours pour le recrutement des ingénieurs territoriaux, modifié par le décret no 2004-414 du 10 mai 2004, le concours externe pour le recrutement aux postes correspondant à celui qu'occupe Mme Y...est ouvert, notamment, aux titulaires d'un diplôme délivré par l'État d'un niveau équivalent ou supérieur à cinq années d'études supérieures après le baccalauréat, en lien avec l'une des spécialités mentionnées à l'article 4, et sanctionnant une formation à caractère scientifique ou technique. Ces spécialités sont : ingénierie, gestion technique et architecture ; infrastructures et réseaux ; prévention et gestion des risques ; urbanisme, aménagement et paysages ; informatique et systèmes d'information. Chacune d'elles comprend plusieurs options, énumérées dans l'annexe II du décret.
L'emploi occupé par Mme Y...est classé en 1re catégorie, ce qui correspond, selon l'annexe I de la convention collective des agents non fonctionnaires de l'administration en Polynésie française du 10 mai 1968, à un niveau de recrutement correspondant à un diplôme d'enseignement supérieur tel que l'agrégation, un doctorat, une licence ou un titre d'ingénieur reconnu par l'État.
L'annexe II 2o de la convention collective institue une majoration de salaire égale à deux fois le SMIG mensuel au bénéfice des titulaires, soit d'un doctorat ès-sciences en médecine ou médecine vétérinaire, pharmacologie ou chirurgie dentaire, soit d'un diplôme de sortie d'une liste de 16 écoles, dont l'École Polytechnique, l'École Normale Supérieure ou l'École Nationale d'Administration.
Il n'est pas contesté que cette liste ne soit pas limitative, et que bénéficient de cette prime des agents qui ne sont ni docteurs ès-sciences, ni diplômés d'une de ces grandes écoles. Les exemples cités sont ceux de M. B...(Institut national des sciences appliquées de Lyon) et de M. C...(École nationale d'ingénieurs de Brest).

Les diplômes et titres énumérés par l'annexe II 2o de la convention collective des ANFA peuvent être comparés avec ceux qui figurent dans l'annexe I du décret no 90-722 du 8 août 1990 modifié, laquelle cite les diplômes d'ingénieur délivrés par 14 grandes écoles, ainsi que les diplômes de docteur-ingénieur dans plusieurs spécialités et de docteur urbaniste, les diplômes d'architecte, les diplômes d'ingénieur homologués selon une procédure spéciale, mais également les diplômes de troisième cycle obtenus dans une spécialité mentionnée dans l'annexe II du décret.

L'objet de l'annexe I du décret no 90-722 du 8 août 1990, qui est d'énumérer les titres permettant de concourir aux fonctions d'ingénieur en chef, est en effet similaire à celui de l'annexe II 2o de la convention collective des ANFA qui, ne prévoyant pas de classement distinct entre les ingénieurs et les ingénieurs en chef, institue en contrepartie une majoration de salaire au bénéfice des docteurs ès-sciences ou de diplômés d'un degré analogue.
Le diplôme dont est titulaire Mme Y...répond à cette surclassification, car il s'agit d'un diplôme de troisième cycle obtenu dans l'une des spécialités mentionnées à l'annexe II 3o du décret no 90-722 du 8 août 1990 modifié, à savoir : prévention et gestion des risques : sécurité et prévention des risques ; hygiène, laboratoires, qualité de l'eau ; déchets, assainissement ; sécurité du travail.
En effet, la cinétique chimique, qui est l'étude de la vitesse des réactions chimiques, est une discipline dont les applications se rencontrent dans de très nombreux domaines industriels, agricoles et environnementaux, tant en ce qui concerne les processus de fabrication que l'évaluation des risques. Par exemple, l'appréhension de la vitesse de combustion ou d'explosion des mélanges, ou celle d'agglomération ou de dégradation des matériaux, ou encore celle de formation, de transformation et d'élimination des polluants, permet de mettre en oeuvre des normes de production ou des règles de sécurité et de prévention.
Aussi Mme Y...est-elle fondée à demander le bénéfice de la prime de diplôme prévue par l'annexe II 2o de la convention collective des ANFA, en application du principe, rappelé par l'alinéa 2 de son article 16, aux termes duquel, à conditions égales de travail, de qualification professionnelle et de rendement, le salaire est égal pour tous les agents, quelles que soient leur origine, leur âge, leur sexe et leur statut.
Il échet ensuite d'examiner si Mme Y...accomplit effectivement des fonctions qui correspondent à son diplôme d'études approfondies en cinétique chimique, aucune autre condition à l'obtention de la majoration de salaire n'étant prévue par la convention collective.
Son parcours professionnel, selon le curriculum vitae qu'elle a établi et qui n'est pas contesté, est le suivant :
-11 décembre 2000 – 10 octobre 2004 : ingénieur chef de projet arboriculture fruitière (service du développement rural) : gestion de projets de développement en agriculture et transformation agroalimentaire sur l'ensemble de la Polynésie française ;
-10 octobre 2004 – 23 janvier 2006 : chef du département de développement de l'agriculture (service du développement rural) : programmation, coordination et suivi de l'exécution des actions de développement des filières végétales en Polynésie ; élaboration et suivi du budget de fonctionnement, d'investissement et des contrats de développement ; gestion du personnel ;
-23 janvier 2006 – 22 janvier 2007 : attachée de direction (service de la pêche) : coordination générale des activités administratives et techniques entre la direction, les départements et les secteurs déconcentrés ; études transversales et affaires administratives courantes de la direction du service ; gestion du personnel ;
-25 janvier 2007 – octobre 2007 : chef du service du développement rural.
Mme Y...expose que, du 25 janvier 2007 au 23 novembre 2008, elle a occupé successivement les fonctions de chef de service du développement rural, d'attachée d'administration au service du personnel, de directeur de cabinet puis à nouveau d'attachée de direction, et qu'elle a été réaffectée au service de la pêche à compter du 24 novembre 2008. Elle ne demande pas à bénéficier de la majoration de salaire pour la période du 25 janvier 2007 au 23 novembre 2008.
Pour soutenir que ses fonctions d'ingénieur correspondent à son diplôme, Mme Y...fait valoir que :
- Pour l'obtention de son DEA, elle s'est spécialisée dans l'étude des systèmes réactifs permettant la compréhension et la prévision des phénomènes naturels ou artificiels, notamment ceux liés aux pollutions de l'environnement et autres systèmes réactifs complexes. Ces connaissances sont essentielles dans le domaine de l'agriculture. Elles lui ont permis d'occuper les postes de chef du département de développement de l'agriculture, au service du développement rural, de directeur de cabinet auprès du ministre de l'agriculture et de l'élevage ;
- La chimie appliquée à l'agriculture lui a permis de travailler efficacement sur l'amélioration de la production des espèces végétales et forestières par une adaptation et une optimisation de la nutrition ; sur la détermination des besoins précis des espèces végétales et forestières grâce à des analyses minérales des sols, des plantes et des eaux de drainage, qui ont permis d'établir le bilan minéral complet propre à chaque espèce et à chaque variété, lequel sert à établir les programmes de fertilisation et d'irrigation ; sur la préconisation des engrais chimiques et organiques les mieux adaptés ; sur une définition plus précise de la fertilité des sols et des choix culturaux à faire ; sur l'amélioration de la protection des cultures et des forêts ; sur la recherche de nouvelles variétés fruitières présentant un caractère économique ; sur le contrôle de la qualité sanitaire des productions locales ; sur la mise en place d'un laboratoire d'analyses pour le contrôle et la surveillance sanitaire et phytosanitaire de la Polynésie ; sur la valorisation et la transformation des produits agroalimentaires ou non alimentaires ; sur l'amélioration des traitements des produits agricoles exportés ; sur l'évolution vers une agriculture durable respectueuse de l'environnement ;
- Dans le domaine de la pêche, ses connaissances ont été mises en œ uvre dans des travaux sur le respect des normes d'hygiène, de salubrité et de sécurité alimentaire ; sur l'étude de l'extraction de certains composés naturels intéressant la santé des consommateurs ; sur la mise en place d'un réseau de surveillance et de protection sanitaire ; sur la mise au point de techniques d'élevage aquacole ; sur l'étude de l'impact de différentes activités économiques en milieu marin ; sur la régulation des activités de production aquacole par l'impact sur l'environnement ;
- La dénomination de chef de service ou directeur de service ne saurait cacher que ces fonctions restent avant tout essentiellement techniques. Tous les responsables des services techniques de la Polynésie française sont, comme elle-même, avant tout des ingénieurs d'expérience à l'expertise pointue.
Mme Y...produit à cet égard une attestation établie le 7 octobre 2010 par le chef du service de la pêche, où elle a travaillé en 2006 et où elle est en fonctions depuis novembre 2008. Il y est relaté qu'elle est plus particulièrement en charge de la programmation et de la coordination des programmes de développement relatifs à la pêche et à l'aquaculture ; qu'il s'agit d'un « excellent ingénieur dont les savoirs et savoir-faire sont pleinement utilisés au service de la pêche, au sein d'une équipe nécessairement pluridisciplinaire, composée de cadres administratifs, mais surtout scientifiques, en raison de la complexité du développement de filières aussi vastes et techniques que la pêche et l'aquaculture ».
Il résulte de la procédure que les fonctions exercées par les salariés qui sont bénéficiaires de la majoration en cause sont aussi celles d'ingénieur : c'est le cas de MM. C...(également chef de service administratif), B...(également chef de service), aux demandes desquels le tribunal du travail avait fait droit et, aux termes d'un jugement du 7 juin 2004 (B...), de MM. D..., E..., F..., H..., I..., J..., K..., L..., M..., N..., O..., ainsi que d'un ancien cadre au port autonome de Papeete, M. G....
Pour soutenir que Mme Y...n'aurait pas exercé des fonctions correspondant à son diplôme, la POLYNÉSIE FRANÇAISE fait valoir que des postes d'attaché de direction d'un service, ou de gestionnaire de personnel sont sans rapport avec celui-ci ; que son contrat de travail ANFA a été suspendu lorsqu'elle était collaboratrice de cabinet ; qu'elle occupe depuis 2000 des fonctions que tout cadre de l'administration pourrait exercer sans avoir un diplôme spécifique de cinétique chimique.
La cour apprécie que, ce faisant, la POLYNÉSIE FRANÇAISE ne justifie pas de motifs objectifs qui permettraient de fonder une inégalité de rémunération entre Mme Y...et d'autres ingénieurs ANFA. Aucun élément, sinon une différence de diplômes, n'a été avancé pour comparer les fonctions de Mme Y...à celles de ses collègues B...et C.... Comme ces derniers, Mme Y...a exercé des fonctions de chef de service. Elle démontre par la description de ses missions, qui mettent bien en œ uvre des connaissances relevant de la discipline de la cinétique chimique appliquée, et par l'attestation précitée, que ses compétences scientifiques ont été réellement employées dans les différents postes qu'elle a occupés depuis son embauche, hors la période de suspension de son contrat de travail ANFA pour exercer au sein d'un cabinet ministériel, et celle où elle a exercé des attributions purement administratives.
Il sera par conséquent fait droit aux demandes de Sylviane Y..., et fait application en sa faveur des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française pour le montant porté dans le dispositif ci-après.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de travail et en dernier ressort ;
Vu le principe « à travail égal, salaire égal », vu la convention collective de travail des agents non-fonctionnaires de l'administration en Polynésie française du 10 mai 1968 ;
Infirme le jugement rendu le 6 novembre 2006 par le tribunal du travail de Papeete ;
Statuant à nouveau :
Dit que Sylviane Y...est titulaire d'un diplôme lui permettant de bénéficier de la prime de majoration prévue à l'annexe II 2o de la convention collective des ANFA ;
Dit que Sylviane Y...doit bénéficier de ladite majoration de diplôme depuis son recrutement, soit depuis le 11 décembre 2000, à l'exception de la période comprise entre le 25 janvier 2007 et le 23 novembre 2008 ;
Condamne la POLYNÉSIE FRANÇAISE à payer à Sylviane Y...la somme de TROIS CENT MILLE (300 000) FRANCS PACIFIQUE en application des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;
Met les dépens à la charge de la POLYNÉSIE FRANÇAISE.
Prononcé à Papeete, le 28 avril 2011.
Le Greffier, Le Président,

I. PAULO JP. SELMES


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Papeete
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/00105
Date de la décision : 28/04/2011
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.papeete;arret;2011-04-28;10.00105 ?
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